493 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 octobre 1790.J sur une contestation entre le département de Seine-et-Marne et la municipalité de Maincy. Une contestation est survenue dans le département de Seine-et-Marne, relativement à la confection d’une grande route. Dans l’ancien régime, on traçait les routes droites, et cela n’était pas difficile, parce qu’on prenait un terrain sans payer. Suivant le plan tracé dans ce département, la route doit couper des propriétés précieuses qu’on pourrait laisser intactes, en détournant la route de 2 toises, sur l’espace de deux lieux. Votre comité de Constitution vous propose de décréter que les administrations ou les directoires prendront en grande considération les propriétés, et qu’on s’écartera des lignes droites, lorsque le détour ne sera pas trop considérable, et que le roi sera prié de donner des ordres pour que la confection de la route tracée dans le département de Seine-et-Marne soit suspendue. Divers membres échangent quelques observations sur le projet de décret qui est modifié et adopté ainsi qu’il suit : « Sur le rapport de la contestation entre le Directoire du département de Seine-et-Marne et la municipalité de Maincy et autres propriétaires, l’Assemblée nationale décrète que le roi sera prié de faire suspendre l’exécution de la route conduisant de Melun à la Croix-Bernard, et de ne faire lever cette suspension qu’après les vérifications et l’examen, par un commissaire de Sa Majesté, des plaintes de la municipalité de Maincy et autres propriétaires. » M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion sur la contribution foncière et sur le mode d'impôt. La délibération doit d’abord porter sur l’amendement proposé hier et ajourné à la séance d’aujourd’hui, qui porte : « La somme d’impôt à asseoir sur chaque communauté par les administrateurs de districts, sera, comme ci-devant, établie en argent ; mais il sera libre à chaque communauté de répartir son impôt tout en nature, ou tout en argent, par cotes individuelles, ou bien partie en argent ou partie en nature suivant l’espèce de matière imposable qui se trouvera dans son arrondissement. >» M. de Delley-d’Ajçier. L’on ne peut procéder avec méthode, si l’on ne commence pas d’abord par proposer une série de questions. M. de La Rochefoucauld. La discussion est fermée sur le fond de la question; on ne peut donc discuter que l’amendement qui consiste à savoir si la liberté sera laissée aux municipalités de s’imposer en nature ou en argent. (La discussion est fixée sur ce point seulement.) M. Bouche. Les communautés auront-elles la liberté de s’imposer de la manière la plus commode et la plus convenable, suivant la localité? Moi je suis pour la liberté, parce que ce n’est que pour la liberté que je suis ici ; que les municipalités s’imposent en nature ou en argent, ce sera toujours en argent que les impôts seront versés dans le Trésor public. Il me parait qu’on ne s’est pas fait une véritable idée de ce que l’on appelle une imposition en nature ou en fruits, elle ne consiste pas, ainsi que plusieurs membres de cette Assemblée m’ont paru le croire, à laisser aux municipalités l’embarras de colliger elles-mêmes les blés, les fruits, les foins et les olives; je dis cela, parce que j’ai entendu parler de grands frais, de hangars et de greniers. Voici ce que c’est que l’imposition en nature: les municipalités, suivant la nature de leur territoire, et d’après le cadastre, se décideront à percevoir l’impôt en fruits; alors elles ouvriront les enchères; elles affermeront à des particuliers quipayeronten argent; cet argent sera ensuite donné par le contribuable au receveur du district, qui versera dans la caisse du département, pour delà être versé dans le Trésor public. Cette manière est douce et peu dispendieuse; on en a fait jusqu’à présent une expérience très avantageuse dans les provinces du Midi : elle éviterait beaucoup de frais; la dépense d’un cadastre, les contraintes par corps et les frais de poursuite : je conclus pour la liberté. M. de Stnéty appuie l’avis de M. Bouche, et propose les dispositions suivantes : 1° que l’option du mode de perception ne pourra être