[As»emblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 mars 1790.] \\*1 provinces du royaume ; qu’il est inutile eu lui-même et dangereux, parce qu’il compromet les intentions de l’Assemblée. Il est temps, enfin, d’abolir cette ancienne maxime : nulle terre sans seigneur. M. Trenchet dit que le droit d’enclave ne dérive pas de la maxime nulle terre sans seigneur, puisque pour pouvoir l’exercer, il faut nécessairement rapporter un titre qui donne au seignenr un droit universel sur un terrain circonscrit et limité dans le titre rapporté. M. Merlin convient que l’article tel qu’il Ta proposé a besoin d’être amendé. En conséquence, il propose une nouvelle rédaction qui est décrétée dans les termes suivants : TITRE 111. « Art. 3. Les contestations sur l’existence ou la quotité des droits énoncés dans l’article précédent, seront décidées d'après les preuves autorisées par les statuts, coutumes et règles observées jusqu’à présent, sans néanmoins que, hors des coutumes qui en disposent autrement, l’enclave puisse servir de prétexte pour assujettir un héritage à des prestations qui ne sont point énoncées dans les titres directement applicables à cet héritage, quoiqu’elles le soient dans les titres relatifs aux héritages dont il est environné et circonscrit. » M. Goupil dePréfeln observe que si l’article 4 était adopté, il s’ensuivrait que les débiteurs, par leur propre fait, auraient la faculté d’anéantir une partie de leur dette : il propose d’amender l’article et de le terminer par ces mots : « Sauf l’action en blâme et réformation des ci-devant seigneurs, contre les reconnaissances qui ne seraient pas encore garanties par la prescription et dans lesquelles ils n’auraient été parties, ni en personne, ni par un fondé de procuration. » M. Fréteau propose un autre amendement qui tend à faire excepter du mode de preuves établi par cet article, la corvée réelle énoncée dans l’article 3 du titre III qui vient d’être voté, attendu que par un article du titre II, l’Assemblée a précédemment adopté pour les preuves requises relativement aux corvées réelles, un mode tout différent de celui qu’autorisents les coutume et règles observées jusqu’à présent. M. Merlin, rapporteur, approuve cette observation et propose, pour éviter toute difficulté sur ce point, de retrancher de l’article précédemment voté les mots corvées réelles. Cette suppression est adoptée ( Nous avons inséré l'article avec la suppression ). L’article 4, modifié dans sa rédaction, par le rapporteur, est ensuite mis aux voix et adopté en ces termes : TITRE III. « Art. 4. Lorsqu’il y aura pour raison d’un même héritage plusieurs titres ou reconnaissances, le moins onéreux au tenancier sera préféré sans avoir égard au plus ou moins d’ancienneté de leurs dates, sauf l’action en blâme ou réformation de la part du ci-devant seigneur contre celles desdites reconnaissances, qui n’en seront pas encore garanties par la prescription, lorsqu’il n’y aura été partie ni en personne, ni par un fondé de procuration. » M. Merlin annonce que, pour le moment, il n’a pas d’autre article à proposer. — Le comité s’occupe sans relâche d’un projet de décret sur le prix et le mode de rachat des droits féodaux ; le travail est fort avancé et ne tardera pas à être mis en discussion. M. Dupont (de Nemours ) fait, au nom du comité des finances, un rapport sur les moyens de remplacer la gabelle et de rétablir le niveau entre les recettes et les dépenses ordinaires de Vannée 1790 (1). Le rapporteur s’exprime en ces termes: Messieurs, vous allez commencer la partie de vos travaux qui doit consolider votre Constitution. Le succès définitif de votre étonnante entreprise dépend de ce que vous ferez pour les finances de l’Etat. Les vues les plus grandes et les plus hardies, les pensées les plus profondes, les résolutions les plus sages, les efforts les plus pénibles, les sacrifices les plus généreux, dont les exemples ont été si mul tipliés dans cette salle, ne paraîtraient aux yeux de l’histoire, et né seraient trop réellement que des rêves philosophiques, si l’équilibre entre les revenus et les dépenses ordinaires, si l’établissement d’un excédant propre à satisfaire aux dépenses extraordinaires, si la formation d’un fonds progressif, applicable à l’amortissement des dettes pendant la paix, et aux premiers frais d’une guerre imprévue, ne replaçaient la nation française au rang qu’elle doit tenir en Europe, au premier rang entre les nations. Les nations ne subsistent que comme les particuliers, à la charge de payer les dépenses de leur entretien. Le peuple français est digne de sentir cette vérité, et vous êtes dignes de la lui rappeler avec fermeté, avec sagesse, comme dépositaires vertueux de son pouvoir législatif et constituant, comme organes de sa véritable volonté. Une nation qui dirait : <« Je ne veux pas subvenir à mes dépenses publiques ; je ne veux pas solder mon armée; je ne veux pas entretenir ma marine; je ne veux pas faire de chemins ; je ne veux pas acquitter les dettes de mes pères, ni les miennes; je ne veux pas payer l’instruction de la jeunesse; je ne veux pas encourager les sciences et les arts ; je ne veux pas établir de juges; je ne veux pas de force pour réprimer les crimes ; je veux des préjugés et des brigands. » Cette nation serait déshonorée et perdue ; elle n’aurait ni crédit, ni puissance ; et, fût-elle armée depuis le premier homme jusqu’au dernier, elle pourrait devenir la proie de l’ennemi, parce que le désordre de ses affaires publiques s’étendrait inévitablement sur toutes ses conventions privées, suspendrait tous les travaux utiles, détruirait son agriculture, son industrie, son commerce, mettrait ses nombreuses légions dans un état de pauvreté et de souffrance, même au sein de leurs foyers, et ne laisserait à aucune partie d’entre elles les moyens de subsister plusieurs mois de suite en rase campagne et en corps d’armée. La plus salutaire des institutions sociales, c’est le revenu public : car il faudra désormais (1) Le Moniteur ne donne qu’une analyse du rapport de M. Dupont (de Nemours.' 11$ [Assemblée nationate.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [lt mfcrs 1780.} bannir le mot d’impôt, qui présente l’idée d’une autorité supérieure à celle de la nation elle-même. Le plus économique des établissements, c’est le revenu public, sans lequel il n’y aurait point de force commune, et chacun serait réduit à se protéger soi-même* avec une perte de temps, des dangers et des dépenses qui effraient l’imagination. Le gage unique delà liberté, de la propriété, de la sûreté de tous et de chacun * et même de cette précieuse égalité des droits qui laisse à chacun l’entier usage de ses facultés, à la seule condition de ne nuire en rien à la liberté ni à la propriété d’autrui» c’est le revenu public, C[üi seul donne les moyens de mettre chaque travail particulier, chaque individu, chaque héritage et chaque acquisition sous la protection de toutes les forces morales et physiques de la patrie. Personne n’a douté, Messieurs, que pour l’année prochaine» 1791, vous n’établissiez un revenu public conforme à l’esprit de la Constitution, suffisant pour les dépenses, et propre à déployer la puissance nationale, sans prodigalité, sans pareil monie» avec une mâle, une noble, une juste, une sévère, une sage, une imposante dignité. Mais» au milieu des troubles et des orages d’une révolution, lorsque l’ancien ordre de choses est détruit, lorsque le nouveau, qui doit être bien plus parfait» n’existe pas encore » lorsqu’on a vu une nation, qui, au moment où l’on convoquait ses représentants» éprouvait dans ses finances un déficit de 60 millions, et suspendait 60 autres millions de remboursements, perdre plusieurs brancheB importantes de revenus par l’effet des insurrections ; jeter un nuage obscur sur une grande masse de richesses annuelles, consacrées depuis dix siècles au premier des services publics 5 accorder au soulagement du peuple la ressource que l’Etat pouvait trouver dans la contribution des ci-devant privilégiés ; et prendre sur les rentrées affaiblies du Trésor national, le remboursement indispensable des anticipations, que l’on n’avait ni l’intention, ni la faculté de renouveler ; il a été permis de douter qu’il fût en son pouvoir de satisfaire aux charges et âux besoins de la présente année. La sagesse même avec laquelle vous avez établi un fonds considérable de l’extraordinaire, n’a pu inspirer toute la confiance qu’elle méritait. Plusieurs raisons l’ont empêchée de s’établir. Premièrement» l’incertitude laissée sur vos revenus ordinaires, donnait lieu à une juste inquiétude. On estime un homme qui vend une partie de son héritage pour payer ses dettes ; mais on ne traite volontiers qu’avec celui dont on sait que la dépense est inférieure à son revenu. Secondement, le travail que vous aviez à faire relativement aux bienB ci-devant ecclésiastiques, et aux droits féodaux, ne permettait pas de se former une idée de la valeur précise du capital que vous aviez à consacrer aux besoins extraordinaires. Enfin, les adversaires de la constitution affectaient de répandre, contre la teneur de vos décrets, que vous vouliez abolir les dîmes sans rachat et sans remplacement, détruire ainsi la principale base du traitement que vous avez assuré au clergé régulier et séculier, et faire porter à faux les assignats dont au contraire vous voulez de plus en plus manifester et accroître la solidité. C’était l’unique espoir des ennemis du nouvel empire français, que de persuader que les finances étaient sans ressource pour cette année, et ne laisseraient pas le temps d’attendre les utile s institutions réservées à l’année prochaine. Cet espoir coupable sera déçu. Geu* qui s’y livraient n’avaient pas calculé ce que peuvent encore produire l’application laborieuse de votre comité des finances et de votre comité de l’imposition, le zèle et l’expérience du ministère, vos lumières, votre courage, le patriotisme de notre excellent roi, et l’enthousiasme civique du peuple français, concourant au même but. Une nation de vingt-six millions d’hommes remplis d’honneur, et placés sur un riche territoire, n’est jamais dénuée de ressources; car elle ne veut jamais l’être. L’adversité ne triomphe que de ceux qui lui cèdent 3 maiB chez des français, lorsqu’un moyen de puissance manque, iis en substituent un autre, Les représentants et les chefs de cette noble nation n’ont besoin > avec elle, que de modération et de prudence. Il suffit de lui montrer le but, et de la convaincre qu’il est honorable et utile. On a plutôt à craindre ensuite qu’elle ne le dépasse, qu’à redouter qu’elle ne puisse l’atteindre, Non, Messieurs, jamais nous n’aurons à désespérer de notre pays. Il est nécessaire que l’équilibre des revenus et des dépenses Ordinaires de l’année 1790, soit rétabli ; il le sera. Il faut que les fonds extraordinaires, destinés à combler l’intervalle de l’ancien désordre à l’ordre bouveau, soient réelB» ostensibles, suffisants, surabondants » vous n’en laisserez pas évanouir la bage. Il est juste de soulager le peuple ; et le peuple sera soulagé, Il doit payer ce soulagement et vos travaux par sa reconnaissance, par son zèle à concourir à la contribution, et à perfectionner la répar-tion : il contribuera, il aidera, ii sera équitable, généreux et reconnaissant. Telles sont les paroles de consolation et de paix quê votre comité des finances croit pouvoir vous apporter. Il vous connaît ; et malgré la diversité d’opinions qui divise quelquefois les membres de cette Assemblée, il compte sur le zèle qui les anime tous pour le salut de l’Etat» sur le courage et l’activité qu’ils déploieront d’ici à l’organisation des départements et des districts, pour retirer les finances de l’abîme où elles semblent près de s’engloutir, La chose est possible encore, mais elle ne permet point d’hésitation, elle ne comporte point de faiblesse. Les moments vous sont cners autant que vous l’est la patrie, autant que doit vous l’être la gloire des grands travaux que vous avez entrepris pour elle, autant que Vous le sont l’amour et l’estime de vos concitoyens. Votre comité des finances établira dahs ce rapport que, malgré tous les obstacles dont vous paraissez entourés, il dépend de vous d’élever les revenus de l’année 1790 au niveau, et même au-au-dessus des dépenses ordinaires de cette année, . Il montrera qüe vous le pouvez en joignant quelques opérations salutaires et bienfaisantes, quelques arrangements de bonne administration, à l’exécution du dernier décret que vous avez rendu ponr le remplacement du produit de la gabelle. Vous verrez avec satisfaction que, comme le bien appelle naturellement le bien et détruit naturellement le mal, votre comité n’a pu trouver le moyen de combler le vide que laisse dans les finances la suppression de la gabelle, qu’en faisant cesser aussi les abus» les vexations de quelques autres impositions très odieuses, et en y substituant, comme à la gabelle, des contributions plus douces, plus légères et plus équitables. Votre comité discutera demain, dans un Becond rapport, ios faits importants, les grandes vues |ÀuembItf« nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (11 mars 1790.] {{g que présente le mémoire qui vous a été adressé par le premier ministre des tinanc-s les résolutions sages que vous avez à prendre à leur sujet. Il vous proposera, dans un troisième rapport, les moyens d’assurer aux fonds extraordinaires que vous avez destinés à payer l’arriéré et les dépenses extraordinaires qui surchargent la présente année, toute l’efficacité dont ils sont susceptibles, et qui leur manque encore. Il indiquera, dans un quatrième rapport, les mesures a prendre pour qu’au même moment où on supprimera la gabelle, ôn puisse délivrer le commerce des obstacles que lui opposent les barrières intérieures. Il fera voir la nécessité de n’apporter aucun retard à ce reculementde barrières, tant pour le soulagement que le commerce en éprouvera, et qui ranimera notre industrie, que pour rétablir avec une force nouvelle et suffisante la garde de la frontière, pour relever ainsi le produit du tabac, pour assurer aux manufactures nationales l’avantage que les lois et les traités ont voulu leur procurer sur celles de l’étranger; et, surtout, pour ramener, pendant le reste de l’année, entre les mains des propriétaires de terres, une partie des revenus qui en sont détournés, et qui seront si nécessaires pour faciliter le nouveau systèmedefinances de l’année 1791, dont la législature suivante inspectera l’exécu-tioü . 11 se concertera pour ce dernier point avec le comité de commerce, comme il l’a fait à l’égard des plans qu’il va vous proposer avec le comité de l’imposition, et comme il avait commencé, comme il aurait continué de faire avec le premier ministre des finances, si la maladie de ce dernier n’avait interrompu des communications si utiles. Vos commissaires n’ont pu lui donner connaissance que des bases de leur travail. Ils se feront un devoir de consulter ce ministre et les différents comités, dont la mission a du rapport avec la leur, pour les opérations subséquentes dont votre comité des finances soumettra les plans à vos lumières. Cinq impositions fixeront aujourd’hui son attention et la vôtre : ce sont la gabelle, les deux droits dont la perception exige le degré le plus affligeant d’inquisition et les frais de régie les plus dispendieux ; celui sur la marque des cuirs et celui sur la fabrication des amidons; et deux autres droits qui, sans entraîner un aussi grand nombre d’injustices choquantes, sont néanmoins encore très inquisitoriaux, très vexatoires, et portent la plus fâcheuse atteinte à deux branches bien intéressantes d’industrie et de commerce; l’un est celui de la marque des fers, et l’autre le droit sur la fabrication des huiles. Votre comité traitera successivement ce qui concerne chacun de ces droits, l’étendue et la forme de leur remplacement. 