136 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Il mars 1750. maintien de la paix dans tout le royaume, notamment dans la ville de Paris qui s’est si bien distinguée par son courage. Ils offrent, en outre, en non patriotique une somme de deux mille quatre cent six livres dix-sept sous neuf deniers, provenant de l’imposition des ci-devant privilégiés pendant les six derniers mois de l’année 1789. Les colons de la Martinique et de la Guadeloupe, qui sont à Paris, demandent à être admis à la barre. Cette autorisation est accordée. M. de la Tour-Mélïère, major du régiment de Cravate, l’un d’eux, porte la parole et dit : « Messieurs, « Lorsque la nation française donne le premier exemple d’un peuple qui traite ses colonies à l’égal de la mère-patrie, lorsque les colonies sont déclarées partie de l’Empire par les représentants de la nation, nous cédons à un sentiment d’amour et de reconnaissance, en nous empressant d’offrir à cette auguste Assemblée les hommages et le respect des colons de la Martinique et de la Guadeloupe qui se trouvent dans cette capitale ; nous aurons sur nos concitoyens l’avantage, précieux sans doute, d’avoir fait éclater les premiers les sentiments dont nous sommes pénétrés ; mais nous aimons à penser qu’ils disputeront avec nous de patriotisme, lorsque la justice de l’Assemblée nationale leur sera entièrement connue. C’est de ce patriotisme que l’Assemblée nationale déclare qu’elle attend une fidélité inviolable à la nation, à la loi et au roi. Il est bien aisé, il est bien doux de promettre d’être fidèle à une nation lorsqu’on en forme une partie, à un roi qui commande l’amour à force de vertus, et s’il ne nous est pas encore permis de jurer sur la Constitution qui nous sera propre, nous pouvons du moins déclarer que celle de l’intérieur du royaume aura, de notre part, la soumission la plus parfaite, lorsque nous y habiterons au milieu de nos frères, et qu'enfin l’attachement de la Martinique et de la Guadeloupe. pour la France, durera autant que le nom français. » M. le Président répond : « L’Assemblée nationale reçoit avec une véritable satisfaction les témoignages du dévouement des colons de la Martinique et de la Guadeloupe : elle aime à croire que cet acte de patriotisme sera pour la mère-patrie le gage de l’amour et de la fidélité de quelques-uns de ses enfants, que leur éloignement ne lui fait paraître ni moins chers, ni moins dignes de sa sollicitude. » M. le Président. L’Assemblée passe à son ordre du jour et va continuer la discussion ouverte le 9 de ce mois sur l’ affaire de M. de Bour-nissac, grand prévôt de Provence. M. Faydel, député du Quercy( I). Messieurs, en écarfantde l’affaire intentée contre le prévôt général de Provence, tout ce qui n’est ni ne peut être l’objet de votre mission, c’est-à-dire toute controverse, toute discussion qui paraîtrait reconnaître, dans cette assemblée un tribunal de révision, une chambre tournelle, un conseil de cassation, d’évo-, Moniteur nç donne qu’un sommaire du discours de M. Faydel, cation et de renvoi; en écartant, dis-je, de cette affaire tout ce qui pourrait donner le change au peuple, et sur le véritable dépositaire du pouvoir exécutif, et sur les véritables agents de ce pouvoir, je me propose d’établir que les divers décrets qui nous ont été proposés ne peuvent se concilier avec vos principes, et surtout avec les lois anciennes dont vous avez recommandé l’observation. Je rapprocherai ensuite le projet de décret que j’aurai bientôt l’honneur de vous soumettre des principes et des lois en vigueur qui s’adaptent le plus à l’espèce de cette affaire; mais avant de me livrer à cette double discussion, je dois vous présenter en peu de mots, et dans son véritable jour sous lequel des législateurs doivent envisager, quels sont les griefs que l’imprudence et la calomnie persistent à imputer à ce magistrat. On impute au prévôt général