23 [Assemblée nationale.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [4 mars 1790.] la plus parfaite adhésion aux décrets de l’Assemblée, et offrant divers dons patriotiques, ont les uns prêté et renouvelé le serment civique, les autres déclaré qu’il n’était pas besoin qu’ils annonçassent qu’eux et leurs concitoyens l’avaient prêté. Suit la liste de ces discours : Discours de M. Taverne de Montdhiver, ancien mousquetaire, bourguemestre honoraire, et l’un des majors de la garde nationale de Dunkerque. Discours de M. Faulcon, député suppléant du Poitou, et de M. Jouineau des Loges, notable de la commune de Poitiers, tous deux députés de cette dernière ville. Discours prononcé au nom des citoyens de la ville de Meulan. Discours prononcé au nom des citoyens de la ville de Montmirel en Brie. Discours prononcé au nom des citoyens de la ville de Nontron en Périgord. Discours prononcé au nom des citoyens de la ville du Gliâteau-du-Loir. Discours prononcé au nom des citoyens de la ville de Cherbourg. Discours prononcé au nom du bataillon de Saint-Martin-des-Champs de la garde nationale de Paris. Discours de M. Allets, auteur de l’almanach militaire national de Paris, qui offre son ouvrage en don patriotique. M. le Président fait à tous ces discours une réponse par laquelle il exprime aux personnes qui les ont prononcés, la satisfaction de l’Assemblée nationale ; il les invite à assister à la séance. M. te Président. Plusieurs objets sont à l’ordre du jour. L’Assemblée entend-elle donner la priorité à l'affaire concernant le parlement de Bordeaux ? Cette priorité est accordée. M. le comte Mathieu de Montmorency, membre et organe du comité des rapports , commence par donner lecture des pièces suivantes : Réquisitoire de M. Dudon, procureur général du roi et arrêt de la COUR de parlement concernant les attroupements gui se sont formés et les ravages qui ont été commis dans certaines provinces du ressort de la Cour (1). Du 20 février 1790. — Ce jour, le procureur général du roi est entré et a dit: Messieurs, qu’il est douloureux pour nous d’être forcé de faire diversion à des témoignages apparents de félicité publique, pour fixer vos regards sur les fléaux et les calamités sans nombre qui affligent et dévastent une partie de votre ressort ! Tout ce que le roi avait préparé pour le bonheur de ses sujets ; cette réunion des députés de chaque, bailliage, que vous aviez sollicitée vous-mêmes pour être les représentants de la nation, pour travailler à la réformation des abus et pour assurer le bonheur de l’Etat; tous ces moyens, si heureusement conçus et si sagement combinés, n’ont produit jusqu’à présent que des maux qu’il serait difficile d’énumérer. La liberté, (1) Ces documents sont incomplets au Moniteur. ce sentiment si naturel à l’homme, n’a été pour plusieurs qu’un principe de séduction, qui leur a fait méconnaître leurs véritables intérêts, tandis que d'autres en ont fait un cri de ralliement auquel se sont rassemblés les hommes les moins dignes d’en jouir. Ainsi se sont formées ces hordes meurtrières qui ravagent le Limousin, le Périgord, l’Agénois, et une partie du Condomois. Ces provinces sont dans ce moment inondées du sang de leurs habitants; ce n’est de toutes parts que meurtres, incendies; ce sont des ravages de toutes espèces, et des cruautés dont il serait aussi long que pénible de vous faire le tableau. Mais qui pourra concevoir quel est l’empire de ce prestige destructeur qui, dans tant de provinces, et dans le même temps, a séduit les habitants des campagnes au point de leur faire abandonner la culture des terres pour former des attroupements séditieux, et qui tournant pour ainsi dire, leur fureur contre eux-mêmes, les a portes à d étruire par le pillage, les dépôts de leur subsistance actuelle, à intercepter la circulation des grains, et à nous inspirer encore des alarmes sur la récolte à venir? La dévastation des châteaux n'a point assouvi leur rage; ils ont osé commettre les mêmes horreurs dans les églises, et on nous assure que, dans leur fureur, l’autel n’a pas échappé à leurs mains sacrilèges. Voilà, Messieurs, les premiers fruits d’une liberté publiée avant la loi qui devait en prescrire les bornes, et dont la mesure a été livrée