11 développera ensuite quelques autres moyens de remettre l’équilibre entre les recettes et les dépenses de l’année 1790. 11 lui paraît impossible, Messieurs, que toute la confiance qui est due à la puissance et aux ressources de la France, ne se rétablisse pas promptement, quand on vous verra pourvoir à ses besoins publics et vous livrer à un travail suivi, dont touies les parties se correspondront et se faciliteront l’une l’autre, pour asseoir les finances sur une base prospère et solide. Encouragé par cet espoir, votre comité passe à l’exécution de votre décret sur la gabelle. De la gabelle . La gabelle est jugée depuis la première Assemblée des notables. L’impatience au peuple a pris sur elle dans plusieurs provinces l’exécution du jugement ; et, si quelque chose est à regretter à cet égard, c’est que vous n'ayez pas ordonné le remplacement de cette imposition au moment où la perception a éprouvé des atteintes dont les suites étaient faciles à prévoir. C’était votre droit, peût-être votre devoir, c’était le devoir des contribuables. L’orsqu’un revenu est nécessaire à l’existence de la société, si sa forme paraît trop onéreuse, on ne peut le supprimer qu’à la charge du remplacement; et la province la plus ennemie des gabelles, l’Anjou, a senti cette vérité. Le peuple, même soulevé dans cette province, a offert de payer ce que le Trésor public retirerait de cet impôt. Plusieurs projets ont été soumis à votre comité pour le remplacement des gabelles. Il ne s’est refusé à l’examen d’aucun. 11 a dû se prescrire d’éviter dans sou travail toute précipitation, d é-couier, de peser les observations qu’on disait avoir à lui faire, et de ne croire à sa propre pensée u’après l’avoir soigneusement comparée à celles es gens qui passe pour les plus instruits. Les nations méritent ce respect, que tout ce qui peut les intéresser, soit examiné avec le plus profond scrupule : car l’ignorance est un délit, lorsqu’on doit décider du sort des humains. Trois projets ont mérité plus d’attention que les autres. Deux d’entre eux out été proposés par descitoyens qui ne sont membres nide votre comité ni de cette Assemblée. Le troisième est sorti de votre comité même, qui vous doit une idée rapide de ceux qu’il n’a pas pu adopter; car il ne prétend, en aucune manière, à juger en dernier ressort; il respecte trop vos droits et ceux de la nation. La premier projet aurait été de conserver la vente exclusive du sel, en graduant le prix par nuances peu sensibles de district en district, depuis les provinces où le sel est franc, jusqu’au centre des provinces de grandes gabelles. On ne l’aurait vendu que cent sols le quintal sur les frontières de Bretagne, eton en aurait augmenté le prix de cinquante sols toutes les cinq lieues, jusqu’à ce qu’on eût atteint le prix de vingt-cinq livres le quintal. On o’aurait établi aucune garde qu’à l’entrée des rivières pour interdire le transport par eau du sel qui n’aurait pas été pour le compte de la vente exclusive de la nation. On croyait n’avoir rien à craindre de la concurrence du transport par terre, et l’on pensait qu’il aurait suffi lorsqu’il se serait fait quelqu’intro* duction de sel de contrebande* de faire saisir dans les formes de la justice ordinaire, les magasins et les débitants, comme les commerçants et les artisans dont la profession est en jurande, fait saisir ceux qui se livrent à leur commerce, sans être membres de leur corporation. Les auteurs de ce projet calculaient qu’à ce prix et à ces conditions, la vente exclusive du sel dans les provinces actuellement soumises aux gabelles, donnerait, dès aujourd’hui, vingt million* deux cent mille livres de revenus à l’Etat, et que l’accroissement rapide de la consommation porte* rait bientôt ce revenu au-dessus de trente millions ; de sorte qu’on n’aurait pas eu à remplacer, par imposition ou autrement, plus de guarante�trpie 120 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. pl mars 1790.] millions aujourd’hui, plus de trente trois-rnillions dans la suite. Selon ce plan, il faudrait donc, en même temps que l’on changerait la législation et la forme des gabelles, imposer dans la présente année quarante-trois millions sur les biens, les personnes et les consommations ; et le plan plus complet et plus étendu que votre comité vous proposera pour la réforme et le remplacement des gabelles, n’emporte pas la nécessité d’ajouter une aussi forte somme aux impositions et aux droits qui devront subsister. Payer l’impôt et demeurer soumis à la vente exclusive, quelque modéré qu’en fût le prix, pourrait donner lieu à la crainte de voir hausser ce prix dans la suite et de retomber dans l’ancienne gabelle en conservant l’impôt. Cette crainte a peu de fondement chez une nation qui entretiendra une législation permanente, et de laquelle, par conséquent, les finances n’auront jamais d’autre régime que celui dont les représentants du peuple auront reconnu la justice etla nécessité. Mais encore faut-il compatir aux craintes, quelles qu’elles soient, de ceux qui, trop occupés de l’ancienne constitution, n’ont pas pu calculer tous les avantages de la nouvelle. Quant à l’utilité de conserver vingt ou trente millions de revenus sous la forme de gabelle, dans quelques provinces ou départements du royaume, il faut, pour en prendre une idée juste, décider une question que l’ancien gouvernement avait autrefois assez sagement résolue dans la pratique, des principes de laquelle il s’était ensuite écarté, et que l’on semble éluder aujourd’hui, mais sur laquelle il est indispensable que l’Assemblée nationale, ni le peuple d’aucune partie du royaume ne conservent aucun doute. Car le pouvoir législatif, qui doit être ponctuellement obéi, doit savoir ce qu’il veut et ce qu’il ordonne. Votre comité des finances vous prie donc, Messieurs, d’expliquer nettement votre volonté. « Voulez-vous, croyez-vous juste que les provinces qui ont été ou qui, selon le plan proposé, seraient soumises à la gabelle, contribuent aux besoins publics dans une plus forte proportion relativement à leurs revenus, que les autres provinces? » Vous voyez, Messieurs, qu’il suffisait de poser la question. Vous croyez juste que chaque citoyen chaque municipalité , chaque district , chaque département contribue exactement dans la proportion indiquée par son revenu ni plus, ni moins ; et l’ancien gouvernement, jusqu’à la fatale invention des sols pour livre sur les droits de consommation, l’avait cru comme vous. Cette question jugée, et ce principe posé, le système de la gabelle graduée, quelqu’ingénieux qu’il soit, croule sans pouvoir se relever. Pour le suivre, il faudrait réserver des distinctions et des privilèges entre les départements, et même entre les districts ; il faudrait graduer l’imposition territoriale en sens inverse de la gabelle ; la rendre plus lourde dans les provinces où le sel serait entièrement franc, et l’affaiblir de plus en plus dans les départements et les distrits où le sel aurait été fixé à plus haut prix. Cette compensation nécessaire rendrait illusoire pour les finances le produit de vingt ou trente millions , que pourrait procurer la vente exclusive du sel dans un certain nombre de départements, puisqu’il faudrait diminuer d’autant les autres impositions dans ces départements; l’odieux du privilège exclusif et de finterdiction des rivières pour une branche de commerce, demeurerait nu, dans toute sa laideur naturelle. Et si votre comité ne peut douter, Messieurs, que vous n’approuveriez pas qu’il vous proposât de conserver même avec profit, une variété de constitution entre les départements, comment oserait-il le faire lorsqu’ en résultat vous auriez reconnu qu’il s’agirait d’établir cette variété sans profit, ni pour les contribuables, ni pour les finances de l’Etat? Le second projet relatif à la gabelle, ne présente pas cet inconvénient. Il est l’ouvrage d’un citoyen éclairé sur les finances, qui ne veut point de variété de régime, ni de distinction entre les provinces, et qui, croyant de bonne foi qu’une imposition générale sur le sel est préférable aux autres impositions, voudrait étendre la vente exclusive au sel par tout le royaume, à la faveur de la suppression des privilèges, faire délivrer à chaque département, qui ferait délivrer à chaque municipalité une quantité de sel proportionnée à la plus faible consommation du pays; lès municipalités ensuite seraient chargées de répartir ce sel entre les contribuables, qui seraient tenus, en le prenant, de le payer au prix fixé par la loi. Ceux qui négligeraient de retirer leur sel du grenier, seraient imposés à sa valeur ; et quant au surplus de leur consommation, comme pour les salaisons, on rendrait le sel libre et marchand ; de sorte que, selon l’auteur, l’agriculture retirerait de ce régime tous les avantages qu’elle peut attendre du commerce libre du sel, et que la rigueur de la contribution paraîtrait adoucie par la livraison d’une certaine quantité de sel au prix de l’impôt. En bornant le prix de la vente à six sols la livre, il estime qu’on en retirerait quarante-cinq millions de revenu net ; et s’appuyant de tous les raisonnements qu’on fait en faveur des impôts sur les consommations, il regarde cette opération comme fiscalement, moralement et politiquement bonne. Mais votre comité n’a pas pu y voir un véritable impôt de consommation, puisque le contribuable serait forcé de prendre la quantité de sel à laquelle on aurait taxé sa famille, et qu’il serait imposé en argent, à faute de remplir cette obligation. Ce système ne présente donc qu’une capitation très peu déguisée par une livraison de sel, et une invention pour étendre la gabelle sur tout le royaume. Si l’on juge qu’en effet une capitation à la même somme par tête, riche ou pauvre, et de la plus forte partie de laquelle les pauvres devraient faire l’avance, soit une bonne imposition, l’idée de l’établir dans tous les départements sera bonne. Mais si cette forme d’imposition a réellement de grands inconvénients, si elle présente à la fois une dérision dans une vente apparente qui n’est qu’une taxe sans liberté, et une injustice dans la proposition de s’adresser pour cette taxe aux citoyens en raison de leur nombre et non de leur fortune, il faudra rejeter l’idée d’un pareil établissement, qui paraît à votre comité ne pouvoir s’accorder ni avec vos principes, ni avec vos décrets, ni avec le vœu d’aucun de vos commettants, et contredire formellement la mission que vous lui avez donnée de vous proposer un plan de finance propre à suppléer aux gabelles, dont vous n’avez pas regardé la suppression comme douteuse. Votre comité a donc cherché, non pas à mitiger la gabelle, mais à remplacer d’une manière équitable, prudente et douce le revenu qu’en retirait l’Etat. En s’occupant de ce travail, que vous lui avez [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Il mars 1790-1 121 prescrit, la première considération dont il a été irappé, est que dans le remplacement de la gabelle vous préféreriez le juste et l’honnête, à tout ce que l’on pourrait regarder au premier-abord comme le profitable et rutile. 11 lui a même paru que le juste était véritablement l’utile; que, dans toute affaire, la justice était un puissant moyen de persuasion ; qu’elle était le plus grand, peut-être l’unique pouvoir sur lequel on puisse fonder l'espoir légitime de la soumission du peuple; l’unique du moins qu’il convienne aux représentants du peuple d’employer; votre comité s’est donc attaché à distinguer ce qui, dans l’imposition des gabelles, était juste et ce qui ne l’était pas. De là cette décision que vous venez de porter, et que vos commissaires savaient que vous porteriez, s’est offerte à leurs yeux comme un fanal. Ils ont trouvé, comme vous, juste, qu’en partan t autant qu’on le pouvait, des connaissances acquises par l’expérience des administrations passées, on ne demandât à aucune province, à aucun département, qu’une contribution proportionnée au revenu et à l’aisance de ses habitants. Il a recouru à ce que l’on peut trouver de monuments et de renseignements à ce sujet; et l’examen des laits l’a convaincu qu’il était juste, dans les provinces soumises aux différentes gabelles, de payer ce qu’on appelle le principal de cette imposition, c’est-à-dire ce qui formait leur ancienne quotité avant qu’on les eût accrues par les sols pour livre additionnels. Cela est juste, premièrement, parce que la gabelle a d’abord été établie d’après le vœu des Etats généraux ; Secondement, parce que les augmentations qu’a reçues le principal des droits de gabelle, depuis les Etats généraux, n’ont eu lieu que sur les provinces qui ont préféré cette forme d’imposition indirecte à celle de l’imposition directe; ces provinces ont été ménagées dans l’imposition territoriale et dans l’imposition personnelle, en raison de la charge de la gabelle qu’elles avaient a supporter ; Troisièmement, parce que les autres provinces ont été au contraire chargées dans l’imposition territoriale et personnelle , en raison de leurs exemptions de gabelles ; on avait ainsi établi par la compensation des impositions directes et indirectes, une force d’équilibre dans la contribution des différentes provinces. Il n’était pas juste que les provinces soumises aux gabelles payassent les dix sols pour livre de cette imposition ; car ces dix sols pour livre n’ayant point été ajoutés aux impositions territoriales et personnelles, rompaient l’équilibre entre les différentes provinces, et formaient une surcharge particulière pour celles soumises aux gabelles; surcharge répartie avec d’autant plus d’iniquité, qu’elle était réellement double dans les provinces de grandes gabelles, de ce qu'elle était dans celles de petites gabelles, et décuple de ce qu’elle était dans les provinces rédimées, où le sel n’est soumis qu’à de simples droits de traite ou de convoi. Puisque le principal de l’imposition des gabelles n’était pas une injustice dans les provinces où cette forme d’imposition avait été établie, le remplacement de ce principal est dû par ces provinces, et il faut imposer sur elles de la manière la plus équitable, et en même temps la plus prompte que l’on pourra imaginer, la somme équivalente à ce que le Trésor national retirait de ce principal. Mais, puisque les sols pour livre de cette même imposition étaient une injustice, il ne faut demander à ces provinces aucune indemnité particulière pour la portion de revenus que ces sols pour livre produisaient à l’Etat. Il paraît d’autant plus nécessaire à votre comité, Messieurs, que vous adoptiez cette vue qui vous a été indiquée par le premier ministre des finances, et qui est également conforme à sa morale et à ses lumières, qu’elle vous présente la base la plus équitable qu’il soit possible d’avoir aujourd'hui pour la répartition des impositions territoriales et personnelles, et que rien n’est plus propre à répandre chez toute la nation, et entre tous les départements, cet esprit d’union intime et fraternelle à laquelle le salut de l’Etat est attaché, que le soin dont on vous verra occupés de chercher la justice et d’établir l’équilibre. Les provinces franches et rédimées, et les provinces de gabelles, verront avec une égale satisfaction, que l’impartiale équité que vous leur devez à toutes, vous ait fait porter' un œil éclairé sur leur situation respective, et que vous ayez