190 [Assemblée nationale.] ARCHIVE S PARLEMENTAIRES. [21 avril 1790* Livre rouge.] cirez bien rendre cette lettre publique par la voie de votre journal. « Je n’ai jamais répondu aux pamphlets ni aux libelles ; mon âge, mon grade, mes Services, mes blessures et Pestime de l’armée semblaient me défendre suffisamment contre l’injustice et la calomnie ; mais je vois dans les journaux, et j’en-1 tends publier dans les rues, un ouvrage intitulé : le Livre rouge, et signé, à mon grand étonnement, par les membres du comité des pensions, quoique le roi et l’Assemblée nationale n’en aient ni ordonné, ni permis l’impression. N’étant point Compris dans les dépenses de ce livre ni pour moi, ni pour les miens, je ne devais point m’ attendre à y être injurieusement cité par des hommes qui devraient me respecter, et pour des grâces qui ne m’ont pas été accordées. Ma vie entière répondra seule à ces indécentes imputations ; je crois seulement devoir informer le public que les parents, qu’on m’accuse d’avoir enrichis par des pensions, sont dix pauvres gentilshommes, portant le même nom que moi, servant le rpi ainsi que toute leur famille, et la plupart privés dp nécessaire. Tout autre ministre aurait trpuvé juste de venir à leur secours. J’étais leur parent : ce -n’était pas une raison pour être injuste à leur égard. Ces officiers, entre eux tous, ont partagé la somme de six mille livres de pension. Le public jugera si cette grâce était excessive. Quant au reproche qu’on me fait d’avoir, de mon autorité, donné à un onzième parent une pension, c’est une calomnie ; et jen’ai jamais rien accordé, pendant mon , ministère, que j’ose dire irréprochable, sans l’ordre ou l’approbation du roi. J’en appelle, sans aucune crainte, au témoignage de ce prince, dont on connaît la franchise et les vertus. Je ne croyais pas, après avoir versé mon sang et sacrifié ma fortune pour mon pays, pour qu’on osât me faire un crime des bienfaits du roi, et même de ceux qu'il aurait voulu et qu’il n’aurait pas pu m’accorder. Je souhaite, pour le bien de ma patrie, que mes détracteurs la servent comme moi. Ce vœu sera ma seule réponse et ma seule vengeance. « J’ai l’honneur d’être, etc. » « Signé ; LE MARÉCHAL DE SÉGUR. » Le même jour, 8 avril, les fils de M. de Ségur avaient adressé au comité des pensions la lettre suivante : Paris, ce 3 avril 1790. Messieurs, J’ai lu avec la surprise et l’indignation qu’excite l’injustice, l’avant-propos que vous avez placé à la tête du Livre rouge, et les indécentes inculpations par lesquelles vous cherchez à ternir la réputation d’un vieux maréchal de France, d'un ministre intègre que vous devez respecter. Par une suite de la même malveillance, vous citez, dans cet ouvrage, la demande que mon père avait faite eti ma faveur du titre de duc héréditaire : rien assurément n’est plus inutile au bien public que la connaissance d’une demande qui a été sans effet, rien n'est plus absurde que de citer à la tête d’un registre de dépenses, la demande d’une grâce qui n’y a aucun rapport, et qui n’aurait rienjcoûté à l’Etat. Cette absurdité et cette malveillance me réduisent à la nécessité d’instruire le public de mes services, et de lui prouver que je ne suis point à charge au Trésor public. Je suis au service depuis vingt ans ; j’ai fait la guerre en Amérique comme colonel ; je n’ai reçu du roi qu’une pension, réduite par M. i’ar-chevêque de Sens à deux mille huit cents livres. J’ai rempli pendant cinq ans la place de ministre du roi en Russie. Le hasard a couronné de succès toutes les négociations dont j’ai été chargé. J’ai rapproché deux puissances divisées depuis longtemps, et je lésai unies par un traité de commerce utile, que l’on cherchait vainement àcon-clure depuis quarante ans. A mon retour en France, on a diminué mon traitement de vingt mille livres, quoique les dépenses de mon ministère aient été beaucoup plus fortes que le traitement et les secours que j’ai reçus ; mais je me crois suffisamment récompensé du sacrifice de ma fortune et de ma santé par l’approbation flatteuse que Sa Majesté a bien -voulu accorder à mes travaux. Voub voulez persuader au public que le maréchal de Ségur a enrichi sa famille ; le tableau que je viens de faire de mes services et de ma position l’éclairera sur cette calomnie : et je voue âü blâme universel les hommes injustes qui persécutent un vieillard vertueux, et qui, abusant de la confiance