de Provence, et votre comité des rapports est parfaitement d’accord avec les auteurs de cette dénonciation, on impute, dis-je, à ce prévôt, de n'avoir tenu aucun compte des décrets de V Assemblée nationale et d'y avoir contrevenu par ignorance ou par l'effet d'un préjugé invétéré pour les anciennes lois. On lui impute encore d’avoir perdu de vue cette impartialité qui convient au caractère redoutable d'un juge en dernier ressort; d'avoir consigné , dans sa justification , des inculpations prématurées contre plusieurs citoyens de Marseille; d'avoir taxé de crime des sentiments patriotiques, et d’avoir confondu dans l'instruction de la procédure qui lui était dévolue , tant par la disposition de l'article 12, titre premier de l’ordonnance de 1670, que par un arrêt d'attribution des bons citoyens avec des scélérats. On lui impute enfin, car la calomnie est rarement en défaut, on lui impute d’avoir prévariqué dans ses fonctions ; d'avoir entassé les décrets de prise de corps contre les meilleurs citoyens ; d'avoir exercé des traitements inhumains contre ses prisonniers, et d’avoir tenté, par tous ces moyens, d'opprimer la liberté naissante. Tels sont, Messieurs, les griefs qu’on lui impute, sont-ils vrais? sont-ils prouvés? sont-iis supposés? Pourriez-vous, Messieurs, accueillir cette dénonciation et juger la conduite du prévôt de Provence sans l’avoir entendu sur les derniers faits qu’on a fait arriver à l’appui de votre décret du 8 octobre dernier, quoiqu’ils soient postérieurs ? La délation intéressée, la délation suspecte de plusieurs prévenus de délits graves, aurait-elle plus d’accès dans vos cœurs que l’intégrité toujours présumée d’un magistrat? G’est ce que j’abandonne à votre prudence et à votre sagesse pour ne pas me jeter dans une discussion de faits qui n’a déjà été rebattue qu’avec trop d’aigreur et d’animosité, et toujours avec la même infidélité de la part des dénonciateurs. Cependant dans la seule vue de développer mon opinion, je vais admettre, par supposition seulement, la vérité de lous les griefs qu’on impute au prévôt de Provence; je vais les rapprocher du décret que vous avez déjà rendu et de celui qui vous est proposé par votre comité des rapports ; et, dans cette hypothèse toute favorable aux dénonciateurs, je discuterai ce que vous pouvez, ce que vous devez prononcer sur cette importante affaire en ne perdant jamais de vue les véritables principes qui sont la sauvegarde de notre liberté naissante, et en conciliant ce que vous devez à des citoyens, qu’un zèle outré, qu’une licence effrénée, que des conseils ambitieux et pervers peuvent avoir égarés, avec la protection que. vous jÀsiemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Il mars 1790.] 137 devez aussi à la classe d’hommes infiniment estimables qui consacrent leur vie, leur talent et leur ambition à faire respecter votre propre ouvrage. Je pense, Messieurs, que dans quelque position que vous vous trouviez jamais, les égards, l’appui, la protection, la bienveillance que vous devez à cette classe d’hommes vertueux, méritent sans doute d’entrer en balance avec l’indulgence passagère que votre position actuelle ne permet pas de dissimuler. Le 21 octobre vous avez décrété, Messieurs, que le comité de constitutionproposeraitincessamment à l’Assemblée un plan pour l’établissement d’un tribunal chargé déjuger les crimes de lèse-nation, et que, provisoirement et jusqu’à ce que ce tribunal eût été établi, le châtelet de Paris était autorisé à juger en dernier ressort les prévenus et accusés de crime de lèse-nation. Ce sont les propres expressions de votre décret; et ici, je m’arrête non pour vous demander si les faits qu’on impute au prévôt de Provence présentent l’idée d’un crime de lèse-nation, car il y aurait de ma part de l’indiscrétion à vous demander ce que vous n’avez pas jugé à propos de définir encore, et peut être trop de