[Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 septembre 1189.] M. le Président a levé la séance, et a indiqué celle de demain malin, à neuf heures. ASSEMBLÉE NATIONALE, PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE STANISLAS DE CLERMONT-TONNERRE. Séance du vendredi 25 septembre 1789, au matin (1) . M. le président a rendu compte à l’Assemblée que conformément à ses ordres, il avait présenté à la sanction royale le décret relatif aux gabelles, et que Sa Majesté avait promis de répondre très-incessamment. On a fait ensuite l’annonce de diverses offres patriotiques dans l’ordre qui suit ; MM. les clercs de notaires de Paris présentent à l’Assemblée nationale une contribution volontaire de 7,437 livres, et divers effets d’or et d’argent. M. Bausereau de Ceruz, avocat à Beaune, fait hommage à l’Assemblée nationale de quatre feuillettes de ses vins de Beaune et Pommard, de 1786, au prix courant de 100 livres la feuillette, et de quatre autres de 1788, au prix courant de 150 livres la feuillette, pour le prix être employé à acquitter la dette deU Etat, ou déposé sur rautel de la patrie, Les loueurs de carrosses de la ville et faubourgs de Paris ont apporté sur le bureau de l’Assemblée nationale, pour être offerts à la nation, plusieurs ustensiles et meubles d’argent, au nombre de trente-cinq pièces, à l’usage des cérémonies attachées à leur confrérie. M. Prudhomme, officier du Roi, entraîné par l’exemple de ses concitoyens, offre, par deux quittances de rente de l’hôtel de ville , une somme de 200 livres , qu’il prie M. le président de faire agréer à l’Assemblée nationale. Un député du clergé, qui garde l’anonyme, fait un abandon général des émoluments qui lui ont été assignés comme député, et dont il n’a encore rien touché ; et ce, tant que l’Assemblée nationale aura lieu. Il a ajouté qu’il est disposé à faire tous les autres sacrifices particuliers qui seront en son pouvoir, lorsque le moment en sera arrivé, M. Barrère de Vieuzac fait à la nation l’abandon de la finance de sa charge de conseiller au sénéchal de Bigorre, évaluée en 1771 à 8,000 liv, et il a ajouté que jamais sacrifice ne lui sera plus agréable. M. d’Aude, curé de Saint-Péray, se soumet à payer Je quart de son revenu, conformément à la proposition de M. le directeur général des finances, faite hier à l’Assemblée nationale. Un particulier, domicilié à Paris, rue Saint-Denis, auvergnat, touché des malheurs de l’Etat, lui offre deux billets de la loterie d'octobre 1783, montant ensemble, v compris les lots et les intérêts échus, à 1,325 livres. Ces billets sont annexés à la lettre. On fait lecture du procès-verbal des séances du matin et du soir du 24 septembre. Il y est fait mention de la dédicace faite à l’Assemblée par M. Palissot, d’une nouvelle édition des œuvres de Voltaire, M. de Bonnal, évêque de Clermont , observ© que le clergé ne peut recevoir la dédicace des œuvres de Voltaire qui sont entachées d’impuretés. M. de Sillery répond que M. Palissot a annoncé que tout ce qui attaque la religion et les mœurs sera retranché de cet ouvrage. M. Grégoire observe qu’il ne faut pas délibérer avant qu’on sache si cette édition sera purgée ou non. M. de Juigyté, archevêque de Paris, réclame spécialement contre l’acceptation de cette édition : il adhère à la proposition de M. Grégoire, et finit par dire qu’une édition des œuvres de Voltaire, purgée de tout ce qui peut être nuisible au cœur humain, ne peut être que très-avantageuse, Un autre membre dit que l’Assemblée ne peut faire l’examen de tous les ouvrages qu'on voudra lui dédier, et qu’il ne faut par conséquent accepter aucune dédicace. M. le duc de Lévis. Les dédicaces encouragent les talents ; mais celle faite par un homme qui s’empare des ouvrages d’un homme mort, après avoir eu de très-longs démêlés avec lui, ne peut favoriser les talents ; je crois en conséquence qu’il n’y a lieu à délibérer, M, Régnault insiste fortement sur le non-délibéré, M. le Président le propose, et il est décrété qu’il n’y a lieu à délibérer-Une partie de