324 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 septembre 1790.1 M. Fréteau fait lecture d’une adresse dans laquelle le directoire du département de Seine-et-Marne demande que tous nos concitoyens domiciliés en Italie, ou qui y voyagent, soient mis sous la sauvegarde particulière de la nation. (L’Assemblée renvoie cette pétition au comité diplomatique.) M. Camus, membre du comité des pensions, propose deux projets de décrets: l’un relatif aux élèves soutenus dans le collège de Sainte-Barbe par la bienfaisance de M. l’arcbevêque de Paris ; l’autre, concernant le sieur Bousquet, auteur d’un ouvrage sur les matières ecclésiastiques et bénéficiâtes : tous les deux sont adoptés ainsi qu'il suit : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des pensions, par forme de provision seulement, décrète que la municipalité de Paris remettra au supérieur du collège de Sainte-Barbe, sur les revenus dont jouissait cî-devant M. l’archevêque de Paris, la somme de 4,000 livres, pour la pension des boursiers dudit collège, ci-devant payée par M. l’archevêque de Paris, à la charge, par le supérieur dudit collège de rendre compte à la municipalité de l’emploi de ladite somme de 4,000 livres. » « L’Assemblée nationale, ouï le rapport du comité des pensions, décrète que le ci-devant receveur général du clergé remettra au sieur Bousquet, sur les deniers étant entre ses mains, la somme do 3,000 livres, par forme de provision, sur les récompenses et gratifications promises, en 1785 , audit sieur Bousquet, pour l’ouvrage par lui composé sur les matières ecclésiastiques et bénéficiales. » La députation du Port-au-Prince et de la Croix-des-Bouquets est introduite et entendue à la barre. M. Arnauld, orateur de la députation , dit : Messieurs, vous admettez dans votre sein les députés de deux paroisses considérables de la colonie de Saint-Domingue : celle du Port-au-Prince, capitale de l’île, et celle de la Croix-des-Bouquets, qui comprend la plaine de Gul-de-Sac et ses dépendances. A cette députation, Messieurs, se joindra celle de la province du nord dont nous avons eu l’honneur de remettre les dépêches à M. le Président de cette auguste Assemblée. Les circonstances n’ont pas permis que les députés de la province du nord partissent avec nous. Les événements qui ont donné lieu à notre départ précipité n’étaient point connus dans le nord. Cette province, dans les mêmes principes que la partie saine des habitants de Saint-Domingue, tendait au même but. Vous les connaissez ces principes, ils sont puisés dans votre décret du 8 mars, dans les sages instructions qui l’accompagnent : vos décrets sont toute notre force. Quelque vrais que soient les faits dont nous avons à vous entretenir; quoique simple qu’en sera le récit, ce n’est pas sans crainte que nous nous présentons à la barre de l’Assemblée des représentants d’une grande nation. Pleins de respect pour vos lumières, pleins de soumission pour vos décrets, nous réclamons vos bontés. La colonie de Saint-Domingue, Messieurs, la plus belle des colonies françaises, importante sous tous les points de vue possibles, aussi intéressante à la France qu’une grande partie de cet Empire, par la valeur de son sol, la richesse de ses productions, l’industrie, l’activité de ses habitants; plus encore par leur fidélité et leur attachement à la mère-patrie et à leur roi, à ce bon roi dont avec tous les Français ils adorent les vertus : oui, tous les créoles sont Français, ils chérissent leur roi, ils chérissent leur patrie. C’est aveG enthousiasme que nous avons juré d’être toujours inviolablement attachés à la nation, de ne reconnaître de lois que celles décrétées par ses augustes représentants. Vous venez, Messieurs, d’entendre la profession de foi de la colonie. C’est sous cet étendard que nous nous présentons à vous. Adoptez-nous , traitez-nous comme des enfants attachés à leurs pères , et qui veulent concourir au bonheur général et écarter tout ce qui pourrait le troubler. La colonie de Saint-Domingue qui formerait seule une grande puissance, si la nature ne lui avait refusé la jouissance des premiers besoins ; cette colonie, dont les productions lient l’Empire français à toutes les puissances étrangères et les rendent tributaires, a été menacée de sa perte. Peut-être eût-il été sage, peut-être la colonie devait-elle attendre en paix que la régénération s’opérât ici. Les fruits heureux se seraient fait sentir dans toutes les possessions françaises, et nous en eussions joui. La colonie n’aurait point éprouvé les secousses dont elle a été agitée. Les premiers troubles sont nés dans les premières assemblées; les premières divisions, de la diversité d’opinions. Il y avait des réformes à faire : elles pouvaient s’opérer facilement, parce qu’elles tenaient au grand ensemble que l’on rectifiait. C’était là l’opinion de quelques hommes froidement sages qui lisent dans le livre de la nature et calculent les hommes ; l’opinion contraire a prévalu. L’on a formé des assemblées, il s’établit des comités. Les députés furent nommés ; vous les avez admis dans votre sein ; et la colonie, qui ne peut plus être séparée de l’Empire français, y a été représentée. La colonie enfin a couvert ses premières opérations par une conduite plus légale : il s’est formé des assemblées de paroisses ; dans ces assemblées on a nommé des électeurs chargés de préparer les cahiers de demandes et d’établir des plans de réformes. Leurs instructions portaient qu’ils respecteraient les lois établies, qu’ils n’attaqueraient en rien le régime de l’administration de la colonie, qu’ils n’innoveraient rien. Cette institution pouvait être utile, en préparant les matières sur lesquelles vous aviez à prononcer. Cette assemblée était composée de députés de toutes les paroisses, et offrait un ensemble de quatre-vinjgt-deux personnes. Elle ne portait pas le caractère d’assemblée coloniale. Le ministre, informé de ces détails et des prétentions des électeurs, envoie un mode de convention, qui ne fut point adopté ni pour la forme ni pour le lieu où l’assemblée coloniale devait tenir ses séances. Les quartiers, les paroisses s’assemblèrent de nouveau. Il fut arrêté un mode de convocation qui parut satisfaire l’esprit de ceux qui y avaient mis de l’intérêt. Le nombre des députés fut fixé ; le siège de l’assemblée établi à Saint-Marc, une des principales villes de la colonie. Je touche, Messieurs, à la partie purement historique de ce qui s’est passé. Je ne dirai rien dont je n’aie la preuve à la main. Je n’offre point à l’Assemblée, à chaque titre, la lectureaie ia pièce au soutien : nous en ferons le dépôt, elles deviendront pièces de conviction. C’est sur ces pièces que vous porterez un jugement sur un corps constitué assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue. Dans l’analyse que je vais faire, je ne me permettrai aucune application, je ne nommerai personne.