zèle à vous rappeler qu’il existe par votre propre fait, et à côté de vous, de vous, dis-je, qui êtes la puissance législative, un tribunal dont la compétence en fait de crimes de lèse-nation est aussi vague, aussi incertaine qu’elle puisse l’être. Mais je m’arrête uniquement sur la disposition de ce décret pour établir que les griefs imputés au prévôt de Provence ne peuvent, ni ne doivent le rendre justiciable du châtelet de Paris, et que vous ne pourriez, Messieurs, le distraire de ses juges naturels, sans contrevenir à vos précédents décrets et plus particulièrement aux lois dont vous avez ordonné l’exécution, jusqu’à la formation d’un nouveau code criminel. Rappelez-vous qu’en conciliant, par vos décrets des 8 et 9 octobre, la liberté et la sûreté qui conviennent à la défense des accusés avec l’intérêt de la société qui commande la punition des délits, et qu’en introduisant à cet effet des formes conservatrices de la liberté, vous avez décrété que l’ordonnance de 1670, les édits, déclarations et règlements concernant les matières criminelles continueront d’être observés en tout ce qui ne serait pas contraire à votre décret. Hé bien, Messieurs, si les délits imputés au prévôt de Provence sont définis par ces lois anciennes dont vous avez ordonné l’exécution ; si la peine encourue par l’auteur supposé de ces délits supposés, est également définie et indiquée par ces lois; si enfin ces mêmes lois indiquent les tribunaux qui doivent connaître de semblables délits, je vous demanderai, Messieurs, dans quelles vues, par quel aveuglement se peut-il que les dénonciateurs du prévôt de Marseille, et notre comité de rapport d’après eux, confondent en ce jour des délits ordinaires, des délits prévus par la loi avec un délit vague et indéfini dont vous n’avez, ce semble, attribué la connaissance au châtelet de Paris qu’à raison de sa nouveauté. Par votre décret du 5 novembre, vous avez ordonné que toute cour, que tout tribunal, que toute municipalité, que tout corps administratif qui n’auront pas inscrit sur leurs registres dans trois jours après la réception, et fait publier dans la huitaine les lois faites par les représentants de la nation, sanctionnées ou acceptées, et envoyées par le roi, seraient poursuivis comme prévaricateurs dans leurs fonctions et coupables de forfaiture. Mais je dois vous observer, Messieurs, que le prévôt de Provence n’est pas accusé d’a,voir négligé l’enregistrement et la publication de vos décrets. Je dois vous observer que les délits qu’on lui impute n’ont rien de commun avec la disposition de cette loi, et que vous n’avez pas encore décidé que la forfaiture serait un crime de lèse-nation. Vous avez encore ordonné par le même décret que les dénonciations faites contre les tribunaux qui auraient refusé d’exécuter les décrets de l’Assemblée avec les pièces jointes aux dénonciations seraient remises non au comité des rapports qui en est cependant nanti, mais au comité des recherches pour en être incessamment rendu compte à l’Assemblée. Mais, je vous le demande, cette disposition a-t-elle quelque chose de commun avec le crime de lèse-nation qui n’est pas encore défini, et avec la compétence que vous avez attribuée au châtelet de Paris ? D’ailleurs, est-il bien vrai que le prévôt de Provence ait refusé d’exécuter vos décrets? Qui oserait, Messieurs, vous garantir la vérité de cette imputation? Certainement ce ne sera pas votre comité de rapports, puisqu’il ne trouve dans la conduite du prévôt de Marseille, d'autre manquement, d’autre faute, d’autre délit que celui de s’être rendu récusable par trop de passion contre les prévenus, et par trop de ligueur dans ses décrets. Et puisque, encore un coup, votre comité ne reproche à ce prévôt d’autre manquement, d’autre faute, d’autre délit, que des contraventions à vos décrets en ajoutant qu’elles sont chez ce prévôt le fruit de son ignorance et de