638 [17 décembre 1789.) [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. vres sous la surveillance et d’après les instructions des assemblées provinciales; Considérant qu’en conséquence de ce décret, il est de l’intérêt de l’Etat de veiller à la conservation des biens du clergé et de n’user qu'avec modération d’une ressource dont la destination est si importante à l’ordre public ; que si l’Assemblée nationale est justement déterminée à remplir ses engagements envers les créanciers de l’Etat, elle n’en est pas moins jalouse de protéger le bonheur individuel de chaque citoyen, et qu’elle ne cessera de regarder l’union et la tranquillité de tous les Français, comme le plus sûr garant du patriotisme et de la liberté de la nation ; Considérant qu’en manifestant sa justice et sa bienveillance aux ecclésiastiques, elle n’en doit pas prendre de précautions moins sages contre les prétentions du clergé, afin qu’il ne puisse plus former un ordre dans l’Etat; Considérant que la dette du clergé est devenue la dette de la nation, depuis que les impositions ecclésiastiques destinées à en payer le fonds et l’intérêt sont versées dans le Trésor public; Considérant enfin, que l’Assemblée nationale peut, en sauvant l’Etat, confondre heureusement tous les intérêts et toutes les volontés, prévenir la dilapidation des biens ecclésiastiques, en réglant avec économie les secours extraordinaires qu’ils doivent fournir à l’Etat; opérer le bien public de concert avec les membres du clergé eux-mêmes, et faire jouir promptement la nation des effets d’une si précieuse harmonie, a décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er. Le clergé est et demeure déchu à perpétuité du droit de former un ordre dans l’Etat. 11 ne sera plus regardé comme un corps particulier , et en conséquence, toute ad ministration commune du clergé, tant générale que spéciale danschaquediocèse,estet sera pour toujours abolie. Art. 2. Il sera payé au Trésor de l’Etat, sur le roduit des biens du clergé, qui seront destinés cet effet, ou qui seront aliénés, une somme de 400 millions de livres; savoir, 100 millions au moins dans le courant de l’année 1790, 100 millions dans le courant de 1791, 100 millions dans le courant de 1792, et 100 autres millions dans le courant de 1793. Lesdites sommes seront reçues et versées dans le Trésor public par les assemblées des départements dans le ressort desquelles les ventes auront été faites. Art. 3. Ces diverses sommes seront formées en argent ou en effets que l’Assemblée nationale indiquera comme pouvant être reçus pour comptant des acquéreurs desdits biens. Art. 4. 11 sera formé sur-le-champ un comité de douze personnes, composé principalement de membres ecclésiastiques, lequel sera tenu de désigner à l’Assemblée nationale, dans le délai de six semaines, pour 400 millions de biens ou valeurs appartenant au clergé, dont elle ordonnera la vente, et ces ventes cesseront lorsque les 400 millions seront réalisés. Art. 5. L’état des biens du clergé destinés pour être vendus, sera imprimé et rendu public dans tout le royaume. Art. 6. La vente en sera décrétée pour être commencée le 1er juin 1790, au plus offrant et dernier enchérisseur sous la surveillance des assemblées de département ou de leurs directoires et en présence des commissaires ecclésiastiques qui seront nommés à cet effet. Art. 7. Le comité ci-dessus désigné présenteraen même temps à l’Assemblée nationale un projet de règlement relatif aux ventes qui seront ordonnées. Art. 8. La nation se charge d’acquitter, tant la dette générale du clergé que les dettes des diocèses. En conséquence, les ci-devant agents du clergé, en remettront l’état en bonne forme à l’Assemblée nationale dans le courant de janvier prochain ; mais la nation n’en payera l’intérêt qu’à compter du jour de la cessation des privilèges pécuniaires. Art. 9. Moyennant les dispositions ci-dessus énoncées, les paroisses qui voudront se libérer de la redevance de la dîme, auront le droit de rachat conformément au décret du 4 août dernier ; et en attendant le rachat, la