156 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (30 novembre 1790.] n’avoir point assisté aux séances dans lesquelles ont été pris les arrêtés des 25 et 27 septembre dernier, et que les plus fortes présomptions en faveur de l’innocence du sieur Perrez, résultent, tant de la déclaration par lui faite entre les mains de la municipalité de Toulouse, de n’avoir pas participé auxdits arrêtés des 25 et 27 septembre dernier, que de la disposition où il était de se rendre volontairement auprès de l’Assemblée nationale, pour lui exposer les détails de sa conduite et de la fidélité scrupuleuse avec laquelle il s’est conformé à rengagement d’honneur, qu’il avait souscrit, de ne point s’éloigner de la ville de Toulouse ; « Décrète que son Président se retirera par-devers le roi, à l’effet de supplier Sa Majesté de donner incessamment les ordres nécessaires: « 1° Pour que le sieur Perrez, conseiller à la ci-devant chambre des vacations du parlement de Toulouse, soit remis en liberté, à la charge de se représenter à toute réquisition ; « 2° Pour que le sieur Maniban, ci-devant président de la ci-devant chambre des vacations, conserve aussi sa liberté. » (Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.) M. le Président. V ordre du jour est un rapport du comité de féodalité sur le rachat des rentes foncières non seigneuriales (1). M. Tronchet, rapporteur. Messieurs, l’article 6 du décret des 4, 6, 7, 8 et 11 août 1789 porte : « Toutes les rentes foncières perpétuelles, « soit en nature, soit en argent, de quelque espèce « qu’elles soient, quelle que soit leur origine, à « quelques personnes qu’elles soient dues, gens « de mainmorte, domaines, apanagistes, ordre de « Malte, seront rachetables ; les champarts de « toute espèce, et sous toutes dénominations, le « seront pareillement au taux qui sera fixé par « l’Assemblée. Défenses seront faites de ne plus « à l’avenir créer aucune redevance, non-rem-« boursable. » Les questions qui se sont présentées, et dont la solution devient nécessaire pour donner à ce décret le développement dont il est susceptible, peuvent se ranger sous six classes principales. Dans la première, nous placerons celles qui concernent le point de savoir si certaines espèces de contrats doivent, ou non, recevoir l’application du d écret; Dans la seconde, nous examinerons les règles générales qui doivent régir le rachat des rentes foncières, soit relativement à la divisibilité ou indivisibilité du rachat, soit relativement à la qualité des personnes qui doivent offrir ou recevoir le rachat; Dans la troisième, les règles qui concernent le taux et le mode du rachat; Dans la quatrième, l’effet que la faculté de rachat doit produire relativement aux droits ci-devant seigneuriaux, soit tant qu’ils n’auront point été rachetés, soit relativement à leur rachat ; Dans la cinquième, l’effet de la faculté du rachat relativement au bailieur lui-même et au preneur; Dans la sixième, l’effet de la faculté du rachat vis-à-vis des créanciers du bailleur. Nous terminerons enfin par une disposition relative à l’effet du rachat quant au centième dernier. PREMIÈRE PARTIE. La généralité des termes, dans lesquels est conçu le décret du 4 août, ne semble laisser lieu à aucun doute sur sou application. D’un côté ce sont toutes les rentes foncières , et d’un autre côté ce ne sont que les rentes foncières perpétuelles. On distingue deux origines principales des rentes foncières : la première est celle qui dérive de l’aliénation d’un fonds, lors de laquelle le propriétaire a retenu pour prix une rente; la seconde est celle qui dérive de la seule volonté du propriétaire, qui, sans aliéner son fonds, l’a grevé d’une rente qui n’a point eu de prix : telles sont les rentes de dons et legs. On a beaucoup vacillé sur la question de savoir si les rentes de dons et legs étaient véritablement foncières et, comme telles, non racheta-bles. Les uns voulaientqu’eiles fussentrachetables, d’autres restreignaient ce privilège aux rentes créées pour une cause pie, et exigeaient que la rente eût été affectée sur un certain fonds. Mais toutes ces difficultés doivent disparaître à la vue du décret du 4 août. Il déclare rache-tables toutes les rentes foncières.... de quelque espèce qu'elles soient...., quelle que soit leur origine... à quelques personnes qu'elles soient dues. Ce décret comprend donc les rentes de dons et legs comme les rentes conventionnelles, celles qui ont le privilège de la cause pie comme celles qui ne l’ont pas; et il paraîtrait inutile de rien ajouter aux termes de ce décret, qui ne peuvent donner lieu à aucun doute raisonnable, même vis-à-vis de ceux qui regardaient ci-devant les rentes de dons et legs comme foncières et non rachetables. Ce sera donc par surabondance, et pour prévenir toute espèce de doute seulement, que nous vous proposerons d’ajouter à l’article 6 de votre premier décret, ces mots : Même les rentes de dons et legs , et pour cause pie. 11 paraît également inutile d’examiner un usage particulier du Hainault, où les rentes constituées en argent antérieurement à l’époque delà Saint-Jean-Baptiste 1554, étaient réputées non rache-labies. Ces rentes sont évidemment comprises dans le décret sous ces termes : Quelle que soit leur origine. 11 est donc incontestable que le décret déclare rachetables toutes les rentes foncières quelconques. Mais le décret ne déclare rachetables que les rentes foncières perpétuelles , et dès lors il ne paraît pas comprendre les rentes foncières créées par des baux à longues années, de 27, 30, 40 et même 99 ans. Ces sortes de rentes sont véritablement foncières. L’essence du contrat de bail à rente consiste en ce que le propriétaire d’un fonds le transfère au preneur à titre de propriété, sous la seule réserve qu’il fait d’une rente annuelle en argent ou en denrées; en sorte que le bail à rente transfère au preneur tous les droits qu’avait le bailleur dans le fonds, et que si le bailleur paraît conserver une espèce de droit sur le fonds, ce. droit ne consiste que dans la rente qui en représente une partie dans sa main. Il est vrai que dans le bail à rente à terme le preneur n’acquiert point une propriété incom-mutable; mais ce bail à rente transfère au preneur une propriété parfaite pour tout le temps de sa durée. Le preneur acquiert une pleine pro-Ce rapport n’a pas cté inséré au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 novembre 1790.] priété, simplement résoluble. De là vient que pendant toute la durée du bail le preneur supporte toutes les charges réelles du fonds, et qu’il est soumis à toutes les actions qui ont lieu contre le preneur à rente perpétuelle. Il n’est donc pas douteux que les rentes créées par des baux à rentes à terme, sont de véritables rentes foncières, qui seraient susceptibles de l’application du décret du 4 août, si ce décret avait prononcé purement et simplement le rachat des rentes foncières. Mais les rentes créées par de simples baux à longues années, paraissent littéralement exceptées" du décret par cette expression, rentes foncières perpétuelles, qui restreint son application aux rentes qui avaient une durée perpétuelle; et cette restriction paraît d’ailleurs fondée sur les motifs les plus dignes de considération. En prononçant la faculté du rachat des rentes foncières, on* a voulu sans doute favoriser l’agriculture et le peuple, qui est la classe des cultivateurs plus généralement grevée de cette espèce de charge. Mais on irait contre .ce double objet, si l’on ordonnait le rachat des rentes foncières qui ne sont pas perpétuelles. L’intérêt de l’agriculture et du peuple est que les propriétés se divisent le plus possible. Les baux à rentes étaient un des moyens les plus propres à remplir cet objet. Un habitant de la campagne, qui n’a que ses bras et son temps, ne peut point acheter une portion de terre quelconque; il la prend à rente, et par son travail il trouve dans les fruits de la terre qu’il cultive de quoi payer la rente et la subsistance de sa famille. Souvent le terrain qui lui a été ainsi concédé était en friche. Le propriétaire d’un terrain considérable de cette nature n’avait pas les facultés pécuniaires nécessaires pour le mettre en valeur. Il l’a divisé en petites portions qu’il a