502 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 111 décembre 1789.] L’Assemblée arrête que les bureaux seront formés de nouveau lundi prochain, 14 décembre et que la liste en sera imprimée et distribuée à domicile. M. Margonne, député du Perche, demande si le comité des recherches a reçu une dénonciation contre le sieur Bayard de La Vingtrie. M. le marquis de Foucault-Lardinalie, président du comité , répond que le comité a décidé à l’unanimité qu’il n'y avait pas lieu de porter cette affaire devant l’Assemblée (Foy. aux annexes de la séance, la dénonciation de Thoumin , contre Bayard de la Vingtrie, et le texte de l'arrêté du comité des recherches. — Cette affaire est revenue devant l’Assemblée nationale, dans la séance publique du 29 décembre 1789). M. le Président annonce que ce jour est destiné aux affaires des iinances, mais que le comité des dix n’étant point encore en état de faire son rapport sur les différents plans, il invite le comité de constitution à rendre compte de son travail relatif à l’instruction qui doit suivre le plan de l’organisation des municipalités. M. Démeunier, membre du comité, répond que M. Thouret est chargé de lire ce travail, qui est achevé. Mais qu’il est absent de la séance. M. le Président demande qu’en attendant son arrivée on présente d’autres objets qui ne soient pas de nature à occuper longtemps l’Assemblée. M. l’abbé deBonneval demande à être entendu. L’Assemblée est consultée -, le résultat paraît douteux, et donne lieu à beaucoup de réclamations. Cependant la parole lui est accordée, sur l’assurance qu’il donne de n’employer que très-peu de temps. M. l’abbé de Bonneval. Comme membre de cette Assemblée, comme frère d’un officier général, illégalement emprisonné, et auquel vous avez ordonné que la liberté fût rendue, je vous dénonce 1 e, Journal de Paris. L’orateur est interrompu. Il demande si, après lui avoir donné la parole, on veut la lui retirer. M. le Président observe à M. deBonneval, que l’affaire dont il s’agit tenant à des intérêts particuliers, il paraît que l’Assemblée désire qu’il en soit rendu compte dans un autre moment. L’Assemblée allait être consultée. M. de Bonne-val se retire de la tribune. M. le Président annonce que le comité des domaines qui depuis plusieurs jours devait présenter un décret sur la conservation des bois , demande à faire son rapport. L’Assemblée décide que ce comité sera entendu. M. Barrère de Vieuzac, rapporteur. Messieurs, la dévastation des bois est portée à son comble dans toutes les parties du royaume. Ces précieuses ressources de la marine, des constructions, des ateliers, des manufactures et de tous les arts nécessaires, sont presque anéanties; et cependant on se plaint depuis longtemps en France de la disette des bois. Je ne vous retracerai pas le tableau des dévastations commises jour et nuit dans toutes les forêts du royaume et des dénonciations faites au comité par l’administration des eaux et forêts, par la maîtrise de Paris ; le grand maître de ce département porte à une somme effrayante les bois dévastés ou abattus à huit lieues de rayon de la capitale; les forêts de Vincennes et de Saint-Germain sont dévastées sous vos yeux. Le bois de Boulogne a été surtout la proie d’une troupe de brigands, dont les milices parisiennes ont arrêté le désordre. Que doit être le mal dans les lieux éloignés de la surveillance des tribunaux, dans les frontières et dans les montagnes? Les dégâts en ce genre excèdent déjà une masse plus considérable de bois que plusieurs générations d’hommes n’auraient pu en consommer. Le comité des domaines a cru instant de s’occuper de cet objet d’un si grand intérêt pour le royaume, il m’a chargé de vous proposer un projet de décret. M-Martin (de Besançon), membre du comité féodal, demande qu’on ne délibère pas en ce moment sur le décret proposé par le comité des domaines, parce que incessamment il doit proposer un décret relatif à la chasse, dont l’abus paraît avoir beaucoup contribué à la dévastation des bois, par la