dîme continuera d’être perçue comme parle passé. Art. 10. En conséquence, l’Assemblée nationale confirme aux bénéfices et établissements ecclésiastiques la possession des biens qui leur sont actuellement attribués; se réservant néanmoins le droit d’en surveiller l’emploi, et de régler les suppressions que la nation jugera nécessairesi M. le Président. L’Assemblée passe maintenant à son ordre du jour de deux heures et va s'occuper de l'affaire de Toulon. M. le comte de Castellane rend compte du contenu du paquet quiaété remisa M. le président pendant la séance et qui a été apporté de Toulon par un courrier extraordinaire. Ce paquet contient : 1° une lettre écrite par M. de Saint-Priest à la municipalité de Toulon, en date du 7 de ce mois, portant ordre de relâcher les officiers détenus. On observe sur cette lettre qu’elle a dû partir le 7 dans la matinée et que le décret de l’Assemblée, conforme à cet ordre du Roi, n’est que du 7 au soir; 2° des lettres de M. de Garaman et de M. d’André sur le même sujet avec les réponses de la municipalité ; 3° une délibération en en date du 12, par laquelle les représentants delà commune, considérant que la lettre de M. de Saint' Priest n’a pas le caractère de la volonté certaine du Roi, que le sieur d’Albert et autres ont été arrêtés à la clameur publique, et que les circonstances n’ont pas changé, attendent la discussion de l’Assemblée nationale et persistent. La séance est levée à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CAMUS, ex -président. Séance du jeudi 17 décembre 1789, au soir. M. Richard, dont les pouvoirs ont été vérifiés est admis en remplacement de M. le baron de Ghaléon, député du Dauphiné, démissionnaire. M. Le Pelletier de Saint-Fargeau rend compte de sa mission auprès de M. Fréteau de Saint-Just et dit qu’il lui a porté l’expression de l’intérêt de l’Assemblée. M. le Président l’a chargé d’offrir à l’Assemblée l’expression de sa vive reconnaissance. M. le baron de Cernon. Messieurs, le décret du 28 novembre dernier qui a ordonné que les ci-devant privilégiés seraient imposés au lieu de la situation de leurs biens et non au domicile, a, par l’événement, donné un privilège aux contri-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur. ] Assemblée nationale.] ARCHIVES PAR buables qui n’en avaient point, en ce que ceux qui ne font pas exploiter étant imposés dans le lieu de leur domicile seulement, quoiqu’ils aient des propriétés dans un ou plusieurs endroits, jouissent d’une faveur que l’Assemblée n’a pas eu l’intention de leur accorder. En conséquence, je demande que tous les taillables de la province de Champagne, où les rôles ne sont pas faits, soient assujettis pour l’année 1790, aux mêmes formes et aux mêmes modes de répartition que celles qui ont été Axées pour les ci-devant privilégiés par le décret du 26 novembre dernier, concernant l’imposition àasseoir au lieu de lasituation des biens. M. Gillet de la Jacqueminière. Cette motion a été déjà rejetée et comme l’Assemblée ne saurait varier dans ses décisions d’une semaine à l’autre, je propose la question préalable. M. Gaultier de Biauzat. Il est bon de remarquer que ce ne sont pas les ci-devant privilégiés qui paient la taille, mais bien ceux à qui ils louent leurs biens. M. Dubois de Crancé. Je viens plaider la cause des ci-devant privilégiés; on sera étonné de voir que les villes sont les seules qui réclament contre l’égalité d’imposition, lorsque la noblesse et le clergé ont fait le saeriAce de leurs privilèges. M. Chasset. Chaque contribuable peut, aux termes de la déclaration de 1628, se faire imposer au seul lieu de son domicile en faisant les significations ordonnées. Il ne faut pas préjudicier à cette faculté accordée par la loi. M. Ea Poule. Je propose que le décret à rendre pour la Champagne soit étendu aux provinces de taille personnelle et mixte où les départements ne sont pas encore faits. M.Brostaret. Je propose, par amendement, que les cens, rentes, droits de terrage, dîmes et généralement tous droits seigneuriaux, féodaux et fonciers soient imposés