arrentées. Ces petites portions ont fourni la subsistance à un grand nombre de familles. Ces arrenteinents ont attiré de nouveaux habitants, et celte opération a tout à la fois vivitié une terre infructueuse pour le propriétaire, et accru la population du pays. Ce sont ces avantages évidents des baux à rentes qui nous ont amené un grand nombre de mémoires contenant des réclamations très pressantes contre le décret du 4 août. Nous sommes bien éloignés de vous proposer de le révoquer : mais nous pensons que les rétlexions, que nous venons de vous présenter, doiventvous conduire à maintenir l’exception que présente votre décret, c’est-à-dire à excepter de la faculté du rachat et de la défense de créer à l’avenir des rentes irrachetables les baux à longues années. Il existe encore en France an grand nombre de terres incultes. Les propriétaires qui n’ont pas ie moyen de les mettre en valeur hésiteront à les aliéner à prix d’argent, ou moyennant une rente conversible en argent, dont l’emploi va désormais devenir plus difficile. Il est des pays de montagnes qui ne peuvent se cultiver qu’à bras, et qui exigent, par cette raison, des propriétés très divisées. Le seul moyen de les mettre en valeur, ou de les entretenir dans un meilleur état de culture, est d’intéresser ie cultivateur lui-même à l’amélioration ; il n’y a qu’une propriété, garantie au moins pour un certain temps, qui puisse exciter l’émulation du cultivateur; la faculté de ne pas aliéner irrévocablement est un des moyens le plus sûr pour engager le propriétaire à remettre son fonds entre les mains d’un 157 cultivateur plus intéresséà l’amélioration, etplus en état de le faire. Ce sont vraisemblablement ces considérations qui vous ont conduit à ne comprendre dans votre décret que les rentes foncières perpétuelles ; et ce sont celles qui nous autorisent à vous proposer, pour éviter toutes difficultés, de maintenir et d’autoriser expressément, pour le passé et pour l’avenir, les baux à longues années. Les réflexions que nous venons de proposer sur les baux à longues années, nous amènent naturellement à l’examen d’un genre de contrat qui est particulier aux pays de droit écrit, et qui y est connu sous le titre de locaterie perpétuelle. L’alliance de ces deux expressions fait assez pressentir la difticulté qui s’élève sur ce genre de contrat. Le ternie locaterie semble n’indiquer qu’une cession de fruits, taudis que l’expression perpétuelle semble désigner une véritable aliénation du fonds, et assimiler le contrat au véritable bail à rente perpétuelle. Cependant plusieurs auteurs du pays de droit écrit prétendent mettre une différence essentielle entre ces deux espèces de contrats, suivant eux, « ce contrat n’est point véritablement « translatif de propriété....; ce n’est proprement « qu’un cisaillement de la propriété en deux par-« ties, dont l’une demeure à titre de propriété à « celui qui donne ie fonds, et l’autre passe à « titre d’usufruit sur la tète du locataire....; le « bailleur se réserve la propriété et la possession « civile, il ne baille que la possession naturelle « au preneur. -> Pour soutenir cette définition, on observe que le preneur dans la locaterie perpétuelle est spécialement obligé à l’amélioration ; que toute dégradation, môme la coupe des bois de haute-futaie, lui est interdite ; que le titre lui interdit toute division; qu’à défaut de payement de la rente le bailleur peut, saus forme ne procès, et sur une simple assignation en désistât, évincer le locataire lorsqu’il ne paye pas dans le cours du délai que la justice lui prescrit. On convient que l’usage le plus ordinaire est que le locataire acquitte les charges réelles, comme taille et autres impositions ; mais on ajoute que quelquefois cependant le locateur s’en réserve expressément l’acquittement, et qu’à défaut de payement, dans l’uo et l’autre cas, c’est coutre le locateur que le lise dirige sou action. Ou appuie encore la définition de la locaterie perpétuelle sur la jurisprudence du parlement de Toulouse : ou en cite plusieurs arrêts qui ont autorisé le locateur à rentrer dans la chose, faute de payement pendant trois ans, en vertu d’une simple ordonnance de justice et sans décret, comme on est obligé de le faire dans le cas du bail à cens ou à rente foncière. On cite encore un autre arrêt qui a jugé qu’un seigneur de fief, qui n’avait concédé une partie de son domaine qu’à titre de locaterie perpétuelle, ne pouvait pas, outre la rente disputée, exiger le cens ordinaire, attendu que le contrat n’emportait point aliénation de propriété. Enfin on observe qu’il est de la plus grande importance de maintenir le contrat dans les pays où il est eu usage, et surtout dans les montagnes des Gévennes. Le numéraire y est rare; le plus grand nombre des habitants ne pourraient acheter la plus petite propriété. Cent agricoles se présentent sur l’ordre d’une locaterie perpétuelle; les fonds cédés à ce titre reçoivent très promptement des améliorations considérables. La popu- l£>8 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 novembre 1790.] lation s’augmente. Les propriétaires des fonds susceptibles de ce genre de location les garderaient, et la population décroîtrait journellement. Au contraire, l’agriculture et la population seront favorisées par l’usage de ces contrats, qui sont regardés dans le pays comme un patrimoine très précieux. Ce genre de contrat y est préféré à cause de la solidité de l’engagement et de la facilité de pouvoir rentrer dans le fonds. Tels sont les motifs sur iesquels on vous propose d’excepter de la loi du 4 août les contrats à locaterie perpétuelle. Mais il paraît difficile d’admettre cette proposition. Les principes particuliers que l’on suppose avoirété adoptés par le parlement de Toulouse ne paraissent pas l’avoir élé pour celui de Provence. M. Duperrier atteste que dans ce parlement on regarde la locaterie perpétuelle comme emportant une mutation de propriété, et comme donnant en conséquence ouverture aux iods et aux retraits. il faut convenir, en effet, que les raisons sur lesquelles on fonde la différence que l’on veut mettre entre ce genre de contrat et celui du bail à rente, paraissent plus subtiles que solides. Une locaterie n'annonce à la vérité qu’une cession de la jouissance des fruits. Mais un droit ; perpétuel de jouissance est incompatible avec l’idée d’un simple bail à loyer. Un usufruit perpétuel est une idée sauvage et peu conciliable avec les notions communes. Il en est de même de l’idée que ce contrat est un cisaillement de la propriété en deux parties, lequel réserve à l’un la propriété et à l’autre une jouissance perpétuelle. Cette idée ne signifie rien ou ne signifie autre chose que ce genre de propriété purement fictive, que l’on suppose également réservée au bailleur dans le bail à rente ordinaire. La stipulation, qui assujettit le preneur à d< -s améliorations, et celle qui lui interdit toute dégradation sont communes au bail à rente ordinaire. Ce sont des conditions qui ont pour objet la sûreté du service de la rente. La défense de couper les bois de haute futaie n’est qu’une réserve d’une partie de la propriété, qui n’empêche point que ie surplus n’ait pu être aliéné. Celte réserve n’est pas une chose particulière aux baux à locaterie perpétuelle, elle se trouve quelquefois dans les baux à rente ; et tout ce qu’elle peut produire, c’est d’obliger le preneur, lors du remboursement de la rente, à payer la valeur des bois réservés. La prohibition de diviser et aliéner avait autrefois lieu dans les inféodations et les recensements, ce qui n’empêchait pas que les actes n’emportassent aliénation de la propriété ; et cette prohibition est encore une condition qui a pour objet la sûreté et la facilité du service de la rente. Si le locateur peut rentrer sans décret dans son fonds, c’est une simple facilité dérivante de la convention, ou attachée par la jurisprudence à ce contrat. Les baux à rente peuvent être résiliés faute de payement d’un certain nombre d'arrérages. La différence, introduite parla jurisprudence de Toulouse, ne consiste que dans le mode de la procédure suivie pour la rentréedaus le fonds. Ce ne peut être que comme propriétaire que le locataire acquitte, sans diminution sur sa