38 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 61 BORDAS, au nom du comité des Secours publics (sic) (120) : Citoyens, les faveurs de la fortune ressemblent aux effets qu’éprouve la rose : une douce rosée la fait épanouir, l’approche du midi la fane et la déssèche. Marie-Catherine Desrochets fut la fille aînée du malheur et de l’infortune. Dès l’instant où elle vit le jour, elle parut respuée par la nature, condamnée à passer sa vie entière dans un de ces hospices qui rappellent les faiblesses humaines et souvent même les crimes. Le ci-devant fermier général Chalut voulut se donner un enfant que la nature lui avait refusé. Il retira de l’hospice des Enfants-Trouvés la malheureuse Desrochets; il l’adopta; il fit son éducation; il lui constitua une dot, et la maria à Nicolas Deville, qui devint lui-même fermier général à la mort de Chalut, leur bienfaiteur commun, arrivée en 1787. Marie-Catherine Desrochets a joui pendant vingt ans des bienfaits de la fortune ; elle a fait dans cet intervalle les délices de son patron; elle n’oubliera jamais qu’elle lui devait ses vertus et son bonheur. Deville est mort ; sa veuve n’est âgée que de 25 ans; elle est chargée de six enfants. Vous jugerez de leur âge par celui de leur mère, et depuis six mois tous les biens de Chalut, tous les biens de Deville sont séquestrés. La mère et les enfants sont seins ressources; ils n’ont pas seulement de quoi essuyer les larmes que leur arrache la douleur. Citoyens, cette veuve, cette mère infortunée a réclamé des secours auprès de votre comité des Finances, que vous avez chargé de vérifier les comptes des fermiers généraux; il a examiné les reprises de la nation sur les biens de Chalut et sur ceux de Deville; il a reconnu qu’elles s’élèveraient à près de dix-neuf cent mille livres ; il a examiné la fortune qu’ont laissée ces deux ci-devant fermiers généraux, et il a reconnu que d’après la déclaration pour l’emprunt forcé cette fortune, qui consiste principalement en immeubles, offrait un revenu de cinquante-cinq mille livres. Il a vu qu’en disposant de son bien en faveur de Marie-Catherine Desrochets et de Nicolas Deville, Chalut avait encore fait pour six à sept cent mille livres de legs particuliers, qui seraient nécessairement rapportés à la masse de la succession. Il a vu que Marie-Catherine Desrochets avait des droits considérables, des droits incontestables à exercer sur la succession de Chalut. Il a vu enfin que la valeur de ces biens suffirait pour faire face aux reprises de la veuve Deville. Citoyens, la situation de la veuve Deville, l’intérêt qu’inspirent ses six enfants, dont l’aîné a neuf ans, et dont le plus jeune n’a que cinq mois, leur malheur, offrent un spectacle bien touchant pour des âmes républicaines, et ce qui (120) Moniteur, XXII, 64; Débats, n° 733, 40-41. est dû à la justice, et ce que la justice commande en faveur de cette mère, en faveur de ses enfants, ne sera pas un vain titre auprès de vous. Un membre [BORDAS] propose, au nom du comité des Finances, un projet de décret qui est adopté ainsi qu’il suit : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Finances sur la pétition de Marie-Catherine Desrochet, veuve de Nicolas Deville, ci-devant fermier-général, Décrète que, sur la présentation du présent décret, la Trésorerie nationale paiera, à titre de secours provisoire, à Marie-Catherine Desrochet, veuve Deville, la somme de 3 000 L, imputable sur les droits et reprises qu’elle a à exercer sur les biens et successions de Chalut et de Deville, ci-devant fermiers-généraux. Le présent décret sera inséré au bulletin (121). 62 Les cinq décrets suivants sont rendus au nom du comité des Secours publics. a La Convention nationale, après avoir entendu son comité des Secours publics sur la pétition du citoyen Jean Dupont le jeune, forgeron, employé à la manufacture d’acier et armes de la commune d’Amboise, y demeurant ; par laquelle il résulte que le 20 prairial dernier, jour de la fête dédiée à l’Etre Suprême, il a eu le malheur d’être blessé en faisant la manœuvre du canon; que cette blessure l’a mis dans l’impossibilité de se servir du bras pendant deux mois; qu’il se trouve dans la détresse, ne vivant que du produit d'un travail journalier; ce qui est attesté par différents certificats, tant des officiers de santé que du conseil général de la commune d'Amboise, et du conseil du district : Décrète que la Trésorerie nationale fera passer sans délai à l’agent national du district d’Amboise, département d’Indre-et-Loire, qui demeure chargé d’en faire la remise au citoyen Jean Dupont, le jeune, la somme de 200 L de secours et indemnité, au sujet de la blessure qu’il a reçue le 20 prairial dernier (122). (121) P.-V., XL VI, 67-68. C 320, pl. 1327, p. 32, minute de la main de Bordas, rapporteur. Bull., 3 vend (suppl.); Moniteur, XXII, 64; Débats, n° 733, 41-42; F. de la Républ., n° 4; J. Fr., n 730; M. U., XLIV, 55. (122) C 320, pl. 1327, p. 33, minute signée de Sallengros, rapporteur.