reconnu, d’un côté, que vous feriez injustice aux provinces exemptes de gabelles, si, en répartissant entre les départements les contributions directes, vous preniez pour base les impositions territoriales et personnelles que ces provinces payaient précédemment, sans avoir égard à la charge qui leur avait été imposée pour compenser celle de la gabelle, que les autres provinces avaient à supporter ; de l’autre côté , que vous feriez une injustice non moins grande aux provinces de gabelles, si vous surchargiez leur imposition de la valeur des sols pour livre ajoutés à la gabelle dans ce siècle, après que l’expérience des meilleurs administrateurs, depuis Colbert jusqu’à M. Trudaine, à M. d’Ormesson, et à M. d’Ailly, avait égàlisé ou rapproché de l’égalité, la contribution des provinces de gabelles et des provinces exemptes. Ce que nous demande à cet égard la justice, la prudence et la nécessité le commandent impérieusement. II n’y a que les gens qui n’ont pas réfléchi sur les rapports des différents moyens de subsistance des hommes, et sur les effets de tout changement subit dans Ja distribution des richesses, qui croient qu’on peut transformer une imposition indirecte en imposition directe, sans commencer par la diminuer dans une très forte proportion. Le trois fois bon, trois fois grand Turgot, aussi éclairé qu’intrépide, et qui désirait si vivement de faire dans les finances les améliorations qui vous sont réservées aujourd’hui, mais qui pesait la conséquence de chaque résolution, n’osait entreprendre la conversion des mauvais impôts, qu’après l’avoir préparée par une année de bonne administration du commerce, et facilitée par de grandes diminutions des impôts même3. La diminution de l’impôt est la plus indispensable, en même temps qu’elle est la plus favorable des conditions de la conversion d’un impôt nuisible, que la raison et le peuple ne peuvent plus supporter, en un impôt d’une meilleure espèce. Il faut donc absolument vous borner, Messieurs, à imposer sur chaque province de gabelle, pour remplacement de cette imposition, les deux tiers de ce qu’elle a payé de net jusqu’à ce jour au Trésor royal, pour l’impôt du sel. Le Trésor royal retirait de net des grandes et petites gabelles et des gabelles locales, 58,560,000 livres. Les provinces franches et rédimées acquittaient 121 [Assemblé* nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 1 11 mars 1790.] en outre environ 3 millions pour droits de traite, sous plusieurs dénominations, que le sel destiné à leur consommation était obligé d’acquitter. C’est donc en total 61,500,000 livres que l’Etat retirait annuellement et régu lièrement de la vente exelusive, ou du commerce du sel. On avait présumé qu’au delà de ces 61 millions et 1/2 de revenu fixe, il y aurait, année commune, un bénéfice de 2 à 3 millions à partager entre le Trésor public et les fermiers, et l’expérience avait prouvé qu’en effet ce bénéfice existait en sus du prix du bail des gabelles. Ainsi l’Etat retirait réellement de la vente du sel et des droits sur cette marchandise , 61,500,000 liv. de revenu régulier, et 1,500,000 fr. de revenu présumé, avec un très suffisant degré de certitude; ce qui formait un total de 63 millions de revenu public. En ordonnant le remplacement des deux tiers de cette somme sur les provinces qui la fournissaient, et quant à chacune d’elles, en raison de la portion dont elle y contribuait, vous diminuerez visiblement de 21 raillions le fardeau qui accablait les contribuables de ces provinces; et en cela, vous ne ferez que justice» vous ne ferez même qu’une justice incomplète, car la plupart de ces provinces ont encore à supporter d’autres impositions que la gabelle, qui leur sont également particulières, et qui ont aussi été augmentées sans principes et sans compensation par ces additions de sols pour livre; mais jusqu’à ce que vous ayez pu acquérir des connaissances assez exactes pour arriver à une parfaite équité, ce sera toujours un grand soulagement pour ces provinces, que celui de 21 millions d’impositions visiblement injustes, et reconnues pour telles par tout ce qu’il y a d’administrateurs éclairés. Ce ne sera pas néanmoins le seul bienfait que les habitants des pays de gabelles auront à recevoir. Ils profiteront encore d'environ 10 millions, que coûtaient les frais connus de la régie de cette imposition, et d’un autre nombre de millions qu’on ne peut pas calculer avec exactitude, mais qui ne saurait être que considérable, et qui étaient absorbés par les vexations, les frais de justice et les accommodements publics ou clandestins, qu’entraînait le régime de la gabelle. On a connaissance de quatre mille procès par année, relativement aux gabelles; et de ces quatre mille procès, quatre cents finissaient pur condamner anx galères ou au bannissement les prévenus de contrebande. Il est difficile de ne pas croire que ces procès d<- vaient coûter environ cinquante écus, l’un dans l’autre; car s’il y en avait qui eussent peu de suite, il y en avait aussi qui conduisaient l’accusé en prison, c’est-à-dire dans le plus cher et le plus vilain des séjours, d’où il ne sortait que chargé d’une sentence, elle-même coûteuse, et portant condamnation à 100 écus d’amende. Et l’on doit remarquer que ce grand nombre de procès publics supposait un nombre encore plus grand de collusions, d’accommodements particuliers parfaitement inconnus aux fermiers généraux eux -mêmes, mais dont la dépense était à la chartredu peuple, ainsi que le temps perdu et les dérangements dans les familles, dans les travaux, dans le commerce, qu’occasionnaient les visites domiciliaires etcelles des voitures sur les chemins. On doit donc juger que les gabelles coûtaient aux contribuables des provinces qui y étaient soumises, et à celles qui payaient des droits de traite sur le sel, plus de 80 millions. Indépendamment de la valeur du sel même, ces provinces n’étant imposées qu’à 42 millions, éprouyèront donc un soulagement réel d’environ la moitié de leur ancienne charge : soulagement qui, quoi qu’en dise le petit nombre des partisans de la gabelle, doit bien favoriser l’opération de son remplacement. Quant à la forme de ce remplacement, ou à là manière d’imposer les 42 millions qu’il est juste de faire payer aux provinces de gabelles, en raison des deux tiers de ce qu’elles fournissaient de revenu à l’Etat par la vente exclusive du sel, et aux provinces qui payaient sur cette marchandise des droits de traite, en raison des deux tiers de ce que leur coûtaient ces droits, votre comité n’a pu approuver les projets présentés jusqu’à ce jour, et qui se réduisent, ou à une capitation déterminée par la consommation du sel, ou à une taxe sur les terres. Un des principaux inconvénients de la gabelle était précisément de ne présenter en résultat qu’une capitation relative au nombre des têtes, et non pas aux fortunes; qui ne retombait sur les propriétaires et sur les riches, qu’après un grand nombre de cascades, et dont l’avance était faite par les pauvres familles, en raison inverse de leurs facultés, c’est-à-dire en raison directe de leurs besoins, ou du nombre d’enfants dont elles étaient chargées. Une telle base ae répartition était une des plus puissantes raisons de supprimer la gabelle. Le rejet de la contribution entière sur les propriétés territoriales, offre un autre inconvénient moins grave, mais qui est digne encore de votre considération. Dans l’état de désordre où sont les finances et le commerce, les propriétaires de terres ne jouissent pas de la totalité du revenu que devrait leur procurer la vente des productions de leurs terres, au prix qui en est payé par les consommateurs; les impositions indirectes, les gênes sur le commerce, les inspections inutiles, lés règlements vexatoires, les monopoles, les privilèges exclusifs, variés sous tant de formes, absorbent une grande partie de ce revenu. On ne peut pas s’écarter précipitamment de cet ordre de dépenses, quoiqu’il soit très vicieux, il faut prendre la richesse où elle est, et il faut la restituer graduellement aux terres et aux travaux productifs, par la simplification des finances, et par la liberté du commerce, avant de pouvoir demander aux propriétaires des terres le paiement direct de la totalité d’une imposition qu’on veut changer de forme; c’est une vérité digne de la nlus sérieuse attention. Votre comité a donc jugé, Messieurs, que, dans l’état où se trouve la société, les travaux de toute espèce, le commerce et les capitaux qui les alimentent, la prudence et l’équité demandaient que la répartition du remplacement d’une imposition reconnue trop onéreuse pour pouvoir subsister, fût faite au marc la livre de toutes les autres impositions directes et indirectes qui doivent être conservées, Il lui semble que, c’est le moyen de la rendre plus légère pour tous les contribuables, et d’adoucir, autant qu’il soit possible, la secousse que donne toujours le passage d’nn ordre de choses à un autre. Il vous demandera donc de décréter cette disposition, et d’ordonner que, dans chaque département, les deux tiers de la somme dont il a contribué jusqu’à ce jour pour les gabelles, ou pour les droits de traite sur le sel, déduction faite des frais de régie, seront répartis sur ce département au marc la livre de toutes les impositions directes, et de tous les droits d’entrée des villes, tant de ceux qui se perçoivent au profit de la nation, que de peux qui appartiennent aux villes elles? [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Il mars 1790,] |f| mêmes» Car aucune de ces impositions n]a été établie, que parce qu’on a reconnu, dans lavilleoù elle existe, le moyen de la payer. Elles sont donc au moins indicatives de la richesse et c'est la richesse que nos commettants nous ont spécialement chargés de rendre contribuable. On peut même y joindre comme matière imposable les revenus patrimoniaux des villes, qui ne doivent pas être plus exempts de contribution que les autres revenus. La répartition au marc la livre ne présente aucune difficulté, quant aux impositions directes; elle n’exige même pas de nouveaux rôles; il suffit de savoir quelle est la somme d’augmentation qu’elles doivent recevoir, et de prescrire, par une seule ordonnance, qu’en vertu d’un simple émargement, il sera levé en surplus des rôles déjà fixés, le supplément de cote nécessaire. Mais quant aux droits d’entrée et de consommation dans les villes, l’opération est plus délicate, elle demande plus de soin. Ces villes sont de deux classes ; il y en a où la taille elle-même ne se perçoit pas d’une manière directe, et a été convertie en droits d’entrée improprement nommés d'octrois, Il y en a d’autres, et c’est le plus grand nombre, où la contribution est partagée en imposition directe, et en droits d’entrée ou imposition indirecte. Dans les premières, la répartition relati ve au remplacement de la gabelle, pour tout ce qui ne sera pas ajouté au vingtième, ne peut qu’être estimée en masse, relativement au produit connu de leurs droits d’entrée ou d’octrois. Dans les unes et dans les autres, il faudra prendre le même parti pour toute la portion de contribution qui sera déterminée par la somme des octrois : car il serait très imprudent d’employer en ce cas la forme routinière des sols pour livre. Les droits d’entrée dans les villes, comme tous les autres droits sur le commerce, ont une borne naturelle ; c’est l’attrait que leur pesanteur peut inspirer à la contrebande. Lorsqu’on atteint cette borne, augmenter le droit, c’est diminuer le pro ¬ duit. Lesdroitsd’entrée des villes ne sontdooc pas susceptibles d'être augmentés par des sols pour livre; car plusieurs d’entre eux touchent déjà les limites où la contrebande les ferait déchoir, pour peu que l’on voulût hausser leur tarif. On peut perfectionner les clôtures et les régies: ce sont des mesures locales qui ne sauraient être bien connues que par l’administration même du lieu. Mais l’efficacité de ces mesures a aussi des bornes; et c’est encore l’attrait de la contrebande, qui, dans sa puissance, dépend beaucoup des mœurs et des localités. Si la répartition au marc la livre des impositions directes et indirectes, exige qu’une ville paye line certaine somme sur ses droits d’entrée, pour concourir au remplacement des gabelles, il ne faut donc pas chercher à fournir cette somme par une addition de sols pour livre sur tous les droits d’entrée qu’elle paye déjà; mais il faut charger sa municipalité de proposer les moyens qu’elle jugera convenables pour fournir cette somme de la manière qui lui semblera la moins onéreuse à ses habitants, soit par une addition à ses anciens octrois, soit par une augmentation dans quelques parties de ceux-ci, qui paraîtraient n’avoir pas été suffisamment élevées dans les anciens tarifs; soit par un octroi nouveau sur quelques marchandises dont les anciens tarifs auraient omis l’énonciation ; soit par un plus grand accroissement dans leB contributions personnel-lés; soit par les autres impositions qui peuvent être regardées comme mitoyennes entre les impositions personnelles et les impositions réelles, et qui sont relatives aux loyers ou à quelques circonstances particulières des maisons. L’Assemblée nationale paraît devoir laisser la plus grande liberté aux municipalités pour la distribution de leurs impositions indirectes, à la charge qu’il sera toujours rendu un compte journalier de leurs produits au directoire de leur district; que, dans te cas d’excès, la législature décidera de l’emploi, sur l’avis dü directoire de département, et ordonnera la diminution de l’imposition pour l’année suivante; et que, dans le cas de déficit, il y sera pourvu par augmentation sur les impositions directes de la ville. Avec ces précautions, votre comité ne craint pas que la répartition d’une imposition diminuée de moitié soit trop onéreuse; il se flatte que la contribution sera faite avec toute la sagesse que les contribuables et vous, pouvez désirer. Mais en réglant cette contribution modérée, vous aurez sacrifié, Messieurs, environ 21,000,000 de revenus, produits aujourd hui par les sols pour livre de la gabelle; et les finances de l’Etat ne peuvent pas supporter ce sacrifice, au moment où elles ont déjà éprouvé une perte considérable sur le produit de différentes autres impositions. Ce ne serait presque rien que d’avoir assuré, en l’adoucissant, la perception d’une branche de revenu déjà perdue, et ce serait un mal que d’en avoir affaibli l’ancien produit, si l’on n’avait pas d’autres ressources, lorsque les besoins menacent de toutes parts, et que la société se trouve au bord d’ün abîme de honte et d’impuissance. Votre mission, celle de votre comité des finances s’étendent plus loin. Vous l’avez chargé de vous proposer des moyens de revenu qui pussent remplacer celui des gabelles; et vous ne l’en avez chargé que parce que vous voulez que les dettes arrivées dans les diverses branches de revenu auxquelles on a porté atteinte, n'altèrent pas la puissance de l’Etat, et ne renversent pas la patrie que vous aimez, que vous avez à sauver. Vous voulez donc arrêter avec fermeté, sur la pente qui l’entraîne, le char de la fortune publique; vous voulez le soutenir en comblant le vide ouvert devant lui. Il faut, pour obéir à de si nobles intentions, que votre comité vous aide àchercher,à trouver, à saisir avec toute l’énergie du courage et de la nécessité, les ressources qui peuvent exister, qui existent. Car, Messieurs, il existe toujoursdes ressources pour le salut de la patrie, si les citoyens ne manquent pas de zèle et de résolution ; et, encore une fois, il ne convient pas à des Français d’être vaincus, tant qu’ils