redevance, les charges réelles et publiques. La garantie que le lise exerce contre le locateur, u’est qu’une extension abusive de ses privilèges, extension qui pouvait d’ailleurs avoir un prétexte, si le locateur ne payait point d’imposition à raison de la rente. Enfin, dans les pays où ce genre de contrat est en usage, on rie conteste pas que le fonds est hypothéqué aux dettes du locataire, et qu’au contraire il ne peut être affecté aux dettes du locateur : circonstance qui seule décide la question et prouve que ce contrat emporte une véritable aliénation de la propriété. Quant aux considérations que l’on fait valoir, et que Ton tire des avantages que ce genre de contrat procure à l’agriculture et à la population, on pourrait les appliquer également aux baux à rente. On conservera ces avantages, si i’on autorise les baux à rente à temps. Ici la perpétuité de la charge appelle nécessairement les locateries perpétuelles dans ta classe de toutes les rentes foncières sur lesquelles frappe le décret du 4 août. On peut même dire qu’il y a ici une raison de plus. En effet, dès lors que ie locataire est obligé à des améliorations, et que néanmoins il peut être dépossédé par le simple défaut de payement pendant trois ans, il est évident, ou que le locataire doit être détourné des améliorations, ou qu’il est puni bien sévèrement par la perle des améliorations qu’il a faites. Nous ne voyons donc aucune raison qui puisse faire excepter les locateries perpétuelles de la loi prononcée par le décret du 4 août, sauf les modifications quant au taux du rachat que pourra exiger ia clause qui réserve les bois de haute-futaie. Ce serait ici naturellement le lieu de parler du bail à domaine congéable, usité dans ia basse Bretagne, mais l'importance de la matière, ia discussion qu’elle exige, ont déterminé le comité à en faire ia matière d’un rapport et d’un projet de décret particulier. DEUXIÈME PARTIE. Presque toute les règles générales, que l’Assemblée nationale a établies pour le rachat des rentes seigneuriales, retrouvent leur application au rachat des renies foncières. Ainsi, par suite de ce qui a été décrété pour les redevances seigneuriales, votre comité vous proposera, Messieurs, de permettre le rachat de la rente foncière dont est gruvé un fonds parti-lit r, sans que le propriétaire de ce fonds soit obligé de racheter les rentes qu’il devrait au même créancier, à raison d’autres fonds, lorsque la renie ne sera pas solidaire sur ces fonds ; et lorsque la rente sera solidaire sur des fonds divisés entre plusieurs copropriétaires, il faudra lui appliquer ia règle établie par l’article 4 du décret du 3 mai, pour le rachat des redevances seigneuriales. Il doit être permis, ici, comme vous l’avez fait pour les redevances seigneuriales, aux parties intéressées majeures et maîtresses de leurs droits, de traiter du rachat des rentes foncières de gré à gré à tel prix qu’elles jugeront à propos, et les traités de ce genre doivent être également irrévocables. Nous vous proposerons aussi uniquement d’appliquer les règles qui ont été établies par les articles 7 et 8 du décret du 3 mai, au rachat des rentes foncières appartenant aux mineurs, aux interdits, aux grevés de substitution, aux femmes mariées, et à des communautés d’habitants. Quant aux rentes, qui appartenaient ci-devant [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 novembre 1790.] à des bénéfices, ou à des corps ecclesiastiques, ou au domaine, et qui sont devenues bien national, le comité a cru que les changements, qui sont survenus depuis les décrets des 3 mai et 17 juillet, devaient conduire à quelques dispositions un peu différentes. Le décret des 4 et 5 octobre pose pour principe général que l’administration lies biens nationaux doit appartenir aux administrations de département et de district. Mais ce même décret admet, soit limitativement jusques à l’époque du premier janvier 1791, soit d’une manière plus indéfinie, une foule d’exceptions. Les simples municipalités retiennent cette administration, d’une manière plus ou moins absolue dans quatre cas. Il y a certaines chapelles ou fondations dont l’administration reste absolument étrangère, soit aux départements, soit aux districts, soit aux municipalités. Il y a certains ordres de religieux ou de religieuses, certains corps, certains établissements, ou bénéficiers qui conservent l’administration jusqu’au premier janvier prochain. I! en est de même de l’économe général du clergé. D’autres administrateurs conserveut leur administration, comme elle existait au premier octobre. Enfin, la régie actuelle du domaine conserve jusqu’à nouvel ordre son administration. Le comité a considéré que la faculté de liquider le rachat des rentes foncières et d’en recevoir le prix était un véritable acte d’aliénation; que le pouvoir de simple administration ne comprenait point celui de l’aliénation ; que si ce pouvoir d'aliénation pouvait être joint au simple pouvoir d’administration, ce ne devait être que dans la main des assemblées de départements, ou de leurs directoires, auxquelles vous avez attribué la surveillance sur toutes les autres administrations inférieures, et qui, par leur composition, méritent plus particulièrement la confiance de la nation. Mais comme il pourrait souvent être trop incommode pour les panies d’être obligées de se transporter au département, nous vous proposerons d’autoriser les distincts à faire ces liquidations, mais sous l’inspection et avec l’autorisation des départements. En conséquence, le comité vous proposera de poser pour règle générale que tontes les liquidations de rachat de renies foncières ne pourront être faites que par les administrations du district, ou leurs directoires, sous l’inspection et avec l’autorisation des assemblées de département, ou de leurs directoires, et de charger les districts de faire verser le prix dans les caisses de district, d’où il sera versé dans la caisse de l’extraordinaire. A cette règle générale le comité ne proposera que deux exceptions, que les circonstances nécessitent; l’une pour le-rentes appartenant au domaine, aux apanagistes et engagistes, dont la liquidation sera confiée à la régie des domaines; l’autre par les rentes appartenant à l’ordre de Malte; dont la liquidation sera coudée aux titulaires ; mais toujours, soit pour l’ordre de Malte, soit pour la régie des domaines, sous les mêmes conditions qui leur ont déjà été prescrites par les articles 3, 4, 5, 6 et 7 du décret du 3 juillet. TROISIÈME PARTIE. Toutes les questions qui peuvent concerner 159 cette matière se trouvent résolues par le décret du 3 mai. Lorsque l’Assemblée nationale a fixé le taux du rachat des redevances annuelles ci-devant seigneuriales, ces redevances avaient été dépouillées de tous les attributs et de toutes les prérogatives qui en pouvaient rendre avant la possession plus précieuse. L’article premier du titre premier du décret du 15 mars, avait déclaré « que ceux des droits utiles des ci-devant fiefs « qui subsisteraient jusqu’au rachat étaient en-« tièrement assimilés aux simples rentes fon-« cières. » Ges redevances n’ont donc été considérées que comme simples rentes foncières dans la fixation du taux du ra chat. Le taux, qui a été fixé pour les premières, devient donc nécessairement commun aux rentes qui n’ont jamais eu que le caractère de rentes foncières. Ges rentes, comme les rentes seigneuriales, sont de trois espèces : les unes ont été stipulées en argent, les autres en grains, ou denrées, d’autres enfin eu une certaine portion des fruits du fonds. Il faut appliquer aux rentes des trois espèces la disposition de l’article 13 qui en ordonne L’évaluation du produit annuel; et celle de l’article 21, qui fixe le capital de ce produit au denier 20 pour ie redevances en argent, et au denier 25 pour les redevances en grains, volailles, denrées et fruits récoltés. II. n’y aura qu’une seule exception à faire pour les rentes foncières. Il y en a un assez grand nombre qui originairement ont été créées ra-cbetables moyennant une certaine somme, et qui ne sont devenues irrachetables que par l’effet de la prescription. Il est évident que la loi, qui les déclare aujourd’hui [-achetables, ne fait qu’anéantir ie privilège qui les avait