[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAMES. I ��“1793 ' 103 I. •Compte rendu du Journal de la Montagne (1). Des citoyens de Commune-Affranchie déposent les cendres du vertueux Chalier et prient la •Convention d’indiquer le lieu où doivent reposer les restes de ce martyr de la liberté. Couthon propose de les transporter au Pan¬ théon et d’en enlever celles de Dampierre, bien reconnu aujourd’hui pour un contre-révolution¬ naire. Danton. J’ignore quelles sont les preuves qui -déposent contre lui; ainsi, je n’en puis rien dire. Mais longtemps avant la Révolution, Dampierre pratiquait les lois de l’égalité, fraternisait avec les cultivateurs, se jetant à la nage pour sauver la vie à l’un d’eux que les flots allaient engloutir. Il jouissait de l’estime de tout son •département. On l’a soupçonné d’être l’un des -complices de Dumouriez. Pourquoi est-il resté dans l’inaction dans le temps où il pouvait le plus utilement servir ses infâmes complots? Pourquoi surtout est-il mort pour une patrie qu’il voulait trahir? J’ai été le premier à m’op¬ poser à l’apothéose que l’enthousiasme voulait lui décerner, parce que rarement la postérité •confirme les brevets d’immortalité accordés par le premier mouvement. Je demande que le comité d’instruction publique vous fasse un rapport sur Dampierre, avant de rien statuer définiti¬ vement. La Convention décrète que les cendres de Cha-Jier seront déposées au Panthéon. Le Comité d’instruction publique fera un rapport sur les traits qui honorent le plus la vie publique de cet excellent patriote. La citoyenne courageuse, qui a tout bravé pour conserver une image fidèle de Chalier, recevra de la nation une pension viâgère de 300 livres. Décrète, en outre, que le comité d’instruction fera un rapport sur la conduite de Dampierre et sur les droits qu’il peut avoir à la reconnais¬ sance nationale, ou non. II. Compte rendu du Mercure universel (2). Des citoyens de Ville-Affranchie offrent à la harre le buste de Chalier, le modèle de sa tête mutilée et des cendres dans une urne voilée d’un crêpe funèbre. L’un des amis de Chalier qui, dit-il, a été enfermé dans la même prison que lui, présente une citoyenne qui, dans la nuit, s’exposa d’aller déterrer le cadavre de Chalier, pour dérober son modèle et ses traits à l’oubli, et les transmettre à la postérité. L’assemblée décrète sur la proposition de Couthon qu’il sera accordé une pension de 300 li¬ vres à cette citoyenne. (1) Journal de la Montagne fn° 39 du 2 nivôse an II (dimanche 22 décembre 1793), p. 309, col. 2], (2) Mercure universel [2 nivôse an II (dimanche 22 décembre 1793), t. 35, p. 31, col. 2]. Les pétitionnaires présentent aussi un assignat de Précy, chef des rebelles de Lyon, sur lequel sont tracés ces mots : Vive le roi, et Une fleur de lys.* Couthon propose que Dampierre soit retiré du Panthéon et que Chalier y soit placé. « Ou¬ bliez les vivants, dit-il, mais récompensez les morts, c’est le moyen d’établir la République sur des vertus. L’Assemblée décrète que les cendres de Chalier seront transférées au Panthéon. Romme pense qu’avant de décréter des hon¬ neurs immortels, la Convention, doit être ins¬ truite, par un rapport, des services incompa¬ rables envers la patrie, qui les motivent. « Je ne demande pas, ajoute-t-il, que vous rapportiez votre décret sur Chalier, mais j’insiste pour qu’il soit fait, par le comité de Salut public, un rapport sur ses actes civiques et éminents (Décrété). Il s’agissait du décret relatif à Dampierre. Danton. J’observe que' Dampierre quoique ci-devant noble, vivait dans son département avec les habitants de la campagne, selon les principes de l’égalité. Dans le fort de l’hiver, fl se jette à la nage pour sauver un malheureux qui se noyait. Je n’ai pas connu Dampierre; je me suis opposé à la translation de ses restes au Panthéon; mais je crois que s’il avait eu des vues de trahison, il