ses préjugés pour l’ancienne loi. Or, en fait de justice distributive, il y a bien loin, Messieurs, d’une contravention à la loi au refus de l’exécuter. Un magistrat peut contrevenir de bonne foi à la loi, puisqu’une simple omission, une faute d’inadvertance, une fausse application, une conception, une interprétation erronée peuvent l’égarer sans le vouloir. Mais un magistrat qui refuse, qui s’oppose à l’exécution de la loi, ne peut se dissimuler qu’il est en état de rébellion contre fa loi même, dont il est devenu le dépositaire infidèle ; et sans doute qu’en pareil cas, le procès doit lui être fait pour cause de forfaiture. Telle est, Messieurs, la distinction qu’il convient de faire entre les contraventions à la loi dans l’instruction delà procédure criminelle et le refus que fait le magistrat d’exécuter la loi dont il est le dépositaire. Actuellement, Messieurs, parcourez les divers genres de délit qu’on impute au prévôt de Provence. Supposez qu’ils sont vrais, supposez que la preuve en est rapportée, rapprochez ces délits de la disposition des lois dont vous avez ordonné l’exécution et vous verrez, Messieurs, que tout ce qu’on lui impute se réduit à des moyens de cassation et à des moyens de récusation que les lois ont prévues en indiquant la marche que les plaignants doivent suivre en pareil cas, etla peine qui doit être infligée aux juges qui contreviennent à la disposition des lois dans l’instruction des procédures criminelles, ou qui persévèrent à demeurer juges, lors même qu’ils se sont rendus récusables. Je ne m’arrête pas à combattre les entreprises qu’on reproche à ce prévôt contre la nouvelle municipalité de Marseille. Il ne s’agit pas ici d’accumuler des imputations et des faits nouveaux pour savoir si le prévôt géuéral de Provence est devenu coupable depuis notre décret non sanctionné du 8 décembre, mais de savoir si, à l’époque du 8 décembre, vous avez pu sans injustice 138 (Assemblée nationale.} ARCHIVÉ® PARLEMENTAIRES. [Il mart 1790.1 dépouiller ce magistrat du caractère dont la loi l’a revêtu, et le renvoyer comme un criminel de lèse-nation au châtelet de Paris-, car si,àl’exem-ple de votre comité des rapports, vous ne pouvez justifier votre décret, que par des faits postérieurs à ce décret même, vous serez forcés de convenir qu’il avait été rendu sans motif légitime, et que le roi n’avait pas dû le sanctionner. D’ailleurs, Messieurs, ce magistrat n’a fait à l’égard de la municipalité de Marseille, que ce qu’il devait en pareil cas. 11 était troublé dans ses fonctions par des officiers municipaux qui osaient lui demander compte de sa procédure, et même l’élargissement de plusieurs prévenus qui sont devenus leurs collègues. Le magistrat devait donc, et c’était un devoir impérieux pour lui, faire rentrer dans les bornes de leur mission les officiers municipaux, faire respecter l’autorité de son tribunal, et les obliger à se contenir dans les limites que vos décrets leur ont tracées. J’ajouterai à cette occasion, que si le prévôt général de Provence eût été aussi terrible dans ses actes de justice qu’on le prétend aujourd’hui, il aurait appris à ces officiers municipaux par un jugement sévère, mais avoué par les lois, quelles sont les fonctions propres au pouvoir municipal, quelles sont celles qui peuvent lui être déléguées, et quel est l’exercice qui lui est confié sous la surveillance des agents du pouvoir exécutif, et toujours sous l’autorité du roi. Voilà ce que les officiers municipaux ne doivent jamais oublier ; tout acte de leur part qui sortirait de ces principes serait une entreprise répréhensible, une usurpation de l’autorité souveraine ; et certainement, Messieurs, lorsque vous avez décrété que le pouvoir exécutif suprême résidait exclusivement dans la personne du roi, vous n’avez pas entendu que des officiers municipaux pourraient convertir leur administration subordonnée et