260 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 décembre 1790.] sont que provisoirement accordées, et sans entendre nen préjuger sur les étals de frais d’armement et autres dépenses présentées par le département de la marine. (Le projet de décret présenté par le comité de la marine est mis aux voix et adopté sans discussion.) M. le Président fait lecture de trois lettres du maire de Paris, par lesquelles il annonce l'adjudication de neuf mai-ons nationales : La première située rue du B<»uloy, n° 49, louée 5,500 livres, esiimée 80,000 livres, adjugée à 110,500 livres; La seconde, située rue des Jeûneurs, n» 27, louée 1,414 livres, estimée 17,000 livres, adjugée 33,800 livres; La troisième, située rue Saint-Dominique, n° 124, louée 2,200 livres, estimée 35,980 livres, adjugée 45,200 livres ; La quatrième, située rue des Boulets, louée 140 livres, esiimée 2,000 livies, adjugée 7,100 livres; La cinquième, située rue du Bouloy, louée 1,500 livres, estimée 22,000 livres, et adjugée 31,300 livres ; La sixième rue de Vaugirard, louée 1,403 liv., estimre 17,500 livres, adjugée 28,200 livres; La septième rue du Bouloy, louée 5,000 livres, estimée 68,000 livres, adjugée 135,200 livres ; La huitième rue des Enfants-Rouges, louée 1,213 livres, estimée 17,000 livres, adjugée 31,900 livres ; Et la neuvième rue de la Fromagerie, louée 1,012 livres, estimée 17,000 livres, et adjugée 28,000 livres. M. le Président. L’Assemblée a fixé à aujourd’hui un rapport du comité de l’imposition sur les moyens de pourvoir aux dépenses publiques et à celles des départements , pour Vannée 1791 (1). M. de I�a Rochefoucauld, rapporteur, monte à la tribune. Messieurs, votre comité de l’imposition attendait, pour vous présenter le tableau complet des moyens par lesquels vous pourrez pourvoir aux besoins de l’année 1791, que vous eussiez arrêté celui des dépenses que vous ordonnerez pour le cours de celte même année qui va s’ouvrir; mais quoique l’immensité de vos travaux et les difficultés qu’ont éprouvées ceux de vos comités qui sont chargés de vous présenter la fixation des différentes parties, ne vous aient pas permis de statuer encore définitivement sur la somme totale de ces besoins, ni sur la distribution des dépenses entre le Trésor public et les départements, cette somme peut cependant être assez reconnue par approximation, pour que vous vous déterminiez sur les moyens de pourvoir à ces dépenses. Vous avez donc dû ordonner à votre comité de l’imposition de vous en soumettre le projet général, afin d’appeler l’attention de tous les membres de l’Assemblée, et de provoquer toutes les lumières sur une discussion si importante au salut public. Votre comité s’empresse de vous obéir; ef, malgré la brièveté de l’intervalle entre vos ordres et leur exécution, il tâchera de les remplir d’une manière suffisante, pour que la discussion puisse s’ouvrir, se réservant seulement à vous développer plus en détail, dans le cours de cette même (1) C® rapport est très incomplet au Moniteur. discussion, les motifs d’après lesquels il a adopté l’ensemble et les différentes parties du plan qu’il vous présente; il se bornera donc aujourd'hui à un exposé court et simple de ses vues. Et d’abord, admettant celle qui vous est proposée par votre comité des finances et par les commissaires que vous avez chargés de surveiller la caisse de l’extraordinaire, il regardera le revenu des domaines nationaux autres quo les bois, et les intérêts de la dette non constituée et de celle constituée du clergé dont vous avez décrété le 29 septembre dernier le remboursement en assignats-monnaie, comme séparés des revenus et des dépenses dont il va s’occuper. Ces deux parti-s, intimement liées l’une à l’autre, doivent se balancer réciproquement; les ventes, actuellement en activité dans tous les départements, fourniront chaque jour des moyens de remboursement qui changeront l’état de l’une et de l’autre, et rapprocheront de plus en plus leurs valeurs respectives, puisque chaque vente produira IVxlinc-tion d’une portion de dette dont l’intérêt était fort supérieur au revenu de l’objet vendu. Ainsi, quand il y aurait dans les commencements plus à payer qu’à recevoir, cette inégalité ne p ut pas être de longue durée, et la somme de capital des domaines nationaux, employée à compenser l’excédent des intérêts, ne pourra être que médiocre, puisque vous éteindrez suc-cessivement ces intérêts par de nouvelles émissions d’assignats, à mesure que les ventes vous en feront rentrer. Mais si votre comité de l’imposition croit devoir abandonner le revenu des domaines nationaux dans le tableau des ressources de 1791, il croitau contraire devoir y placer les 35 millions, montant évalué de la contribution patriotique dont il ne réclamera pas la recette directe pour le Trésor publierais bien la somme représentative : la contribution patriotique est une contribution véritable, et, quoique la destination originaire ait été pour les besoins extraordinaires, que vous l’ayez même affectée subsidiairement au payement des 400 millions d’assignats-monn aie décrétés le 17 avril sur l’hypothèque des 400 millions de biens à vendre aux municipalités, l’aliénation totale des domaines nationaux que vous avez décrétée depuis, et les mesures définitives et plus étendues que vous avez prises pour la liquidation et le