comme les propriétés territoriales. On demande la question préalable sur cet amendement. L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas à délibérer quant à présent. M. l’abbé Afaury. La question que vous discutez est des plus simples. Il n’y a plus de privilégiés dans la nation. Les ci-devant privilégiés demandent d’être traités comme les ci-devant tail-labiés. Us espèrent que la taille n’existera plus l’année prochaine; s’il en était autrement, les ci-devant privilégiés en paieraient vingt pendant que les ci-devant taillables n’en paieraient qu’une. M. le Président prend les voix sur la motion principale, elle est admise avec amendement. En conséquence, l’Assemblée décrète ; « Que tous les taillables de la province de Champagne, où les rôles ne sont pas faits, seront assujettis, pour l’année 1790, aux mêmes formes et aux mêmes modes de répartition qu’elle a Axés pour les ci-devant privilégiés, par son décret du 28 novembre dernier, concernant l’imposition à asseoir au lieu de la situation des biens ; « Décrète en outre, que cette disposition aura lieu pour toutes les provinces de taille personnelle et mixte où les départements ne sont pas encore faits. » EMENTAIRES. 117 décembre 1789.] 639 M. le Président donne ensuite la parole à un député de Saint-Domingue pour parler sur les subsistances de cette colonie. L’orateur ayant observé qu’il était tard et que son rapport serait fort long, l’affaire a été ajournée à mardi, à l’ouverture de la séance du soir. M. le comte de Virieu annonce un don patriotique de la société du café Antonio SpreaAco, place des Terreaux, à Lyon, montant à la somme de 600 livres 4 sols 4 deniers. M. d’Eslournel. Je propose d’employer les fonds inactifs de la caisse des dons patriotiques à payer tous les arrérages de rentes au-dessous de 50 livres. M. d’AilIy. Je crois qu’il serait plus utile d’employer ces sommes à l’achat et amortissement des papiers royauxjjdepuis longtemps décriés. L’Assemblée ne prend pas de décision sur ees deux motions. La parole est accordée ensuite à un député du Dauphiné, qui, d’après l’avis et au nom du comité des Anances, soumet à l’Assemblée un projet de décret pour la levée des impositions de cette province. L’Assemblée décrète les articles suivants : « L’Assemblée nationale reconnaissant la nécessité de pourvoir à la répartition et perception des impositions pour l’année 1790, ainsi qu’à l’administration, dans la province du Dauphiné, a décrété et décrète ce qui suit : « 1° Les membres de la commission intermédiaire des états de ladite province rempliront toutes les fonctions attribuées auxdits états, jusqu’à ce que les assemblées administratives aient été formées en Dauphiné, suivant le plan Axé par la constitution, leur donnant à cet effet tous pouvoirs nécessaires. « 2° Ladite commission intermédiaire fera procéder par les communautés de ladite province à la répartion supplétive sur les ci-devant privilégiés, des impositions ordinaires et directes, autres que les vingtièmes, pour les six derniers mois de 1789, de la manière et avec la destination prescrites par les articles 2 et 3 du décret du 25 septembre dernier. « 3° Ladite commission procédera, d'ailleurs, selon les formes accoutumées en ladite province à l’assiette et département des impositions ordinaires et directes de 1790, sur le même pied qu’elles ont été Axées pour 1789, et lesdites impositions seront réparties conformément aux articles 4 et 5 du décret ci-dessus énoncé ; elles le seront, ainsi que l’imposition supplétive, pour les six derniers mois de 1789; savoir les impositions réelles par un seul et même rôle, et les impositions personnelles pareillement par un seul et même rôle. » M. le Président lève ensuite la séance après avoir indiqué celle de demain pour 9 heures 1/2 du matin. ANNEXES à la séance de V Assemblée nationale du 17 décembre 1789. Nota. Nous insérons ici diverses pièces qui se rattachent au rapport du comité ecclésiastique concernant les ordres religieux. Ces documents ont été imprimés et distribués aux membres de l’Assemblée nationale.