à l’arbitraire de ceux qui avaient tant d’intérêt à n’en connaître aucune. Mais non, Messieurs, la loi existe encore, et il est honorable pour vous qui en êtes ministres, comme pour nous qui en sommes l’organe, de donner aux juges de votre ressort l’exemple de ce courage qui ne connaît que le devoir, de les rassurer sur leurs tribunaux, et de leur inspirer la force de poursuivre ces brigandages avec toute la sévérité des ordonnances. Eh ! que craindraient-ils en effet ? La justice et la loi trouveront assez d’appuis dans ces citoyens dont nous vous peignons les malheurs et les alarmes ; car il en est dans les campagnes même où la contagion a fait le plus de progrès, il en est, disons-nous, qui savent, ainsi que les milices des villes, qu’ils sont armés contre les séditieux, contre les brigands, contre les ennemis du bien public, pour le maintien de l’autorité royale et de l’empire des lois , pour le retour de l’ordre et de la police générale, sur lesquels repose le bonheur public. Ainsi les détracteurs de la magistrature, inquiets ou jaloux de l’arrêt que vous allez rendre, se hâteraient vainement d’en publier l’insuffisance pour en atténuer les effets ; ils ne nous accuseront pas d’avoir vu tant de maux avec indifférence ; ils n’abuseront plus de la crédulité des peuples ; et dût cet acte de votre justice souveraine être le dernier, ce peuple y reconnaîtra peut-être encore ceux dont ii a pleuré la captivité, ceux qu’il a si souvent et si justement appelés ses défenseurs et ses pères. Atant, requérons être ordonné qu’à la diligence de nos substituts dans les sièges royaux, et des procureurs d’offices dans les juridictions seigneuriales, chacun en droit soi, il sera informé des faits mentionnés dans le présent réquisitoire, pour le procès être fait et parfait aux auteurs, fauteurs et participes desdits délits, suivant la rigueur des [4 mars 1790.] 24 [Assemblée'fnationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ordonnances; les juges, qui en connaîtront, être invités à redoubler de zèle et d’activité. Au surplus, être enjoint aux municipalités du ressort de faire usage de tous les moyens qui sor, en leur pouvoir pour arrêter le cours des désos dres, et se saisir de la personne de leurs auteure et à tous les dépositaires de la force publique, d leur prêter aide et main-forte, sur les réquisitions qui leur en seront faites; être ordonné, en outre, que le présent arrêt sera imprimé, lu, publié et affiché partout où besoin sera, et envoyé dans tous les bailliages, sénéchaussées et municipalités, pour y être pareillement lu, publié et affiché, à la diligence des substituts du procureur général du roi, qui seront tenus d’en certifier la Cour dans le mois. dudon. La Gour faisant droit au réquisitoire du procureur général du roi, ordonne qu’à la diligence de ses substituts dans les sièges royaux et des procureurs d’offices dans les juridictions seigneuriales, chacun en droit soi, il sera informé des faits mentionnés dans le présent réquisitoire, pour le procès être fait et parfait, aux auteurs, fauteurs et participes desdits délits, suivant la rigueur des ordonnances. Ladite Gour invite les juges, qui en connaîtront, à redoubler de zèle et d’activité; au surplus, enjoint aux municipalités du ressort de faire usage de tous moyens qui sont en leur pouvoir, pour arrêter le cours des désordres, et se saisir de la personne de leurs auteurs ; et à tous les dépositaires de la force publique de leur prêter aide et main-forte sur les réquisitions qui leur en seront faites : ordonne en outre que le présent arrêté sera imprimé, lu, publié et affiché partout où besoin sera, et envoyé dans tous les bailliages, sénéchaussées, municipalités pour y être pareillement lu, publié et affiché, à la diligence des substituts du procureur général, qui seront tenus d’en certifier la Gour dans le mois. Fait à Bordeaux, en Parlement et Chambre des vacations, le 20 lévrier 1790. Monsieur Daugeard, président. Collationné. Signé : Delpech. M. le baron de Menou. La dénonciation faite à l’armée patriotique par M. Boyer-Fonfrède le jeune, aide-major général, est une pièce importante : nous en demandons la lecture. M. de Montmorency. Je donne lecture de ce document ; Dénonciation