remboursement de la dette, doivent faire céder aujourd’hui tout autre emploi de cette somme de 35 millions, actuellement superflue pour la liquidation, à la considération très importante de ne pas charger inutilement les peuples de 35 millions de plus pendant les deux années que cette contribution doit encore subsister. En effet, Messieurs, c’est une considération bien digne de votre attention, et votre comité ne l’a pas perdue de vue un seul instant dans le travail dont vous l’avez chargé, que l’année 1791 est celle dans le cours de laquelle il est le plus important de ménager les charges publiques. Les heureux effets de la dévolution sur l’agriculture se feront à la vérité déjà sentir pendant son cours, mais les autres branches de l’économie publique ne les éprouveront pas d’une manière aussi prompte; le commerce tant intérieur qu’extérieur a langui par les secousses salutaires, mais violentes, que l’Etat a reçues; beaucoup de fortunes ont éprouvé des altérations plus ou moins grandes; les richesses, qui venaient tournoyer et se perdre dans le gouffre de l’agiotage, n’ont pas encore pu prendre les routes nouvelles qui (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 décembre 1790.] les conduiront à des emplois plus utiles ; les inquiétudes, généralement répandues an moment de la Révolution, ne sont pas encoregénéralement dissipées; enfin des mécontentements, des haines, fruits malheureux mais indispensables d’une régénération complète, agitent encoreles âmes. Il faut aux établissements nouveaux un certain temps pour se consolider; il en faut au crédit public pour s’asseoir sur les bases solides que vous lui avez données, et pour développer toutes ses ressources ; il en faut aux citoyens pour connaître l’état de leur fortune actuelle, et bannir les craintes qui ont fait resserrer dans leurs dépenses ceux mêmes à qui la Révolution ne pouvait être qu’avantageuse, puisqu’ils payaient les abus sans en profiter. Un des meilleurs moyens d’abréger ce temps c’est de présenter aux contribuables un avantage évident dans le nouveau régime des contributions publiques: alors on verra l’agriculture se perfectionner, le commerce et l’industrie, débarrassés de leurs entraves, reprendre une activité nouvelle, et Rs richesses s’accroître dans une progression rapide, qui, augmentant la masse imposable, rendront d’année en année les charges publiques moins onéreuses, il résulte de tout cela, que vous devez adopter pour l’année prochaine toutes les mesures qui, sans compromettre l’ordre des finances, exigeront la moindre somme de contributions; et que le placement des 35 millions représentatifs de la contribution patriotique dans le tableau des ressources de 1791, et aussi pour 1792, est une disposition non seulement exempte de tout inconvénient, mais encore très utile et très salutaire. Vous avez deux sortes de dépenses : les unes devront être faites parle Trésor public, soit pour les frais généraux du gouvernement, soit po ir l’acquittement nés imérêtsde la dette; les autres seront faites dans les divers départements, et d< jà vous leur en avez renvoyé plusieurs par vos décret'. Mais il en est d’autres sur lesq telles vous n’avez pas pris de parti : ainsi, par exemple, il est incertain si les frais du culte seront dans l’une ou l’autre classe; mais ce n’est pas le moment de solliciter une décision sur ce sujet : il suffit de poser la somme au delà de laquelle la totalité des deux espèces de dépenses ne s’élèvera pas, afin d’établir sur cette base ta combinaison des moyens qui devront y fournir, sauf à faire ensuite la distribution comme vous le jugerez convenable. Votre comité de l’imposition a donc examiné les divers rapports qui vous ont été faits par celui des finances; il a conféré aussi avec plusieurs membres de ce comité, et croit, d’après ce qu’il a recueilli, devoir regarder la somme de 560 millions comme comprenant tout ce qu’il est possible de prévoir de dépenses pour 1791, et c’est pour pourvoir à cette somme qu’il vous proposera les moyens suivants (1) : 1° Par la contribution foncière , 300 millions. Il vous a déjà exposé, dans son rapport sur cette contribution, les preuves qu -, portée à cette somme, elle sera de beaucoup inférieure à la charge des terres qu’il estimait être anciennement de 314 millions au moins; mais sans y comprendre 15 millions pour l’impôt représenta-(1) Le comité des finances a déjà fait un rapport sur les dépenses publiques ; mais il nous a annoncé qu’il en préparait un plus étendu, d’après lequel l’Assemblée nationale pourra statuer sur leur fixation définitive. 261 tif de la corvée des chemins, ni les frais immenses de perception et de vexations qu’e .traînaient les dîmes, impôt territorial dans son entier, et la gabelle, le droit sur les cuirs, etc., etc., qui, sous l’apparence d’impositions indirectes, grevaient la terre bien effectivement, et sans tenir compte de 36 millions, somme à laquelle a momé, en 1790, l’imposition des privilégiés, et dont on peut bien attribuer les cinq sixièmes à l’impôt territorial. Il est donc évident que 300 millions de contribution foncière substitués à 359 sans les frais, et répartis sur de meilleures bases, ne seront point une charge trop forte : cependant il vous proposera de faire de ces 300 millions le maximum de ce qui sera payé par les contribuables,