rendues non ra-chetables, et que _ remettre les parties au même état où elles étaient avant la prescription acquise. C’est donc le contrat qui, a l’égard de ces rentes, doit faire la seule loi des parties. Le rachat de ces rentes doit être fait sur le prix stipulé, soit qu’il soit supérieur ou inférieur à celui de la loi, et il n’y aura conséquemment à l’égard de ces rentes aucune évaluation à faire de leur produit annuel. Quant à celles qui ont été créées irrachetables, et qui n’ont eu aucun capital, ii faudra, pour appliquer les taux prescrits par l’article 21 du décret du 2 mai, faire l’évaluation de leur produit annuel quand elles ne seront point eu argent, et suivre à cet égard les règles prescrites par les articles 14, 15, 17 et 19 du même décret. S’il se trouve des renies foncières qui assujettissent les preneurs à des journées d’hommes, de chevaux, de bêtes de travail, de somme et de voitures, ou suivra la règle prescrite par l’arti-tiole 16 du même décret. Mais il se présente, à l’égard du rachat des rentes foncières, une question qui leur appartient uniquement. Il y en a un assez grand nombre qui ont été créées sous la condition de non-retenue des dixièmes, vingtièmes et autres impositions royales ; il y en a d’autres, comme les rentes de dons et legs, qui n’ont aucun capital, et qui se payent sans retenue, en vertu de la disposition du testateur, ou donateur. Il est évident que la condition de non-retenue produit le même effet que si la rente avait été stipulée plus forte; il ne serait donc point juste de faire rembourser ces rentes au même taux que celles sujettes à la 160 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [30 novembre 1790.] retenue. Le comité a pensé qu’on devait, en ce cas, augmenter le capital d’un dix:ème. Mais cette exception n’est applicable qu’aux rentes foncières non seigneuriales. 11 est vrai que les rentes seigneuriales se payaient aussi sans retenue; mais cette règle était fondée sur la jurisprudence, et non sur la convention. La jurisprudence était fondée sur cette considération, que les rentes seigneuriales étaient imposables aux dixième et vingtième, comme le domaine du fief, et que le censitaire ne payait ce genre d’imposition sur son fonds, que déduction faite des charges foncières seigneuriales. Si quelques baux à cens portent la condition de non-retenue, cette stipulation y était surabondante et n’était que l’expression de ia règle. QUATRIÈME PARTIE. La faculté du rachat, que le décret a accordée aux débiteurs des rentes foncières, ci-devant non rachetables, donne lieu à deux difficultés importantes, relatives à l’effet que cette loi doit produire, quant aux droits ci-devant seigneuriaux casuels, soit tant qu’ils subsisteront, soit lorsqu’on voudra les racheter. Pour bien entendre ces difficultés, il faut commencer par se remettre sous les yeux, quel était précédemment l’effet des baux à rentes foncières, relativement aux droits casuels seigneuriaux. Ces droits étaient de deux sortes : ceux dus eu cas de mutation par vente : ceux dus pour les autres mutations. A l’égard des premiers : suivant le droit commun, comme les droits de vente n’étaient dus que pour les mutations à prix d’argent; le Rail à rente pur et simple, ne contenant aucun prix en argent, ne donnait fieu à aucun droit de vente. Mais il était dû des droits de vente au ci-devant seigneur : 1° quand ie fonds chargé de la rente était vendu, eu égard au prix de ia vente, lequel n’était nécessairement proportionné qu’à la valeur du fonds, déduction faite de la rente; 2° quand le propriétaire de la rente la vendait. Parce que cetle rente était regardée comme une partie du fonds; et parce que ie fonds ne se vendant que déduction faite de la rente, le seigneur n’aurait jamais pu recevoir ses droits sur ia valeur entière du fonds, s’il ne les avait pas perçus, tant sur la vente de la rente, que sur la vente du fonds; 3° enfin, le seigneur recevait encore le droit de vente, lorsque la rente non rachetable était remboursée volontairement; parce qu’alors le premier contrat se résolvait eu une véritable vente. Et après ce remboursement, le fonds libéré de la rente restait soumis aux droits de vente pour la totalité du prix pour lequel il était vendu. Au surplus, le bail à rente non rachetable, comme exempts de lods et ventes, si ce n’était lors du rachat de la rente, donnait ouverture au droit de relief dans les communes et sur les biens qui étaient soumis à ce genre de droit casuel. Quant aux baux à rentes foncières, stipulées rachetables par leur création, il y avait une différence de jurisprudence entre les pays coutumiers et les pays de droit écrit, et même dans quelques-uns des pays coutumiers. La coutume de Paris décidait que le bail à rente, rachetable, donnait ouverture hic et mine aux droits de lods ou de quint, sur ce fondement, que ie contrat était par sa nature résoluble en une aliénation à prix d’argent. On avait voulu d’ailleurs prévenir l’inconvénient des fraudes par lesquelles on pourrait ôter au ci-devant seigneur la connaissance du remboursement de la rente. Cette disposition de la coutume de Paris était devenue le droit commun pour les coutumes muettes. Mais il y avait plusieurs coutumes qui décidaient expressément que le bail à rente rachetable ne donnait ouverture aux droits de vente que lors du rachat: et cette décision avait été adoptée par presque tous les parlements du droit écrit. Ou fondait cette décision sur ce motif qu’il n’y avait que le rachat qui fit dégénérer l’aliénation en vente, et que la rente foncière pouvait devenir irrachetable par la prescription. De la disposition des coutumes de cette seconde classe, il s'ensuivait que la rente, retenant sa qualité de foncière jusqu’au rachat, de-yaitdonnerouvertureau droitde vente, lorsqu’elle était aliénée à prix d’argent. C’est ce qui a été jugé au parlement de Paris, par un arrêt de 1775. Enfin, d’après les ordonnances, édits et déclarations de 1343, 1539, 1553 et 1554, qui avaient déclaré rachetables les rentes foncières créées sur les maisons de ville, il s’était élevé la question desavoir si les baux à rente des maisons de ville devaient donner lieu aux droits de vente, hic et nunc , ou si ces droits ne pourraient être exigés que lois du rachat effectif. Quelques auteurs tenaient pour cette dernière opinion. Mais la jurisprudence constante du parlement de Paris donnait aux seigneurs le droit d’exiger hic et nunc le payement des lods et ventes, soit sur les rentes anciennement créées, soit sur celles qui Pavaient été depuis la promulgation de ces lois. D’après l’exposé des principes, qui avaient lieu jusqu’ici, il est facile de prévoir les difficultés qui pourraient s’élever d’après ia loi qui déclare toutes les rentes foncières rachetables. Elles se réfèrent à deux points principaux*. d’un côté, il sera question de savoir comment et dans quels cas les rentes foncières, ci-devant non rachetables, pourront donner lieu aux droits seigneuriaux? d’un autre côté, il sera question de savoir par qui et comment seront faits les rachats des droits casuels et éventuels qui pourront être offerts à l’occasion d. s fonds sujets à des rentes foncières non rachetables, avant que le remboursement en ait pu être effectué? Dans les pays où le contrat de bail à rente rachetable donnait ouverture à l’exigibilité des droits dès le moment du contrat et où cette décision avait été étendue même aux rentes foncières, créées non rachetables, mais qui avaient été rendues telles par la seule autorité de la loi, les seigneurs pourraient se croire autorisés à prétendre qu’ils sont fondés à réclamer le payement des droits de vente sur tous les fonds qui ont été précédemment aliénés, a la charge u’une rente foncière; au moyen de ce que le décret du 4 août les rend rachetables indistinctement. Mais nous pensons qu’il serait injuste de canoniser cette prétention, et que ce serait même aller contre le principal but du décret. Le comité a cru devoir envisager cette question sous le double rapport des rentes foncières rachetables, et de celles non rachetables. A l’égard des rentes rachetables, on peut encore y distinguer celles créées avant le décret, et celles qui ont pu être créées ou qui pourront l’être depuis le