l’Assemblée, impatiente de passer à l’ordre du jour, demande l’ajournement ; mais il est décrété qu’il n’y a lieu à l'ajournement ; enfin on finit par décréter que l’Assemblée nationale ne recevra aucune dédicace. M. Anson donne lecture du projet du décret sur les impositions, Art. 1er. Les rôles des impositions de 1789 eL des années antérieures arriérées, seront exécutés et acquittés en entier, dans le plus court délai possible, par les contribuables du royaume. Art. 2. Il sera fait dans chaque communauté un supplément des impositions ordinaires, autres que les vingtièmes, pour les six derniers mois de l’année présente, à compter du 1er avril jusqu’au 30 septembre suivant, dans lesquels seront com-Eris les noms des privilégiés qui possèdent des iens en franchise réelle ou personnelle , et leur cotisation sera faite avec les mêmes formes et dans les mêmes proportions que pour les autres contribuables, à raison de leurs biens et de leurs facultés quelconques. Art. 3. Les sommes provenant de ces rôles de supplément seront destinées à être employées dans l’année 1790, en partie pour des travaux de charité, et en partie pour servir aux moins imposés qui auront éprouvé des pertes. Art. 4. Les rôles des impositions ordinaires de 1790 seront faits dans chaque communauté en deux chapitres. Le premier comprendra les contribuables ordinaires, sauf les mutations, et le second chapitre comprendra les prévilégiés, toujours dans la même forme et la même proportion, à raison de leurs facultés. Art. 5. Le montant entier des deux chapitres sera versé dans, le Trésor public, pour subvenir aux besoins de l’État et des moins contribuables. Art. 6. Quant aux impositions respectives de (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 septembre 1789.] 483 la corvée et autres de cette nature, dont la masse totale ne peut être connue avant la confection des rôles, les privilégiés seront compris dans les mêmes rôles que les contribuables. Art. 7- Il n’y aura aucune distinction de rôle, à commencer depuis le 1er janvier 1790 , pour les vingtièmes ; les abonnements sont défendus, sous quelque prétexte que ce soit, Art. 8. L’Assemblée nationale fera connaître, dans le courant de 179Q, la foripe qu’elle aura définitivement adoptée ; en sorte qu’il n’y aura plug à l’avenir qu’un seul rôle de perception pour tous les contribuables. Après la lecture de ces articles, M. Anson développe les principes qui l’ont porté à le rédiger ainsi, M. le baron 4e ÏHontboissier. J’ai quelques qbjections à faire sur ce projet d’arrêté-Le premier article va répandre les craintes et les alarmes ; il porte que tout sera payé dans le plus court délai. Il me semble qu’il faudrait mettre les délais qrdinaires ; sans cela, on craindra sans cesse les garnisons, les saisies, etc. Sur l’article second, lorsque M, de Saint-Far-geau a fait l'hommage de six mois d’imposition d’avance, il n’entendait pas partir du mois d’ayril, mais du mois de juillet ; d’ailleurs, il importe que le peuple soit soulagé ; c’est toujours là le point où je reviendrai. L’article 4 renferme un sens équivoque qui peut donner lieu à des expressions alarmantes. Entend-on par là toute la fortune du privilégié ? Est-ce à dire, par exemple, qu’un commandant de province qui aura 100,000 livres, pu un gouverneur qui en aura autant, sera soumis, dans sa paroisse, à une contribution relative à ce revenu ?Si cela est, il faut l’expliquer. Si, en outre, les privilégiés payent la taille et la capitation, il faut annoncer que la capitation noble est cessée; car il pourrait se faire que les nobles en payassent deux. M. l’abbé Grégoire fait une observation. Il demande que les curés à portion congrue ne soient pas mis sur le rôle; cette proposition est approuvée . M. l’abbé Goulard observe qu’il reste dû 80 millions ; que les contribuables laissent arrérager l’impôt pour obtenir ensuite des remises ; qu’il convient de faire payer ces 80 millions nécessaires dans le moment présent. Sur l’article second, l’orateur observe encore qu’il n’y a pas d’inconvénient à remonter à trois mois au-dessus de la dernière année; que le clergé se portera avec gèle à ce sacrifice. Sans finances, ajoute-t-il, il n’y a pas de Constitution ; cette Constitution si désirée, qui doit nous tirer du chaos, dès qu’elle paraîtra, on fera des sacrifices. Ce que l’on dit d’un particulier, quN'Z s’enrichit quand il paye ses dettes, peut se dire de ia nation, et cette Constitution doit être faite sous le héros qui nous préside. La Constitution se fera, ou nous périrons. Mon avis serait donc de ne pas quitter la salle qu’elle ne fût achevée. 