464 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 août 1791.) « Après l’accusation admise, le fait sera reconnu et déclaré par des jurés. « L’accusé aura la faculté d’en récuser qu’à 20. « Les iurés qui déclareront le fait ne pourront être au-dessous de 12. « L’application de la loi sera faite par des juges. « L’instruction sera publique. « Tout homme acquitté par un juré légal ne peut plus être repris ni accusé à raison du même fait. » C’est à cet article que peut être placé l’amendement de M. Buzot relatif à l’accusateur public; on peut dire : « L’accusateur public sera nommé par le peuple. » ( Assentiment .) M. Defermon. Je ferai une observation relativement aux récusations. J’aurais désiré que dans une disposition constitutionnelle vous ne vous fussiez pas expliqués par des expressions numériques; que vous eussiez dit : « il aura le droit d’en récuser le tiers, le quart, la moitié. » Car lorsque vous dites : « l’accusé aura la faculté d’en récuser jusqu’à 20, » vous ne déterminez pas précisément le nombre, et quand vous le déterminerez, vous ne pouvez pas iuterdire au Corps législatif de fixer le nombre d’une manière plus ou moins étendue. M. C’est ici que doit se placer le droit de faire grâce; car, certainement, si l’article que vous avez décrété est adopté dans la Constitution, il faudra ajouter ici quelques autres articles. Pour moi, je pense toujours que cet article doit être placé ici tel que vous l’avez décrété. Sans entrer d’abord dans la question de fond, je me bornerai à une simple observation. On prétend que si l’on ôte aux jurés le droit qu’on leur a accordé de déclarer que cet homme est excusable, alors il faut donner au roi le droit de faire grâce ; car il est des cas où il faut tempérer la justice par l’équité. Hé bien, Messieurs, il est évident que vous laissez aux législatures le droit d’accorder au roi un plus grand pouvoir qu’il n’avait auparavant. 11 est clair que vous donnez aux législatures le droit de faire un article constitutionnel, droit que vous ne pouvez pas leur accorder. Et, en effet, on sent combien ce droit, dans les mains du roi, combien il lui serait précieux à lui-même, s’il lui était accordé par une législature, il lui donnerait non seulement le droit de se faire des créatures, mais encore on verrait bientôt, comme par le passé, ce droit-là devenir, dans les mains du pouvoir exécutif et des ministres, une source d’injustice et de corruption : alors vous augmentez nécessairement l’influence du pouvoir exécutif, et alors il est impossible de mettre cet article à l’écart. Il faut absolument trancher la question dans la Constitution elle-même ; ainsi si l’Assemblée, ce que je ne crois pas, veut accorder ce droit au pouvoir exécutif, il faudrait le faire dès à présent; si, au contraire, vous tenez à ce que vous avez décrété, il faut l’insérer ici. Je demande donc que cet article qui abolit l’usage des lettres de grâce et autres, soit rétabli; et alors il est nécessaire de rétablir les 2 ou 3 articles qui sont dans votre jury, par lesquels il est dit que dans certaines circonstances le juré déclarant que l’accusé est coupable, quelquefois il pourra le déclarer excusable. M. Dcmeunier, rapporteur. 11 s’agit de savoir si l’Assemblée veut entendre discuter dans ce moment la question du droit de grâce, et si 1rs articles que nous vous présentons préjugent cette question qui a été renvoyée aux comités , certainement, ils ne la préjugent pas. Ainsi, me référant à ce que j’ai dit ce matin, je demande que M. Buzot vienne ce soir aux comités. ( Assentiment .) M. Rœderer. L’ajournement du droit de faire grâce ! Plusieurs membres : Il est de droit. Un membre propose d’ajouter au paragraphe qui porte que l’accusé aura la faculté de récuser jusqu’à 20 jurés les mots suivants : « sans donner de motif. » (Cet amendement est adopté.) L’article est, en conséquence, mis aux voix avec les amendements