décret. A l’égard des premières, votre comité n’a point hésité à répondre que l’on ne pouvait rien changer à l’ancien état des choses. A la vérité, il paraîtrait désirable de saisir cette [30 novembre 1790. J [Assemblée nationale.] occasion pour ramener la jurisprudence à une uniformité générale dans tout le royaume, en choisissa it entre l’une des deux jurisprudences antérieures. Mais le comité a considéré que les parties, qui ont contracté antériemvment, t’ont fait sous la foi de la loi, ou de l’usage qui les régissait; et que l’on ne pourrait cha ger dans leurs conditions sans commettre une injustice envers l'une ou l’autre des parties. Si l’on appliquait la loi qui rendait les droits exigibles hic et nunc aux pays où le payement de ces droits était suspendu jusqu’au remboursement de la rente, on commettrait une injustice envers les acquéreurs qui ont dû compter qu’ils ne payeraient ces droits que lorsque l état de leurs affaires leur permettrait de rembourser la rente. Si l’on appliquait la loi qui suspendait le payement des droits jusqu’au remboursement de la rente aux pays où ces droits étaient exigibles hic et nunc, on commettrait une injustice envers les ci-devant seigneurs, à l’égard desquels on détruirait une des conditions sous lesquelles ils ont aliéné leur domaine. Celui qui a donné à cens une partie de son domaine y a implicitement attaché la condition de lui payer les droits casuels dans tous les cas, et de la manière prescrite par la loi territoriale. On ne peut changer cette loi sans porter atteinte à la convention synallagmatique qui a lté les deux parties. Cette der mère considération a fait penser à votre comité qu’il ne serait pas plus juste de changer les lois et les jurisprudences antérieures, même à I égard des rentes rachetabies qui seraient cré.es à l’avenir, parce que l’on ne pourrait éten ire ou resserrer le droit du ci-devant seigneur, sans porter atteinte au contrat primitif, au préjudice de l’une ou l’autre des deux parties. A l’égard des renies créées irrachetables, ou qui étaient devenues telles avant le decret, il y a bien moins de difficulté. Ls s acquéreurs ont traité en cette forme sous la foi d’une loi existante et juste, qui ne les assujettissait à aucuns droits de vente, mais seulement au droit de lelief dans les pays et pour les fouos qui étaient sujets à ce droit. Ils ont compté qu’ils ne seraient jamais exfio-és aux droits de vente que dans le cas où, avec le consentement du créancier, ils voudraient eux-mêmes consentir ai rachat. Si u ie loi politique les autorise au-jourdiiui à faire le remboursement, même sans le consentement du créancier, cette faculté qui leur est accordée ne peut aggraver leur condition et les assujettir, tant qu’ils ne voudront point user de cette faculté, à un payement qui pourrait devenir onei eux à un très grand nombre, et dont l’effet ne ferait que de produire aux ci-devant seigneurs un avuûtage immense, auquel ils n’ont pas dù s’attendre. La loi féodale, qui réglait les droits respectifs des ci-devant seigneurs et de leurs vassaux et censitaires, donnait à ceux-ci la faculté d'aliéner leurs luüds à rente foncière, sans être assujettis à aucun payement de droit de vente. Ledioit du seigneur se réduisait, dès lors, à réclamer le droit de vente lorsque le fonds ou lorsque la rente était vendue, ou lorsqu’elle était remboursée. Ce dernier cas était iulinnnent rare, parce qu’il fallait le double consentement du debiteur et du créancier. L’intérêt polutque, q à force aujourd'hui le consentement du créancier, ne peut tourner au préjudice de ceux en faveur desquels elle est faite, et au béuélice des seigneurs, eu ouvrant lre Série. T. XXI. loi en leur faveur une action présente, pour exiger un droit de vente sur tous les baux à rente anciens, action qui pourrait faire entrer dès à présent dans leurs mains des sommes immenses, au préjudice des cultivateurs et de l’agriculture. Nous croyons donc que le décret du 4 août ne doit nen changer à l’ancien droit des parties, soit quant aux rentes foncières anciennes, qui ont été créées irrachetables, soit quant aux rentes créées rachetabies avant le décret, ou qui seront créées depuis; c’est-à-dire que les seigneurs, à l’égard des rentes irrachetables, ne pourront exercer leur droit de vente que dans le cas où la rente sera remboursée; sauf à eux à exercer ce même droit dans le cas de la vente du fonds ou de la rente, ainsi que par le passé, tant que les droits casuels n’auront pas été rachetés. Et à l’égard des rentes rachetabies, que l’on conservera les anciennes lois et usages sur le point de savoir quand les droits casuels en seront exigi-gibles. A l’égard des baux à rente de la première espèce, il faut les laisser sous le régime des lois antérieures. A l’égard des baux à rente de la seconde es* pèce, il faut prononcer que, nonobstant le décret du 4 août, les droits de vente n'en pourront être exigés que lors du remboursement effectif des rentes, sauf aux ci-devant seigneurs à exiger, comme par le passé, les droits de lods, eu cas de vente du fonds ou de la rente et eu égard au prix desdites ventes. Ces règles n’auront lieu que pour les rentes et les fonds à l’égard desquels il n’y aura point eu de rachat des droits casuels futurs et éventuels; et il s’agit maintenant de déterminer par qui et comment devra se faire le rachat des droits casuels. On a vu ci-dessus que les ci-devant seigneurs avaie it et conservaient, jusqu’au rachat de leur directe, deux sortes de droits casuels à exercer relativement aux fonds grevés de rentes foncières, soit lorsqu’elles étah-nt non rachetabies, soit même lorsque les rentes étaient rachetabies, mais créées sur des fonds régis par les lois qui suspendaient le payement des lods jusqu’au remboursement de la rente. Le bail à rente ne donn lit point lieu à aucun droit de vente, mais seulement à un droit de relief, ou antre semblable, et dans les pays seulement et sur les biens qui é. aient assujettis à cette seconde espèce de droits. Quant au droit de vente, il n’avait lieu que : 1° dans le cas de la vente du fun ls grevé de la rente, 2° dans le cas de la vente de la rente. Dans le premier cas, la vente du fonds ne se faisant qu’eu égard à sa valeur intrinsèque, déduction faite de la rente, le prix ne représentait que l’excédent de la valeur du fonds sur le capital de la rente ; dans le second cas, le prix était borné à la valeur de la rente, abstraction faite de la valeur du fonds. C’était dans le double exercice de ces deux droits que le ci-d 'vaut seigneur trouvait le complé uent de son droit de lods sur la pleine valeur du fonds. Amsi, relativement aux ci-devant seigneurs, il y a deux sortes de rachats à cumuler pour compléter son droit : le rachat du droit casuel sur le londs, considéré dans sa valeur réelle, déduction faite de la rente dont il est grevé ; et le rachat du droit casuel sur la rente, considérée dans sa seule valeur étrangère au fonds. Relativement aux débiteurs des droits, il y a deux sortes de personnes qui peuvent avoir un 11 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 novembre 1790. j 462 intérêt à se libérer du droit casuel : le propriétaire du fonds et le propriétaire de la rente. On ne peut pas les forcer de se réunir, parce que le rachat, permis par le décret du 4 août, n’est, à l’égard de chacun d’eux, qu’une faculté, que chacun doit avoir la liberté de n’exercer qu’à sa volonté et suivant son intérêt et sa commodité. Cette division ne peut porter aucun préjudice au ci-devant seigneur, puisqu’il n’exerçait précédemment ses droits que divisement sur le propriétaire du fonds et sur le propriétaire de la rente. Chacun des deux débiteurs doit donc avoir la liberté de faire divisement le rachat des droits casuels dont il était tenu divisément. On a objecté, à la vérité, que cette faculté do diviser né devait pas avoir lieu en faveur du propriétaire du fonds; on s’est fondé sur ce que la loi générale est que la vente d’un fonds sujet à une rente rachetuble donne ouverture aux droits, tant eu égard au prix de la vente, que eu égard au capital de la rente. Or, a-t-on du, dès lors que toutes les rentes sont rendues ruche-tables par la loi, la vente d’un fonds grevé de rente doit subir la loi