342 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 juillet 1790.1 tent à cet égard : il se propose de vous faire incessamment un rapport sur cet objet. Voici, en atiendant, le projet de décret qu’il a l’honneur de vous présenter : Projet de décret. L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité des finances, a décrété ce qui suit : 1° A compter du 10 août prochain, les assignats crées par les décrets des 19 et 21 décembie 1789, 16 et 17 avril, et premier juin 1790, seront échangés par le trésorier de l’extraordinaire, contre les billets de la caisse d’escompte, ou promesses d’assignats, qui seront présentés à cet effet par le public, jusqu'à concurrence des sommes qui lui seront dues par la nation, pour le montant des billets ou promesses d’assignats qu’elle aura remis au Trésor public, en vertu des décrets de l’Assemblée nationale; 2° Il ne sera délivré et échangé que dix mille assignats par jour, de 1,000 livres, de 300 livres et 200 livres indistinctement; il sera pris les dispositions nécessaires pour éviter la confusion et le désordre que pourrait occasionner l’empressement de ceux qui demanderont successivement l’échange de leurs billets; 3° Pour ne point interrompre ces échanges, et être assuré que le service du public sera rempli sans interruption, les sommes qui devront être fournies au Trésor public continueront à lui être délivrées, sur l’autorisation qui en sera donnée successivement par l’Assemblée nationale, en billets de caisse, servant de promesses d’assignats, jusqu’à la concurrence de la somme de 95 millions, laquelle, avec la somme de 170 millions précédemment versée par la caisse d’escompte, conformément aux décrets des 19 et 21 décembre, et celle de 135 millions qui a été successivement fournie par ladite caisse, en conformité des décrets des 17 avril, 11 mai, 1er, 19 juin et 4 juillet, complétera celle de 400 millions, montant total des assignats qui ont été destinés au service des années 1789 et 1790, et qui, par les échanges qui en sont ordonnés à la caisse de l’extraordinaire contre les billets de caisse ou promesses d'assignats, fournis en exécution des décrets de l’Assemblée nationale, éteindront en totalité les dettes de la nation envers la caisse d’escompte. M. Camus. Il y a un fait sur lequel je demande un éclaircissement. M. le premier ministre des finances a dit lui-même que le service de l’année se ferait sur les 400 millions, et qu’il y aurait encore 11 millions de reste. M. Le Couteulx. Le premier ministre des finances doit incessamment vous adresser un mémoire, dont la lecture a été faite au comité des douze. Il reprend tous les articles de l’aperçu, pour résultat duquel il vous avait annoncé onze millions de reste; il représente, à chacun des articles, les diminutions de recette, qu’il n’avait pu prévoir, et les augmentations de dépenses occasionnées par vos décrets. Les 95 millions qui restent sur les assignats fourniront au service pour les deux ou trois mois suivants. M. Camu». Cette explication me paraît très affligeante; sur quoi vivrons-nous les trois derniers mois de l’année ? 11 est indispensable de chercher à savoir pourquoi l’on dépense ainsi. Vous verrez, dans le compte que vient de donner M. Necker, 220 millions d’anticipations : je vois bien leur échéance; mais je ne vois pas à quelle époque elles seront entrées dans le Trésor public; si elles sont antérieures au moment où vous les avez prescrites, il faut qu’on nous l’apprenne : ce qui est clair, c’est que les revenus se dissipent. On parle de responsabilité, et on ne l’exerce pas; en voilà le moment ; vous verrez une somme considérable, pour dettes de M. d’Artois. Pourquoi ne les paye-t-il pas ? Pourquoi paye-t-on les dettes d’un particulier? Le frère du roi n’est qu’un particulier. (On applaudit.) Remarquez la conduite du ministre; j’ose même le dire, la conduite de votre comité des finances. (On applaudit.) On demande des sommes de 20 millions, et pour les obtenir on présente des aperçus, des vues spéculatives; quand on voit la facilité de l’Assemblée, on demande 45 millions; aujourd’hui ce sont les 400 millions tout entiers. Vous avez décrété que des renseignements seraient donnés, on ne les donne pas. Je crois avoir dit qu’au mois de janvier, Mm® de La Mark a reçu 120,000 livres, parce qu’elle avait un logement gratis aux Tuileries, et qui lui a été ôté; on a fait porter cette somme sur le garde-meuble, afin de dépayser. Nous avons la preuve que tout se fait ainsi. Un particulier, dans le mois de février, a fait passer une rente viagère de 15,000 livres sur une autre tête. Heureusement que la chambre des comptes a arrêté cet arrangement. Voilà comme les revenus se dissipent, voilà comme on suit les anciens errements. Je demande que le comité mette sous les yeux de l’Assemblée, par la voie des rapports et par celle de l’impression, tous les renseignements qui lui sont demandés, et qu’il ne soit voté aucune somme pour le Trésor public, avant que M. Necker ait rendu compte des payements qu’il a faits à M. d’Artois, et qu’il les ait rétablis dans la caisse. M. Briofs de Beaumetz. J’adopte les conclusions de M. Camus; je dois seulement relever une inexactitude, en observant que M. Necker, dams l’aperçu qu’il vous a présenté, dit qu’il a fait fonds de la rentrée de la contribution patriotique, et de la gabelle et autres droits supprimés ; après les 95 millions qui restent en assignats consommés, ces deux ressources demeureront encore. Quant aux anticipations, nous pouvons assurer qu'on n’en a fait aucuue depuis que vous les avez défendues, à moins qu’on n’ait échappé à notre vigilance. M. Fréteau. On devait acquitter 140 millions d’anticipations dans l’année 1790; au mois de mai, cet acquittement devait être de 60 et quelques millions; on n’a payé jusqu’à cette époque que 26 millions. Lorsque M. Camus insiste pour que cet objet soit connu de la France entière, il a raison. Il faut connaître ces anticipations qui sont payées, ce qui reste à payer, quels sont les départements qui sont en retard pour les impositions, quels sont les receveurs généraux qui n’ont pas payé ; il faut exiger sur tout cela les pièces justificatives; on doit attacher la plus grande importance à la perception des impôts territoriaux ; je sais que les contribuables ne les refusent pas, mais qu’ils ne leur sont pas demandés. U est évident que l’hommejiuquel vous laissez cet argent, le mangera; c’est préparer des moyens de résistance.