399 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (26 mars 1791.) Nous avons à peu près autant de bouches à feu qu’il en faut pour les garnisons; mais comme la répartition en avait été mal faite, on fait des transports, ce qui oblige de porter le nombre des chevaux d’artillerie à 1,000 au lieu de 300. Les entrepreneurs fourniront ces chevaux au 1er avril prochain ; la dépense en sera peu considérable. Les ordres ont été donnés depuis longtemps pour mettre en état de service les équipages d’artillerie. Ils léseront avant la saison. « Les fonderies ont reçu ordre de faire 300 bouches à feu; car il n’en existe actuellement dans les magasins que 195; nombre qui serait insuffisant, dans le cas où l’on armerait les auxiliaires. Le roi a en même temps ordonné aux manufactures d’armes d’en fabriquer autant qu’elles pourraient, outre les fournitures ordinaires. — 300,000 sacs de grains sont en magasin, et assurent la subsistance de l’armée pour 18 mois. La nécessité de faire ces approvisionnements m’a fait passer sur la répugnance que j’avais défaire des dépenses de cette nature sur l’ancien mode vicieux. — J’ai donné dès le 1er janvier des ordres pour faire mettre en état 100,000 caissons; ce qui sera exécuté au 1er avril. Des ordres ont été donnés aux hôpitaux ambulants et ordinaires : ceux de Metz, deStrasbourgsont approvisionnés... La situation des effets de campements n’est pas aussi satisfaisante; la répartition faite aux régiments en 1790, et le pillage qui en a été fait en différents lieux, ont vidé les magasins. D’ailleurs les troubles ont empêché les soldats d’en avoir tous les soins nécessaires. Il est donc indispensable de les renouveler : la dépense serait à peu près de 5 millions. J’ai déjà pris les ordres durai pour faire construire des tentes. « Je vais maintenant exposer à l’Assemblée les mesures ultérieures qu’il serait convenable de prendre... Il importe premièrement de hâter la levée des 100,000 auxiliaires, et je prie l’Assemblée de compléter ses décrets à cet égard. « L’organisation de la gendarmerie nationale est également urgente. Ce corps étant porté au complet, on ne sera plus obligé de morceler, pour le service de l’intérieur, les régiments des troupes de ligue; ce qui nuit à la discipline. Peut-être me dira-t-on que c’est à moi de hâter cette organisation; mais je prie l’Assemblée d’observer que ses précédents décrets ont adjugé au Corps législatif la répartition des brigades entre les départements, et le choix des hommes aux administrations : ils n’ont réservé au pouvoir exécutif que le choix des colonels, sur la présentation des départements. Je presserai cependant les corps administratifs; je leur présenterai mon aide, et je saisirai toujours avec empressement toutes les occasions qui seront offertes à mon zèle. ( Applaudissements .) « Je ne puis entretenir l’Assemblée de l’armée sans lui témoigner mon impatience de la voir organiser les commissaires des guerres, officiers absolument nécessaires, et qui ne peuvent être remplacés dans les principes de l’ancien régime. On ne peut d’ailleurs espérer un grand zèle des officiers qui sont prêts à être réformés ..... « Il me reste à dire que le Code militaire, annoncé depuis longtemps, n’existe pas encore. Cependant les cours martiales vont être en activité, et seront lorcées de se servir des anciennes lois faites dans un temps où l’on s’embarrassait fort peu de rendre justice à une certaine classe d’hommes, où les peines n’étaient ni égales pour tous, ni proportionnées aux délits. Il serait d’une extrême injustice de suivre encore des lois qui appliquent les mômes peines à toutes les espèces de crimes, d’où il ne pourrait résulter que des mécontentements, des insurrections. Si au contraire les juges prenaient sur eux de modiüer la loi, de l’adoucir, ils tomberaient dans l'arbitraire, inconvénient également à craindre. Ces observations font voir la nécessité que le Code pénal soit fait le plus tôt possible... « Je passe aux autres mesures ultérieures. La France est tout environnée de places fortifiées, et ces fortifications sont très précieuses à entretenir depuis qu’elles ne nécessitent plus une aussi grande quaniitéde troupes de ligue. Plusieurs ne pourraient pas en ce moment soutenir de siège, et il est important de les mettre en état de défense. Qu’on ne croie pas que je propose des travaux immenses, que je veuille faire de chaque place un chef-d’œuvre de l’art : cela n’est nullement nécessaire. Comme les moyens despuissances voisines ne sont pas infinis, les nôtres n’ont pas besoin de l’être. Les dépenses de ces réparations monteraient environ à 20 millions payables en 4 années... Les dépenses extraordinaires pour cette année s’élèvent, d’après l’état ci-joint, à 10,177,485 livres; les dépenses d’entretien et de solde à 596,214 livres par mois, selon les memes états dont je demande que les fonds me soient remis chaque mois. » (L’Assemblée décrète le renvoi de cette lettre aux comités militaire et des finances, réunis, pour en rendre compte incessamment.) M. Muguet de Hanthou, au nom du comité des rapports. Messieurs, je demande la parole pour répondre aux accusations de M. Merlin ; le comité des rapports a été inculpé ; sa réponse sera simple. Tous les jours, le comité reçoit 20 à 30 pétitions qu’il est de son devoir d’examiner, mais dont il est de sa prudence de ne pas toujours vous rendre compte. Il en a reçu une de la commune de Floyon, où l’on articulait des faits dont il a voulu prendre connaissance et dont la preuve résultait de pièces contenues dans le dossier d’un procès pendant au conseil. Le comité a demandé ces pièces à M. le garde des sceaux; mais il n’a pas demandé de surseoir; il n’a rien prescrit. Son unique intention était de s’instruire : le ministre était parfaitement libre. En ce qui concerne la motion qui a été faite de remplacer les membres des comités, j’y consens très volontiers. M. Merlin. Je n’ai jamais eu l’intention d’inculper le comité des rapports, au zèle et au patriotisme duquel je me plais à rendre hommage. J’observe toutefois que le 24 de ce mois, il n’y avait pas d’autre affaire au conseil que celle de la commune de Floyon, et que c’est précisément le 22 que le comité a écrit pour s’en faire communiquer les pièces. Je renouvelle donc les conclusions que j’ai énoncées au commencement de la séance, et je demande que M. le président soit chargé d’écrire au ministre de la justice que l’Assemblée n’entend arrêter en aucune manière le cours de la justice contentieuse, et qu’elle va donner des ordres à son comité pour que ce fait ne se renouvelle pas. M. Vieillard. M. Merlin connaissait l’affaire, tandis que le comité, qui ne la connaissait pas. avait dû s’en faire instruire.