générale. Mais, indépendamment de ce que l’objection ne serait applicable qu’aux pays où le bail à rente rachetable donne ouverture hic et mine aux droits casuels, cette objection trouve sa réponse dans les réflexions que nous avons déjà proposées. Les rentes dont il s’agit étaient originairement irrachetables : c’est en faveur du débiteur que la loi a introduit cette faculté. Ce serait rétorquer contre lui le bénélice de la loi, que de lui donner un effet rétroactif, en traitant les rentes ci-devant irrachetables comme si elles avaient été créées rachetables. Cet effet rétroactif grèverait le débiteur en faveur duquel elle est faite, et ne tournerait qu’au bénéfice des ci-devant seigneurs et du propriétaire de la rente, qui serait déchargé du rachat des droits casuels dont il est tenu sur sa rente. Le propriétaire du fonds doit aussi être autorisé, s’il le juge à propos, à faire le rachat des droits casuels en totalité, tant sur le fonds que sur la rente. Il peut y avoir un intérêt, puisque, s’il veut rembourser la rente, la totalité des droits casuels retombe alors sur le fonds; et puisqu’il peut envisager un grand avantage à libérer son fonds, tant de la rente, que de tous les droits casuels, pour en pouvoir disposer alors plus librement. Dans le cas où le propriétaire du fonds prendra le parti de rembourser la totalité des droits, il s’est élevé une question sur laquelle les avis n’ont pas été unanimes dans le comité; elle est de savoir si alors ce propriétaire du fonds doit être subrogé aux droits du seigneur vis-à-vis du propriétaire de la rente. Les uns ont opiné pour l’affirmative : ils ont prétendu qu’il y avait ici la même raison d’accorder la subrogation, que celle qui avait déterminé à l’accorder au codébiteur d’un cens solidaire qui le rembourse entier, etqui nous adetermincsencore à l’accorder au codébiteur de la rente foncière solidaire. Il serait, d’ailleurs, injuste, dit-on, que le propriétaire de la rente lût déchargé gratuitement des droits casuels dont il est grevé. D’autres, au contraire, ont opiné pour la négative. Il y a, disent-ils, une grande différence entre les cas que l’on veut assimiler : le codébiteur d’un cens ou d’une rente solidaire est grevé d’une dette certaine, dont H ne peut jamais être déchargé qu’en l’éteignant personnellement. C’e4 forcément que le codébiteur la rembourse en totalité, et la subrogation est de droit toutes les fois qu’un codébiteur paye forcément la totalité de la dette. Ici. au contraire, les droits casuels dont est grevé le propriétaire de la rente, ne forme point sur lui une charge certaine, elle est purement éventuelle. Ce n’est point d’ailleurs une charge solidaire avec le propriétaire du fonds ; chacun nu doit que sa dette éventuelle, divisément et éventuellement. Lorsque le propriétaire du fonds juge à propos de rembourser la totalité des droits, il ne paye point la dette d’autrui, il ne fait que racheter le droit de pouvoir rembourser librement latente et de dispo.-er de son fonds. C'est sa propre dette qu’il acquitte, puisqu’il supporterait seul les droits en entier s’il avait remboursé la rente. Il agit librement pour son propre intérêt; dès lors, la loi ne lui doit point de subrogation. Telles sont les raisons qui ont balancé les opinions; mais l’avis le plus général a été pour la subrogation, fondé sur cette considération que le propriétaire du fonds pourrait acheter les droits du ci-devant seigneur sur le propriétaire de la rente, et que l’on ne doit point s’arrêter à la subtilité que peut faire naître la simple différence de forme du contrat. Quant à l’effet que pourra produire la division du rachat lorsqu’elle aura lieu, il est simple. Si c’est le propriétaire du fonds qui a seulement racheté les droits casuels sur le fonds, le ci-devant seigneur continuera de les exercer sur le propriétaire de la rente: et vice versa. Enfin il paraît juste d’obliger le propriétaire du fonds à rendre public et dénoncer au ci-devant seigneur le remboursement de la rente, lorsqu’il l’aura fait avant le rachat des droits casuels, et à défaut de ce, de le soumettre à la même peine qui a été prononcée par le décret du 3 mai, à défaut de dénonciation de la part du propriétaire de lief inférieur vis-à-vis de son supérieur. CINQUIÈME PARTIE. De même que la loi qui accorde la faculté du rachat ne doit rien changer à l’état des propriétaires du fonds ou de la rente, vis-à-vis des ci-devant seigneurs, jusqu’au rachat effectif, cette même faculté ne doit rien changer à l’état du bailleur et sus à droits primitifs. La rente, dans la main du bailleur, doit conserver sa qualité primitive d’immobilière, et comme telle, rester sujette, jusqu’au remboursement, à toutes les lois relatives aux successions, donations, dispositions testamentaires et aux aliénations. Le bailleur doit conserver également, soit sur le fonds, soit contre le débiteur, les mêmes droits, privilèges et actions personnelles, hypothécaires ou mixtes, qui avaient lieu ci-devant, suivant les diverses lois, coutumes et usages du royaume. Mais il est un droit particulier, attaché, en certains cas, au bail à rente, qui pourront donner lieu à un doute raisonnable, et qui demande une discussion particulière. Ce droit est la faculté stipulée dans certains contrats eu faveur du bailleur, ses héritiers ou ayants cause, de retirer le fonds, dans le cas où il est aliéné par le preneur, ses héritiers et ayants cause. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (30 novembre 1790.] Il y a même une coutume (celle de Bretagne), ou plutôt une jurisprudence certaine dans ceitr ci-devant province, par laquelle on accordait celte même faculté au bailleur, sous le titre de retrait censuel, encore que le bail à rente n'eu contînt pas la stipulation expresse. C’est sans aucun fondement que quelques-uns ont cru donner, dans l’article lü du décret du 15 mars et dans le décret du 19 juillet, l’abolition de ce genre de retrait. Le décret du 15 mars n’a eu en vue que les droits féodaux. L’article 10 ne supprime que le retrait féodal, le retrait censuel , le d i oit de pré-lation féodale, de retenue seigneuriale ; expressions qui ne caractérisent que des droits dérivant de la féodalité. 11 y a plus ; le projet de décret ne portait que le mot de prêlation. Un membre de l’Assemblée observa qu’il existait, en Dauphiné, un droit de prêlation non féodale, et qui ne dérivait que de baux à rente foncière. Ce fut sur cette observation que l’on ajouta da 'S le décret, au mot de prêlation, ces épithètes : féodale ou censuelle\ et au mot retenue , cette épithète : seigneuriale : au moyen de quoi la question est restée entière quant au retrait attaché au bail à rente simple. On ne peut pas davantage faire dériver l’abolition de ce retrait particulier du decret du 19 juillet, qui n’a anéanti que le retrait lignager et celui de mi-denier. La question est donc aujourd’hui de savoir si l’on doit conserver, ou non, le retrait attaché aux baux à rente foncière. A cet égard, nous distinguerons celui qui résulte d’une stipulation expresse, et celui qui ne résulte que d’une loi ou d’une jurisprudence. La première espèce de retrait est appelée retrait conventionnel ; il ne doit pas être confondu avec le réméré, qui se stipule quelquefois dans des contrats de vente, et qui diffère du retrait conventionnel en plusieurs points. La différence la plus essentielle consiste en ce que la faculté de réméré ne peut pas êüe stipulée à perpétuité, parce qu’elle est contraire à l’esseuce du contrat de vente, qui emporte une abdication totale des droits du vendeur, et parce qu’elle n’est autorisée que comme une ressource en faveur du vendeur, que la nécessité oblige quelquefois à se détacher d’un héritage qu’il affectionne, et même de le céder à vit prix. Le retrait conventionnel peut être, au contraire, stipulé à toujours, parce que, dans le bail à rente, le bailleur est censé conserver une espèce de propriété sur le fonds, parce qu’il peut mettre à cette aliénation limitée, telle modification qu’il juge à propos ; parce que l’exercice de ce droit ne peut naître que d’un cas éventuel, que le bailleur n’est pas maître défaire arriver, à la différence du réméré qui ne dépend que de la volonté du vendeur. Le retrait