arrêtée que dans une assemblée de propriétaires agricoles, convoqués par la 'municipalité ; 2° que le règlement de la répartition y sera également arrêté; 3° que la délibération sur cet objet sera renvoyée au directoire du district, qui donnera son avis pour l’envoyer au directoire du département, qui l’homologuera, etctte homologation aura force de loi; 4° que le département ne pourra refuser cette homologation sans raotiverson refus; 5° et que, dans ce cas, les municipalités pourront s’adresser au Corps législatif. (On demande la question préalable sur l’amendement.) M. Goupil. Le système de l’imposition en nature est en toute manière impraticable. On nous a cité l’exemple des provinces méridionales. Est-ce bien là une raison péremptoire pour établir l’impôt en nature dans toute la France? Devons-nous l’imposer à la provençale ? Vous ne devez adopter de plan d’imposition que celui qui convient à tout le royaume. L’impôt en nature mettrait le pauvre sous la servitude du riche. De plus, si vous accordiez aux municipalités l’ôption de s’imposer en nature ou en argent, vous leur donneriez une faculté législative. Je conclus qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la question de payer l’impôt en nature. (L’amendement de M. Dubois est rejeté par la question préalable.) (L’Assemblée décide que la contribution foncière sera payée en argent et non en nature.) M. de la Rochefoucauld propose la question suivante : La contribution sera-t-elle d’une somme fixe et déterminée? Sera-t-elle perçue sur toutes les propriétés foncières sans exception? Sera-t-elle répartie, par égalité proportionnelle, entre les propriétés, à raison du revenu net ou de la valeur locative ? M. de Folleville. Je demande que l’on décrète d’abordquela fixationde l’impôtnes’élèverajamais plus qu’au cinquième des revenus. (On observe que ce n’est pas là la question.) M. Gaultier de Biauzat. Je demande un décret général sur la masse totale des impositions, c’est-à-dire que la diminulionoul’augmentatioude l’impôt porte proportionnellement sur les revenus fonciers et industriels. (L’Assemblée décide que la contribution foncière sera d’une somme déterminée chaque année par la législature.) [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (7 octobre 1790.J 494 La contribution sera-t-elle perçue sur toutes les propriétés foncières sans exception ? On demande une exception pour les marais desséchés. L’Assemblée déclare que cette question ne sera décidée qu’après celle proposée par M. de La Rochefoucauld, La contribution sera-t-elle répartie par égalité proportionnelle entre les propriétés , à raison du revenu net ou dç la valeur locative ? M. de Delley-d’Agîer. La base proposée par votre comité tend à ruiner le commerce. Il ne faut pas laisser d’inquiétude aux cultivateurs. Il ne faut pas que leur industrie puisse être ralentie par une augmentation d’ijnpôt, toutes les fois qu’ils voudront donner de l’extension à la culture. Il ne faut pas qu’une plantation nouvelle, qu’un défrichement nouveau occasionnent au cultivateur qpi l’entreprend une taxe plus forte. Au lieu d’imposer son industrie, il faut l’encourager; c’est le seul moyen de vivifier l’agricuUure.Nous ne sommes riches que parce que notre royaume est agricole, et on nous propose de le ruiner, car nous ne larderions pas à l’être, si le cultivateur était assailli du percepteur, aussitôt qu’il viendrait à planter un arbre. Mon expérience dans cette partie me prouve combien il serait dangereux d’imposer l’industrie; l’impôt ne doit être perçu que sur le revenu net de la terre. Je vous rappelle donc au projet de décret que je vous ai présenté; je vais vous en donner une seconde lecture : « Art. 1er. Il sera établi à compter du 1er janvier une contribution foncière dont la somme fixe et déterminée sera répartie dans une proportion relative à l’espèce de ces propriétés sur leur revenu net imposable. « Art. 2. Le revenu net imposable d’uue propriété foncièresera toujours le revenu naturel qu’elle doit produire, en écartant tout moyen industriel est extraordinaire, et déduction faite des frais de culture, de semence et de récolte. » M. Hœderer. L’on n’entend pas bien