circonscrite en une audace téméraire et en un despotisme intolérable contre les tribunaux établis pour punir le crime. Je reviens donc aux autres griefs qu’on impute au prévôt général de Provence; ils ne présentent, comme on J’a déjà vu, que des moyens de récusation contre sa personne, et des moyens de nullité et de cassation contre la procédure qu’il a instruite. L’article 26, titre 2, de l’ordonnance de 1670, s’explique en ces termes : Les récusations qui seront proposées contre les prévôts de maréchaussée seront réglées au siège où le procès criminel devra être jugé ; ce qui ne peut s’entendre que par-devant les cinq magistrats qui sunt toujours pris dans les présidialités qui doivent assister aux jugements prévôtaux; et, à défaut, parmi les gradués. Hé bien, Messieurs, puisque vous avez ordonné l’observation de cette loi, que les prévenus, que les dénonciateurs du prévôt aillent faire valoir devant le juge qui leur est indiqué leurs moyens de récusation, et qu’ils ne viennent plus ici pour nous faire perdre un temps précieux, et un temps surtout qui aurait pu être employé plus utilement qu’à écouter leurs plaintes et leurs déclamations. L’article 13, titre 17, de la même ordonnance porte : qu’avant dépasser au règlement à l'extraordinaire, il sera examiné si la procédure est valablement faite , et qu'au cas qu’il y ait quelque nullité, on doit ordonner qu'elle sera recommencée aux dépens de celui qui l'a faite. Hé bien, Messieurs, puisque vous avez ordonné que la disposition de cette loi serait observée, renvoyez donc les parties devant le tribunal qui doit connaître des moyens de nullité et de cassation qu’ils font donner si haut. Enfin l’article 24, du titre 15, de la même ordonnance porte que, s’il est ordonné que les témoins seront ouïs une seconde fois, ou le procès fait de nouveau à cause de quelque nullité dans la procédure, le juge qui l’aura commise sera condamné à faire les frais et à payer les vacations de celui qui y procédera, et encore les dommages et intérêts de toutes les parties. Jamais, Messieurs, non jamais le magistrat qui a contrevenu à la loi dans l’instruction d’un procès quelconque, jamais le magistrat qui a péché par précipitation, par ignorance, par imprudence ou par esprit de prévention, jamais, dis-je, le magistrat qui est devenu récusable par trop de passion, et qui a persisté à demeurer juge, n’a été accusé de crime de lèse-nation, ni traduit devant un tribunal institué pour punir les crimes les plus atroces et en même temps les plus vagues et pour faire trembler la vertu même. Parcourez la loi romaine; elle était bien plus rigoureuse, puisqu’elle déclarait le juge comptable du mal jugé; parcourez les lois du royaume et les autographes, nulle part vous ne trouverez qu’un magistrat devenu récusable, qu’un magistrat qui a contrevenu à la loi dans l’exercice de ses fonctions par ignorance ou par préjugé ait été avili et confondu avec les criminels les plus odieux et les plus exécrables; vous y trouverez sans doute des magistrats, et certainement c’est assez pour des hommes* qui consacrent leur vie aux fonctions les plus pénibles; vous y trouverez, dis-je, des magistrats qui ont eu, en pareil cas, la douleur et la mortification de voir leur propre ouvrage cassé avec éclat; devoir que la réfaction de leur procédure était ordonnée à leurs frais et dépens; de voir leurs personnes et leurs biens assujettis aux dommages-intérêts occasionnés par leur impéritie ou par leur faute, et de se voir enfin obligés de descendre de leur place. Hé bien, Messieurs, supposons actuellement que le prévôt de Provence soit coupable de tous les faits qu’on lui impute. Mettons à leur aise ses calomniateurs; que la honte que l’un des préopinants a imprimée sur leur front en leur opposant la vérité des faits qu’ils avaient si artifieieu-sement dénaturés ne les empêchent pas de se montrer de nouveau; et qu’ils