de l’Assemblée nationale, publient et signent un libelle, tandis qu’ils ne sont chargés que de lui présenter un rapport. J’ai l’honneur d’être, Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur, Le comte dé Ségur. Je partage les opinions et les sentiments de mon frère; et je signe, sa lettre avec empressement. Le vicomte de Ségur. Le comité des pensions a pensé que la lettre des enfanta de M. de Ségur ne devait pas être moins publique que l’avait été celle de M. le maréchal. La réponse à l’une et à l’autre se trouvera dans les pièces suivantes, fidèlement transcrites sur les originaux, et dûment certifiées. Du 17 mars 4785. Le maréchal de Ségur, dont la famille n’est rien moins que riche, et qui n’a cependant jamais rien demandé pour elle, ose se flatter que Sa Majesté ne se refusera pas à lui accorder en pension une somme de six mille livres pour être répartie, ainsi qu’il est ci-après expliqué ; savoir : Aux sieurs : Henri-Philippe-Jean-Baptiste de Ségur-Montazeau, l’aîné, capitaine - commandant au régiment d’Auxerrois ................. ..... l,2001iv. Pierre-Henri-François-Athanase de Ségur-Montazeau, lieutenant en premier au régiment d’Orléans, infanterie... ........ 500 Jean de Ségur-Montazeau, troisième sous-lieutenant dans le même régiment .............. . ......... .... 500 Aux demoiselles : Marie-ADgélique-Elisabeth-Ësther de Ségur-Montazeau, née le 30 décembre 1752... ............ . ....... 500 Angélique-M&rie-Thérèse de Ségur-Montazeau, née le 15 juillet 1758. . 500 Catherine-Marie-Magdeleme de Ségur-Montazeau, née le 1er juillet 1763. . . 500 Marie-Angéiique-Elisaheth-Esther de A reporter. . 3,700 liv. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 avril 1790. — Livre rouge.] )u 23 avril 1785 ............ M. de Ségur-Montazeau, père, ancien capitaine au régiment d’infanterie d’Orléans, Demande, en faveur de M. Jean de Ségur-Montazi au, son 4e tils, sous-lieutenant au régiment de Brie, depuis le 10 mars 1783, une pension de cinq cents livres, semblable à celle que ses trois frères ont obtenue sur le Trésor royal le 17 mars 1785. Brevet expédié le 23 avril 1785, sous les noms de François-Henri-Athanase, qui sont les siens, et non celui de Jean. Bon 500 livres de pension. Ecrit de la main de M. le maréchal de Ségur (1). Pour ampliation conforme à l'original déposé dans mon bureau. Signé : MÉLIN. Note pour le roi. 4 septembre 1787. Le maréchal de Ségur a l’honneur de supplier Sa Majesté de vouloir bien permettre gu’il mette sous ses yeux les demandes suivantes, qu’il espère que Sa Majesté ne trouvera pas exagérées, filles sont fondées sur ce que les services de son père, les siens et ceux de son fils aîné, dans des emplpis importants et dispendieux, depuis près de cent aimées, ont réduit la fortune du maréchal à treize mille livres de rente, formant un capital de huit cent mille livres sur lesquelles il y a plus de quarante mille livres de charges et dépensions à faire, et qui le mettraient dans le cas de ne pouvoir vivre sans les bontés de Sa Majesté, dont il espère s’être rendu digne par cinquante années de service dans les emplois les plus importants et dans l’activité la plus suivie, notamment depuis sept années, comme ministre et secrétaire d’Etat au département de la guerre. Il ose présenter aussi les services essentiels de Son fils aîné qui est parvenu à conclure un traité entamé depuis trente ans, qui avait été sans succès jusqu’à l’année dernière, qui a été terminé par les soins infatigables du comte de Ségur, resté jusqu’à présent sans récompense. fin conséquence, le maréchal de Ségur supplie Sa Majesté de vouloir bien lui accorder : 1* Un duché héréditaire au comte de Ségur son fils, ou, si l’on trouve de l’inconvénient, le duché héréditaire sur la tête du père, et le brevet d’honneur au fils. De la main du roi est écrit en cet 2° Soixante mille livres de pension ou gratification annuelle endroit: au maréchal, en attendant un grand gouvernement de maréchal Bon pour trente mille livres de de France, indépendamment des grâces dont il jouit. pension sans retenue, en attendant un grand gouvernement, et ' à coüapter du premier janvier de cette année. De la main du roi est écrit en cet endroit : Ce malheur arrivant, les enfants du maréchal de Ségur doivent compter sur mes bontés. 3° Quinze mille livres à chacun de ses enfants après sa mort, sur ce qu’il laissera de bienfaits du roi *. 