conventionnel, indivisible du bail à rente, ne peut se prescrire que comme le bail à reute et avec lui, et se proroge avec lui, par le titre nouvel qui conserve toutes les conditions de l’acte. Avoir défini la nature et le caractère du retrait conventionnel, c’est avoir décidé d’avance la question proposée. Il n’y a aucune similitude à établir entre les retraits abolis par le décret du 15 mars et par celui du 19 juillet, et le retrait conventionnel. Les premiers ne devaient leur origine qu’à une puissance, qui avait fait consacrer par la loi des usages établis par l’autoâté. Les seconds n’étaient que des grâces et des privilèges établis par la 163 loi, mais contraires à la liberté du commerce des fonds. Ici c’est un droit fondé sur une convention légitime; c’est un droit de proprié'é réservé comme la rente; c’est la condition sine quâ non de l’aliénation. Lagènequien peut résulter pour le commerce est peu considérable, parce que ce retrait ne peut avoir lieu qu’en vertu d’une stipulation expresse, pa ce que ces stipulations ne sont pas géuéiàiles dans tous les b iux à rente : d’aille ms, si c’est une gêne, le propriétaire se l’est imposée à lui-même volontairement , et comme condition sans laquelle il ne serait pas propriétaire. Avoir dit que le retrait ne peut avoir lieu en faveur du bai leur à rente qu’autant qu’il est une convention entre lui et le preneur et la condition de l’aliénation, c’est avoir prononcé un grand préjugé contre le retrait censuel de Bretagne. La justice exige cependant d’approfondir un peu plus cette question, qui peut être importante pour les départements qui sont sortis de cette province. Il ne faut point se laisser tromper par l’expression de retrait censuel usitée dans le langage breton; ce retrait n’y est point un droit seigneurial : c’est la faculté accordée à tout bailleur de rente foncière de pouvoir retirer l’héritage sujet à la rente, lorsqu’il est vendu. Ce droit ne s’appelle retrait censuel, que parce que, dans l’idiome breton, la rente foncière s’appelle rente censive. Ce que l’usage breton a de particulier, est que le retrait censuel y est de droit commun, encore qu’il ne soit point stipulé par le bail à rente. Cet usage est critiqué par les uns, et défendu par les autres. Voici leurs raisons respectives : Ceux qui attaquent l’usage, opposent qu’il n'est point fondé sur une convention; que c’est un droit exorbitant qui n’est fondé que sur un usage et une jurisprudence , dont la source est évidemment vicieuse. L’article 306 de la coutume de Bretagne porte « et au cas qu’il n’v aurait prèsme de ra-« mage (c’est-à-dire parent lignager) qui voulut « venir au retrait, le seigneur féodal, ou celui qui « a rente censive, peut retirer les héritages ven-« dus, par puissance de fief, ou de cens. » Il est évident, dit-on, à la seule lecture de cet article que le retrait, dont il parle n’est qu’un droit seigneurial, un droit exercé par puissance de fief, ou de cens , c’est-à-dire en vertu du droit seigneurial sur un fief, on sur un fonds chargé d’un cens seigneurial. Il est certain en effet, suivant le témoignage des auteurs bretons (1), qu’anciennement les rentes seigneuriales dues par les fonds roturiers, s’appelaient, comme dans le reste du royaume, cens ou censive. Mais comme dans cette province un appelait aussi cens les redevances non seigneuriales, et comme insensiblement l’usage u’a appliqué cette expression qu’aux simples rentes foncières, cette confusion de dénominations a fait étendre au simple cens non seigneurial le privilège du retrait, que la loi ne donnait qu’au cens seigneurial, en sorte que le retrait des foncières ne s’est évidemment établi, sous le titre même de retrait censuel, que par un simple (1) L’Anonyme, sur le cliap. XL de la très ancien.no coutume. Hevin, art. 43, consult. 70, et quest. féodal, p. 117, 118, 119; et sur Frain, p. 384. Poulain üuparc, tome 2, p. 85. 164 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 novembre 1790.] usnge, fondé sur une fausse application de la loi t rri'oriale. Mais c< ux qui croient que l’on doit conserver l’usage de ce reirait, répond en t qu’il n’est point fonde sur une fausse interprétation, mais sur le texte même de la loi. Quel qu’ait pu être l’ancien usage de la Bretagne, il est avoué par Hevin lui-même (ljque « dès letempsded’Argenlrélesimple arreutement « ayant été confondu avec le cens, on lui a laissé « en propre le nom de cens , et l’on a appliqué « le nom de féage, à la tenue noble et à ia rotu-« hère. » Aussi d’Argentré et tous les auteurs bretons n’ont ils pas bésité à reconnaître que ces tenues rente censive, soit dans l’ancienne co i-lume, soit dans la nouvelle, s’appliquaient à la simple lente loncièie. S’il est certain que la loi s’applique au seul contrat d’arreutement, on ne peut pas s’en pêcher de recon aîire que le rt huit dont il s’agit doit être réputé conventionnel. E > effet, les dispositions des coutumes ce sont en général que la déclaration des usages. L’article 306 n’est donc qu’un témoignage de la condition sous laquelle lis arientements avaient accoutumé d’être faits. Bailleurs, cet effet ayant été attribué par la b i de 1539 aux airentements, il en résulte qu'au moins tous les contrats qui ont été laits posterieurement sont censés faits sous cette condition tacite. Les conventions étant toujours présumées laites conformément à la loi et l’usage. Telles sont les laisons, que I’od peut invoquer pour et amure, sur la question du retrait usité en Bretagne en matière de simple an enleinent t connu sous le titre de retrait censuel , par suite de l’usage qui a n streint le terme de cens à ia simple rente foncière. Quant à nous, nous croyons en premier lieu qu’il existe un doute très fondé sur le point de savoir si la coutume de Bretagne a entendu désigner les simples renies foncières par cette expression ou rente censive, E�vh�daus sa consultation 70, fait à cette égards deux observations qui paraissent sans réplique. La première consiste à dire que si l’expre.'Sion rente censive ne s’appliquait qu’aux arientements, la coutume n’aurait accordé le retrait que sur le fiel noble, et n’aurait rien décidé sur le féage roturier. 11 ajoute que le commentaire de l’anonyme sur la irès ancienne coutume venait d’être réimpiimé en 1538, qu’il était entre lesmainsdi tout le inonde lor.- de la première rédaction de la coutume de Bretagne en 1539 : d’où il conclut que les rédacteurs ont dù employer le terme censive, dans le uiêmesens de cet auteur, qui, sur ce mot jéage de I’anicle40 delà tièsan-cienne coutume aval dit : féage et censive est tout un; fors que féage est proprement es fiefs nobles. Mais quand if serait certain que la coutume a voulu comprendre lr simple arreulemern sous le terme de rente censive, il n’en résulterait jamais que le retrait dût être regardé comme véritablement conventionnel. Pour se convaincre de cette vérité, il suffit de considérer le motif que d’Argentré et les autres auteurs bretons ont donne à la décision de leur coutume, ainsi interprétée. Après avoir marqué son étonnement, fondé sur ce que la rente purement censive n’emporte aucune obéissance, ni juridiction, il se répond : hic ver o vide tur dominii directi reientionem operari. Ainsi, suivant cet auteur, lui-même, le retrait accorde par la coutume n’est qu’une conséquence de l’espèce de propriété que le bailleur à rente foncière a retenue sur le fonds. Mais : l°c’i st reconnaître que le retrait n’est pas une stipulation expresse dans ce contrat ; 2Ü c’est avoir attribué à ce contrat un effet qui n’en est pas la conséquence nécessaii e, puisque le droit commun n’a jamais attaché cette conséquence au genre de propriété que le bai leur à rente se réserve. Celui qui aliène son fonds ne s’est réservé que ce qu’il a stipulé. Il ne peut être présumé s’être réservé sur ce qu’il a exprimé. L'erreur du principe, sur lequel la loi se serait fondée, consisterait à avoir aitribué au bail à r< nte et comme une conséquence sa nature au droit, qui n’eu résulte pas nécessairement et qui n’en peut être qu’un accessoire conventionnel. Il y a donc une différence totale entre le retrait, que l’on snppo-e ac< orde par la coutume de Bretagne au bailleur, et le véritable letiait conven-tionel Celui-ci est un