apprennent que vous n’êtes pas ici pour prononcer sur des moyens de cassation, sur des moyens de récusation, mais bien pour surveiller l’exécution des lois que vous n’avez point abrogées, et qu’il ne vous reste d’autre parti à prendre que celui de renvoyer les prévenus et les dénonciateurs à faire valoir leurs moyens de cassation et de récusation par-devant le tribunal qui leur est indiqué par la loi même dont vous avez ordonné l’observation. Si le prévôt général de Provence a contrevenu à vos décrets, s’il s’est rendu récusable, s’il a prévariqué dans ses fonctions, il sera puni; il cessera d’être leur juge ; les parties seront dédommagées, et ses dénonciateurs obtiendront tout ce qu’ils ont intérêt de désirer, puisqu’ils n’auront plus à craindre la vigilance et l’intégrité de ce magistrat. Mais, Messieurs, y a-t-on bien réfléchi quand on vous a proposé de dépouiller ce magistrat du caractère dont la loi l’a revêtu sur une simple dénonciation, et de le livrer au châtelet de Paris comme un criminel de lèse-nation. Qu’on songe donc que vous êtes à la veille d’organiser le pou- fl! mars 1790), [ÀssettMt* Datiofisâ«,] ÀRCE1YBS PARLE MENTAihE $ . m voir judiciaire et de remplacer l’ancienne magistrature; qu’on songe qu’avec on décret semblable à celui qu’on vous surprit le 8 octobre, il serait difficile pour ne pas dire impossible, de trouver un honnête citoyen qui voulut s’exposer à être traité de criminel de lèse-nation sur la réclamation d’on ou plusieurs prévenus qui ne manqueraient jamais d’accuser leur juge de partialité, êe prévarication et de contravention aux lois, ne f&t-ee que pour se donner de nouveaux juges, ou pour délayer leur supplice, à moins qu’à l’exemple des citoyens actifs de la ville de Marseille , on ne fit porter les élections dans les cachots et sur les têtes qui sont sous le glaive de la justice. Mais, me dira-t-on, peut-être, l’Assemblée nationale a déjà rendu, sur cette affaire, tin décret qui ne diffère de celui que propose le eomité des rapports qu’en ce que l’un renvoie au châtelet de Pans certaines pièces de la procédure, et l’autre la personne du prévôts Mais, Messieurs, qu’importe ce premier décret non sanctionné, si votre religion a été surprise ? Je répondrai à ceux qui pourraient être retenus par cette considération, que nous pouvons nous tromper, et que, si notre faiblesse ne nous permet pas d’aspirer au rare et glorieux privilège d’être exempts d’erreur et de surprise, nous ayons du moins l’avantage que la droiture du cœur offre à ceux qui ne cherchent que la vérité, de reconnaître sans peine une erreur involontaire; affligés de nous être trompés, et non pas d’être obligés de l'avouer, quand, d’ailleurs, c’est à l’invitation de notre monarque qui a tout fait pour le bonheur de son peuple et qui n’a cessé de nous donner l’exemple de la justice : nous devons au moins cette marque de respect à la pureté de ses intentions, à ses touchantes sollicitudes sur les désordres qui affligent tant de provinces du royaume. Ne perdez jamais de vue, Messieurs, qu’en reprenant tous les pouvoirs que notre roi tenait de ses ancêtres, vous lui avez laissé le pouvoir exécutif suprême, et que cependant il n’en jouit pas encore} quoique les malheurs dont nous gémissons l’exigeassent plus impérieusement que jamais pour le salut de l’Etat et la conservation de la constitution et de la liberté; ne perdez pas de vue qu’en retenant devers vous la puissance législative, vous avez entendu l’y associer puisque vous avez voulu que vos décrets n’eussent force de loi qu’autant qu’ils fussent sanctionnés par lui et qu’il fût libre de suspendre ou de refuser sa sanction pendant deux législatures. Veuillez vous pénétrer encore que, si ce vertueux monarque avait voulu user de Ja plénitude de ses droits, il aurait refusé sa sanction au lieu de nous inviter à revenir sur cette affaire et à examiner la justification