342 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. savez que l’ordre de Malte a toujours été chargé de deux espèces de service, l’un relatif à l’entretien de son institut militaire et hospitalier ; celui-là se faisait hors de France; mais il y avait un service local dont cet ordre était chargé en France : il était possesseur de fondations destinées au culte, à l’hospitalité, même à des distributions d’aumônes. Votre comité diplomatique, de concert avec vos comités de Constitution militaire, ecclésiastique, de marine et des pensions, m’a chargé de vous présenter un projet de décret tendant à faire rentrer dans les mains de l’Etat les biens de cet ordre, ci-devant possédés par les Antonins contre remboursement au grand maître de Malte des sommes qui auraient été payées par l’ordre à l’occasion de la réunion desdit biens, déduction faite toutefois au profit de la nation d’une valeur égale aux frais que celle-ci prend en charge. Voici le projet de décret : « L’Assemblée nationale, ayant entendu le rapport de ses comités diplomatique, de Constitution, militaire, ecclésiastique, de marine et des pensions, sur les demandes formées par l’ordre de Malte, suivant les mémoires et lettres adressés à Sa Majesté par le grand maître de l’ordre aux mois d’août et de septembre 1789? et communiqués à l’Assemblée nationale, ainsi qu’il résulte de plusieurs lettres des ministres du roi et notamment des 21 août, 30 novembre 1789 et 22 septembre de la présente année, décrète : Art. 1er. Le roi sera prié de faire négocier avec le grand maître de l’ordre de Malte une convention tendant à lui assurer le payement des indemnités et des deniers qu’il justifiera avoir déboursés lors de la réunion des biens des Antonins dans lesquels la nation rentre à compter de ce jour, comme aussi à déterminer le montant et fixer le mode de l’emploi des diverses sommes provenant du remboursement des rentes foncières, rachat des mouvances, prix des dîmes inféodées et autres revenus attachés à ces possessions et liquidés ou à liquider en vertu des décrets de l’Assemblée nationale, sous la déduction toutefois de la valeur des charges locales à l’acquit desquelles la nation s’est soumise, telles que frais de culte, de maladrerie et autres relatifs à des objets pieux. « Art. 2. Le roi sera également prié de faire négocier toutes les capitulations et accords nécessaires ou utiles pour perpétuer les services importants rendus à toute la chrétienté par les chevaliers hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. » Plusieurs membres : L’ajournement à la prochaine législature ! M. Lanjuinais. Je trouve surprenant que lorsque nous avons tant d’autres choses à faire, on nous propose un décret qui préjuge le principe de la non-propriété de l’ordre de Malte, et qui le préjuge pour le violer. Je crois que l’ordre de Malte ne doit pas plus conserver de propriétés que n’en ont conservé les ordres religieux supprimés, et que nous devons nous déterminer d’après l’exemple de l’Angleterre, qui, ayant supprimé l’ordre de Malte, n’a pas cru devoir lui laisser les biens dont il avait la jouissance. M. Rewbell. On vous propose une négociation à faire entre le roi et l’ordre de Malte, négociation qui sera si compliquée que je défie que le pouvoir exécutif, qui n’est pas encore trop actif, puisse la faire avant l’époque où la prochaine lé-[26 septembre 1791.] gislature aura pris un parti définitif sur la question de la propriété de cet ordre. Je demande en conséquence l’ajournement du projet de décret de M. Fréteau. (L’Assemblée, consultée, décrète l’ajournement à la prochaine législature.) M. Lebrun, au nom du comité des finances , observe qu’il se glisse quelquefois des erreurs de noms dans les contrats de rentes perpétuelles , dans les quittances de finance pour rentes viagères, ou dans les contrats desdites rentes ; et que pour remédier à ces inconvénients, il paraît convenable d’autoriser les commissaires de la trésorerie à rectifier ces erreurs. Il propose, en conséquence, le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, décrète ce qui suit : « Art. 1er. Les erreurs de noms qui se seraient glissées dans les contrats de rente perpétuelle, pourront être rectifiées en vertu d’une délibération des commissaires de la trésorerie sous leur responsabilité. « Art. 2. Les erreurs de noms qui se seraient glissées dans les quittances de finance pour rentes viagères ou dans les contrats desdites rentes, ne pourront être rectifiées qu’en vertu d’un décret du Corps législatif. » (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) M. d’André. Je trouve le principe de ce décret sage et juste ; mais je dis que, pour la rectification des erreurs prévues par l’article 2, il faut qu’il y ait une responsabilité. Je demande donc que les réformes des erreurs de noms dans les contrats ou les quittances de rentes viagères ne puissent être faites que par un décret du Corps législatif, rendu sur la proposition du ministre. M. Oaultier-Biauzat. Et moi, je demande que ce soit sur la proposition des commissaires de la trésorerie, parce qu’il y en aura plus à répondre. (L’amendement de M. Gaultier - Biauzat est adopté.) En conséquence, le projet de décret est mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les erreurs de noms qui se seraient glissées dans les contrats de rente perpétuelle, pourront être rectifiées en vertu d’une délibération des commissaires de la trésorerie, et sur leur responsabilité. Art. 2. « Les erreurs de noms qui se seraient glissées dans les quittances de finance pour rentes viagères, ou dans les contrats desdites rentes, ne pourront être rectifiées qu’en vertu d’un décret du Corps législatif, rendu sur la proposition des commissaires de la trésorerie. » (Ce décret est adopté.) M. Duport, au nom du comité de jurisprudence criminelle. Vous avez décrété, Messieurs, que les dispositions du nouveau Code pénal ne seraient [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 septembre 1791.) 