les eût exécutées avec Du¬ mouriez. Dampierre était aimé dans son département, et j’observe que la postérité cassera plus d’un brevet d’immortalité donné par nous. Ainsi je demande que vous ne priviez pas la mémoire de Dampierre des honneurs du Panthéon, sans un rapport motivé de votre Comité de Salut public. (Adopté.). ANNEXE N° A la séance de la Convention nationale du 1" nivôse an II. (Samedi ZI décembre Z VMS.) Compte rendu , par divers journaux, du discours prononcé par le représentant Thirion ponr se défendre contre les accusations portées contre lui lors de sa mission dans quatre départements (1). I. Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets (2). Thirion. Ce n’est point pour rendre le compte de la totalité de mes opérations dans le cours de la mission dont j’ai été chargé, que je me pré¬ sente à cette tribune, mais pour éclairer la Convention sur les faits qui ont fait déeréter (1) Voy. ci-dessus, môme séance, p. 76 le compte rendu du Moniteur . (2) Journal des Débats el des Décrets (nivôse an II, n° 459, p. 6). 104 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. I 1*r nùôsc an II I 21 (iécemlire 1793 mon rappel. Il est essentiel que je rende compte des motifs qui ont déterminé ma conduite dans cette circonstance, qui n’a point été saisie dans son vrai sens; qui, je peux le dire, a été dénatu¬ rée dans la discussion qui a eu lieu à ce sujet et surtout dans les journaux qui en ont rendu -compte. Lorsque l’on suit avec activité un sys¬ tème de diffamation contre la représentation nationale, il importe à la Convention de détruire tout ce qui pourrait la seconder, même par mé¬ prise; et c’est dans ce sens que je viens rétablir les faits. Ma dénonciation a été publique, ma disculpation doit l’être aussi. Voici ce qui s’est passé. J’étais à Chartres, chef-lieu du département d’Eure-et-Loir, pour achever l’épuration des autorités constituées. C'était le motif qui m’avait retenu dans ma mission, car je n’ignorais pas l’arrêté qui spécifiait ma commission, que je m’étais déterminé à rester. Au moment ou j’appris la nouvelle que Le Mans était pris par les brigands, j’écrivis au ministre de la guerre et au comité de Salut public pour leur annoncer le dénuement dans lequel était le département d’Eure-et-Loir, nous n’avions ni fusils, ni canons, ni force armée; plusieurs bataillons même étaient à Chartres sans armes. Vous savez que Le Mans est chef-lieu du dé¬ partement de la Sarthe; vous savez qu’il n’y a que 44 lieues du Mans à Paris, et qu’il n’y en a que 24 du Mans à Chartres. Ceux qui connaissent la marche incertaine et rapide des brigands ne s’étonneront pas si j’ai craint que, ne trouvant pas de subsistances dans la Sarthe, ils ne se portassent dans le départe¬ ment d’Eure-et-Loir, qui est beaucoup mieux approvisionné .. On sait d’ailleurs que ce dépar¬ tement renferme les greniers d’abondance de la commune de Paris. J’ai donc dû craindre, non seulement pour l’Eure-et-Loir dont l’approvi¬ sionnement était considérable, mais encore pour les subsistances de Paris, et pour la tranquillité de cette commune où siège la première autorité constituée. J’ai dû craindre que les brigands non seulement s’établissent dans l’Eure-et-Loir, mais encore y dévastassent nos greniers d’abon¬ dance, et nous portassent un tort très considé¬ rable, soit pour l’Eure-et-Loir même, soit pour Paris. Nous écrivions alors, et nous envoyâmes des commissaires. Le comité de Salut public et le ministre de la Guerre les accueillirent et leur remirent un arrêté qui ordonnait à 10,000 hom¬ mes de l’armée du Nord de sc porter à l’ouest pour accélérer la destruction des brigands. Ces 10,000 hommes se sont en conséquence divi¬ sés en deux colonnes. L’une s’est rendue àRouen, l’autre à Verneuil : toutes deux devraient aller à Alençon, et pour cela l’arrêté les réunissait à Dreux. Celle de Verneuil, en exécution de cette