ne sont pas morts. Il y a des ressources, il y en a beaucoup ; et nous ne sommes pas même au terme où elles exigeraient un puissant effort de génie. Elles ne nous demandent que de ne nous pas abandonner nous-mêmes, d’employer tous nos moyens avec union, et surtout de les employer avec une grande activité ; car votre comité des finances ne peut pas vous dissimuler, il doit crier dans cette tribune, qu’en même temps qu’il est très vrai que les ressources possibles sont suffisantes, et même surabondantes, il eBt également vrai qu’elles peuvent s’évanouir comme un songe, si nous perdons le moment de les décréter et d’en faire usage ; le sort de cet état dépend entièrement de la justesse et de la promptitude de vos résolutions sur les finances. Si les assemblées de département peuvent recevoir de vous des instructions sages et positives, au moment même de leur formation, 4f4 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 mars 1790. un enfant ferait marcher ce beau royaume et son bon peuple, et vous finirez dans la paix, dans la gloire, la constitution qu’il vous a demandée: si, au contraire, les assemblées administratives sont obligées d’attendre vos ordres un mois seulement, les volontés inquiètes d’une nation aussi active que la nôtre, divergeront de toutes parts : au lieu de l’accord d’un zèle unanime, vous ne trouverez dans chaque lieu qu’une multitude incroyable de difficultés ; le succès de votre haute entreprise sera compromis ; il faudra mourir, à la fois, d’humiliation et de regret. Il faut donc voir d’un seul aspect, et comme l'aigle, quelles sont les ressources que la nature des choses présente, et quelles sont celles que votre génie peut créer dans le moment ; il faut les calculer d’un trait de plume ; il faut travailler d’une manière assez grande, assez large, assez sage en même temps, pour qu’une petite erreur en plus ou en moins, n’importe pas ; il faut vouloir que vos finances soient au niveau, et montrer à vos compatriotes et à l’Europe, que la chose a été faite le jour où vous l’avez voulue ; que l’on n’arrête point, que l’on ne renverse point une nation comme celle dont Dieu a peuplé la France, et que tout obstacle intérieur ou extérieur sera dissipé, comme l’obstacle effrayant que l’état des finances présentait à vos travaux. Mesures et ressources. Avant de chercher ailleurs les moyens qui doivent combler le déficit, que semble accroître votre opération sur les gabelles, il faut voir quels sont ceux qui peuvent résulter de cette opération même. Une grande circonstance se présente. Le commerce du sel n’est point encore établi. Les spéculations des capitalistes ne s’y sont pas tournées, les approvisionnements peuvent manquer en plusieurs cantons ; les spéculateurs eux-mêmes pourraient combiner qu’il y aurait de l’avantage à les faire avec parcimonie, afin de hausser le prix du sel marchand et d’augmenter leurs profits ; et le peuple, chargé de payer le remplacement de la gabelle, pourrait avoir encore à se pourvoir de sel à un prix qui lui ferait regretter l’impôt même dont il a désiré la suppression. La commune de Paris s’est déjà plainte que le peuple avait été trompé sur la qualité du sel par les contrebandiers : des plaintes semblables sont arrivées du Languedoc ; et il vous importe comme réformateurs, comme représentants, comme frères, et pères de ce peuple estimable, que dans le moment surtout du passage d’un régime à un autre, il ait toujours à sa portée des fournitures bonnes et salubres, à prix modéré. Le moyen est simple, et dans votre main. La Ferme générale est approvisionnée pour deux ans en sel de la meilleure qualité, et de beaucoup préférable pour les salaisons à celui que le commerce nouvellement établi, a fourni jusqu’à ce jour. 11 faut enjoindre à la Ferme générale de continuer la vente au prix qui sera fixé par la concurrence du commerce dans tous les lieux où elle a des greniers ou des débits, l’obliger de pourvoir aux disettes momentanées du sel, et de prévenir le renchérissement subit et trop considérable que des spéculations avides pourraient occasionner, si la sagesse de l’administration n’avait pas un régulateur et un contre-poids à y opposer. Ce régulateur, ce contre-poids sont dans la nature des choses. Vous ne pourriez pas empêcher les fermiers généraux de l’employer à leur profit, et peut-être, si vous négligiez d’y influer, de l’employer avec moins de modération que celle qu’il vous paraîtra juste et utile de leur prescrire. Un commerce ne peut pas être à la fois libre et interdit. S’il est libre, il l’est pour tout le monde; et puisque les fermiers généraux sont en France la compagnie de négociants qui a le plus de sel, et qui en connaît le mieux le commerce, vous ne pourriez pas les empêcher de faire ce commerce pour leur propre compte : mais, puisqu'ils en ont été mis en possession au nom de l’Etat, vous pouvez et vous devez les obliger à ne le faire que d’une manière avantageuse à l’Etat, limitée dans les profits par la concurrence universelle que vous aurez établie, et propre à prévenir, par des règles paternelles de prudence qu’il dépend de vous de leur imposer, les secousses qui pourraient arriver dans un commerce dont la marche ne peut encore être assurée. En leur confiant cette commission, vous arrêterez tout abus dans des moyens que vous ne pouvez leur enlever. Vous en ferez des officiers de prudence et de bienfaisance; mais cet office aura plus d’une utilité pour l’Etat. Il est impossible qu’avec les moyens d’économie dans les transports qui sont entre les mains des fermiers généraux, la bonté de leurs magasins, la qualité supérieure de leur marchandise, et l’intelligence des hommes accoutumés depuis longtemps à cette manutention, le commerce du sel fait en concurrence et même exercé de manière à empêcher tout haussement considérable de prix, ne donne pas l’un dans l’autre le profit d’un sol par livre de sel. Car les négociants qui font ce commerce ne sauraient retirer de leurs capitaux, qui sont bien moindres que ceux de la Ferme générale, un intérêt suffisant, ni de leur travail un salaire proportionné à leurs besoins, s’ils y gagnaient en général moins d’un sol par livre; quoiqu’en général aussi leurs transports en petites masses et les frais de leurs agents sur ces petites masses soient plus dispendieux que ne seront ceux de la Ferme générale, sur des masses moins divisées. Il est impossible enfin que, dans ces deux premières années, le commerce libre ait assez d’activité pour que la Ferme générale, qui a ses magasins sur place, ne soit pas encore sûre de fournir environ les deux tiers de la consommation, qui elle-même sera fort augmentée par l’usage du sel pour les bestiaux et par l’accroissement du commerce des salaisons. La Ferme générale devra un compte journalier de ses opérations. Elle en devra le profit à l’Etat, sous la seule réserve d’une remise proportionnée à ses peines ; ce n’est pas avec elle une condition nouvelle : déjà et depuis longtemps elle n’a que le nom de ferme, et n’est qu’une régie à partage de bénéfices, obligée, pour constater ces bénéfices, de mettre tous ses travaux, ses livres et ses correspondances sous les yeux du gouvernement. Le profit d’un sol par livre de sel qu’elle fera sur le prix moyen, en donnant, en chaque lieu, le sel au même prix que le commerce le plus libre et le plus animé, quelquefois à prix inférieur, doit produire environ 10 millions. Les fermiers généraux, qui se sont flattés jusqu’au dernier moment, ou que l’on pourrait établir une gabelle graduée, ou même qu’on pourrait étendre sur tout le royaume une gabelle très modérée, ont repoussé, autant qu’ils l’ont pu, cette idée d’un commerce libre, qui semblait l’arrêt définitif d’extinction d’une branche de [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Il mars 1790.] 125 revenu que l’habitude de la régir fait regarder à ses administrateurs comme très utile au public. Ils ont estimé beaucoup moins que votre comité le profit de la vente libre, dont ils devraient rendre compte à la nation. Mais, ou ce commerce sera aussi profitable qu’on vient de le supposer, et alors il pourra être continué plus longtemps au soulagement de tous les contribuables ; ou il ne procurera que peu d’avantages, et alors les approvisionnements actuels seraient encore débités, et la valeur même de la marchandise, ajoutée au bénéfice, produirait encore les 10 millions qu’il s’agit de trouver pour le service de cette année, qui est la seule qui vous importe aujourd’hui, et dont les besoins soient urgents. Vous voyez, Messieurs, que des 21 millions de perte qu’occasionnera la remise équitable, que la sûreté des recouvrements rend même indispensable, et que vous devez faire des sols pour livre sur les gabelles, environ 10 millions seront remplacés par le seul effet du débit et du commerce de la quantité de sel qui est au pouvoir des fermiers généraux, et qui remplit leurs magasins. Vous voyez encore que ce remplacement de 10 millions, si nécessaire dans l’année actuelle, aura lieu sans aucune charge pour le peuple, qui ne paiera le sel qu’au même prix qui se serait établi si vous aviez négligé de faire concourir à son approvisionnement les forces qui dépendent de l’administration; et qui plus vraisemblablement ne le paiera qu’à un prix inférieur, puisque l’approvisionnement n’éprouvera point d’intercadence, et que ceux qui pourraient vouloir le retarder, ne seront pas seuls maîtres du prix. Quelques membres de votre comité avaient cru que le sel, devenu une marchandise libre, et dans une entière [parité avec les autres marchandises libres, aurait pu être soumis comme elles, dans les villes closes, à de légers droits d’octrois, dont on aurait aisément retiré 2 ou 3 millions. D’autres membres de votre comité ont jugé qu’il ne fallait mettre aucune espèce de droits d’octroi sur le sel consommé dans les villes ; et, dans cette diversité de sentiments, votre comité s’est abstenu de s’arrêter à aucune pensée. Il entrevoit bien que les marais salants, devenus plus productifs, pourront fournir quelque augmentation de contribution territoriale; surtout si l’on conservait dans la suite une partie de cette contribution sous la forme de vingtièmes, ou de contribution en parties aliquotes du revenu ; mais il ne veut, ni ne doit rien préjuger à cet égard sur les principes qui pourront être adoptés par le comité de l’imposition, et d’ailleurs le produit d’une imposition, sous cette forme, ne pourrait être réalisé que l’année prochaine. Votre comité des finances n’en parlera que pour Mémoire. Ainsi, ne voulant pas s’écarter de la prudence, de l’équité, de la modération, dont les circonstances, vos intentions, son penchant, son devoir lui faisaient une loi, votre comité des finances n’a pu trouver, dans la chose même, que 52 millions, dont 10 ne sont pas une imposition, pour contribuer au remplacement du produit de la abelle. H manque encore 9 millions 1/2, ou 1 millions, selon que l’on considérera le revenu fixe et régulier, ou le revenu présumé, mais à peu près certain, que l’Etat retirait de cet impôt. C’est un grand pas cependant fait vers la restauration des finances de la présente année, de n’avoir plus sur une si forte branche de revenu qu’on croyait anéantie, qu’une perte qui ne saurait excéder 11 millions. Mais vous avez demandé un remplacement complet de la gabelle; et d’autres branches de revenu ont aussi éprouvé de grandes pertes sur lesquelles l’intérêt public demande, avec non moins de force, que vous ne laissiez pas l’opinion incertaine et suspendue. Dans cette position, que fait votre comité? lt consulte encore vos intentions; il cherche à remplir ce vide sans qu’il en coûte rien à personne, par des opérations de soulagement pour tout le monde. Il regarde autour de lui, de vous, du peuple. Il cherche où se trouvent quelque mal public que vous puissiez réparer; quelqu’impo-sition absurde, coûteuse, tyrannique, dont la suppression soit depuis longtemps désirée, dont la régie soit dispendieuse, dont l’existence ne tienne pas à une époque régulière de récolte, et ne demande pas qu’on attende le retour de cette époque pour la détruire, dont la proscription enfin, en épargnant au peuple du temps, des dépenses et des vexations, à l’Etat des frais de régie, puisse, par un heureux partage, rendre aux citoyens de la liberté, à l’industrie de l’activité, au Trésor national des revenus. Il cherche quelque branche d’administration qui puisse être aisément perfectionnée; il cherche, il a peu de peine à trouver. Il va commencer, Messieurs, par vous proposer avec soulagement pour le peuple, avee profit pour l’Etat, la suppression et le remplacement des deux impositions les plus vexatoires que le démon de la fiscalité ait jamais inventées : la première est le droit de marque des cuirs. Du droit de marque des cuirs. Différents droits ont été établis anciennement sur la fabrication des cuirs, et vendus d’abord sous des noms ridicules à des magistrats et à de grands seigneurs, qui les revendirent heureusement aux fabricants eux-mêmes, dont l’intérêt et la prudence les conduisirent à se cotiser pour fournirent quelqu’argent aux concessionnaires des droits, et se garantir de leur exercice. Il y a 30 ans qu’une administration également avide et peu éclairée, a retiré ces droits des mains des aliénataires, les a confondus en un seul avec diminution apparente, mais augmentation réelle, en a établi la perception avec dureté sur les provinces qui n’y avaient été soumises que par de favorables abonnements, et l’a étendue sur toutes les autres qui y avaient résisté jusqu’alors. Le droit a d’abord été porté à 10 0/0 de la valeur de la marchandise; et ces 10 0/0 de la valeur formaient 30 0/0 du profit que pouvait y faire le fabricant. On a depuis ajouté 10 sols pour livre à cette énorme imposition, tellement que le droit actuel est des 3 vingtièmes de la valeur totale de la marchandise, et de 45 à 50 0/0 du profit que les fabricants peuvent faire. La fabrique des cuirs est devenue une entreprise exploitée de compte à demi au profit du fisc ; et, dans ce cas, un tel profit n’est qu’apparent pour les finances ; il est une perte immense pour l’agriculture, pour le commerce, pour l’industrie, pour toutes les véritables sources des revenus publics. La preuve de la perception est une marque imprimée sur le cuir, et cette marque ne peut rien prouver. Le cuir, les peaux sont de toutes les matières celle qui est la plus susceptible de s’étendre par l’humidité, de se resserrer par la sécheresse, de se déformer par toutes les vicissitudes successives du temps. Au bout de quelques mois , il devient impossible au commis le plus exercé, {26 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Il mars 1Ü9Q ] et à l’expert le plus habile, de décide? avec sûreté si la propre marque imprimée par la régie est fidèle, si la marque contrefaite avec un peu d’intelligence, est ou n’est pas celle du fisc. L’honnéte homme peut être condamné comme faussaire. Le faussaire peut être absous. Le commis peut saisir et déshonorer quand il veut tout fabricant qui lui déplaît; et lorsqu’il ne le fait pas, on doit payer sa cotuplaisauce par la reconnaissance et par l’argent. Les cours ont souvent représenté au gouvernement l’jnquiétude où cette difficulté de reconnaître les fausses marques d’avec les yéritables, mettait leur conscience. Et malgré cette conscience si justement alarmée, les cours n’ont pas cessé de pronoucer contre les contribuables qui leur ont été dénoncés parla régie, des peines que des lois atroces avaient poussées jusqu’aux galères, contre les hommes gue l’on croirait coupables de fraude, jusqu’au