386 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Cette loi ne peut s’appliquer à Bernard Cou-bert, puisqu’il est parti le 7 juillet, c’est-à-dire antérieurement à la loi du 28. Celle du 28 mars 1793 porte, section III, art. VI, § III : « Que tout Français qui s’est absenté du lieu de son domicile, et qui ne justifiera pas d’une résidence sans interruption en France depuis le 9 mai 1792 est émigré ». Mais le § IV porte aussi : « Sont émigrés ceux qui sortiront du territoire de la République sans avoir rempli les formalités prescrites par la loi ». Bernard Coubert ne peut justifier d’une résidence sans interruption en France depuis le 9 mai 1792, conformément au § III, mais n’est-il pas fondé à dire : « J’ai rempli, conformément au § IV de cette même loi, les formalités que me prescrivait la loi du 28 mars 1792 : j’ai obtenu un passeport au mois de juin, je suis parti sous la sauvegarde de la loi ». C’est sur ce fondement sans doute que le département de Paris a prononcé la mainlevée du séquestre. Il n’existe aucune loi qui décide d’une manière précise cette question importante. Cependant beaucoup d’émigrés pourraient se soustraire aux peines justement prononcées contre eux par toutes les lois sur les émigrés, si l’on admettait qu’un particulier sorti du territoire français dans l’intervalle du 28 mars 1792, date de la loi qui permet d’accorder des passeports pour aller dans l’étranger, au 29 juillet, date de celle qui interdit cette faculté, pût dire en rentrant : « Je ne peux pas être réputé émigré, car je suis parti à une époque où la loi me le permettait, et j’ai rempli les formalités qu’elle me prescrivait. Une réflexion importante se présente cependant. Ni la loi du 28 mars 1792, ni celle du 28 mars 1793, n’ont mis les maladies au nombre des causes qui peuvent autoriser les citoyens à sortir de la République, par conséquent le besoin de prendre les eaux pour une cause de santé ne peut justifier une longue absence; d’où l’on pourrait conclure que le département de Paris a contrevenu aux dispositions de la loi du 28 mars en admettant comme excuse légitime le passeport par lui obtenu pour aller prendre les eaux. Le conseil exécutif provisoire l’a ainsi jugé suivant la proclamation par lui faite, le 9 septembre 1792, relativement à la famille d’Harcourt, qui était sortie du royaume en 1790 pour aller à Aix-la-Chapelle, et qui obtint, le 7 août 1792, un arrêté du département de Paris, qui fut cassé par cette proclamation, et qui ordonna à l’égard de la famille d’Harcourt que les lois des 12 février et 8 avril seraient exécutées. Cette réflexion acquiert plus de force encore quand on considère que Bernard Coubert et sa femme n’ont pas reparu depuis le mois de juillet 1792 qu’ils sont partis, d’où l’on peut avec raison conclure qu’ils sont émigrés de fait et d’intention (1) . [Sur la proposition de LECOINTRE] la Convention nationale décrète ce qui suit : « La Convention nationale décrète le renvoi de la pétition des habitans de Guignes-Libre; (1) Mon., XX, 494. relativement à Bernard et sa femme, réputés émigrés, au Comité de législation et commission des émigrés, réunis, pour en faire un rapport dans le courant de la décade prochaine, eu égard à l’urgence, les biens immeubles et meubles en question étant dans un état de dépérissement » (1) . 61 Au nom du Comité de législation, un autre membre [BEZARD] fait rendre le décret suivant : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité de législation sur la pétition du citoyen Rixain, cultivateur à Villemont, district de Clermont, qui réclame contre un jugement du tribunal de police correctionnelle du canton hors la commune d’ Aigue-Perse, du 21 pluviôse dernier, par lequel ce tribunal a prononcé la confiscation des bleds, tant en paille qu’en grains, appartenans au pétitionnaire, ou qui lui sont dus par ses sous-fermiers, au profit de la commune de Saint-Julien de Venssat, distraction faite de ce qui sera nécessaire