disposition, rétrograda de dix lieues et se porta sur Dreux. Vous voyez que cette rétrogradation n’est point de mon fait, mais qu’elle a été causée par un arrêté dont j’approuve du reste toutes les dispositions, car il était bien important de couvrir le département d’Eure-et-Loir. Ce n’est donc pas à moi qu’il farit imputer le fait qu’on vous a rapporté. La première colonne avait ordre d’attendre la seconde à Dreux, et en effet, elle y est venue de¬ puis, de Rouen. Mais, dans l’intervalle de l’ar¬ rivée de la première, je sus que le Mans était épris, que les brigands fuyaient dans le plus grand désordre sur Laval, qu’on en avait fait une boucherie si considérable, qu’aujourd’hui je reçois la nouvelle que 10,000 hommes leur ont été tués dans la route du Mans à Laval. Quand j’appris cette nouvelle qui me combla de joie, puisque j’y voyais le brigandage à sa fin, et que le département d’Eure-et-Loir était sauvé, je crus inutile de laisser porter les 10,000 hommes dû Nord sur la commune de Chartres. En con¬ séquence, pour qu’ils allassent plus vite à Alen¬ çon, il était nécessaire de ne les pas laisser rétro¬ grader davantage, et j’écrivis au commandant de ne point venir à Chartres, pour éviter deux jours de marche qui n’auraient fait que fatiguer nos frères. Je lui donnai cet ordre; mais il n’était qu’hy¬ pothétique, car je lui disais de ne point aller à Chartres, où sa présence n’était plus utile, au cas qu’il en eût reçu l’ordre du ministre de la guerre. Je lui disais encore de rester à Dreux provisoirement et d’en référer au ministre pour obtenir de nouveaux ordres. Remarquez que de Dreux à Paris il n’y a que seize lieues, et qu’ ainsi il ne fallait que seize heures pour l’aller et le retour d’un courrier; ce n’était donc pas un long retard. Je n’arrêtais pas dans Dreux la première colonne, je l’empêchai seulement de venir à Chartres, en cas qu’elle en eût reçu l’ordre. Mon arrêté n’était pas non plus dangereux, puisque cette colonne était obligée d’attendre à Dreux la seconde. Voilà l’exposé de ma conduite. D’où il résulte : 1° que, quand bien même j’au¬ rais fait porter la. première colonne sur Chartres, j’aurais encore rendu un grand service à la Répu¬ blique, mais je dois déclarer, pour rendre un nouvel hommage à la vérité que si ces deux co¬ lonnes sont restées à Dreux, ce n’est point mon fait, mais celui du ministre de la guerre; 2° que je n’ai pas retenu la première colonne à Dreux un seul instant de plus qu’elle n’y devait rester, et qu’elle n’y est restée que pour exécuter l'ordre d’attendre la seconde colonne. Ainsi* il ne peut s’élever de doutes sur ma conduite. S’il s’en élevait encore, je voudrais que le comité de Salut public vous fit un rapport sur ce qui me regarde. Je le demande même, parce qu’il est bien important que des inculpa¬ tions ne pèsent pas sur vos commissaires. J’ai fait beaucoup d’opérations dans d’autres dépar¬ tements où j’étais également envoyé. Il est bien important que ceux à qui j’ai donné ma confiance et qui ont coopéré à mes travaux, sachent que j’ai encore la confiance de nos collègues et celle de la nation; que j’ai toujours été un bon patriote, et que je n’ai point changé. Si, à la première dénonciation qui peut provenir sou¬ vent de fonds mal connus, la diffamation pou¬ vait s’appesantir sur un représentant du peuple, vous n’auriez bientôt plus de commissaires, ou bien ils seraient si tremblants qu’ils ne pour¬ raient rien faire d’utile. Je vous demande de décréter que je n’ai pas cessé de mériter votre confiance, ou bien que le Comité de Salut public vous fasse son rapport sur ce qui me regarde. Charlier. La conduire de Thirion, dans la Convention nationale, lui a toujours mérité l’estime de ses collègues. Dans cette circons¬ tance, Thirion doit faire imprimer son rapport, et la Convention doit passer d’ailleurs à l’ordre du jour. Cette proposition est décrétée.