fouet? pour leurs femmes et pour leurs filles; «comme si,.» poqr employer les expressions de quelques-uns de vos commettants, « ces innocentes créatures pouvaient, dans le cas même de fraude, résister à la volonté de fçpr père ou de leur mari; comme s’il n’était pas passible qu’elles ignorassent ce qui se passe dans les ateliers; comme si, le sachant, elles pourraient le dénoncer sans trahir toutes les vertus de leur sexe ; comme si quelque pouvoir humain ou même infernal, pouvait leur prescrire d’être, dans leurs foyers domestiques, les espions ou les victimes du fisc (1). » Le poids de l'impôt, ie poids de cette impitoyable législation a détruit la moitié des tanneries en France, c’est-à-dire d’uq qes commerces ui tient de plus près à l'agriculture, à l’abon-ance des engrais, et à celle de la yiaiide de boucherie pour la subsistance des hommes-Quatre fois le gouvernement a voulu apporter remède à un régime si désastreux et si crue]. M, Turgot en 1776, i\ï. iNecker en 1781, M. de Galonné en 1Ï87, et M. Lambert en 1788, ont successivement été au moment de faire cesser ces vexations ruineuses en elles-mêmes, et si honteuses pour une nation policée; mais alors rien n’était moins stable que les ministres, ni plus solide que les abus. Le temps est venu, où il suffit de dénoncer ceux-ci pour qu’ils cessent. Le comité des finances vous dénonce le droit de marque des cuirs-îi vous demande d’en imposer ie montant sur tous ceux qui en éprouvaient le contre-coup, Sûr tous ceux dont les terres produisent des fourrages, sur tous ceux qui nourrissent des bestiaux, sur tous ceux qui mangent de la viande, sur tous ceux qui ont des équipages, sur loua ceux qui emploient des harnais, sur tous ceux qui portent dès bottes ou des souliers ; c’est-à-dire, Messieurs, sur la nation entière, qui est bien obligée aujourd’hui de rembourser l’impôt aux tanueurs et de les dédommager en sus des. vexations, des poursuites, des injustices qu’ils éprouvent et auxquelles ils auraient tous succombé, si les vendeurs de peaux et les acheteurs de cuir apprêté ne les en avaient pas dédommagés au morns en partie. Çe n’est pas npe entreprise embarrassante pour une imposition qui est établie dans tout lé royaume, et qui est plus odieuse et plus lourde sur la branche de travail qu’eîle accablait, qu’elle ne peut être onéreuse pour l’$tat entieft dans la contribution duquel elle n’entre que pour un quatre-vingtième. Q’est le cas où la répartition sur la totalité des impositions directes et des droits d’entrée des villes, ne peut produire smeu-n effet sensible, et donnera la règle la plus justement proportionnée aux différentes fortunes et aux consommations de ceux qui ont payé jusqu’à ce jour la marque des cuirs. Ils seront tous, soulagés, quand ils n’auront plus à payer la surtaxe qu’ajoutent à cette imposition lès vexations qui en sont inséparables. On peut donc sans inconvénient, et lorsque les finances de l’Etat éprouvent un déficit qui met le service public en danger, demander le remplacement de la totalité de la perception effective; on y gagnera les frais de perception, qui, principalement sur cette partie, sont très considérables, en proportion de la recette. C’est une manière simple et naturelle de rétablir les finances, c’est celle qui se présente d’abord aux bons esprits, que de soulager le peuple des vexations et des procès, et de faire profiter l’Etat des frais de régie, en. transformant une perception litigieuse, coûteuse et compliquée, dans une sorte d’abonnement doux, soumis à des règles claires, qui n’exige aucune violation des droits des citoyens, qui enfin ne soit susceptible que dé peu de frais. Gette méthode, qu’il est indispensable d’employer pour suppléer au produit du droit de marque des cuirs, est applicable aussi au droit de fabrication sur les amidons-Du droit sur la fabrication dés amidons. Le droit sur les amidons, qu’on avait regardé comme portant sur le luxe, a détruit en France une branche d’industrie qui était autrefois et qui peut redevenir l’objet d’un commerce étendu avec l’étranger, et propre à faire subsister un grand nombre dé familles industrieuses. Ce droit a suspendu les progrès de l’art eu interdisant aux fabricants toute expérience sur les matières de peu de valeur, comme le marron d’Inde et la pomme de terre, qui renferment beaucoup de substance amilacée. U est établi sur le pied de 30, 0/0 de la valeur totale de la marchandise, ç’est-à-dire d’environ 90 0/0 du profit du fabricant. Il oblige celui-ci à faire perpétuellement des déclarations, à souffrir perpétuellement des. visites, avec des formalités si multipliées, que ce ne peut être que par miracle ou par collusion qu’il échappe a l’accusation de contravention et aux procès de fraude, quelque pure que soit sa conduite-Il exige la présence des commis qui doivent être avertis vingt-quatre heures d’avance, et qui ont en outre le droit de se faire attendre pendant, six heures, pour des opérations chimiques de fermentation qui n’°at qu’un moment de perfection indispensable à saisi?. Il soumet le fabricant à la peine de la fraude, si le temps a été sec et si les rats et les souris ont dévoré sa marchandise; à la peina de la fraude, si les animaux mangeurs de farina ont pu être repoussés et détruits, ei si un temps pluvieux a augmenté lé poids d’une matière singulièrement propre à pomper toute humidité. C’est pour sept à huit cent mille livres de perception, et pour bien moins de revenu que i’on vexe, (1) Cahier du Tiers-Etat du bailliage de Nemours. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [Il mars 1Ï90.] 4*1 ainsi dans leurs maisons les citoyens de la nation des Francs, qu’on accable leur industrie leur commerce, et qu’on leur fait payer en procès et en faux irais peut-être jusqu’à sept ou huit cents autres paille livres, le double de ce qu’on lève sur eux, le quadruple (Je ce que l’Etat en tire de re-yenu. Quel est l’effet de ce régime? La France vendait autrefois plus de poudre à poudrer aux nations étrangères qu’elle n’en fabrique aujourd’hui en totalité. 11 faut rendre à ce commerce la liberté et l’existence. Le remplacement de l’imposition qui l’anéantit, n’est qu’une bagatelle, uu cinq-centième de la contribution générale. Il paraît devoir être pris uniquement sur les villes où se fait la principale consommation de poudre à poudrer, et où les campagnes achèteront toujours celle dont elles auraient à se pourvoir. Il doit être soumis, comme tous les autres remplacements, à la règle générale d’être réparti au marc la livre de toutes les impositions directes et des droits d’entrée de ces villes; il ne fera sur les unes et sur les autres qu’une addition insensible, et le soulagement au contraire y sera marqué par la diminution du prix d’une marchandise devenue d’un usage général, et par l’augmentation d’une fabrique et d’un commerce qui donneront des salaires à un grand nombre de citoyens. Du dtoît de marque des fers. Le droit de marque des fers, quoiqu’il ait élé institué pour tout le royaume, n’a été établi que dans quelques provinces, et d’une manière qui présente peu d’uniformité. Les autres provinces ont résisté aux édits qui ordonnaient la perception ; et un gouvernement faible, parce qu’il se sentait arbitraire, qu’il n’avait que la puissance de l’armée, et non pas celle de la patrie, avait laissé l’exemption a ceux qui l’avaient prise : il s’était contenté de les rançonner au passage. Le droit de marque des fers est perçu à la fabrication et à l’entrée dans le ressort des parlements de Paris, de Dijon et de Metz, et de la cour des aides de Clermont-Ferrand, à l’exception du pays d’Aunis, dépendant du parlement de Paris. On le perçoit à l’entrée et à la sortie, mais non pas à la fabrication dans le ressort des parlements de Toulouse et de Grenoble, et à l’entrée seulement dans le ressort du parlement de Rouen. Il n’existe pas du tout dans le? autres provinces; mais les fers et aciers qu’elles fabriquent, et tous les ouvrages de fer et d’acier qui, de ces provinces, passent dans celles où le droit de traite et de fabrication des fers a lieu, acquittent ce droit, qui est à peu près de b 0/0 de la valeur pour les gros fers, c’est4?-dire d’environ 15 0/0 du profit que peuvent y faire les maîtres des forge. On arrête les voitures, on les décharge, on compte les pièces de fer, on les pèse; une erreur d’une barre, ou dans le poids d’une barre, cause un procès, et Produit une amende. Ce régime exige la garde de 00 lieues de barrières dans imtérieur du royaume. A la fabrication, ce droit est plus vexatoire encore. Les maîtres de forges et de fonderies ne Îieuvent se livrer à aucun travail, allumer leurs ourneaux, les charger de minerai, couler leurs fers, les arranger dans leurs magasins, qu’en présence des commis, qui peuvent d’ailleurs vénirà tout® heure interrompre tous les travaux , détourner tous les ouvriers, faire transporter d'un côté à l’autre tous les pesants fardeaux d’une forge ou d’une fonderie. La partie du droit qui se perçoit sur les fers et ouvrages de fer et d’acier qui vieunent de l’étranger doit etre conservée, augmentée même sur les fers et aciers travaillés en raison de la valeur du travail, et étendue, dans cet esprit, a toutes les frontières du royaume. On pourra, par cette voie, assurer aux finances, sur les droits extérieurs d’entrée, uqe augmentation des 500,000 francs de revenu, à la très grande satisfaction de nos fabriques de fer pt d’acier, La partie du droit de marque des fers qui se perçoit à la fabrication doit, au contraire, être supprimée, et la somme a laquelle s’élève son produit, imposée au marc la livre de toutes les impositions directes et de tous les droits d’eotrée des villes, selon le principe développe au sujet de la marque des cuirs, dans toutes les provinces où cette perception a été établie. EJn partageant ainsi le fardeau entré tous ieurs habitants, dont il n’eu est aucun qui p’emploie des instruments de fer et d’acier? on le rendra léger, imperceptible même pour chacun d’eujt, 11 faut répartir, et ce sera une charge encore plus imperceptible sur toqj le reste du royaume, et toutes les impositions directes et les droits d’entrée des villes, la somme qu’acquittaient les fers et ouvrages de fer et d’acier qui passent de ces proyineps dans celles soumises au droit. Cette opération étant jointe à celle de la levée de toutes les barrières inférieures, tant de celles qui sont particulières au droit de marque des fers, que de celles qui sont relatives aqx autres droits de traite, le grand accroissement que recevront l’industrie et le commerce des provinces qui ne payent aujourd’hui le droit sur les fers et les aciers, que lorsqu’elles les envoient aux lieux principaux de consommation, la liberté et la franchise dont jouira le débit de leurs productions et des ouvrages de leurs manufactures, la seule épargne du temps de leurs négociants et de leurs voituriers, compensera an quadruple la valeur d’uue contribution de cinq cent mille livres répartie entre les provinces et les départements qui formaient le ressort des parlements ou conseils souverains de Bretagne, de Normandie, de Flandres, de Lorraine, (l’Alsace, de Franche-Comté, de Dauphiné, de Provence, de Languedoc, de Roussilion, de Navarre et de Guyenue. etqpisera pour toutes ces provinces le gaga de l’activité du commerce qui se fera librement des produits de leurs terres et de leur industrie dans toute l’étendue du royaume. Il y aura donc soulagement e] augmentation de richesses pour tous ïesTTançai?, ét l’Etat gagnera l’épargne des frais d’inquisition et des barrières, qu’il est obligé d’entretenir aujourd’hui. Du droit de fabrication et de transport sur les huiles et sur les savons. Le droit de fabrication $ur [es huiles, pu peu moins vexatoire dans la forme qqe les trois précédents, est tout aussi nuisible; parce qu’il arrête les progrès de la culture des plantes huileuses, telles que la navette et la colsat qui seraient une source immense de richesses; qu il ralentit celles aes chanvres .et pes lins; qq’il conduit à né pas renouveler lés plant, allions de uoyers et d’autres arbres dont les fruits sont propres a faire de l’huile; qu’il restreint les entreprises pour l'extra c- 128 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 mars 1790.] tion des huiles animales ; et qu’il interdit dans tout le royaume la fabrication des savons secs et liquides, si nécessaires à toutes les manufac-turt/S» Ce droit se perçoit à l’exercice dans les provinces d’aides, il est abonné dans les autres; mais il n’y est abonné que pour la fabrication des huiles qu’elles consomment, et l’on exige le droit au transport lorsqu’elles les envoyent débiter dans les provinces voisines. On le fait payer à toutes les barrières intérieures des droits de traite, de sorte que presque toute l’huile qui entre dans le commerce, acquitte le droit au moins deux fois, une pour la fabrication et une pour le débit. Celles qu’on employerait à la fabrication des savons le payeraient trois fois, car, lorsque, mêlées avec la soude, elles ont pris la forme de savon, le droit est encore dû. Aussi ne peut-on fabriquer de savon qu’à Marseille, parce que la ville, étant à quelques égards un port franc, est regardée, relativement à cette fabrique, comme étrangère; encore si, après avoir payé le droit sur les savons de Marseille au bureau de septèmes, les voituriers égarent l’acquit, il faut renouveler le paiement à toutes les barrières de l’intérieur du royaume. C’est ainsi que notre agriculture, notre industrie, notre commerce sont réglementés par le fisc. Il faut nécessairement les délivrer. Il faut continuer les abonnements du droit de fabrication déjà faits. 