11 vaut mieux que douze cents hommes se fatiguent et épuisent leurs forces, que d’en précipiter 24 millions dans l’abîme qui se creuse sous leurs pas. M. Goulard se résume à dire qu’il adopte l’arrêté, pourvu que les pauvres contribuables soient déchargés. Il offre ensuite un capital de 2,500 livres qui fait son titre clérical, placé sur l’hôpital de Lyon, sacrifice d’autant plus flatteur à l’auteur qu’il trouve dans cet abandon l’intérêt des pauvres et celui de la nation. Ici s’est fait sentir encore, mais faiblement cependant, l’opposition dans les intérêts des provinces. M. le comte de Virieu. Je vais porter la parole au nom de tout le Dauphiné. Plus les circonstances sont difficiles, plus elles doivent avoir pour base la justice. La justice veut que les privilégiés payent ; tel est le principe ; mais il ne faut pas que l’application en devienne dangereuse. Un des préopinants (M. Anson) a dit que lorsque des privilégiés s’établissaient dans un canton, le rejet des impositions se faisait sur l’élection ou la province. Jamais on ne s’est inquiété si un privilégié était venu ou était sorti de la province, et la masse des impôts est restée toujours la même. En adoptant l’arrêté du comité des finances, vous commettrez deux injustices ’ celle de ne pas décharger les peuples trop chargés, et celle de charger du double les privilégiés. Pour remédier à cela, il faudrait un nivellement général. Dans la province que je représente, il y a eu des débats ; on a-encadastré tous les biens ; on les a estimés, et on a, sans diminuer l’impôt, soustrait les biens nobles et ecclésiastiques. Aussi le Dauphiné payerait-il à lui seul pour l’augmentation 900,000 livres, c’est-à-dire un quinzième de l’augmentation demandée par M. Neeker sur la perception rigoureuse des vingtièmes. Je demande donc que les rôles soient faits sur tous les biens sans distinction ; qu’on en fasse l’estimation et qu’on en ordonne la reversion sur toutes les provinces. C’est le moyen de parvenir à une juste proportion, et d’éviter les frais énormes d’un second rôle. M. de llacaye, membre de la noblesse du Labour x organe des députés de sa province, réclame contre l’imposition qui est réglée au huitième; il demande qu’elle soit réduite au vingtième ; ensuite que le syndic de la province, qui est un député des communes, soit autorisé à faire connaître la somme qui proviendra de cette imposition sur les privilégiés. M. de Biauzat. Notre intention n’est pas d’accorder une augmentation d'impôt ; cependant, si l’on fait un rôle additionnel, cette augmentation sera très-forte. Que faudrait-il donc faire ? 11 faudrait refondre dans le rôle tout ce que doivent payer les privilégiés; de cette manière il y aurait au moins quelque motif de consolation pour les pauvres contribuables ; de cette manière vous auriez un rôle unique, supporté par la noblesse et le clergé, avec messieurs des communes, ou plutôt les pauvres des communes. 11 n’y a pas d’intérêt à faire deux rôles, et je dis qu’il y a du danger ; pour un petit rôle, il en coûte autant que pour en faire un considérable. Je soutiens qu’il ne faut pas deux rôles; je soutiens qu’il n’eri faut qu’un, afin que nos commettants soient instruits que les privilégiés payent comme eux. Il est une difficulté que l’on objectera, c’est celle de savoir dans quelle proportion les privilégiés doivent être imposés ; cela s’éclaircira dans le travail, mais le brevet doit être le même. Vous savez qu’une déclaration de 1780 a réuni