mauvaise interprétation donnée aux décrets du 4 août. M. le marquis d’Estourmel. Le décret proposé par le comité féodal est urgent ; mais ce qui importe le plus en ce moment, c’est de hâter l’organisation des municipalités. En conséquence il faut, sans aucun délai, en présenter les articles à l’acceptation du Roi, et les envoyer dans les provinces. M. le comte de Dortan. Si l’on veut assurer l’exécution du décret, il faut ajouter par amendement, que les communautés seront garantes des dégradations qui seront commises dans les forêts. M. Bidault. Je demande que les communautés villageoises soient rétablies dans l’usage et la propriété de leurs bois communaux, dont une adroite et fausse interprétation des coutumes les a privées pendant longtemps. M. Mougins de Roquefort. On ne peut rendre les officiers municipaux responsables des délits, mais bien de la surveillance. J’amende ainsi l’amendement proposé par M. de Dortan. M. Gourdan. J’adopte le décret avec l’amendement du préopinant. J’insiste aussi sur celui que M. Bidault a proposé. En effet, la Franche-Comté a toujours reconnu pour maxime coutumière cet adage, nul seigneur sans titre. Et ce n’est que depuis un assez petit nombre d’années qu’on a fait prévaloir de force la maxime contraire, nulle terre sans seigneur. C’est à la faveur de ce principe que la plupart des seigneurs de Franche-Comté se sont fait adjuger la tierce dans les bois communaux, qui ne provenaient pas des concessions de leurs prédécesseurs. M. Boutteville-Dumetz. Un des préopinants vous a dit que la formation des nouvelles municipalités pouvait seule ramener le calme, et assurer l’exécution de vos décrets; mais, si vous rendiez ces administrations responsables des délits commis dans les bois, je doute que la sévérité d’une telle disposition vous permît de trouver des officiers. M. le marquis de Bonnay. Je reproche au [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 décembre 1789.] g()3 projet de décret du comité domanial, de s’exprimer trop vaguement dans le premier article proposé. Il met tous les bois indistinctement sous la sauvegarde de la nation; et, d’après les nouvelles idées dont le peuple est imbu, on pourrait bien ne pas distinguer assez les bois qui sont la propriété des particuliers, de ceux qui sont à la disposition de la nation. Je demande une distinction qui lève toute équivoque M. Prieur. Je demande que, suivant l’ordonnance, les pauvres soient autorisés à continuer de ramasser le bois mort. La discussion est fermée sur le fond du décret. On délibère article par article. M. le due de la Rochefoucauld demande qu’il y ait dans le décret une disposition particulière pour les arbres qui bordent les routes. M. Hutteau. Les peines prononcées par l’ordonnance de 1669 ne sont pas assez sévères pour intimider les délinquants. On coupe un chêne de huit pieds de tour ; on en est quitte pour 8 francs d’amende . Je demande s’il existe aucune proportion entre la peine pécuniaire prononcée en 1669 et Je délit. La valeur relative de cette somme a considérablement diminué; il faut augmenter la quotité de l’amende. M. Lepelletier de Saint-Fargeau. Il s’en faut de beaucoup que je convienne avec le préo-pinanl que le code pénal des eaux et forêts soit trop doux. Il a toujours paru tellement sévère aux tribunaux, qu’ils n’en ont jamais éxécuté les dispositions à la rigueur. L’amendement de M. Hutteau doit être rejeté. M. le comte de Mirabeau. J’observerai à l’Assemblée que l’on demande avec beaucoup de justesse, autour de moi, si nous voulons commencer la réforme du code pénal par les balivaux. Je remarquerai cependant qu’il n’est point de code où les peines soient plus disproportionnées au délit que celui des eaux et forêts. Un cerisier qui ne vaut pas 5 sous peut coûter mille écus à celui qui le coupe. (Un côté de la salle paraît im-prouver M. de Mirabeau.) Ce n’est pas une épi-gramme que je fais; je ne suis pas accoutumé à en mettre en délibération; que chacun en dise autant. En un mot, ce n’est pas ici le moment de