11 faut abonner le droit de transport dans tout le royaume, et celui de fabrication dans les départements auxquels on a jusqu’à présent refusé cette douceur. Il faut faire ces nouveaux abonnements comme votre comité vous a proposé tous les autres, par une contribution au marc la livre de toutes impositions territoriales et personnelles, et de tous les droits d’entrée des villes : en remar-quant toujours que, pour la portion dont les villes devront contribuer, on se conformera aux règles de prudence déjà indiquées. üe cette manière, la culture de toutes les plantes propres à produire de l’huile, et l’extraction des huiles animales seront excitées; la fabrication du savon deviendra commune dans ce royaume, et l’Etat gagnera l’épargne des frais de régie. Résultats des quatre opérations proposées. Six millions répartis au marc la livre de toutes les impositions territoriales et personnelles du royaume, et tous les droits d’entrée des villes pour l’abonnement général du droit de marque des cuirs ; Environ un million sur toutes les impositions directes et indirectes des villes seulement, pour celui du droit de fabrication des amidons ; Un million sur toutes les impositions, territoriales et personnelles et surtout les droits d’entrée des villes, dans les départements qui composaient le ressort du parlement de Paris à l’exception du pays d’Aunis, et ceux qui formaient le ressort des parlements de Dijon et de Metz, et de la cour des aides de Clermont-Ferrand ; Et cinq cent mille francs imposés de même sur tout le reste du royaume, à raison de la suppression du droit de marque des fers et de tout droit intérieur de traite sur les ouvrages de fer et d’acier ; Enfin, un million réparti en la même forme sur les provinces où les aides ont cours, pour rendre la liberté à la fabrication des huiles; et cinq cent mille francs sur les autres provinces, pour rendre une liberté partielle au transport de la même marchandise, ainsi qu’à la fabrication et au commerce des savons: Soulageront le peuple de plus de quatre millions de frais de procédures et de vexations de toute espèce, relatives aux quatre droits imposés sur les cuirs, sur les amidons, sur les fers et sur les huiles, relèveront notre commerce intérieur et assureront à la nation, au delà du remplacement de ce que l’Etat a retiré jusqu’à présent des quatre droits qu’on supprimera, une ressource pour les finances d’environ deux millions en économie des frais de perception et de régie; tandis que la nation profitera, en outre, d'environ cinq cent mille francs, par; l’établissement d’un droit uniforme sur l’entrée des fers et ouvrages de fer et d’acier venant des pays étrangers dans tout le royaume, tel qu’il avait lieu, dans les seules provinces soumises au droit de marque des fers. Au lieu de neuf millions cinq cent mille livres à onze millions, il restera donc plus que de sept millions à huit millions cinq cent mille livres de perte sur la suppression des gabelles, et vous n’avez encore écouté que des positions de bienfaisance. Celles que votre comité a encore à vous proposer ne sont pas moins salutaires; mais, avant de vous les soumettre, il doit recommander à votre prévoyance et à votre sagesse un soin très important. La suppression de la gabelle, et celle des droits inquisitoriaux qui viennent de vous être dénoncés, privera de leur état plusieurs milliers de citoyens, qui étaient ou sont employés à la perception ou à la conservation de ces différentes branches de revenu public. La raison dit que d’avoir rempli des fonctions publiques autorisées et même prescrites par les lois, et pour lesquelles on obtenait des récompenses, n’est pas un délit, et que' si on s’est bien comporté dans ces fonctions, on a droit à l’estime et à l’intérêt de ses concitoyens. La justice veut qu’un homme qui a servi conformément aux lois et aux ordres donnés au nom de l’Etat, et que l’Etat ensuite dépouille, dans la vue d’un plus grand bien public, de tous ses moyens de subsistance, ne soit pas dépouillé sans indemnité. L’humanité ordonne de lui prêter secours. Et la prudence commande à des législateurs, à des réformateurs de ne mettre personne au désespoir, et de ne pas recruter de 15,000 hommes aguerris le nombre de ceux qui pourraient avoir intérêt à s’opposer à l’établissement des lois nouvelles. C’est un bien assez grand péril que de réformer tout à coup l’armée des . contrebandiers, en rendant la contrebande sans objet dans toute l’étendue du royaume par la destruction des gabelles et des barrières intérieures. Cette considération, sans doute, ne doit pas arrêter ; nous marchons sur les dangers, et les dédaignons. Ce n’est pas un comité, tiré de votre sein, qui vous inviterait à les craindre; il vous conseillera seulement de ne pas les multiplier sans raison. Il vous proposera de rendre utiles, sans dépense et avec soulagement pour la nation, les commis et gardes supprimés. On a tant fait de mai en France, il y a tant à réparer de toutes parts, qu’il est toujours facile d’y pourvoir à chaque embarras particulier par quelque bonne opération publique, et d’enchaîner l’une à l’autre toutes les résolutions utiles et louables. [Assemblée nationale.] Votre comité se réserve de vous offrir sur ce point, dans sou quatrième rapport, et dans un cinquième qui le suivra de près, des vues frappantes par leur simplicité, leur équité, leur utilité générale. 11 désire seulement que les employés sachent, dès aujourd’hui, que vous ne négligerez pas de concilier tous les droits et tous les intérêts, et de trouver le bien de chacun dans le bien de tous. 11 passe à présent aux autres moyens de pourvoir au déficit de la présente année. Améliorations sur le service des postes. il y a un service public susceptible d’améliorations, et qui l’a été aussi de beaucoup d’abus ; c’est celui des postes. Le plus considérable de ces abus est celui du contre-seing. Le contre-seing a été imaginé, avec raison, pour ne pas faire double emploi dans les recettes et dans les dépenses du gouvernement; mais il a été prodigué ensuite, par l’influence des moindres subalternes, aux objets qui ont le moins de rapport au service de l’Etat. Le ministère de 1787 y a voulu apporter remède; il s’y est pris avec tant d’incapacité, que les indemnités qu’il n’a pu refuser ont à peu près absorbé le bénéfice, et que l’abus s’est perpétué. Le principe en cette matière, cependant, est très simple et très fécond. Personne n’écrit au gouvernement que parce qu’il compte en retirer un avantage. Personne n’en reçoit réponse qui ne l’ait bien désiré. Il est donc très naturel et très juste que personne ne fasse payer à ses concitoyens les frais d’une correspondance à laquelle il ne se livre ainsi que pour son intérêt et pour son plaisir. Il n’y a qu’à déclarer: 1° Que toute lettre adressée par un particulier ou une municipalité à l’Assemblée nationale, aux législatures qui lui succéderont, aux directoires de département et de district, aux ministres et à leurs premiers commis, devra être affranchie ; 2° Qu’aucune lettre de l’Assemblée nationale, des législatures qui lui succéderont, des ministres et des directoires de département et de district ne sera franche de port que lorsqu’elle sera adressée de la part de l’Assemblée nationale, de la législature, ou des ministres, à quelque directoire; de la part des directoires de département ou de district à l’Assemblée nationale, à la législature, ou aux ministres. If y a dans les provinces des facilités établies pour le transport des paquets de l'administration par les tournées et les cavaliers de la maréchaussée. Il y a les messageries pour les particuliers qui auraient à faire passer à l’administration supérieure un paquet considérable dont le port leur semblerait trop cher. Quant aux lettres missives qui sont très suffisantes lorsqu’il s’agit d’une réclamation quelconque pour opérer la suspension, et donner à la messagerie le temps d’apporter les paquets, il n’est personne qui puisse en regretter le port, ou si elles sont véritablement importantes, qui ne trouve un ami disposé à l’avancer. Si, pour éviter ces petits frais à ceux qui ont 1" SÉRIE, T. XII. 129 des affaires, on perdait plusieurs millions de revenus, c'est-à-dire, si on se mettait dans le cas de les imposer de plus sur le peuple qui doit et veut pourvoir à tous les besoins publics, on ferait une très mauvaise spéculation, et l’on prodiguerait fort mal à propos l’argent des contribuables, le plus souvent encore pour faire inutilement consumer le temps de l’administration. If faut que le service public et même les réclamations particulières de quelque importance soient assurés en franchise ou à peu de frais • mais cela suffit, et il sera utile à tout le mondé que le contre-seing n’emportant franchise que dans les cas prévus, la totalité des correspondances relatives à l’intérêt particulier, et qui seront si multipliées dans la forme d’administration que nous établissons, payent le port de leurs lettres : on ne peut estimer le produit de cette correspondance ainsi réglée, et l’impossibilité absolue de l’abus du contre-seing, à moins de 3 millions de revenu. Votre comité a une autre vue à vous présenter. La poste ne se charge du port des livres imprimés que lorsqu’ils lui sont remis par un particulier, à qui l’on a donné le privilège exclusif de faire avec elle cette espèce de contrat. Ce particulier est peu connu, et de plus se réserve, en raison de son privilège exclusif, un bénéfice sur la commission qu’on lui donne, et qu’il est défendu de donner à un autre. Il faut révoquer le privilège exclusif, et annoncer que la poste portera d’un bout du royaume à l’autre tout livre non relié et toutes les autres feuilles, annonces, brochures, journaux, pour le prix d’un sol par feuille imprimée. Ce sera donner une grande activité au commerce de ce genre d’ouvrages qu’on nomme nouveautés, et il en résultera quinze cent mille francs à deux millions de profit. Il y a d’autres points de vue sur l’administration des postes en l’alliant d’une part avec celle des messageries, et de l’autre avec celle de la régie des droits de traite et d’entrée, ces deux opérations proposées par différents citoyens peuvent produire encore plusieurs millions. Votre comité, qui les discute dans ses séances particulières, s’abstient de vous en parler aujourd’hui avec aucun détail: mais il vous prie de vous rappeler les différents objets qu’il vient de vous mettre sous ies yeux. Imposition des deux tiers seulement de ce que la gabelle rendait au Trésor public ............. Commerce libre du sel, régi en concurrence pendant un temps par la ferme générale pour le compte de l’Etat, à prix libre et marchand, ci. . Economie sur les frais de régie du droit de marque des cuirs, du droit de marque des fers, du droit sur les amidons et du droit sur la fabrication des huiles, en suppléant à leur perception une répartition équitable en forme d’abonnement sur toutes les provinces qui acquittent ces droits, ci .............. Nouveau produit d’un droit uniforme à l’entrée du Royaume, réglé d’après ce A reporter ..... 54,000,000 livres. 9 ARCH[VES PARLEMENTAIRES. [11 mars 1790.] 42,000,000 livres. 10,000,000 livres. 2,000,000 livres. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 mars 1790.] Report ..... que coûte aujourd’hui celui de marque des fers dans quelques provinces, et au delà de ce qu’on retire de celui-ci ................. . . Suppression des abus de contre-seing.... ........... Facilité donnée au commerce de la librairie, quinze cent mille francs, ou ....... 54,000,000 livres. 500,000 livres. 3,000,000 livres. 2,000,000 livres. Total, environ cinquante-neuf millions cinq cent mille livres, ci ............. 59, 500,000 livres. et à se donner le temps de réfléchir pour mieux faire la chose que demandera le lendemain. Ce que votre comité peut dire en votre nom à la nation française, et ce que lui prouveront vos décrets, est que vous êtes tous convaincus que pour remplir le trésor public épuisé, les meilleurs moyens sont l’adoucissement du sort du peuple, la liberté, la sûreté, les facilités nouvelles accordées aux travaux de l’agriculture, de l’industrie et du commerce: c’est là, sans doute, que la nature a placé les véritables ressources des finances, mais excepté sous l’administration passagère d’un bien petit nombre de ministres éclairés et vertueux, avant vous, Messieurs, était-ce là qu’on les allait chercher ? Or, vous n’avez pas oublié, Messieurs, que le produit des gabelles, à partir du prix de bail et en y ajoutant seulement celui des droits de traité sur le sel, n’était que soixante-un millions cinq cent soixante mille livres, que ce n’est qu’en y ajoutant les bénéfices présumables, que votre comité l’a compté pour soixante-trois millions. Voilà donc le revenu régulier que l’Etat retirait des gabelles et des droits de traite sur le sel, remplacé à deux millions près ; et, comme vous l’avez promis au peuple, avee équité, avec sa~> gesse, avec douceur. La totalité de ces fonds, il est vrai, ne sera pas réalisée dans l’année physique, mais seulement dans l’année fiscale 1790. Vous êtes obligés de subir, à cet égard, la loi que vous ont faite la négligence et le désordre des temps anciens ; les contribuables et par conséquent les receveurs énéraux n’acquittent chaque année que sept ouzièmes des impositions de l’année même, et les cinq douzièmes de celles de l’année précédente. Vous ne pouvez éviter que l’année physique 1790 n'ait été ainsi alimentée par une partie des impositions de l’année fiscale 1789, et que ses contributions ne doivent, à leur tour, alimenter de même l’année physique 1791. Mais les dépenses suivent le même ordre, ou le même désordre, auxquels vous pourrez pourvoir en partie par la ressource des rapprochements que nous a indiquée le premier ministre, et dont votre comité vous proposera plus bas l’usage. Vous pourrez même vous mettre au courant par les fonds de l’extraordinaire, lorsqu'un constatant leur base, vous aurez dissipé les doutes élevés à leur sujet. En attendant ce sera toujours une grande consolation pour votre comité de n’avoir eu à vous présenter à l’effet de combler un vide de dix-sept millions cinq cent mille livres, dans les finances, causé par un juste soulagement que vous deviez au peuple, que des opérations de morale, de bienfaisance et de bonne administration qui ne sont à charge à aucune province, qui sont profitables pour toutes, et qu’il aurait fallu faire quand même les finances n’auraient éprouvé aucun déficit. Il vous en proposerait dans le même genre de plus grandes et de plus profitables, si l’époque où elles pourront être réalisées était plus prochaine; si vous n’étiez pas forcés de les renvoyer ar cette raison au système de finance de l’année 791; s’il n’y avait pas d’inconvénient à ébranler à la fois trop d’idées et d’usages dans un temps où le royaume n’a besoin que de repos et de paix; et s’il n’y avait pas un véritable avantage, dans les grandes opérations publiques, à ne faire cha que jour que la chose exigée par le jour même Aspect des autres pertes qui ont été faites et des moyens de les réparer. En vous proposant la bienfaisance, Messieurs, votre comité est assuré de vous plaire ; mais il ne vous proposera jamais la faiblesse, car il serait assuré de ne vous plaire pas. Vous avez de grandes pertes à réparer encore, pour pouvoir faire face aux dépenses ordinaires de l’année 1790, avec une recette régulière, qui n’en lame pas les fonds de l’extraordinaire à qui vous avez très sagement donné une autre destination. C’est un principe fondamental de bonne administration, d’appliquer à chaque dépense ses fonds et de n’intervertir les destinations que le moins qu’il soit possible. Le premier ministre des finances estime à 41 millions le vide causé dans les recettes par les circonstances quiont eu lieu depuis le commencement de l’année. Il porte à 17 millions ce qui est dû pour les achats de grains. Cette dernière dépense doit être payée par la caisse et les moyens de l’extraordinaire. Il y faut renvoyer de même les 60 millions de dépenses extraordinaires connues, ainsi que les autresdépenses pour lesquelles vous avez créé cette caisse ; pour lesquelles vous lui avez attribué un fonds, dont l'inébranlable solidité ne demande, afin de commander la confiance, qu’un mot d’explication de votre part. Il faut pourvoir, par des revenus, à la perte des revenus. Vous devez supposer que cette perte effrayante de 41 millions, en deux mois, se montera trop vraisemblablement à 22 millions encore dans le troisième ; c’est là qu’il faut l’arrêter. 11 faut faire en sorte que, dès le commencement d’avril, les barrières de vos principales frontières puissent être relevées, la contrebande repoussée, le produit du tabac et des droits de traite soutenus, la perception des droits sur les boissons, dont vous ne pouvez perfectionner le mode qu’après la récolte, rétablie partout où votre décret du 17 juin dit qu’elle doit avoir lieu. Il faut que toutes les municipalités, que toutes res milices nationales sachent que les bons citoyens qui ont prêtéserment à la nation, à la loi, au roi, doivent la plus exacte obéissance à ces dispositions auxquelles l’honneur et le salut de la nation sont attachés. Les mesures à prendre pour remonter ainsi les ressorts de la machine sociale, demandent un travail effrayant ; mais rien n’est impossible à l’opiniâtre activité d’un patriotisme courageux.