droit réservé par le propriétaire, l’autre n’est qu’un privilège de la loi. C’est ce que la Bigoti ière reconnaît bien formellement, lorsqu’il dit que le bailleur a le retrait à cause du droit réel quil a sur les choses; mais que, s'il l’avait réseivè dans la baillée à rente , ce serait un retrait conventionnel. S’il est certain que le retrait censuel en Br< ta-gne n’est point conventionnel, qu’il n’est qu’une faveur et un privilège accordé par ia coutume, nous pensons qu’il doit être supprimé, avec d’autant plus déraison qu’il est exorbitant, contraire au droit commun, et qu’il n'est fondé sur aucun principe de droit, sauf à reserver cette faculté à ceux qui jusiifiei aient par titres l’avoir stipulée par le titre primitif. Vainement objecterait-on qu’au moins le retrait doit être regardé comme conventionnel dans les baux faits depuis q e l’usage a interpréié ainsi la coutume. Tout ce qui résulte de l’intention des bailleurs, qui ont contracté depuis cette époque, c’est qu’ils ont entendu jouir d’un privilège. Mais la loi peut et doit détruire les privilèges qui sont exorbitants et les droits qui n’existent que par sa laveur. On le doit ici d’autant plus que le privilège, s’appliquant eu Bretagne à tous tes baux à rente, devient une gêne considérable pour le commerce des fonds. A côté du retrait qui est quelquefois accordé au bailleur de fonds il était nécessaire de placer celui que quelques coutumes (1) accordaient au débiteur de la rente foncière de la retirer lorsqu’elle était vendue. Ce retrait était infiniment favorable, lorsque les rentes foncières étaient inachetables; c’était donm-r au propriétaire un moyeu de libérer son fonds, sans détruire le contrat entre lui et le bailleur, puisque celle faculté ne s’exerçait que contre un tiers acquéreur. Mais ce retrait devient inutile d’après la loi qui permet le rachat de toutes rentes luneières. Il n’uvait même lieu dans ces coutumes que pour les rentes irrachetubles. Il n’y a donc plus aucune raison pour le laisser subsister. SIXIÈME PARTIE. De même que la loi nouvelle, qui rend rache-(1) Hainault, chap. LXXVII, art. 35; et chap. XCV, art. 11. VMenciennes, art. 89 et 90. Cambrai, litre II, art. 6. Arras, art. 48. Béthune, art. 14. Amiens, loc., art. 7 et 8. Normandie, art. 501. 1) Consult. 70. [30 novembre 1790. J [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 165 labiés les rentes foncières, ne doit rien changer aux droits respectifs des ci-devant seigneurs et de leurs vassaux, ni aux droits respectifs des bailleurs et des preneurs, elle ne doit rien changer aux droits des créanciers et des bailleurs. Ces créanciers doivent conserver les mêmes hypothè tues qu’ils avaient ci-devant et les mêmes moyens de les conserver. 11 s’agit seulement d’ajouter quelques précautions de plus pour faciliter l’exercice de leurs droits, qui pourraient être compromis par la faculté du remboursement qui les rendra plus fréquents. Les précautions, que proposera le comité, sont à peu près les mêmes que celles qui ont été déjà décrétées, le 3 mai, en faveur des créanciers des ci-devant propriétaires de fiefs. SEPTIÈME PARTIE. La libération des fonds est une opération infiniment favorable. Par cette raison, un arrêt du conseil du 9 septembre 1775 avait déjà exempté du centième ueuier le remooursement des rentes foncières. Il ne s’agit que de donner le caractère de loi à cet usage anterieur. Telles sont les vues d’après lesquelles le comité a rédigé le projet de décret ci-joint. Le nomme de ses articles ne doit point faire craindre une longue discussion. Sur quarante-cinq articles qu’il renferme, il y en a vingt te un qui ne sont que l’application faite, au rachat des rentes foncières, ne dispositions déjà décrétées pour le rachat des î entes ci-devant seigneuriales. Le comité aurait pu se contenter de pronoser de rendre communs aux rentes foncières, ces articles décrétés pour les renies ci-devant seigneuriales; mais il a pensé que cetle forme aurait plusieurs inconvénients. Ede obligerait ceux qui ne voudraient opérer que pour des rentes foncières, à acheter deux décrets, au lieu d’un. L’application des mêmes règles aux rentes foncières exige des changements d’expression; et un simple renvoi à des lois appliquées aux rentes seigneuriales pourrait donner lieu à des équivoques qui embarrasseraient l’exécution de la loi. Entin, on ne doit rien négliger de ce qui peut faciliter l’intelligence et l’exécution de la loi; et il est toujours plus commode de trouver réuni sous un même titre tout ce qui concerne le môme objet. La répétition de vingt et un articles déjà décrétés n’emploiera donc que le temps nécessaire pour les lire. PROJET DE DÉCRET sur le rachat des rentes foncières . TITRE Ier. Quelles sont les rentes assujetties aurachat? Art. 1er. Tout' s les rentes foncières nerpétuelks, soit en nature, soit en argem.de quelque espèce qu’elles soient, quelle que soit leur origine, à quelques personnes qu’elles soient dues, gens de mainmorte, domaine, apanagisies, ordre de Malte, même les rentes ne dons et legs, pour cause pie ou de fondation, seront rachetables; les champarts de toute espèce et sous toute dénomination le seront pareillement, au taux qui sera ci-après fixé. Il est défendu de plus, à l'avenir, de créer aucune redevance foncièrenon remboursable, sans préjudice des baux à rente ou em-phyiéose et non perpétuels qui seront exécutés pour toute leur durée et pourront être faits, à l’avenir, pour 99 ans et au-des-ous. A t. 2. Les rentes ou redevances foncières établies par les contrats connus, en certains pays, sous le titre de locaterie perpétuelle, sont comprises dans les dispositions et prohibitions de l’article précédent, sauf les modifications ci-après sur le taux de kur rachat. TITRE IL Principes généraux sur le rachat. Art. 1er. Tout propriétaire pourra racheter les rentes et redevances foncières perpétuelles, à raison d’un fonds particulier, encore qu’il se trouve posséder plusieurs fonds grevé-dépareillés rentes envers la même personne, pourvu néanmoins que ces fonds ne s lient pas tenus sous une rente on une r< devance fonciè-e solidaire, auquel cas le rachat ne pourra pas être divisé. Art. 2. Lorsqu’un fonds grevé de renie ou redevance foncière perpétuelle, sera possédé par plusieurs copropriétaires, soit divisement, soit par indivis, l’un deux ne pourra point racheter divi-sèment ladite rente ou redevance, au prorata de la portion dont il est tenu, si ce n’est du consentement de relui auquel la rente ou redevance sera due, lequ 1 pourra ref iser le reml) «ursement toial, en renonçant à la solidarùé vis-à-vis de tous les coobliges; mais quand le redevabkaura fuit le rembourse uent total, il demeurera subrogé aux droits du créancier, pour les exercer contre les codébiteurs mais sans aucune solidarité; et chacun des autres codébiteurs pourra racheter, à volonté, sa portion divisement. Art. 3. Pourront les propriétaires de fonds grèves de rente ou redevance foncière, traiter avec les propriétaires desdites renies ou redevances, de gre à gré, à telle so urne et sous telles conditions qu’ils jugeront à propos, du rachat desdiies rentes ou redevances; et les traités, ainsi faits de gré à gré, entre majeurs, ne pourront être attaqués sous prétexte de lésion quelconque, encore que le prix du rachat se trouve inférieur ou supérieur à celui qui >u ait pu résulter du tiux qui sera ci-après fixé. Ait. 4. Les tuteurs, curateurs et autres administrateurs des pupiPes, mineurs ou interdits, les grevés de substitution, les maris dans les pays où les dots sont î nul lénab'es, même avec les consentements des femmes, ne pourront liquider les raenats des rentes ou re levances foncières, appartenant aux pupilles, aux mineurs, aux imerdits, à des substitutions, et auxlites femmes mariées, qu’en la forme et au taux ci-après prescrit, et à la charge du remploi. Le redevable, qui ne voudra point demeurer garant du remploi, pourra conskn r ie prix du rachat, lequel ne sera délivré aux personnes qui sont assujetties au remploi, qu’eu vertu d’une urdon-nauc ■ du juge, rendue sur les conclusions du commissaire du roi, auquel il sera justifié du remploi. Art. 5. Lorsque le rachat aura pour objet une rente ou redevance foncière appartenant à une