réformer le code pénal. M. Dupont (de Bigore) s’oppose à ce que la perquisition soit permise. M. Bouche admet la perquisition pourvu qu’elle soit faite en présence d’un officier municipal. M. le Président met enfin aux voix le projet du comité des domaines qui, après avoir subi quelques amendements, est adopté ainsi qu’il suit ; DÉCRET. « L’Assemblée nationale, considérant qu’il importe non-seulement à l’Etat, mais à tous les habitants du royaume, de veiller à la conservation, et de maintenir le respect dû à toutes les propriétés, et notamment à celle des bois, objet de premier besoin ; avertie par l’administration des eaux et forêts des délits multipliés qui se commettent jour et nuit par des particuliers, et même avec armes, et par attroupement, soit dans les forêts royales, soit dans les bois des ecclésiastiques, des communautés d’habitants, et de tous particuliers du royaume, ainsi que sur les arbres plantés sur les bords des chemins; justement effrayée des suites funestes� que de tels délits doivent nécessairement entraîner pour la génération actuelle et pour celles à venir, par la disette des bois que des siècles peuvent à peine régénérer; a décrété et décrète, « 1° Que lesdites forêts, bois et arbres sont mis sous la sauvegarde de la nation, de la loi, du Roi, des tribunaux, des assemblées administratives, municipalités, communnes et gardes nationales, que l’Assemblée déclare expressément conservateurs desdits objets, sans préjudice des titres, droits et usages des communautés et des particuliers, ainsi que des dispositions des ordonnances sur le fait des eaux et forêts. « 2° Défend à toutes communautés d’habitants sous prétexte de droit de propriété, d’usurpation, et de tout autre quelconque, de se mettre en possession par voie de lait d’aucun des bois, pâturages, terres vagues et vaines, dont elles n’auraient point eu la possession réelle au 4 août dernier, sauf auxdites communautés à se pourvoir par les voies de droit, contre les usurpations dont elles croiraient avoir droit de se plaindre. « 3° Décrète que toutes coupes, dégâts, vols et délits, commis dans lesdits bois, forêts, sur les arbres des chemins et lieux publics, dans les plantations et pépinières, seront poursuivis contre les prévenus, et punis sur les coupables des peines portées par l’ordonnance des eaux et forêts, et autres lois du royaume. « 4° Défend à toutes personnes le débit, la vente et l’achat en fraude des bois coupés eD délit, sous peine, contre les vendeurs et acheteurs frauduleux, d’être poursuivis selon la rigueur des ordonnances; décrète que par les gardes des bois, maréchaussées et huissiers sur ce requis, la saisie desdits bois coupés en délit, soit faite; mais la perquisition desdits bois ne pourra l’être qu’en présence d’un officier municipal, qui ne pourra s’v refuser. "5° Enjoint au ministère public de poursuivre les délits; autorise en conséquence les maîtrises des eaux et forêts, et tous autres juges, à se faire prêter main-forte pour l’exécution de leurs ordonnances, jugements et saisies, par les municipalités, gardes nationales, et autres troupes, pour arrêter, désarmer, et repousser les délinquants dans lesdites forêts et bois, à peine, en cas de refus desdites municipalités requises, d’en répondre en leur propre et privé nom. « 6° Autorise tous lesdits juges et municipalités à faire constituer prisonniers tous ceux qui seront trouvés en flagrant délit, tant de jour que de nuit. « Décrète enfin que le présent décret sera présenté inscessamment à la sanction du Roi, et qu’il sera supplié de donner les ordres les plus prompts pour son exécution dans toute l’étendue du royaume; qu’à cet effet, il sera envoyé dans tous les tribunaux ordinaires, maîtrises des eaux et forêts et municipalités, et qu’il sera lu au prône de toutes les paroisses, publié et affiché dans toute l’étendue du royaume, notamment dans les lieux qui avoisinent lesdites forêts et bois. M. Uénart, député suppléant du bailliage de Péronne , dont les pouvoirs ont été vérifiés, est