� Quant au passé, vous avez à joindre aux 63 millions de pertes connues ou présumées, les 2 ou 3 milliofis qui peuvent vous manquer sur le [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 mars 1790.] remplacement de la gabelle, et, par aperçu, 6 millions encore sur le produit des droits de franc-fief, de marc-d’or, et sur ceux relatifs aux frais de justice gui ne seront pas remplacés. C’est donc 72 millions qu’il faut trouver sans dureté, sans injustice, niais aussi sans timidité ; car il ne faut pas laisser calomnier le peuple devant vous, supposer qu’il ne sera pas aussi bon citoyen que vous, supposer que, soulagé comme il le sera des plus onéreuses parties de sa contribution, il se refusera aux autres. Sur les T2 millions, il y en a 30 que le premier ministre nous annonce devoir être fournis par la contribution patriotique, dont les derniers termes seulement ont été destinés à la caisse de l'extraordinaire. Le déficit réel sur les dépenses ordinaires n’est donc que de 42 millions. Mais sur ce déficit, vous avez une reprise naturelle que la justice commande, que Injustice et le patriotisme feront respecter et réaliser. Les provinces qui ont cessé de payer la gabelle, lorsque vos décrets les obligeaient de ne pas exposer la patrie, et d’attendre que vous eussiez remplacé, dans ses revenus, le vide causé par l’anéantissement de cet impôt, doivent à tout le reste du royaume, à toutes les autres provinces, le remplacement de ce dont elles les ont privés; elles le doivent au moins sur le pied mitigé et réduit aux deux tiers que vous jugez convenable d’établir; elles le doivent du jour où, par des insurrections, soit générales, soit mal contenues, le revenu public que vous aviez mis à leur garde, a été anéanti. La perte sur la gabelle, depuis cette époque, a été pour l’Etat, de 27 millions. En faisant porter sur chaque département dont les habitants ont contribué au désordre, ou l’ont souffert, la contribution de remplacement, à compter du temps où la recette a été ruinée, et ménageant ainsi, comme il est juste, les citoyens dont la majorité a témoigné son respect pour les lois, vous vous montrerez équitables envers tout le monde ; et en ne demandant aux provinces où le mal a été commis, que les deux tiers du dédommagement qu’elles devraient, vous vous montrerez indulgents et modérés. Voilà ce que vous devez être, modérés, mais en même temps sages, fermes et calculateurs. Les deux tiers des 27 millions dont on a privé l’Etat sur le jproduit de la gabelle, sont 18 millions. Le soin si simple, et si juste et si doux, d’ordonner que la contribution pour réparer les deux tiers seulement du mal, à compter du jour du délit, appellera sur la recette de la présente année, ces 18 millions, dans lesquels le payement du premier trimestre de cette même année est compris. 11 vous est. difficile d’évaluer les autres remplacements, mais celui-là est aussi clair que juste; et sur les 42 millions que vous aviez à trouver, il ne vous en manque plus que 24. Où sont les fonds de ces 24 millions ? lis sont, Messieurs, où vous les avez mis pour adoucir le sort du peuple, pour améliorer ses affaires, pour l’aider à liquider ses dettes. Vous avez ordonné que la contribution des ci-devant privilégiés serait au soulagement des anciens contribuables, vous avez droit d’éclairer ceux-ci sur l’usage qu’ils doivent faire de cette grande masse de contribution imposée à leur profit ; et dans un moment de crise, où tous les Dons citoyens doivent secourir l’Etat, et n’en sauraient être empêchés que par l’impuissance où ceux qui se sont permis des insurrections toujours répréhensibles contre la perception des revenus, m dont vous aviez ordonné la continuation, sont encore plus obligés de réparer la perte qu’ils ont occasionnée: vous avez complètement droit d’exiger qu’une partie au moins de la contribution des ci-devant privilégiés soit employée à rapprocher de leur terme naturel les payements des communautés qui ont laissé arriérer leurs impositions, C’est encore une vue bien équitable et bien sage que le premier ministre des finances vous a présentée : votre comité vous proposera de l’adopter, non pas pour une somme déterminée, mais selon une certaine proportion avec le profit que les anciens contribuables outfait sur l’imposition des nouveaux. Il vous proposera d’ordonner que chaque communauté sera tenue de rapprocher eu effet ses payements à raison des deux tiers de la contribution fournie parles cj-deyant privilégiés; ce sera pour les contribuables une tranquillité, une diminution de leurs dettes envers l’Etat, une juste preuve de leur loyauté, et ils profiteront encore, pour leur aisance du moment, de l’autre tiers de la même contribution. ils ne pourront qu’applaudir à une disposition si paternelle, Vous n’exigerez aucun rapprochement de la part des communautés qui ont fait don patriotique à la nation de la contribution des ci-devant privilégiés. Cette contribution, sur la totalité du royaume, ne peut être moindre de 30 millions par année. Il y a lieu de croire qu’elle s’élèvera beaucoup plus haut: c’est donc, pour dix-huit mois, 45 millions au moins, dont vous pouvez et devez ordonner que 15 millions resteront entre les mains des anciens contribuables, et que 30 millions seront versés, à leur acquit et en diminution de leurs dettes, dans le Trésor public. Il aura de plus été accru par les dons patriotiques qu’ont offerts les paroisses plus zélées, plus riches ou plus généreuses. Il recevra de plus encore les deux tiers de la somme dont les contributions des ci-devant privilégiés excédera 45 millions en dix-huit mois. Il y a donc à votre disposition, Messieurs, 30 ou 31 ou 32 millions, peut-être jusqu’à 36, peut-être plus, pour couvrir le vide de 24 millions, que le malheur des temps ou votre humanité et votre justice envers les contribuables ont pu et peuvent occasionner dans les recettes destinées à solder les dépenses ordinaires de l’année 1790. L’extraordinaire, toutes les dépenses que vous avez prévues, que vous ont annoncées, dés le mois de novembre et de décembre derniers, le premier ministre et votre comité des Dix, toutes ces dépenses aujourd’hui réclamées avec force par ce ministre éclairé, toutes ces dépenses si considérables, mais bien moins que le fonds que vous y avez destiné, seront couvertes par ce fonds de l’extraordinaire et par les ressources dont il hâtera la jouissance, aussitôt que vous aurez débarrassé la solidité de tout voile équivoque; et l’effet de cette solidité sera d’autant plus énergique que vos résolutions d’aujourd’hui auront pourvu aux dépenses de l’année avec un excédent. Cet excédent, Messieurs, n’est que celui qui doit exister constamment dans les projets de fonds d'une grande nation ; car il arrive des dépenses imprévues, car il y a des recettes qui ne le réalisent pas; car il est impossible de pourvoir à tout, de faire pour l’Etat des marchés avantageux, d’inspirer de toutes parts cette confiance qui facilite tout, qui échauffe l’affection des amis, qui glace le sinistre courage des ennemis, si l’on n’a pas surabondance de moyens. {32 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 mars 1790.] Cette surabondance n’a nul danger dans un pays dont la législature est permanente, dont les ministres sont responsables, et où l’on compte avec eux tous les ans. S’il se trouvé de l’excès, on le verse dans la caisse de l’extraordinaire, et on l’emploie à rembourser les plus onéreuses, à en éteindre les intérêts, à se mettre ainsi à portée de diminuer les impositions de l’année suivante. Si, par des accidents inattendus, il se trouvait du déficit, la caisse de l’extraordinaire y pourvoirait. Ainsi, point d’abus possible dans l’excédent, nulle crainte de déficit, et les fonds de toutes les dépenses nécessaires à la conservation et à la prospérité de la chose publique sont constamment assurés. Une nation dans cet état fait ce qu’elle veut ; elle règle comme il lui plaît sa constitution; elle établit comme il lui convient sa tranquillité; elle inspire le zèle et la soumission à fous ses membres ; elle imprime le respect à tous ses voisins. C’est dans cet état que votre comité des finances vous propose d’être; il croit vous en avoir indiqué les principaux moyens. Si quelque événement impérieux, si quelque circonstance fâcheuse les rendait insuffisants, il vous en proposerait d’autres : « Je ne veux ni périr ni être déshonorée. » Voilà ce que vous a dit la nation, en vous remettant les pouvoirs dont vous devez user, et qui ne vous défaudront pas entre les mains. Mais en vous suppliant de les déployer, Messieurs, votre comité des finances ne peut trop vous répéter que leur succès tient à deux choses : au soin que vous aurez de confier l’exécu tion de toutes vos vues salutaires aux assemblées administratives, le jour même de leur formation, et aux mesures que vous prendrez, d’ici à quinze jours, pour assurer et manifester les fonds de la caisse extraordinaire. Tout dépend de l’activité, de la fermeté, de la célérité avec lesquelles vous vous déciderez à faire le bien en masse, lorsque vous aurez reconnu qu’en masse c’est le bien, et sans vous trop inquiéter du parfait pour lequel le temps vous manque, dont la recherche trop scrupuleuse, et par conséquent trop lente, ferait tout perdre, et que Dieu n’a pas donné à l'homme d’atteindre. Il n’y a pas un projet de finance qui ne soit susceptible d’un grand nombre de difficultés et de beaucoup d’objections très solides. Aucune maladie n’a un remède qui n’emporte lui-même des désagréments et des dangers. C’est par cette raison que la France est accablée de tant de maux. Il y a trente ans qu’on ne manque pas de lumières pour les guérir; mais, à chaque tentative, tout le zèle, tout le temps, tous les moyens se consumaient en dissertations entre le gouvernement, les philosophes, les financiers, les contribuables. Il y a du moins, aujourd’hui, dans votre position fâcheuse, cette consolation que quinze jours seulement vous sont donnés pour préparer l’exécution de ce que vous aurez résolu, et qu’il faut agir ou périr. Il faut donc agir ; assez satisfaits d’avoir sauvé le peuple et le pays dont les intérêts vous sont confiés. Une lenteur perfide qu’il serait facile de décorer du nom d’exactitude et de sagesse : ou bien une action suffisamment bonne, une action efficace dirigée par des principes visiblement humains, raisonnables et utiles : voilà le choix. La toute-puissance, la bienfaisance et la gloire sont d’un côté. De l’autre .. Mais l’autre côté n’existera pas. Votre comité a l’honneur de vous proposer neuf projets de décrets. 1" PROJET DE DÉCRET. Sur la gabelle. 'Assemblée Nationale a décrété et décrète ce qui suit : Art 1er. La gabelle, ou la vente exclusive du sel dans les départements qui formaient autrefois les provinces de grandes gabelles, de petites gabelles et de gabelles locales ; le droit de quart-bouillon dans Tes départements de la Manche, de l’Orne et de l’Orne-inférieure, et les droits de traite sur les sels destinés à la consommation des départements anciennement connus sous le nom de provinces franches et des provinces rédimées, seront supprimés à compter du premier avril prochain. Art. 2. Une contribution réglée sur le pied de 40 millions par année, et formant les deux tiers seulement du revenu net que le Trésor national retirait de la vente exclusive du sel et -du droit de quart-bouillon, sera répartie provisoirement, et pour la présente année seulement, sur les départements et les districts qui ont formé les provinces et les pays de grandes gabelles, de petites gabelles, de gabelles locales, et de quart-bouillon, en raison de la quantité de sel qui se consommait dans ces provinces, et du prix auquel il y était débité avant le décret du 23 septembre dernier. Art. 3. Une contribution de 2 millions, formant les deux tiers seulement du revenu que le Trésor national retirait des droits de traite de toute espèce, établis sur le transport du sel destiné à la consommation des départements etdes-districts qui formaient les provinces franches et rédimées, sera répartie sur ces départements et ces districts, en raison de la consommation que chacun de ces départements et de ces districts faisait du sel soumis à ces droits. Art. 4. Se réserve, l’Assemblée nationale, de décréter la somme afférente à chaque département, dans la contribution ordonnée par les deux articles précédents, d’après les états de consommation et de prix qui lui seront incessamment mis sous les yeux par le comité des finances. Art. 5. La contribution ordonnée par les articles 2 et 3 sera répartie sur les contribuables par forme d’addition proportionnelle à toutes les impositions réelles et personnelles, et aux droits d’entrée des villes, tant de ceux qui appartiennent à la nation, que de ceux qui se lèvent au profit des villes elles-mêmes. Art. 6. La portion de cette contribution, en augmentation des impositions directes, sera établie au marc la livre, et perçue en vertu d’un simple émargement en tête des rôles de ces impositions pour la présente année 1790. Art. 7. Quant à la portion de la même contribution qui devra être en addition des droits d’entrée des villes, l’Assemblée en réglera l’assiette par un décret particulier. Art. 8. La contribution établie par l’article 2, pour remplacement du produit des deux tiers de ce que le Trésor national retirait de la vente exclusive du sel, aura lieu dans les départements par lesquels ce remplacement est dû, à compter de l’époque où ils ont été affranchis de fait des gabelles, et où l’Etat a cessé d’en retirer un revenu dans leur province. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Il mars 1790.] 