du prévôt général de Provence. Songez enfin qu’il pourrait encore refuser sa sanction, et que s’il préfère de se réunir à vous pour n’avoir qu’un même vœu, qu’une même volonté, qu’un® même justice, cet acte de générosité vaut bien la peine, sans doute, que vous vous conformiez à la disposition des lois, qu’il est de son devoir de faire exécuter puisque vous en avez vous-mêmes recommandé l’observation. Et, qu’il me soif permis, Messieurs, de vous le dire, le décret qui vous est proposé par votre comité des rapports, tend évidemment à dépouiller le roi d’un dépôt précieux, d’un dépôt salutaire, que vous avez reconnu ne pouvoir exister ailleurs que dans ses mains et dans celles de ses descendants. En vous proposant d’ôter au prévôt. général de Provence la connaissance d’une affaire qui lui est dévolue par la loi, et de le renvoyer au châtelet de Paris, votre comité des rapports vous propose de : transgresser les lois dont vous avez recommandé l’observation, et qu’il n’appartient qu’au roi de faire exécuter. Vous n’êtes ici, Messieurs, que pour préparer des lois, que pour établir une séparation de pouvoirs qui peut seule maintenir notre liberté naissante, que pour empêcher à jamais que ces pouvoirs ne soient confondus dans les mêmes mains; et on ose cependant vous proposer un décret qui tend évidemment à les confondre sur vos têtes ; et à vous rendre com ptables de l’anarchie qui désole le plus bel empire de l’Europe; car il ne faut pas se dissimuler, Messieurs, que si le pouvoir exécutif est sans vigueur, sans activité, que si ses agents sont sans action, que si ses tribunaux sont muets, que si les désordres augmentent depuis huit mois, que si les lois modernes comme les anciennes ne sont pas toujours observées, que si chaque citoyen, pour ainsi dire, croit être en droit d e faire pré valoir sa velouté, que s’il est des municipalités qui empiètent sur le pouvoir judiciaire, et que s’il n’a pas été possible jusqu’à présent de remédier à ees désordres, nous ne devons attri buer tous ces malheurs qu’à notre trop grande facilité à recevoir les pétitions, les plaintes, les réclamations que l’existence, les décisions et les réponses de plusieurs de nos comités ou détournées de leur véritable direction, pour nous en rendre les juges. Je ne m’arrêterai pas davantage sur ces idées, je me propose de les développer, lorsque vous vous occuperez, Messieurs, de renouveler ces comités. j Voici le décret que je me borne à vous proposer quant à présent : L’Assemblée nationale, ouï le nouveau rapport du comité des rapports, a retiré et retire son précédent décret non sanctionné du S décembre dernier : ce faisant, déclare n'y avoir lieu à délibérer sur les faits dont s’agit; sauf aux prévenus en conformité de l’ordonnance de 1670, dont l’exécution a été ordonnée en tout ce qui n’est pas contraire aux précédents décrets de l’Assemblée, à se pourvoir si bon leur semble, par-devant qui de droit, pour y proposer leurs moyens de récusation contre te prévôt général de Provence, et leurs moyens de cassation contre les procédures instruites par lui. M. Etaborde de Méréville. Je fais la motion de ne pas nous séparer, sans avoir prononcé sur l’affaire du prévôt de Provence. M. le marquis de Foucault. Je fais un amendement à cette motion et je demande que l’Assemblée délibère tout de suite. (L’Assemblée ferme la discussion.) On donne lecture du projet de décret du comité qui est ainsi conçu : « L’Aseembléé nationale décrète : 1° que le président se retirera devers le roi, pour supplier Sa Majesté de faire renvoyer par-devant les officiers de la sénéchaussée de Marseille, les procédures criminelles intentées depuis le 29 août dernier, par le prévôt général de Provence, contre MM, Rebecqui, Granet, Paschal et autres, et d’ordonner que ceux des accusés qui sont détenus par suite des décrets de prise de eorps lancés parle prévôt, seront trana*