dans les termes suivants : Art 8. « En matière criminelle, nul citoyen ne peut être jugé que sur une accusation reçue par des jurés, ou décrétée par le Corps législatif, dans le cas où il lui appartient de poursuivre l'accusation. « L’accusateur public sera nommé parle peuple. « Après l’accusation admise, le fait sera reconnu et déclaré par des jurés. « L’accusé aura la faculté d’en récuser jusqu’à 20, sans donner de motif. « Les jurés qui déclareront le fait, ne pourront être au-dessous de 12. « L’application de la loi sera faite par des juges. « L’instruction sera publique. « Tout homme acquitté par un juré légal ne peut plus être repris ni accusé à raison du même fait. » (Adopté.) Art. 9. « Il y aura pour tout le royaume un seul tribunal de cassation, établi auprès du Corps législatif. Il aura pour fonctions de prononcer : « Sur les demandes en cassation contre les jugements rendus en dernier ressort par les tribunaux ; « Sur les demandes en renvoi d’un tribunal à un autre, pour cause de suspicion légitime; « Sur les règlements de juges et les prises à partie contre un tribunal entier. » M. Martin. Je demande la suppression clans le 1er paragraphe de ces mots : « établi auprès du Corps législatif. » Il n’y a aucune raison de dire constitutionnellement que le tribunal de cassation sera établi auprès du Corps législatif; l’un ou l’autre peut changer le lieu de ses séances. M. Guillaume. Il est extrêmement favorable à l’innocence accusée de voir compléter la compétence du tribunal dont vous vous occupez en ce moment, eu décidant que le tribunal de cassation sera chargé de la révision des jugements criminels. Je demande qu’il plaise à l’Assemblée de renvoyer cette observation au comité de Constitution pour en être fait le rapport incessamment. M. Démennier, rapporteur. J’adopte le renvoi. En ce qui concerne l’amendement de M. Martin, si ou désire le mettre aux voix (Il n'est pas [Assemblée nationaie.J ARCHIVAS PARLEMENTAIRES. [16 août 1791.J 465 appuyé!), j’observerai que son auteur n'a pa~ vu le grand avantage qu’il y a à conserver dans l’a cto constitution i-el la disposition qui vous est proposée et qui tend à fixer le siège du tribunal de cassation auprès du Corps législatif. Tout d’abord, elle a été décrétée per l’Assemblée ; d’un autre côté, elle est rendue nécessaire par l’obligation que vous avez imposée aux membres du tribunal de casation de se présenter au commencement de chaque session à la barre du Corps législatif. 11 est .d’ailleurs d’autres raisons beau-cou » plus importantes que l’on a oubliées, dont l’une entre autres est que, lorsqu’un jugement a été ca sé à 2 reprises différentes et qu’il est attaqué pour la 3e fois pour les mêmes motifs, le tribunal de cassation doit en instruire le Cor s législatif qui rend une loi déclaratoire, laquelle loi oblige les membres du tribunal à pro oneer conformément à la loi. Plusieurs membres : Aux voix, l’article ! (L’Assemblée, consultée, décrète l’article 9, sans changement, et renvoie la motion de M. Guillaume aux comités.) M. Démeunier, rapporteur , donne lecture de l’article 10, ainsi conçu : Art. 10. « Le tribunal de cassation ne pourra jamais connaître du fond des affaires; mais après avoir cassé le jugement qui aura été rendu sur une procédure dans laquelle les formes auront été violées, ou qui contiendra une contravention expresse à la loi, il renverra le fond du procès au tribunal qui doit en connaître. » M. Chabroud. Je crois que, pour être exact, il faudrait dire:« En matière de cassation, le tribunal de cassation ne pourra jamais connaître, etc. » M. Démeimier, rapporteur. Cette remarque est très juste: voici l’article modifié : Art. 10. « En matière de cassation, le tribunal de cassation ne pourra jamais connaître du fond des affaires; mais, après avoir cassé le jugement qui aura été rendu sur une procédure dans laquelle les formes auront été violées, ou qui