133 Art. 9. Il sera enjoint aux fermiers généraux de continuer le débit du sel au prix qui sera réglé par la concurrence du commerce, d’assurer l’approvisionnement des lieux que le commerce négligerait de fournir, et de prévenir les renchérissements subits et trop considérables, auxquels la variété des combinaisons du commerce pourrait donner lieu. Ils rendront compte, tous les mois, à l’administration des finances, de la manutention et du profit de cette régie, sur laquelle leur seront attribuées des remises proportionnées à leur travail et au produit qu’ils verseront pareillement, de mois en mois, dans le Trésor national. SECOND PROJET. Sur le droit de marque des cuirs. L’Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er. L’exercice du droit de marque des�cuirs sera supprimé, dans toute l’étendue du royaume, à compter du premier avril prochain, à la charge par les tanneurs et autres fabricants de cuirs et de peaux, d’acquitter en douze paiements, et dans -l’espace de douze mois, la valeur des droits dus par les marchandises qu’ils ont en charge, sur le pied d’une estimation moyenne qui sera réglée par un décret particulier. Art. 2. L’abonnement du droit de marque des cuirs et peaux, pour toutes les marchandises de cette espèce qui seront mises en fabrication, et fabriquées à l’avenir, sera rendu général au moyen d’une contribution de 6 millions par année, qui sera répartie, à compter du premier avril prochain, sur tous les propriétaires et habitants du royaume, en proportion de toutes les impositions directes, et de tous les droits d’entrée des villes, laquelle répartition aura lieu, quant aux impositions directes, au marc la livre, par simple émargement sur les rôles, et quant aux droits d’entrée des villes, en la forme qui sera réglée par un décret particulier. TROISIÈME PROJET. Sur le droit de fabrication des amidons. L’Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er. Le droit sur la fabrication des amidons sera supprimé à compter du premier avril prochain. Art. 2. Les abonnements relatifs au même droit cesseront à compter du même jour. Art. 3. Il sera établi, à compter aussi du même jour, une contribution d’un million par année sur toutes les villes du royaume, en proportion de toutes leurs impositions directes, et de leurs droits d’entrée; savoir, quant aux impositions directes, au marc la livre, et par simple émargement sur les rôles, et quant aux droits d’entrée, en la forme qui sera réglée par un décret particulier. QUATRIÈME PROJET. Sur le droit de marque des fers. L’Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit ; Art. 1er. L’ezercicedu droit de marque des fer* à la fabrication et au transport dans l’intérieur du royaume, sera supprimé à compter du 1er avril prochain. Art. 2. Les maîtres de forges et de fonderies, dans les départements où les droits avaient lieu à la fabrication, seront tenus d’acquitter en six mois, en six payements égaux, les droits qui peuvent être dus par leurs fers déjà fabriqués. Et, à compter du 1er octobre prochain, ceux qui ont des marchés à terme, bonifieront à leurs acquéreurs, pendant le cours desdits marchés, la valeur du droit dont leurs fers sont déchargés à la fabrication par le présent décret. Art. 3. L’abonnement dudit droit de fabrication, et desdits droits de traite sur les fers et ouvrages de fer et acier, sera rendu général à compter dudit jour lor avril prochain, au moyen d’une contribution d’un million par année sur les départements et districts qui formaient le ressort des parlements de Paris, de Dijon, de Metz, et de la Cour des Aides de Clermont-Ferrand, à l’exception des districts formant autrefois le pays d’Aunis, et d’une contribution de cinq cent mille livres sur tout le reste du royaume. Lesdites contributions seront établies en proportion des impositions réelles et personnelles de tous les départements où elles doivent avoir lieu, et des droits d’entrée des villes dans ces mêmes départements; savoir, quant aux impositions directes, au marc la livre, et par simple émargement sur les rôles, et quant aux droits d’entrée des villes, en la forme qui sera réglée par un décret particulier. Art. 4. Il sera établi à toutes les entrées du royaume un droit uniforme, égal à celui qui avait déjà lieu dans les provinces ou départements où se percevait le droit de marque des fers. CINQUIÈME PROJET. Sur le droit à la fabrication et au transport des huiles et des savons. L’Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit ; Art. 1er. Les abonnements du droit de fabrication des huiles, qui ont eu lieu en différentes provinces, continueront dans les départements et districts qui formaient autrefois ces provinces. Art. 2. Les droits de traite que payaient les huiles de ces mêmes provinces, lorsqu’elles en sortaient, pour entrer dans la consommation du reste du royaume, seront pareillement abonnés par une contribution de cinq cent mille francs sur les départements et districts qui n’ont abonné que le droit de fabrication. Art. 3. L’abonnement sera rendu général par une contribution d’un million, établie sur les départements et districts où la perception du droit à la fabrication des huiles avait lieu. Art. 4. Lesdites contributions seront proportionnées à toutes les impositions réelles ou personnelles, et à tous les droits d’entrée des villes, et réparties ; savoir, quant aux impositions directes, au marc la livre, et par simple émargement sur les rôles, et quant aux droits d’entrée des villes, en la forme qui sera réglée par un décret particulier. 134 [Assemblée nationale.] ARCHIVER PARLEMENTAIRES. SlXIME PROJET. Sur la forme de contribution des villes. L’Assemblée nationale voulant adoucir pour les villes la proportion de contribution qu’elles auront à fournir, en raison de leurs droits d’entrée pour remplacement de la gabelle, des droits de traites sur le sel, des droits de marque des cuirs et de marque des fers, et des droits de fabrication sur les huiles et les amidons, et rendre ta perception de cette contribution à la fois plus sûre et plus facile, a décrété et décrète ce qui suif : Art. lef. La somme dont chaque ville sera contribuable, à raison de ses droits d’entrée, pour le remplacement de la portion qu’elle acquittait dans les différents droits supprimés ou abonnés ce jour par l’Assemblée nationale, sera incessamment réglée, et sur la notion qui sera officiellement donnée à ebaque ville, de sa part contribu-toife, la municipalité sera tenue de proposer, sous quinze jours au plus tard, la forme de l’établissement qu’elle jugerais plus convenable pour procurer cette somme, soit par une addition de sols pour livre à ses anciens octrois, soit par une augmentation dans quelques parties de ceux-ci, qui paraîtraient n’avoir pas été suffisamment élevés dans les tarifs, soit parun octroi nouveau sur quelques marchandises dont les anciens tarifs auraient omis l’énonciation, soit par un plus grand accroissement dans tes contributions personne lies, soit par les autres impositions qui peuvent être regardées comme mitoyennes entre les impositions personnelles et les impositions réelles, etqui sont relatives aux loyers ou à quelques circonstances particulières des maisons. Art. 2. Les directoires de district feront passer, dans le délai de huit jours, avec leur avis, les délibérations desdites villes au directoire de leur département, qui les enverra dans le même espace de huit jours, avec son avis,, à l’Assembléenatio-nale, laquelle, d’après lesdits avis, homologuera ou modifiera lesdites délibérations, et décrétera la perception. Art. 3. Dans le cas où le produit excéderait, dans quelques villes, la somme demandée* la législature décidera de l’emploi de l’excédent, sur l'avis du directoire de district, et du directoire de département, et ordonnera la diminution de l’imposition pour l’année suivante. Dans le cas de déficit, il y sera pourvu par augmentation sur les impositions directes de la ville. SEPTIÈME PROJET. Sur les Postes. L’Assemblée nationale, voulant améliorer le produit de l’administration des postes et ne pas laisser à la charge du publie les frais dé correspondances particulières, a décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er. Toute lettre adressée par un particulier ou une municipalité à l’Assemblée nationale, aux législatures qui lui succéderont, aux directoires de département et de district, aux ministres et à leurs premiers commis, devra être affranchie. Art. 2. Aucune lettre de l’Assemblée nationale, des législatures qui lui succéderont, des ministres et des directoires de département et de district, [41 mars 4TSO.J ne sera franche de port , que lorsqu’elle sera adressée de la part des directoires de département et de district à l’Assemblée nationale, à la législature ou aux ministres. Art. 3. Tout privilège exclusif, pour traiter avee la poste du transport des livres et brochures, sera supprimé, et la poste se chargera de porter les ouvrages imprimés sans contravention aux règles qui seront établies pour la liberté de la presse, et qui ne seront pas reliés, et les brochures, annonces et journaux, sur le pied d’un sol de port par feuille imprimée ou feuilleton. HUITIÈME PROJET. Sur le paiement des débets et le rapprochement de l'arriéré. L’Assemblée nationale, considérant que la suppression ou l'abonnement des droits de marque des cuirs, de marque des fers, et sur la fabrication des huiles et des amidons, la suppression des dix sois pour livre Sur les droits de gabelle et sur les droits qui se percevaient an transport des Sels, dont elle n’a remplacé que le principal; la cessation des dépenses et des vexations auxquelles la perception de ces différents droits donnait lieu, et que la contribution des ci-devant privilégiés augmentent notablement dans la présente année les moyens de contribution que font les bon s Français, désirent employer an salut de l’Etat ; et voulant concilier la sûreté du service public avec les soulagements qu’elle a cru devoir aeeofdef au peuple, a décrété et décrète ee qui suit : Art. î*T. Les débets qui peuvent avoir lieu sur les droits d’aides et autres y réunis, seront acquittés par tiers, de mois en mois, dans les trois mois d'avril, mai et juin. Art. 2. Les droits qui n’ont été ni supprimés ni abonnés par les décrets de rAssembfêe natio-tionale, seront exactement acquittés en la forme prescrite par les ordonnances et règlements, Jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné par l’Assemblée nationale. Art. 3. Les villes, paroisses et communautés qui sont arriérées dans le paiement de leurs impositions, seront tenues de sé rapprocher, dans le cours de la présente année, d’une somme équivalente aux deux tiers de ce qu’aura produit, dans chacune desdites villes, paroisses et communautés, la contribulion des ci-devant privilégiés, pour les six derniers mois de 1789, et pour l 'année 1790. Art. 4. L’Assemblée nationale dispense du rapprochement ordonné par l’article précédent, lés villes, paroisses et communautés qui ont fait don patriotique à la nation de ladite contribution des ci-devant privilégiés. NEUVIEME PROJET. Sur le rapport à établir entre ld caisse de V ordinaire et celle de l’extraordinaire. L’Assemblée nationale, voulant assurer dans tous les cas le service public de l’année 1790, a décrété et décrète que si,, par de nouvelles économies ou la bonne administration des moyens de finance adoptés par elle, il se trouvait de l’excédent, cet excédent sera versé dans la caisse de l’extraordinaire, et employé au remboursement des dettes les plus onéreuses; et que si, parquet* v Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 mars 1T90-] iSl que obstacle, ou quelque événement inattendu, il se trouvait encore du déficit, il y sera pourvu par la caisse de l’extraordinaire. Le rapport de M. Dupont (de Nemours) est fréquemment applaudi. L’Assemblée en ordonne l’impression et la distribution préalablement à toute discussion. M. le Président lève la séance à trois heures et demie, après avoir indiqué celle du soir pour six heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M-BUREAUX DE PUSY, ANCIEN PRÉSIDENT. Séance du jeudi 11 mars 1790, au soir (1). M. Bureaux de Pusy, ex-président, occupe le fauteuil en l’absence de M. l’abbé de Montesquieu, président, et ouvre la séance à 6 heures. M. Vieillard, député de Saint-Lô, présente Une adresse du corps municipal de cette ville. Il observe, au nom de ses concitoyens, que ceux-ci ont déjà plusieurs fois adressé à l’Assemblée nationale les témoignages de leur admiration, de leur respect et de leur adhésion à ses décrets ; qu’ils ont même précédemment arrêté qu’il sera érigé sur une des places publiques de Saint-Lô, un monument en mémoire de l’heureuse révolution qui a rendu la liberté aux Français. Il ajoute que les habitants, indépendamment de la contribution patriotique, ont cru devoir faire à la patrie l’offrande particulière d’une somme de 3,003 liv. 5 s. 6. d. en argent, vingt-neuf marcs six onces et demi d’argenterie, deux bagues en or et deux paires de boucles d’oreilles ; qu’il y a été joint par les chanoines réguliers de Sainte-Geneviève-de Saint-Lô, un don de trente-quatre marcs sept onces, et par les religieux pénitents de la même ville, un autre don de dix-huit marcs trois onces d’argenterie, et que ces deux maisons religieuses ont, en signant l’adresse ci-dessus mentionnée, saisi cette occasion pour exprimer leur adhésion aux décrets de l’Assemblée,' en même temps que leur reconnaissance personnelle pour ceux de ces décrets qui les concernent. M. Tliévenot de Maroise, député deLangres, fait, au nom de la communauté de la Chaume, bailliage de Langres, l’offre d’une somme six mille livres, provenant du prix de la vente d’un quart de réserve, et payable ainsi qu’il sera repris plus au long dans le registre des dons patriotiques. M. Vlquier, député d'Aunis , présente en don patriotique deux bordereaux d’argenterie, délivrés par le directeur de la monnaie de la Ro-chelle, l’un de la part des habitants et des volontaires nationaux du Bourg-de-la-Flotte, en l’isle de Ré, l’autre de ta part du sieur Sagebin, notaire royal au même lieu. La demoiselle Marie-Louise Jouet , ci-devant religieuse hospitalière de Saint-Mandé, près de Vincennes, admise à la barre, présente à l'Assemblée ses sentiments de reconnaissance pour le décret qui, en brisant ses fers, l’a restituée à la société; elle prononce le discours suivant et prête le serment civique : «Nosseigneurs, un sentiment également doux à exprimer et à entendre m’amène aujourd’hui parmi vous, la reconnaissance. Vous voyez en moi un de ces êtres infortunés que l’injustice, ou la violence, ou l’avarice, ou un zèle souvent mal éclairé, excessif, prématuré, avaient précipité dans l’esclavage, j’ai presque dit dans le tombeau. Leur pitoyable sort, trop longtemps oublié, a enlin trouvé parmi vous, Nosseigneurs, des protecteurs sensibles, des défenseurs intrépides, des consolateurs bienfaisants : je suis, Nosseigneurs, une de celles qui ont le plus vivement ressenti les doux effets de votre précieuse humanité; aussi, suis-je une de celles qui bénissent le plus cordialement cette auguste Assemblée. On ne m’imputera pas, sans doute, lorsqu’on m’aura vue, d’avoir, pour profiter de vos décrets, suivi l’impulsion d’un caractère inconstant ou frivole; on me taxera encore moins de prétentions mondaines: un corps flétri par les sollicitudes, la douleur, la crainte, et plus que tout cela par les maux affreux que ressent un cœur à qui on a ravi la liberté, voilà les tristes restes d’une languissante vie que je rends à la société; voilà la victime que votre sagesse a arrachée à la servitude, et que vous avez restituée à la vie. Ah ! on ne me verra l’employer qu’à la pratique des vertus sociales, iricompa-patibles avec celles du cloître, à l’observation de vos sages maximes, au respect le plus inviolable pour la constitution, la nation, la loi et le roi : Je jure ici de leur être fidèle. Qu’il m’est doux de prononcer ce serment, dans le sanctuaire du patriotisme, des lois et de la liberté! Pour première preuve, Nosseigneurs, de ma ferme résolution de remplir strictement ce nouvel engagement, permettez que je vous dénonce les obstacles en tous genres qui sont apportés dans les cloîtres, à l’exécution de vos lois : promesses, menaces, terreurs, affronts, pièges, séductions, moyens de tous genres, rien n’est oublié pour relier les chaînes dont vous avez voulu faciliter l’allégement et la rupture. Prenez, Nosseigneurs, les mesures que vous suggérera votre sagacité pour arrêter les progrès d’aussi condamnables manœuvres . Ne souffrez pas que vos bienfaits soient retardés, méconnus, calomniés ; achevez votre grand ouvrage. Si votre fermeté vous a fait des ennemis, elle vous a concilié pour jamais l’admiration du peuple; tous les vrais Français sont vos amis. » M. le Président répond : « L’Assemblée nationale, en applaudissant au dévouement civique des citoyens de tous les sexes, de tous les états, se félicite elle-même avec une satisfaction particulière, d’avoir réintégré dans leurs droits naturels, des êtres faibles et malheureux, qui font de leur liberté un usage si noble et si touchant. ». Des officiers du régiment de Royal-Comtois, admis également à la barre, présentent à l’Assemblée un mémoire de réclamation contre un jugement rendu à leur désavantage dans un conseil de guerre, tenu à Lille. Les officiers municipaux de la ville de Pithi-viers, par l’organe de l’un d’eux, témoignent à F Assemblée leurs sentiments de respect, leur soumission à ses décrets, leur amour pour l’auguste monarque qui les fait exécuter, et leur ferme résolution de sacrifier leur fortune et leur vie pour la défense de la Constitution, ainsi que pour le (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.