4g4 [Assemblée nationale.] Des députés de la chambre des comptes d’Aix sont venus appuyer les réclamations déjà faites pour eux par les représentants de leur ci-devant province. Son vœu le plus authentique les a accompagnés dans toute cette discussion de la manière la plus honorable pour le tribunal dont ils sont membres, et dont la province exalte justement les services assidus et le patriotisme éprouvé. Nous avons attentivement examiné la question dans son ensemble et dans son rapport particulier avec la chambre des comptes d'Aix, et, sans abuser de vos instants pour vous retracer les détails de la discussion à laquelle nous l’avons soumise, nous nous bornerons à vous dire que le comité a reconnu que, pour des offices non sujets à l’évaluation de 1771, quelle que fût l’époque de leur création, les acquéreurs ne pouvaient être soumis qu’à une règle invariable et commune. Il s’est convaincu que, lorsque vous avez admis pour base de remboursement le dernier contrat authentique d’acquisition, quiconque vous représenterait le sien ne pourrait être renvoyé à un autre mode d’évaluation. Cette règle, appliquée au tribunal dont vous nous avez renvoyé la demande, remplira le vœu principal de ses députés, et notre position est telle que, pour leur accorder celte justice, vous n’avez aucunes dispositions nouvelles à prononcer. Il vous suffit de maintenir J’exécution de l’article 7 de votre décret, puisque vous en avez provisoirement retranché la partie qui réduisait les acquéreurs au même taux de remboursement que les premiers pourvus eux-mêmes. Mais il existe encore dans la compagnie quelques titulaires qui possèdent leurs offices depuis leur création ; ceux-là, se fondant sur leur petit nombre, sur la valeur commerciale évidente de leurs offices, désireraient être assimilés aux tiers acquéreurs des offices semblables. Mais, quelque respectables que soient les services et les titres de ceux qui réclament auprès de vous, votre comité, Messieurs, n’a pas cru pouvoir se prêter à leur prétention. D’un côté, il n’existe réellement aucune parité entre les premiers pourvus et les acquéreurs en deuxième ou troisième main. Les uns, remboursés sur le pied de leur finance primitive, ne perdront que l’occasion de gain que leur eût offerte la vente volontaire de leurs offices; les autres, qui ont de bonne foi payé leur titre plus cher que sa finance originaire, ne pourraient être réduits à cette finance sans éprouver une perte réelle. D’un autre côté, Messieurs, les choses ne sont plus entières ; la première disposition de l’article 7 a été par vous irrévocablement décrétée, et elle réduit les premiers pourvus d’un office au remboursement des sommes qu’ils ont effectivement payées ; il n’existe donc plus de prétexte à la réclamation qui vous a été soumise. S’il était possible de faire une exception à vos décrets, personne ne se présenterait avec plus de droit à l’obtenir que les magistrats anciens de la chambre des comptes d’Aix ; mais la générosité n’est qu’une vertu, et la justice est un devoir : la première est digne de chacun de vous comme citoyens; les législateurs ne peuvent connaître que la seconde, et elle nous semble dicter le décret suivant, qui réglera la question particulière par une disposition générale conforme aux principes que vous avez déjà décrétés. « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de judicature sur les réclamations des officiers de 1a chambre des comptes d’Aix, [17 novembre 1790.] décrète que l’article 7 du titre premier de son décret des 2, 6, 7 septembre dernier sera exécuté, et que, sur le surplus, il n’y a lieu à délibérer.» (Ce décret est adopté.) M. Dauchy, au nom du comité de l’imposition, commence la lecture d’une instruction sur la contribution foncière. L’Assemblée ordonne qu’elle sera imprimée avant d’être lue, et qu’il y aura, lundi au soir, une séance extraordinaire pour la discuter. ( Voy . ce document annexé à la séance de ce jour, p. 499.) M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion sur la formation du tribunal de cassation. M. Chapelier. Nous avouons notre insuffisance dans le choix du meilleur des plans qui vous ont été soumis; ou rencontre des écueils de tous les côtés. Je vais parcourir les différents