pour la consommation de sa maison et l’ensemencement de ses terres, aux dépens, impression et affiche du jugement : « Considérant, 1°) qu’il résulte du procès-verbal fait dans la commune de Venssat par les commissaires de l’administration du district de Clermont, que la municipalité dudit Venssat, loin de se conformer à l’article XX de la loi du 29 septembre, qui lui prescrit de déférer, sans délai, aux réquisitions des directoires de dépar-temens et de districts, a déclaré, par l’organe du nommé Clément, ci-devant curé et notable, qu’elle ne croyoit pas devoir satisfaire à la réquisition du 24 brumaire, attendu qu’il y en avoit de postérieure et que s’il restoit du grain, elle ne demandoit pas mieux de les toutes remplir; « 2°) Que des dépositions de divers citoyens, consignées au même procès-verbal, il résulte aussi que le pétitionnaire ne s’est refusé aux réquisitions multipliées de la municipalité, que parce qu’elles étoient trop fortes; qu’il a offert d’en donner une mine à chacun, sauf à revenir quand il seroit nécessaire, et qu’en cela, il ne pouvoit encourir la peine de la confiscation, puisque l’article XI de la deuxième section de la loi citée, veut que les manouvriers habitans des campagnes où il n’y a point de marchés puissent s’approvisionner chez les cultivateurs, pour un mois au plus, et que ces réquisitions particulières, émanées de la municipalité, l’em-pêchoient de satisfaire à celle de 400 quintaux pour Clermont : « Déclare nul le jugement du 21 pluviôse dont il s’agit, et ordonne que les bleds, grains et paille confisqués seront restitués, sans délai, au pétitionnaire, sous la responsabilité solidaire du membre de la municipalité de Venssat et du nommé Clément, ex-curé, ainsi que toutes les autres condamnations portées en ce jugement, dépens, frais d’affiche et impression. (1) P.V., XXXVII, 258. Minute de la main de Le-cointre (C 301, pl. 1074, p. 9). Décret n° 9184. Mentions dans C. Eg., n° 637; J. Mont., n° 21. 386 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Cette loi ne peut s’appliquer à Bernard Cou-bert, puisqu’il est parti le 7 juillet, c’est-à-dire antérieurement à la loi du 28. Celle du 28 mars 1793 porte, section III, art. VI, § III : « Que tout Français qui s’est absenté du lieu de son domicile, et qui ne justifiera pas d’une résidence sans interruption en France depuis le 9 mai 1792 est émigré ». Mais le § IV porte aussi : « Sont émigrés ceux qui sortiront du territoire de la République sans avoir rempli les formalités prescrites par la loi ». Bernard Coubert ne peut justifier d’une résidence sans interruption en France depuis le 9 mai 1792, conformément au § III, mais n’est-il pas fondé à dire : « J’ai rempli, conformément au § IV de cette même loi, les formalités que me prescrivait la loi du 28 mars 1792 : j’ai obtenu un passeport au mois de juin, je suis parti sous la sauvegarde de la loi ». C’est sur ce fondement sans doute que le département de Paris a prononcé la mainlevée du séquestre. Il n’existe aucune loi qui décide d’une manière précise cette question importante. Cependant beaucoup d’émigrés pourraient se soustraire aux peines justement prononcées contre eux par toutes les lois sur les émigrés, si l’on admettait qu’un particulier sorti du territoire français dans l’intervalle du 28 mars 1792, date de la loi qui permet d’accorder des passeports pour aller dans l’étranger, au 29 juillet, date de celle qui interdit cette faculté, pût dire en rentrant : « Je ne peux pas être réputé émigré, car je suis parti à une époque où la loi me le permettait, et j’ai rempli les formalités qu’elle me prescrivait. Une réflexion importante se présente cependant. Ni la loi du 28 mars 1792, ni celle du 28 mars 1793, n’ont mis les maladies au nombre des causes qui peuvent autoriser les citoyens à sortir de la République, par conséquent le besoin de prendre les eaux pour une cause de santé ne peut justifier une longue absence; d’où l’on