de la chambre des vacations du PARLEMENT de bordeaux, faite à V armée Bordelaise, PAR M. BOYER-FONFRÈDE, aide-major général. Messieurs, vous connaissez sans doute le motif qui m’amène au milieu de vous, et vous êtes animés d’avance des mêmes sentiments d’indi» gnation qui me font parler. La chambre des vacations du parlement de Bordeaux vient de rendre un arrêt qui doit trouver autant de dénonciateurs qu’il est de citoyens, et dans le ministère que je viens remplir, je n’ai d’autre mérite que celui d’avoir prévenu tous les volontaires de l’armée. Cet arrêt, Messieurs, qui va être remis sur votre bureau, n’a pas précisément le caractère de sédition de ces écrits incendiaires que repoussent même les partisans du despotisme; la chambre des vacations a préféré la perfidie à la violence, et a voulu frapper avec moins de force, pour frapper avec plus de sûreté. Le parlement de Rennes, du moins, avait apporté, jusque dans ses crimes, une sorte de fermeté courageuse qui redoublait la haine des patriotes sans exciter leur mépris; mais la chambre des vacations du parlement de Bordeaux, colorant, par une lâche adresse, ses principes féodaux et ses desseins criminels du voile du bien public et de l’amour de la paix, a voulu tromper le peuple qu’elle n’avait pas la force de combattre, et a montré le sentiment de sa faiblesse en même temps que celui de son crime. Je ne relèverai point à vos yeux, Messieurs, toutes les vieilles et coupables maximes, les rapports exagérés, la douleur feinte et perfide et les doutes injurieux qui empoisonnent cet écrit ; il suffit de ces premières phrases pour en juger; et cest un grand adoucissement pour un coeur citoyen de n avoir pas à rappeler et à combattre tant de principes pervers et blasphèmes publics, qui coûtent même à prononcer. Tout ce que le roi avait préparé pour le bonheur de ses sujets, — dit le réquisitoire du procureur général , —cette réunion des députés de chaque bailliage, que vous aviez sollicitée vous-mêmes, pour être les représentants de la nation ; tous ces moyens si heureusement conçus et si sagement combinés n’ont produit jusqu’à présent que des maux qu’il serait difficile d’énumérer. Lst-il vrai, Messieurs, j’en appelle à vos cœurs, dignes de sentir et de goûter la liberté et les heureux changements qui ont déjà signalé les premiers travaux de nos représentants ; est-il vrai que leur réunion n’ait produit jusqu’ici que des maux ? Quoi 1 la destruction des privilèges, des bastilles, des ordres arbitraires, de tous les despotes, grands et petits, des corps intermédiaires qui trompaient ie monarque et le peuple, de la vénalité des offices et des officiers ; la réforme des lois criminelles, l’établissement des municipalités, le sanctionnement de la dette publique ; tant de bienfaits ne seront considérés que comme des maux 1 Ge sont des maux sans doute pour les mauvais citoyens, pour ceux que les abus faisaient vivre, et qui perdent tout en perdant le droit d’opprimer ; ce sont des maux pour ceux qui ne demandaient les Etats Généraux que dansl’espoii de se les voir refuser ; qui voulaient ériger leurs usurpations en droits, et qui n’ont combattu le despotisme ministériel que parce qu’il contrariait le despotisme parlementaire. Qu’ils gémissent donc entre eux de leurs pertes ; qu’ils pleurent sur l’heureuse révolution qui nous rend tous libres, égaux et heureux ; leur douleur aristocratique sera un nouvel hommage rendu à la bonté de nos lois et à la sagesse de nos représentants; mais qu’ils se gardent de répandre leurs plaintes séditieuses! Tous les regrets sont criminels quand la nation n’a que des espérances ; qu’il ne leur soit permis de publier que leurs remords parmi le peuple; ie peuple n’a ni remords , ni regrets ; et s’il lui en restait quelqu’un, ce serait d’avoir été détrompé si lentement et délivré si tard de ceux qui ont l’audace de se nommer aujourd’hui ses pères. Que penser , Messieurs , de cette affectation , de ne désigner l’Assemblée nationale que par le ' titre de députés de bailliages? La chambre des vacations a craint qu’en prononçant ce nom cher et révéré de tous les Français, elle ne réveillât toutes les idées de bonheur, d’espérance et? de liberté qui accompagnent l’image auguste de l’As-