4° Une somme qui puisse aider le maréchal à arranger ses affaires qui, dans ce moment-ci, se trouvent mêlées avec le traitement de secrétaire d’Etat. Le maréchal ayant à renvpyer et récompenser des gens qu’il ne s’était attachés qu’à l’occasion du ministère et à subvenir au premier moment, il demande à être traité à cet égard à peu près comme l’a été M. de Sartine (1). considérables, seront accordées aux services d’un vieux maréchal de France, qui a servi cinquante années, dont sept comme ministre ; qui a perdu un bras à la guerre ; est couvert d’autres grandes * On supplie Sa Majesté d’observer que ces grâces, quoique $ yr*s. Ces mots Écrit, etc. sont de la main de M. Mélin, l’un des premiers commis du bureau de la guerre. 2) Voyez le Livre rouge, pages i9 et 20 ; l’ordonnance expédiée en faveur de M. de Sartine, était de 200,000 li- 192 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 avril 1790. — Livre rouge.] blessures ; qu’il a un fils qui a rendu un service essentiel, et qu’il est presqu’impossible de présenter autant de titres réunis, ce qui fait que ces grâces ne peuvent tirer à conséquence. Pour ampliation conforme à l’original qui est déposé dans mon bureau . Signé ; MÉLIN. Le comité n’avait pas fait mention spéciale des deux autres pièces qui suivent : il paraît convenable de les réunir aux précédentes. 23 octobre 1785. Le roi accorde une pension de quatre mille livres à chacun de MM. Brevet expédié le 23 octobre 1785. Le comte de Ségur, ci-devant mestre de camp, commandant un régiment de dragons de son nom, et à présent ministre plénipotentiaire de Sa Majesté en Russie ; Brevet expédié le 23 octobre 1785. Et le vicomte de Ségur, mestre de camp, commandant d’un régiment de dragons, Sur la pension dont jouissait madame la comtesse de Ségur leur aieule, qui vient de mourir. Signé : le Maréchal de Ségur. Pour ampliation, sur l'ampliation déposée dans mon bureau. Signé : MÉLIN. 31 décembre 1785: Le roi accorde: Une pension de deux mille livres au sieur de Campagne, aide maréchal général des logis, adjoint dans le corps de l’état-major de l’armée, avec rang de capitaine, En faveur de son mariage avec mademoiselle de Ségur-Pi traye, à laquelle cette pension sera réversible, si elle survit au sieur de Deux brevets expédiés le 31 mars Campagne. 1786. Signé : le Maréchal de Ségür. Pour ampliation, sur l’ampliation déposée dans mon bureau. Signé : MÉLIN. Les expéditions de ces pièces, signées de M. Mélin, sont déposées au secrétariat du comité des pensions, où toute personne pourra les voir et les examiner. Telle sera la réponse que le comité fera à tous les reproches qu’on lui adressera, et dont il aura connaissance : l’impression des pièces originales dans leur entier. Fait au comité des pensions, le 10 avril 1790. Signé : Camus, Goupil de Préfeln, Gaultier de Biauzat, Expillv, le marquis de Mont-calm-Gozon, le baron Félix de Wimpfen, Fréteau, Treilhard, de Menou, de Champeaux-Palasne, Cottin. L. M. de Lépeaux. FAITS ET CALCULS PRÉCIS sur le traitement de MM. de Ségur et sur leurs plaintes , accompagnés de quelques observations sur la conduite de Messieurs du comité des pensions. M. le maréchal de Ségur dit, dans sa lettre imprimée : «Le Livre rouge est signé, à mongrand étonnement, par les membres du comité des pensions, quoique le roi et l’Assemblée nationale n’en aient ni ordonné ni permis l’impression. » Le comte renvoie aux pièces imprimées, c’est-k-dire aux décrets de l’Assemblée nationale, des 22 septembre 1789, 21 mars 1790, et aulres jours, qui ordonnent l’impression de l’état nominatif des pensions, traitements, dons, gratifications, etc,.., qui exigent qu’on rende publics l’ordre et le progrès des travaux des comités, et qui autorisent les membres à imprimer d’avance les comptes qu’ils doivent soumettre à l’Assemblée nationale. M. le maréchal continue ainsi : « Je ne devais pas m’attendre à être injurieuse-sement cité pour des grâces qui ne m’ont point été accordées. » Le comité n’a point dit que ces grâces eussent été accordées, mais il a exprimé à l’Assemblée la surprise que lui causait des demandes aussi fortes, présentées surtout comme une retraite qui ne devait point paraître exagérée , mais pareille à celle que l’usage accorde à la plupart des ministres. Voici le tableau de cette prétendue retraite commune y autorisée par l’usage. Pensions ou grâces accordées avant 1787 à M. le maréchal ....