[28 novembre 1789.] 325 Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. bonne foi ; il convient à des administrateurs qui ne veulent pas tromper les créanciers de l’Etat par des illusions. Une députation du bataillon de Saint-Roch, ayant a sa tête M. Harron, commandant, est admise à la barre pour présenter un don patriotique. M. Marron dit : Nosseigneurs, depuis la révolution glorieuse, à jamais mémorable, qui a préparé la régénération de cet empire, chacun de nous a vu doubler ses engagements envers la patrie. En effet, Nosseigneurs, si, comme soldats, nous avons toujours juré de verser notre sang pour le salut de notre pays, pour l’exécution des décrets de cette auguste Assemblée, et pour la gloire du monarque ; comme citoyens, aussi, nous avons une obligation sacrée à remplir, celle de concourir au soulagement des malheurs publics ; c’est dans cet espoir que le bataillon de Saint-Roch, dont j’ai l’honneur d’être en ce moment l’organe auprès de vous, vient déposer sur l’autel de la patrie le tribut d’offrandes qu’elle a droit d’attendre de chacun de ses enfants. Daignez, Nosseigneurs, voir d’un œil de satisfaction et d'indulgence notre démarche, et permettez-nous de saisir cette occasion solennelle et précieuse, pour renouveler en votre présence le serment que nous avons déjà fait de ne nous écarter jamais de ce double devoir dont le sentiment nous a conduits devant vous. M. le Président répond : L’Assemblée nationale reconnaît avec satisfaction dans les offres généreuses du bataillon de Saint-Roch, le zèle et le patriotisme qui ont animé la garde nationale, et qui ont réuni les sentiments des défenseurs de la nation à tous les sentiments des bons citoyens. L’Assemblée permet à la députation d’assister à la séance. M. Criilllotin, au nom de la communauté des maîtres chandeliers de Paris, offre un don patriotique de 5,935 livres. M. Cfuiliotin. Le 9 octobre dernier, j’ai fait une motion concernant les suppliciés, l'égalité des peines et le préjugé d'infamie qu’elles emportent. Je demande que la discussion soit fixée à la séance du soir de mardi prochain. Cette proposition est adoptée. La séance est levée et celle du soir indiquée pour six heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE BOISGEL1N, ARCHEVÊQUE D’AIX. Séance du samedi 28 novembre 1789, au soir (1). M. le Président annonce à six heures que la séance est ouverte. M. le vicomte de Hoailles. Messieurs, le comité militaire a demandé et a obtenu d’être entendu par l’Assemblée. Les objets qu’il a à présenter à vos délibérations sont instants et il vous supplie, par mon organe, d’ajourner son rapport à mercredi prochain. L’Assemblée décidé que le comité militaire sera entendu mercredi prochain à deux heures. M. Salomon de la Sangerie, secrétaire , annonce que M. Cormier, ancien magistrat, a remis aux archives un exemplaire d’un ouvrage intitulé : t Essai sur la mendicité , » et que l’auteur, s’étant occupé de beaucoup de détails sur la population, offrait à l’Assemblée les renseignements qu’elle pourrait désirer. M. Aubergeon de llurinais , député du Dauphiné , dont les pouvoirs ont été vérifiés, est admis à prendre séance dans l’Assemblée à la place de M. le comte de Morge, démissionnaire. MM. de ILaborie et Chabanon-Dessalines, députés de Saint-Domingue, dont les pouvoirs ont été vérifiés, sont admis en qualité de suppléants comme les autres députés de la colonie qui n’ont pas voix délibérative, conformément aux décrets de l’Assemblée concernant ces derniers. On a repris ensuite la continuation de la lecture de la liste des dons patriotiques. L’Assemblée a ordonné qu’il fût fait, dans le procès-verbal, une mention particulière de la générosité des divers étrangers, Suisses, Génevoïs, Anglais et autres qui ont désiré contribuer de leurs sacrifices à des dons qui devaient cimenter la restauration de la liberté dans cet empire. L’ordre du jour appelle la discussion de l’affaire des impositions de la Champagne et celle de la réclamation des colonies réunies. M. de Cocherel. La question des colonies réunies est tellement urgente que je demande qu’elle obtienne la priorité. Les citoyens libres de couleur vous ont adressé leur réclamation et j’ai moi-même des observations à vous présenter sur la demande des mulâtres. ( Voy. ces pièces annexées à la séance.) M. de Cernon. L’Assemblée a déjà accordé la priorité à la question des impositions de la province de Champagne. Je demande que sa décision soit maintenue. M. le Président consulte l’Assemblée, qui décide qu’elle s’occupera des impositions cle a province de Champagne. M. Anson, au nom du comité des finances , propose de rendre un décret commun à la province de Champagne et à la capitale qu’il faut soumettre, dit-il, à l’unité des principes de l’Assemblée nationale, d’autant plus que les communes de Paris y consentent. En effet, à Paris, il y a rôle de parlement, rôle de bourgeoisie, rôle de la cour des aides, rôle des communautés, rôle des bâtiments, etc., etc. M. Mubois de Crancé. Je demande que M. Anson soit ramené à l’ordre du jour ; il s’agit des impositions de la Champagne et non de la ville de Paris. M. Anson. Vous ne pouvez juger l’affaire de la Champagne sans abolir le privilège des bourgeois de Paris ; à la vérité, j’ai l’honneur de représenter cette ville, mais ce titre ne me fait pas oublier non plus que je suis député de la nation. (il Cette séance est fort incomplète au Moniteur. 