contiendra une contravention expresse à la loi, il renverra le fond du procès au tribunal qui doit en conuaîire. (Adopté.) Art. 11. « Lorsque après deux cassations, le jugement du troisième tribunal aura été attaqué parles mêmes moyens que les deux premiers, la question ne pourra plus être agitée au tribunal de cassation sans avoir été soumise au Corps législatif, qui portera un décret déclaratoire de la lui, auquel le tribunal de cassation sera tenu de se conformer. -> (Adopté.) Art. 12. « Chaque année le tribunal de cassation sera tenu d’envoyer à la barre du Corps législatif une députation de 8 de ses membres, qui lui présenteront l’état des jugements rendus, à côté de chacun desquels seront la notice abrégée de l’affaire et le texte de la loi qui aura déterminé la décision. » (Adopté.) M. Démeimier, rapporteur, donne lecture de l’article 13, ainsi conçu : 1" Série. T. XXIX. Art. 13. « Une haute cour nationale, formée de membres du tribunal de cassation et de hauts jurés, connaîtra des délits des ministres et agents principaux du pouvoir exécutif, et des crimes qui attaqueront la sûreté générale de l’Etat, lorsque le Corps législatif aura rendu un décret d’accusation. « Elle ne se rassemblera que sur la proclamation du Corps législatif. » M. Guillaume. Quand vous avez décrété qu’il y aurait une haute cour nationale pour connaître des crimes de lèse-nation, vous avez cru de votre prudence d’éloigner cette cour du lieu des séances du Corps législatif et de fixer à 15 lieues au moins cette distance. Je demande le rétablissement de cette disposition à la tin de l’article. M. Démeunier, rapporteur. Les comités consentent. Voici l’article avec l’addition : Art. 13. « Une haute cour nationale, formée de membres du tribunal d : cassation et de hauts jurés, connaîtra des délits des ministres et des agents principaux du pouvoir exécutif, et des crimes qui attaqueront la sûreté générale de l’Etat, lorsque le Corps législatif aura rendu un décret d’accusation. « Elle oe se rassemblera que sur la proclamation du Corps législatif, et à une distance de 15 lieues au moins du lieu où la législature tiendra ses séances. » (Adopté.) Art. 14. « Les fonctions des commissaires du roi auprès des tribunaux seront de requérir l’observation des lois dans les jugements à rendre, et de faire exécuter les jugements rendus. « Ils ne seront point accusateurs publics, mais ils seront entendus sur toutes les accusations, et requerront pendant le cours de l’instruction pour la régularité des formes, et avant le jugement pour l’application de la loi. » (Adopté.) M. Démeunier, rapporteur. Avant de lire l’articm 15, je vais vous expliquer les motifs des comités. Vous vous rappelez les fonctions que vous avez attribuées aux commissaires du roi près des tribunaux; mais il peut y avoir, en matière criminelle, des occasions importantes pour la sûreté de Ja tranguillité publique, où un homme soit chargé d’office de passer devant le directeur du juré sans aller devant un juge de paix, lorsque, par exemple, on aurait commis un attentat contre la liberté individuelle des citoyens, contre la libre circulation des subsistances. Il nous a paru absolument nécessaire, non seulement pour le maintien de la paix publique et l’activité du gouvernement, mais pour le bon ordre social et pour l’administration de ia justice, que les commissaires du roi, auprès des tribunaux, puissent présenter leur dénonciation devant le juré afin qu’il puisse saisir les tribunaux criminels sur les attentats contraires à l’ordre public. C’est là la matière de l’article 15. J’ajuute que le paragraphe 3 regarde des objets qui ont été dénoncés. Nous avons vu des citoyens individuellement, des municipalités arrêter des convois militaires, arrêter la marche des troupes, c’est-à-dire porter obstacle à des ordres donnés par le pouvoir exécutif dans l’exercice de ses fonctions. C’est uniquement sur ce 30