projets qui vous sont présentés. Le premier est de charger chaque département de nommer un sujet; la voie du sort désignerait ensuite les trente ou quarante membres qui devraient composer le tribunal; mais le sort est, de tous les moyens, le plus mauvais pour faire un bon choix; si l’on conservait les quatre-vingt-trois élus, un tribunal aussi puissant et aussi nombreux deviendrait redoutable. Un second projet qui vous a aussi été proposé réunit à tous les inconvénients du sort d’autres vices particuliers, celui, par exemple, de prendre les hauts jurés et les juges parmi ceux des quatre-vingt-trois sujets qui ne seraient point employés au tribunal de cassation. Un autre projet est celui de M. Cba-broud ; c’est celui qui, en apparence, présente l’égalité la plus parfaite. C’est dans les tribunaux mêmes qu’il nous propose de prendre les juges du tribunal de cassation. Comment peut-on croire que des juges réformeront eux-mêmes un jugement auquel ils auront donné leurs voix 2 Quel est, dans cet amas de difficultés, le parti à prendre? Je proposerais, en portant le nombre des juges à trente-six, de tirer au sort les départements qui feront les élections la première fois, Il y a huit colonies qui doivent aussi fournir les sujets pour cette cour, savoir: Saint-Domingue, la Martinique, la Guadeloupe, l’île de France, i’île de Bourbon, Cayenne, Sainte-Lucie, Tabago, peut-être même Pondichéry. Ces colonies fourniront trois juges. Les membres du tribunal de cassation seront élus pour six ans et pourront être réélus. M. Barnave. Je demande le renvoi au comité colonial de ce qui est relatif aux colonies dans le projet du comité. J’ajouterai que le nombre des membres de la cour de cassation ne doit pas être décrété constitutionnellement; car quoique nous ayons déclaré que nous renonçons a toute conquête, nous ne nous sommes pas pour cela engagés à rejeter les peuples qui se réuniraient librement à nous, à ne pas faire de conquête en cas que l’on vînt nous attaquer. , (L’Assemblée adopte la proposition de M. Barnave.) M. Prugnon. Le meilleur de tous les plans, selon moi, est celui qui admet un juge par département. Je ne suis pas de l’avis de ceux qui veulent les faire jouer aux dés pour savoir lequel nommera le premier. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 novembre 1790. j 48® Je n’entends pas bien non plus comment on peut proposer de leur faire nommer d’abord chacun un sujet, puis de choisir ensuite ceux qui devraient composer le tribunal ; c’est comme si l’on faisait entrer un aveugle dans le salon, et qu’on lui dit de choisir le meilleur tableau. Le nombre quatre-vingt-trois ne me paraît pas plus redoutable que le nombre quarante, surtout lorsqu’il leur faudra venir tous les six mois rendre compte à la barre de tous les jugements. M. Chabroud. Dans le plan que je vous ai soumis j’ai eu principalement en vue d’éviter au peuple les assemblées fréquentes ; elles le fatiguent et le dégoûtent. Je crains que le tribunal proposé par le comité ne rivalise avec la législature. Le membre de chaque département que la nomination du peuple aurait investi de tout ce qui a rapport au pouvoir judiciaire pourrait avoir la tentation de croire qu’il représente son département. Je demanderais donc que l’on divisât le royaume en trois parties. M. d’André. La discussion va se prolonger, et l’Assemblée ne statuera sur rien. Je demande que l’on mette aux voix la question de priorité sur les trois plans qui vous sont présentés, et que celui de M. Chabroud soit sur-le-champ écarté par la question préalable. Il donne à des délégués le pouvoir de déléguer. Il prétend que les juges de districts sont investis de tout ce qui a rapport au pouvoir judiciaire; d’après ce principe, les administrateurs de districts seraient investis de tout ce qui a rapport aux administrations. (Le plan présenté par M. Chabroud est rejeté par la question préalable.) M. Prieur. Je demande que l’on réduise la question à ces termes simples : Chaque département fournira-t-il un membre pour la cour de cassation, oui ou non ? M. Legrand. Je demande quatre-vingt-six juges, dont quarante-trois seront en exercice. M. Rewbell. Je pense que les juges doivent être élus tous les huit ans, et que le tribunal