[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 janvier 1791.J ment des fonctionnaires ecclésiastiques, et les moyens de remplacer ceux qui refuseront. Le comité devant encore avoir une dernière conférence à ce sujet, ce rapport ne vous sera présenté que demain matin. M. de Foucault de Lardimalie. A quelle heure? A quelle heure? Je demande que ce ne soit pas avant 10 heures. M. Voidel. Le préopinant et ceux qui s’inquiètent avec lui sur l’heure où sera fait le rapport qu’on vous annonce, ont sans doute quelque projet. M. de Foucault de Fardimalie. Je demande que M. Yoidel soit rappelé à l’ordre. M. le Président. Je prie M. Foucault de se tenir dans le silence; il n’a pas la parole. M. de Foucault de Lardimalie. Vous sonnerez votre cloche jusqu’à demain.... Je veux avoir raison, je veux répondre à l’interpellation de M. Voidel.... (Une très grande agitation se manifeste dans la partie droite. — M. de Foucault de Lardimalie parle successivement de différents points de la salle, et à différentes hauteurs de gradins. — M. l’abbé Maury gesticule au milieu de la salle, puis parcourt les rangs de la partie droite.... Après divprs mouvements tumultueux, M. le Président parvient à rétablir le calme.) L’ordre du jour est un rapport des comités ecclésiastique et de Constitution relatif aux difficultés survenues dans la ville d'Amiens au sujet des fonctionnaires ecclésiastiques qui refusent de prêter le serment. M. Chasset, rapporteur . Messieurs, le rapport que je suis chargé de vous présenter a pour objet une dénonciation qui vous a été faite contre le tribunal d’Amiens, accusé d’avoir empiété sur les fonctions administratives. Aussitôt que la loi du 26 décembre a été connue à Amiens, le département de la Somme a pris toutes les mesures pour son exécution, et a donné à cet effet tout pouvoir nécessaire, soit au district, soit à la municipalité, celle-ci a fait sur-le-champ une proclamation. Le 12 de ce mois, une grande quantité d’ecclésiastiques se sont présentés pour prêter le serment; mais, par un accord que je ne saurais expliquer, tous ces ecclésiastiques ont fait en même temps publier des écrits contenant leur opinion individuelle sur le serment, et d’une conformité littérale. Ces écrits avaient pour titre: Formule du serment prêté par M. le curé de.... et contenaient une restriction à la formule décrétée par l’Assemblée nationale. Ils les envoyèrent à toutes les municipalités du départe ment, pour faire croire aux autres ecclésiastiques que la municipalité du chef-lieu avait accepté cette restriction de serment. L’exemplaire que je tiens en main est intitulé Formule du serment prononcé far le curé de Saint Remy et ses vicaires, du 13 janvier 1791. On a fait une correction à la plume, de ceux dans ces exemplaire qui ont été distribués à Amiens, et on a mis : Formule du serment à prononcer, etc. « On nous demande, est-il dit dans ces écrits, de prononcer par un serment que nous aimons notre nation, que nous sommes soumis à la loi et fidèles à notre roi. Eh 1 mes frères, ce sentiment n’est-il pas celui de tout Français? ne coule-t-il pas dans ses veines avec son sang? ne l’apporte-t-il pas en naissant dans son cœur? nous en avez-vous jamais vus inspirer d’autre depuis que nous avons l’honneur d’être chargés du soin de vos âmes ? « Oui, nous osons vous appeler ici en témoignage et nous sommes certains que vous ne nous démentirez pas; nous n’avons jamais cessé de vous prêcher le patriotisme, ce véritable amour de la nation, consacré par cette charité divine qui, de tous les citoyens, ne fait qu’un cœur et qu’une âme et leur fait partager les biens qui en découlent. Nous vous avons toujours dit d’être soumis aux lois; d‘ aimer, de respecter votre roi; de payer exactement le tribut ; de ne pas cher-chér à frauder les impôts, sous peine d’être regardés comme mauvais citoyens, comme n’aimant pas votre patrie. « Si nous réclamons aujourd’hui les droits de la religion dans le sein de laquelle nous avons eu le bonheur de naître, et dont nous