pourrait conclure que le département de Paris a contrevenu aux dispositions de la loi du 28 mars en admettant comme excuse légitime le passeport par lui obtenu pour aller prendre les eaux. Le conseil exécutif provisoire l’a ainsi jugé suivant la proclamation par lui faite, le 9 septembre 1792, relativement à la famille d’Harcourt, qui était sortie du royaume en 1790 pour aller à Aix-la-Chapelle, et qui obtint, le 7 août 1792, un arrêté du département de Paris, qui fut cassé par cette proclamation, et qui ordonna à l’égard de la famille d’Harcourt que les lois des 12 février et 8 avril seraient exécutées. Cette réflexion acquiert plus de force encore quand on considère que Bernard Coubert et sa femme n’ont pas reparu depuis le mois de juillet 1792 qu’ils sont partis, d’où l’on peut avec raison conclure qu’ils sont émigrés de fait et d’intention (1) . [Sur la proposition de LECOINTRE] la Convention nationale décrète ce qui suit : « La Convention nationale décrète le renvoi de la pétition des habitans de Guignes-Libre; (1) Mon., XX, 494. relativement à Bernard et sa femme, réputés émigrés, au Comité de législation et commission des émigrés, réunis, pour en faire un rapport dans le courant de la décade prochaine, eu égard à l’urgence, les biens immeubles et meubles en question étant dans un état de dépérissement » (1) . 61 Au nom du Comité de législation, un autre membre [BEZARD] fait rendre le décret suivant : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité de législation sur la pétition du citoyen Rixain, cultivateur à Villemont, district de Clermont, qui réclame contre un jugement du tribunal de police correctionnelle du canton hors la commune d’ Aigue-Perse, du 21 pluviôse dernier, par lequel ce tribunal a prononcé la confiscation des bleds, tant en paille qu’en grains, appartenans au pétitionnaire, ou qui lui sont dus par ses sous-fermiers, au profit de la commune de Saint-Julien de Venssat, distraction faite de ce qui sera nécessaire pour la consommation de sa maison et l’ensemencement de ses terres, aux dépens, impression et affiche du jugement : « Considérant, 1°) qu’il résulte du procès-verbal fait dans la commune de Venssat par les commissaires de l’administration du district de Clermont, que la municipalité dudit Venssat, loin de se conformer à l’article XX de la loi du 29 septembre, qui lui prescrit de déférer, sans délai, aux réquisitions des directoires de dépar-temens et de districts, a déclaré, par l’organe du nommé Clément, ci-devant curé et notable, qu’elle ne croyoit pas devoir satisfaire à la réquisition du 24 brumaire, attendu qu’il y en avoit de postérieure et que s’il restoit du grain, elle ne demandoit pas mieux de les toutes remplir; « 2°) Que des dépositions de divers citoyens, consignées au même procès-verbal, il résulte aussi que le pétitionnaire ne s’est refusé aux réquisitions multipliées de la municipalité, que parce qu’elles étoient trop fortes; qu’il a offert d’en donner une mine à chacun, sauf à revenir quand il seroit nécessaire, et qu’en cela, il ne pouvoit encourir la peine de la confiscation, puisque l’article XI de la deuxième section de la loi citée, veut que les manouvriers habitans des campagnes où il n’y a point de marchés puissent s’approvisionner chez les cultivateurs, pour un mois au plus, et que ces réquisitions particulières, émanées de la municipalité, l’em-pêchoient de satisfaire à celle de 400 quintaux pour Clermont : « Déclare nul le jugement du 21 pluviôse dont il s’agit, et ordonne que les bleds, grains et paille confisqués seront restitués, sans délai, au pétitionnaire, sous la responsabilité solidaire du membre de la municipalité de Venssat et du nommé Clément, ex-curé, ainsi que toutes les autres condamnations portées en ce jugement, dépens, frais d’affiche et impression. (1) P.V., XXXVII, 258. Minute de la main de Le-cointre (C 301, pl. 1074, p. 9). Décret n° 9184. Mentions dans C. Eg., n° 637; J. Mont., n° 21.