doit être renouvelé par moitié tous les quatre ans. (La discussion est fermée.) Sur la proposition faite par M. Duport, l’Assemblée nationale décrète que le nombre des membres du tribunal de cassation sera égal à la moitié des départements. M. Le Chapelier. Votre comité vous propose actuellement de décider si les quatre-vingt-trois départements concourront à la fois à la nomination des membres de la cour de cassation, ou s’ils y procéderont successivement de six en six ans, par moitié ou par tiers. M. de llontlosier. J’applaudis au décret de l’Assemblée ; il y aurait eu du danger à admettre autant de membres pour la cour de cassation qu’il y a de départements ; mais comme chacun d’eux a un droit égal à la formation de ce tribunal, si vous ne les faites tous concourir à la formation, vous ferez une injustice. 11 y a d’ailleurs une multiplicité de lois locales ; il est nécessaire qu’il y ait dans le tribunal de cassation des membres qui puissent résoudre les difficultés qui naîtront des localités. M. Prieur. Je demande que la section du comité de Constitution, ch irgée de la division du royaume, nous présente incessamment deux plans, dont chacun réunisse l’avantage de contenir un nombre proportionnel de départements, tant de ceux régis par le droit coutumier que de ceux régis par le droit civil, afin qu’autant que faire se pourra tous les points concourent à la formation de ce tribunal. M. Le Chapelier. La proposition de M. Prieur porte sur une erreur que nous devons bannir de nos délibérations; elle conduit à faire peiser que chaque sujet d’un département est particuliérement nommé pour le représenter. Quant à la diversité des lois, c’est une objection de nulle valeur. De quoi s’agit-il, en effet? de comparer l’arrêt rendu avec la loi; et si cette considération pouvait influer sur nos délibérations, il faudrait admettre dans le tribunal de cassation autant de membres qu’il y a de coutumes différentes. (L’Assemblée décrète que la moitié des départements qui élira en premier lieu les membres du tribunal de cassation sera déterminée, par le sort, dans une séance de l’Assemblée nationale.) M. de Menou, au nom du comité d'aliénation , propose à l’Assemblée, qui l’adopte, le décret suivant portant ventes de domaines nationaux à la municipalité d'Angers : « L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l’aliénation des domaines nationaux, de la soumission de la municipalité de la ville d’Angers, faite le 27 mars 1790, en exécution de la délibération de la commune de cette ville, du même jour, pour, et en conséquence du décret des 17 mars et 14 mai derniers, acquérir entre autres domaines nationaux, ceux dont l’état est ci-annexé, ensemble des estimations faites desdits biens le 30 septembre dernier et jours suivants, en conformité de l’instruction décrétée le 31 mai dernier, déclare vendre à la municipalité d’Angers, sise district du même lieu, département de Maine-et-Loire, les biens compris dans l'étal ci-annexé, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai dernier, et pour le prix de 601,201 livrets, ainsi qu’il est porté par les procès-verbaux d’estimation et payables de la manière déterminée par le même décret. » M. le Président donne lecture d’une lettre de M. Duportail, ministre delà guerre. L’Assemblée ordonne qu’elle sera imprimée dans son procès-verbal ainsi qu’il suit : « Monsieur le Président, « Le roi ayant daigné me confier le département de la guerre, mon premier soin est de porter mes hommages aux représentants de la nation, eu vous priant, Monsieur, de vouloir bien être mon interprète auprès de ce corps auguste. La crainte que l’emploi auquel j’étais appelé ne fût au-dessus de mes forces, m’a fait, je l’avoue, balancer à l’accepter; mais comment résister au désir de prendre une part active à une Révolution qui sera l’époque la plus mémorable de l’histoire, je ne dis pas seulement de la France, mais du monde entier? J’ai, d’ailleurs, considéré que les grandes difficultés étaient pour les législateurs qui ont à combiner, dans leur sagesse, l’ensemble des lois qu’ils donnent à l’Empire; que ma lâche se bornait à assurer par tous les efforts de mou zèle leur exécution, et à réduire ainsi eu pratique leur sublime théorie. Voilà la