ce que veut dire M.deDelley, en écartant tout moyen industriel et extraordinaire, et déduction faite des frais de culture, de semence et de récolte ; la terre ne produit que des ronces, c’est le travail qui la féconde, ce sont les avances que le cultivateur lui fait. Il y en a de plusieurs sortes� les avances annuelles et celles qui ne sont susceptibles que d’un renouvellement moins rapproché. D’après le projet de M. de Delley, une terre défrichée aujourd’hui ne rapporterait encore rien dans cent ans à l’Etat; mais nous ne différons que par les mots, nous partons du même principe et nous voulons les mêmes conséquences. Je demande donc que les deux propositions, faites par le comité, soient adoptées eqçes ternies : «La contribution foncière seraperçue sur toutes les propriétés foncières, sans exception autre que celles qui seront déterminées pour l’intérêt de l’agriculture. Elle sera répartie par égalité proportionnelle entre les propriétés foncières, à raison de leur revenu net, ainsi qu’il sera défini ci-après. » (Ce décret est adopté.) M, «le Paroy demande et obtient un congé de six semâmes pour raison de santé. Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une lettre de M. Lambert. En voici l’extrait : « J’apprends que l’Assemblée a passé hier à l’urdre du jour sur la proposition qui lui a été faite par ses trois comités réunis d’imposition. des finances et de Constitution, pour la création des juges provisoires, sur les contestations en matière d’impôt, en attendant l’installation des nouveaux tribunaux. Les commissaires départis ont cessé leurs fonctions depuis trois mois. Depuis le 1er juillet, beaucoup de droits n’ont pas été acquittés. Quelques percepteurs ont retenu ou diverti les deniers. L’administration générale des domaines, ainsi que la ferme et la régie, se plaignent tous les jours des nouveaux obstacles apportés à la perception. J’ai cru qu’il était de mon devoir de mettre ces considérations sous les yeux de l’Assemblée. » (L’Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre à son comité des finances. — La séance est levée à trois heures.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. EMMERY. Séance du jeudi 7 octobre 1790, au soir. La séance est ouverte à six heures et demie du soir. M. Gonpiileau, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance de ce matin. Le procès-verbal est adopté. Il est fait lecture d’une lettre du sieur Vieilli de Varenne, nommé en 1789 garde-magasin général des démolitions-de la Bastille. Il a géré cet emploi sans recevoir d’honoraire. Il lui avait été promis par le comité d’administration de la ville une gratification de 1,800 livres, payable lors de la cessation des travaux. 11 fait hommage à la nation de cette gratification, et joint à ce sacrifice une gravure allégorique sous la dénomination de « l’an premier de la Révolution », et de la « collection entière des drapeaux de l’armée nationale parisienne. » La seule grâce que sollicite le sieur Vieilh, consiste à ce que l’Assemblée nationale permette qu’il jouisse librement du logement qui lui a été accordé, jusqu’à ce que le terrain sur lequel il est situé, soit vendu au profit de la nation . L’Assemblée, après avoir applaudi au zèle patriotique du sieur Vieilh, ordonne qu’il sera fait dans le procès-verbal une mention honorable de son adresse. Il est donné lecture d’une lettre de M. Louis de Noé, qui expose les torts énormes qu’il éprouve par la suppression d’un droit de péage montant à 20,000 livres par an, et de la charge de maire de Bordeaux, sur laquelle il est créancier de 60,000 livresqu’il avait empruntées pour la payer. Il est redevable lui-même de cette somme, et prie l'Assemblée de lui subvenir. L’Assemblée renvoie cette pétition aux comités de liquidation et de judicature. M. Chassei propose de faire un changement dans l’article 8 du titre premier du décret sur la désignation des biens natiouanx à vendre dès à présent. Ce changement consiste à supprimer dudit article ces mots : « employés à Renseignement public » et à leur substituer ceux-ci : « voués au soulagement des pauvres. » L’Assemblée, après une légère discussion, décrète le changement proposé.