3�6 [Assemblée nationale.] M. Ànson lit un décret qui n’est relatif qu’à la ville de Paris. M. Dubois de Craneé.Le comité des finances ne nous parle que de Paris lorsque la question qui est à l'ordre du jour ne concerne que la Champagne. Je demande formellement que le rapporteur s’explique et qu’il nous donne son opinion ; l’Assemblée ne peut se mettre dans la dépendance d’un comité. M. Anson. Le comité des finances persiste à vous demander de voter d’abord le décret de Paris et ensuite celui de la Champagne, comme ayant entre eux une liaison intime. M. le Président prend le vœu de l’Assemblée, qui se prononce pour le décret concernant la Champagne. M. Anson dit qu’une difficulté s’est élevée en Champagne sur l’interprétation et l’exécution du décret du 25 septembre 1789, quant à la confection des rôles de l’imposition de 1790, à raison de la taxe personnelle, relative au revenu des propriétaires qui n’exploitent point leur propriété par eux-mêmes, et qui ont un autre domicile que celui du lieu dans lequel est située cette propriété. La question est de savoir si les ci-devant privilégiés doivent être imposées dans le lieu de leur domicile ou dans celui où leurs biens sont situés. Le comité des finances propose de résoudre les difficultés par le décret suivant : «L’Assemblée nationale, considérant qu’il s’est élevé dans quelques pays de taille personnelle des difficultés pour l’exécution de son décret du 25 septembre 1789 sur la confection des rôles de l’imposition ordinaire, à raison de la taxe personnelle, relative aux revenus des propriétaires qui n’ont pas encore été imposés, qui n’exploitent pas par eux-mêmes et ont un autre domicile que celui du lieu de leur propriété; « Considérant en outre qu’en 1790 les impositions ordinaires et celles des vingtièmes seront réunies en un seul impôt, dont le mode de répartition reposera sur des principes plus justes, qu’il y aurait des inconvénients à changer les rôles pour une seule année; « Décrète: « Que les propriétaires ci-devant privilégiés seront imposés pour les six derniers mois de 1789 et pour l’année 1790, comme l’ont été pour l’année 1789 les propriétaires non privilégiés à raison de la taxe personnelle, relativement aux revenus de ces propriétaires qui n’exploitent pas par eux-mêmes, et qui ont un autre domicile que celui du lieu dans lequel est située cette propriété. » (La lecture de ce décret est suivie de marques non équivoques de désapprobation.) M. «le Cernon. Si un pareil projet de décret pouvait être adopté, il y aurait plus de 2 millions de matière imposable qui échapperaient à l’impôt supporté par la Champagne, et cela au profit exclusif de la ville de Paris. M. Delandine explique la différence qui existe entre la taille réelle et la taille personnelle ; la province du Forez, qu’il représente, formule les mômes réclamations que la Champagne, il s’ensevelit dans la nuit des temps et donne des preuves d’une érudition qui fatigue l’Assemblée. M. le Président rappelle l’orateur à la ques-[28 novembre 1789.] tion en lui faisant remarquer qu’il s’agit simplement de décider si les ci-devant privilégiés seront imposés au lieu de leur domicile ou au lieu où est située la propriété. M. Le Chapelier critique le projet du comité qui a proposé que les plaintes sur taxe au-dessus de 25 livres seront vérifiées par le comité des finances de l’Hôtel-de-Vilie et les plaintes au-dessous de 25 livres par le maire seul. 11 trouve que le maire seul n’est pas une garantie suffisante. M. le marquis d’Ambly fait valoir le décret du 25 septembre dernier où il est dit que le peuple doit être soulagé et que les ci-devant privilégiés ne doivent payer qu’à sa décharge. Il fait la motion expresse de décréter qu’on payera au lieu de la propriété et non pas au domicile du propriétaire. M. l’abbé Goutte. Je demande qu’il soit fait deux rôles, l’un pour les privilégiés, l’autre pour les non-privilégiés de façon à ce que les sommes portées sur le premier soient en déduction des sommes du dernier. M. Gaultier «le Biauzat a attaqué avec force le projet de décret proposé par le comité des finances. Il a fait sentir que ce serait écraser les provinces, que les peuples ne seraient pas soulagés, que l’exécution serait presque impraticable et qu’il soulèverait une réprobation générale. Les députés des Trois-Evêchés et du Lyonnais demandent que le décret concernant la Champagne leur soit commun. Un grand nombre de membres objectent que le décret doit être général. La discussion est fermée. M. le Président rappelle les diverses motions. L’Assemblée consultée rend un premier décret ainsi conçu : « L’Assemblée décrète que la question n’intéresse pas la Champagne seulement, mais qu’elle devient générale pour tout le royaume. » M. Emtnery, député de Metz, propose une motion qui paraît réunir l’assentiment général. M. Prieur propose d’ajouter à la motion les mots et tous contribuables, car sans cela, ce serait rendre les non-privilégiés privilégiés. M. Dupont (de Bigorre ) a proposé d’ajouter la taille d’industrie afin que le commerce ne se trouvât pas déchargé. M. le Président prend le vœu de l’Assemblée, qui donne la priorité à la motion de M. Emmery après avoir décidé qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur les amendements. La motion mise aux voix est adoptée en ces termes : « L’Assemblée nationale décrète que l’article 2 de son décret du 25 septembre dernier sera exécuté selon sa forme et teneur ; qu’en conséquence tous les ci-devant privilégiés seront imposés à raison de leurs biens, pour les six derniers mois de 1789 et pour 1790, non 'dans le lieu de leur domicile, mais dans celui où lesdits biens sont situés ; et sera le présent décret présenté incessamment à la sanction du Roi, et envoyé, sans ARCHIVES PARLEMENTAIRES.