avons l’honneur d’être ministres, les intérêts de l’une et de l’autre ne sont-ils pas liés inséparablement par leur divin auteur? La puissance spirituelle et la puissance temporelle ne sont-elles pas une émanation du pouvoir absolu de l’Etre suprême, sans lequel aucune puissance ne saurait exister? En nous renfermant dans les bornes de ces deux puissances, on ne nous accusera donc pas de manquer à la nation, à la loi et au roi, puisque nous ne leur serons jamais plus fidèles que lorsque la religion consacrera notre obéissance et qu’elle en sera le plus ferme appui. « Voici donc mon serment: « Je soussigné, ministre de Jésus-Christ, chargé d’enseigner aux hommes qui nous sont confiés ce qu’ils doivent à Dieu et aux puissances temporelles, obligé de leur donner l’exemple de la soumission aux lois, pour obéir à Notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous ordonne de rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu; « Je jure de veiller avec soin sur les âmes qui me sont confiées; d’obéir à la nation, à la loi et au roi ; de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et sanctionnée par le roi, exceptant formellement tout ce qni tient essentiellement à la foi, à la religion catholique, apostolique et romaine, dans laquelle je suis résolu de vivre et de mourir. ( Applaudissements à droite; murmures à gauche. ) « Signé du curé et de ses vicaires. » Dans l’exemplaire que je viens de vous lire, il y a à prononcer. En voici un autre où on lit prononcé. Plusieurs voix à droite: Lisez! lisez! Plusieurs voix à gauche : C’est inutile I M. Chasset, rapporteur. Vous voyez, Messieurs, que par la tournure et de l’imprimé et de la correction, on voulait faire croire que le serment ayant été effectivement prononcé et accepté par la municipalité d’Amiens, tous les ecclésiastiques fonctionnaires publics de ce département pouvaient le prêter ainsi. Mais le directoire, instruit de ce projet, a réuni aussitôt le conseil d’administration, le district, la municipalité, et a pris le 17 janvier un arrêté 488 (Assemblée nationale.1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 128 janvier 1791.1 dont voici la substance: « Le directoire, considérant que l’Assemblée nationale a décrété que le serment des ecclésiastiques serait prêté sans restriction, instruit de la distribution qui a été faite, avec une profusion singulière, d’une formule de serment insidieuse, qu’on suppose avoir été prêté dans les églises d’Amiens, et regardant cette distribution comme une coalition tendant à apporter des obstacles à l’exécution de la loi, etc., a arrêté que les auteurs de ces écrits seraient dénoncés par l’accusateur public d’Amiens...» D’un autre autre côté, le directoire instruit que les intentions d’un grand nombre d’ecclésiastiques étaient de profiter de l’espèce d’équivoque que laisse subsister la loi du 26 décembre, pour cesser à l’instant, et de concert, toutes leurs fonctions, a chargé la municipalité de commettre un ecclésiastique pour pourvoir, autant que possible... (U s'élève des éclats de rire dans la partie droite.) M. Verchère de Reffye. Monsieur le Président, je vous prie d’imposer silence à ces évêques. M. Chasset, rapporteur..., pour pourvoir, autant que possible, à tous les besoins du culte, et à tout ce que les fidèles ont droit d’attendre. La municipalité a donc commis un prêtre pour dire la messe; mais cette mesure a dû cesser du moment où les prêtres ordinaires ont consenti à reprendre leurs fonctions. D’après l’esprit de la loi du 26 décembre, et le texte de l’instruction du 21 janvier courant, tous les fonctionnaires doivent rester en fonctions jusqu’au remplacement ; le prêtre commis par la municipalité à cru, au contraire, qu’il avait des droits plus étendus. Il a pensé que les anciens ecclésiastiques étaient déchus de droit, du moment où ils refusaient de prêter le serment. Plusieurs voix de la partie gauche ; C’est juste, il faut que cela soit ainsi. M. Chasset, rapporteur. La loi du 26 décembre porte seulement