343 mises à exécution qu’après l’institution du juré ; or, le juré ne sera mis en activité que le 1er janvier, c’est-à-dire dans 3 mois. Il est cependant 3 objets qui paraissent devoir être exceptés de prorogation ; ce sont l’abolition de la marque qui est une flétrissure éternelle, l’abolition de tout supplice autre que la mort simple, la voie de la cassation accordée au condamné. Il est intéressant que ces dispositions soient mises en vigueur dès à présent; je vous propose, en conséquence, le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : Art. 1er. « Dès à présent, la peine de mort ne sera plus que la simple privation de la vie. Art. 2. « La marque est abolie de ce jour. Art. 3. « L’accusé aura 3 jours pour faire sa déclaration qu’il entend se pourvoir en cassation; pendant ce temps, l’exécution sera suspendue. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. Démeunter, au nom, du comité de jurisprudence criminelle. Messieurs, pour parfaire le Gode pénal, 3 articles me paraissent nécessaires; voici le premier : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : Art. 1er. « Si des conseils ou directoires de district ou de département donnent suite à des actes annulés, soit par l’administration de département, soit par le roi, celui qui aura présidé la délibération ainsi que le procureur général syndic, ou le procureur syndic qui en aura requis ou ordonné l’exécution, encourront la peine de la dégradation civique. » (Adopté.) M. Démeunier, rapporteur. Il faut établir maintenant la même disposition à l’égard des officiers municipaux; mais nous sommes obligés de mettre dans l’article ; « celui qui aura présidé l’assemblée », parce qu’il est possible que ce ne soit pas le maire; nous devons aussi infliger la même peine au procureur de la commune qui aura ordonné l’exécution. Voici, en conséquence, l’article 2 : Art. 2. « La même peine sera prononcée contre celui qui aura présidé une assemblée d’officiers municipaux, et contre le procureur de la commune qui aura donné suite à des actes déclarés nuis. (Adopté.) M. Démeunier, rapporteur. Voici enfin l’article 3 : « Si une assemblée électorale se permet de prendre dps délibérations attentatoires à la liberté publique ou à l’autorité des pouvoirs constitués, ceux qui auront présidé la délibération ou fait les fonctions de secrétaire seront punis de la peine de la dégradation civique, sans préjudice des peines moins graves qui ont été ou qui pourront être établies contre toutes les autres délibérations prises sur des objets étrangers à l’élection. » M. Chabroud. Je crois qu’il sera très difficile au juré de dire si une délibération prise par des électeurs est attentatoire aux pouvoirs constitués. Je crois qu’il y a une nuance ici qui constitue dans tous les cas la gravité du délit et qu’il n’y a pas moyen d’excuser dans aucune circonstance les électeurs qui prennent des délibérations. Jamais, sous aucun prétexte, ils ne doivent prendre de délibération; c’est la Constitution qui l’a voulu; et par cela seul qu’ils prennent des délibérations, ils contreviennent à la Constitution. Je demande donc que la loi n’aille pas distinguer des cas qui pourraient être infinis, lorsqu’elle trouve un point fixe sur lequel elle peut s’arrêter, et que la peine proposée soit applicable à tous les cas de délibération. M. Defermon. Je ne puis pas être de l’avis du préopinant, quoique je me rappelle qu’il y a un décret qui dit que les corps électoraux ne peuvent pas délibérer; car il y a en même temps un décret qui dit que les corps électoraux sont juges des qualités des membres qui viennent à l’assemblée électorale. Si vous n’excluez pas cette espèce de délibération, je suis de votre avis pour le reste. M. Démennier, rapporteur. Ce que vient de dire M. Defermon est clairement un objet de délibération qui tient à l’élection : sur ce point-là il n’y a pas de difficulté; de même que les assemblées électorales ont en outre le droit de délibérer sur ce qui tient à leur police intérieure. Si l’Assemblée veut adopter l'observation de M. Chabroud ( Marques d'assentiment ), voici alors l’article 3 tel qu’il serait rédigé : Art. 3. « Si une assemblée électorale se permet de prendre des délibérations sur des objets étrangers aux élections ou à sa police intérieure, ceux qui auront présidé la délibération, ou fait fonctions de secrétaires, seront punis de la même peine. » (Adopté.) M. Camus, au nom des comités d'aliénation et des pensions , fait un rapport concernant les biens dépendant des fondations faites en faveur d'ordres, de corps et de corporations qui n'existent plus dans la Constitution française. Il propose à cet égard le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités d’aliénation et des pensions, décrète ce qui suit : « Art. 1er. Les biens dépendant des fondations faites en faveur d’ordres, de corps et de corpo rations qui n’existent plus dans la Constitution française, soit que lesdites fondations eussent pour objet lesdits ordres, corps ou corporations en commun, ou les individus qui pourraient en faire partie, considérés comme membres desdits ordres, corps et corporations, font partie des biens nationaux, et sont, comme tels, à la disposition de la nation. « Art. 2. Les biens dépendant desdites fondations seront en conséquence administrés et vendus comme les autres biens nationaux, nonobstant toutes clauses, même de révision, qui seraient portées aux actes de fondation. « Art. 3. L’Assemblée réserve à la législature de statuer, s’il y a lieu, sur les demandes particulières qui pourraient être faites d’après les clauses exprimées dans les actes de fondation, soit sur le revenu desdits biens, soit sur le prix qui proviendra de leur vente. « Art. 4. Et néanmoins les individus qui joui-