qu'ils seront censés avoir renoncé , ce qui ne signifie pas qu’ils abandonneront le service divin avant d’être remplacés. A Amiens, les ecclésiastiques qui avaient refusé de prononcer la formule de serment décrétée , ayant voulu continuer leurs fonctions jusqu’au remplacement, et l’ecclésiastique commis par la municipalité ayant voulu continuer les siennes, les opinions se partagèrent entre les contendants. La difficulté devait être portée devant le corps administratif, parce qu’il s’agissait de l’exécution d’une loi. H suffisait qu’un des contendants présentât en sa faveur un arrêté du département, pour que le tribunal ne dût pas se mêler de cette contestation, qui n’était pas une contestation judiciaire, mais une difficulté d’administration, qui n’avait pour objet que le mode d’exécution de votre décret. Vous n’avez pas voulu permettre aux juges de gêner les mouvements de l’administration ..... Le 20, à six heures du soir, on a assigné devant le tribunal d’Amiens l’ecclésiastique commis par la municipalité; on l’a assigné pour le lendemain à neuf heures du matin. A l’heure convenue, il s’est trouvé une grande quantité de monde dans le tribunal. L’avocat du curé a fait uu très long discours écrit, préparé d’avance ..... (Il s'élève des éclats de rire dans la partie droite. — M. le président rétablit le silence.) M. Chasset, rapporteur..., un discours préparé longtemps d’avance, combiné avec le commissaire du roi et avec le tribunal. Ceci est plus sérieux.... (La partie droite murmure.) M. Chasset, rapporteur. Si vous voulez, je répondrai ensuite. Plusieurs voix de la partie droite : Oui. M. Chasset, rapporteur. Eh bien, taisez-vous donc 1 M. l’abbé Maury. Je demande que l’Assemblée veuille bien défendre à M. le rapporteur d’improviser. M. Chasset, rapporteur. Je vous prie, Monsieur le Président, d’ordonner à M. l’abbé Maury d’improviser avec plus de décence. (Quelques minutes se passent dans un très grand tumulte, soulevé par les interpellations des membres de la partie droite.) M. Chasset, rapporteur. Les personnes qui m’interrompent prétendent que j'ai annoncé une proclamation du directoire. J’ai donné l’extrait d’une délibération... (Murmures dans l'extrémité droite.) M. Chasset, rapporteur, s’adressant de ce côté. J’ai parlé d’une proclamation de la municipalité. Est-ce là ce que vous demandez? (Personne ne répond.) Un membre de la gauche : Ils n’en savent rien eux-mêmes. M. Chasset, rapporteur. Le tribunal d’Amiens a renvoyé l’affaire à l’Assemblée nationale, et cependant a pris une délibération dans laquelle, considérant que les paroisses d’Amiens ne sont pas encore réduites ; qu’il n’existe aucun jugement de l’Assemblée nationale qui ait destitué la partie de Maillard, et qu’aucun ecclésiastique n’a droit de remplacer les anciens curés avant qu’ils aient d’eux-mêmes abandonné leurs fonctions, etc., déclare que les curés d’Amiens reprendront l’exercice de leurs fonctions, jusqu’à ce qu’ils aient été remplacés. Plusieurs voix du côté droit : Non ! non ! M. Chasset, rapporteur. C’est cependant ainsi que votre instruction l’a prononcé. Le comité ecclésiastique a pensé que la délibération du tribunal était juste en elle-même; mais il a pensé en même temps qu’il n’avait pas le droit de prononcer ainsi; que les tribunaux ne pouvaient, sans le plus grand danger pour la chose publique, se mêler de ces sortes d’affaires. Un des motifs de la délibération a été qu’il n’existait pas de décret qui prononçât la destitution des curés d’Amiens ; et cependant votre décret portait expressément que les fonctionnaires ecclésiastiques qui refuseraient de prêter serment ne seraient ni jugés, ni poursuivis, mais seulement qu’ils seraient regardés comme renonçant volontairement à leur office, et qu’ils seraient remplacés comme démissionnaires. Vous avez ordonné la poursuite devant les tribunaux, contre ceux-là seuls qui, après avoir prêté le serment, s'y montreraient réfractaires, et qui violeraient la loi qu’ils se seraient engagés à exécuter; ou