492 [Assemblée nationale.] Archives parlementaires. [21 juillet 1791.] le plus digue de vous; et aussitôt s’est él< vé par leurs travaux, au milieu de local qu’ils habûaient déjà, un autel eu tout semblable à celui dont la pairie leur avait offert le modèle au champ de la Fédération. « C’est là, Messieurs, que cette troupe innocente de nouveaux patriotes doit élever, dès ce soir, vers le ciel, des mains pures, des mains reconnaissantes, et jurer d’être fidèles à la nation qui les adopte, et de n’oublier jamais les noms de leurs augustes bienfaiteurs. » ( Applaudissements .) M. le Président répond en ces termes : « L’Assemblée nationale s’est fait un devoir de protéger les établissements qui peuvent être d’une utilité reconnue. Vous venez d’éprouver sa bienfaisance; l’Assemblée ne pouvait mieux prouver sa reconnaissance pour M. l’abbé de l’Epée. « Vous avez été désiré, Monsieur, par les sourds-muets, dont vous êtes l’interprète en ce moment; M. de l’Epée, en vous désignant pour son successeur, a fait votre éloge et encouragé la confiance publique, il ne pouvait sans doute jeter les yeux sur quelqu’un qui, par ses lumières, fût plus en état de maintenir et de perfectionner rétablissement que l’Assemblée vient de consacrer. Elle ne doute pas que vous continuerez de vous livrer tout entier au soulagement des infortunés qui vous ont été confiés. Elle applaudit à votre zèle, et vous offre les honneurs de la séance. » (Applaudissements.) M. Salomon de La Saugerie. Je demande l’impression du discours de M. l’abbé Sicard et de la réponse de M. le Président. (Cette motion est adoptée.) L’ordre du jour est un rapport du comité d'agriculture et de commerce concernant le commerce du Levant. M. Roussillon, rapporteur. Messieurs, dès que vos regards ont pu être fixés sur le commerce de l’Inde et sur celui d'Afrique, vous avez reconnu la nécessité de supprimer les privilèges odieux par lesquels l’ancien gouvernement en avait concentré l'exploitation exclusive dans deux compagnies; vous n’avez point hésité à rendre ces commerces libres à tous les Français. Vous avez délivré la circulation iniérieure de toutes les gênes dont le fisc et une mauvaise administration ne cessaient de l’embarrasser, et vous avez substitué uu tarif unique aux différents tarifs qui avaient lieu dans les relations du royaume avec l’étranger. Depuis, vous avez considérablement réduit les droits qui étaient acquittés sur les denrées de nos colonies à leur importation en France; et, par un sacrifice de plus de 1,500,000 livres par an, que vous avez fait à cet égard en faveur des planteurs colons, vous leur avez donné la preuve la moins équivoque du désir que vous avez de resserrer les liens qui unissent les colonies à la métropole : vous avez enfin annoncé u’une manière très positive l’intention où vous êtes d’encourager leur culture, et d’améliorer le sort de leurs habitants, nos frères. Il vous reste, Messieurs, à vous occuper du commerce du Levant, et c’est de son importance que je vais avoir l’honneur de vous entretenir. De tous les commet ces qu’une nation peut faire, celui de la France avec la Turquie et les régences de Barbarie est sans doute le plus avantageux. Il est tout passif pour les Ottomans, il est tout actif pour les Européens qui l’exploitent. Le Levant livre presque toutes ses productions et abandonne presque toutes ses consommations à l’industrie et à la navigation des peuples qui traitent dans ses Echelles. Le caractère particulier de ce commerce est tel, qu’aucune combinaison politique de la part de la puissance territoriale n’en réduit les profits. Les marchandises que les Européens importent dans les Etats du grand sultan, et celles qu’ils en exnortent, ne sont soumises à d’autres charges qu’au payement d’un droit de douane de 3 0/0 de la valeur, et ce droit est perçu sur une évaluation qui le réduit à 1/2 0/0. Le droit de douane, pour les gens du pays, s’élève de 5 à 8 0/0. On porte en Turquie des draperies, des bonnets de laine, des étoffes de soie, des galons, du papier, des merceries, des clinquailhries, du sucre, du café, de l’indigo de nos colonies, des mousselines de l’Inde, de la morue, des glaces, des verroteries, de la cochenille, des liqueurs, du plomb, de l’étain, du fer, des clous, des épiceries. On en exporte des cotons, des laines, des soies, des fils de chèvre, de la cire, des cuirs, du café de Moka, des gommes, des drogues, des huiles, des soudes, du blé, des légumes, du riz, de; toiles de coton et de fil et coton, et quelques étoffes de soie et coton. Celte énumération d’importation et d’exportation suffit pour apprécier l’importance de ce commerce. La France participe au moins pour la moitié dans tout le commerce que les nations d’Europe font en Turquie et en Barbarie. On évalue ses importations à 30 millions, et ses exportations à 35. Ce commerce entretient de 4 à 5,000 matelots, et fait naviguer 4 à 500 bâtiments. Le produit du fret de notre navigation dans les Echelles s’élève à 1,800,000 livres. Nous devons la grande participation dont nous jouissons dans le commerce du Levant à notre position, à notre industrie, aux productions de nos colonies, et, surtout au site heureux du port de Marseille. Cette ville, que baigne la Méditerranée, et que le canal du Languedoc avoisine de l’Océan, a des communications faciles avec toutes les parties de l’Europe, et il semble que la nature l’a placée et destinée pour devenir l’entrepôt général du comm rce du Levant. Les ports étrangers de la Méditerranée n’ont jamais pu lui disputer cet avantage, soit par leur défaut de moyens, soit par leur politique, soit par lem* position favorable, soit par la difficulté de leurs communications extérieures. Leurs relations commerciales avec la Turquie sont bornées, et elles s< raient sans doute anéanties si les vices de l’ancienne administration ne les avaient pas favorisées. Heureusement la nouvelle Constitution de l’Empire réparera les torts de l’ancien régime. La protection que vous voulez accorder au commerce, la liberté des opinions religieuses et des cultes, la sûreté des personnes et des propriétés garanties par vos lois, sont autant d’attraits qui vous assurent un accroissement considérable dans la part que vous avez dans le commerce que l’Europe fait avec le Levant ; la nouvelle Constitution vous présente la plus douce, la plus belle perspective dans l’avenir; la France libre deviendra l’entrepôt des richesses étrangères, l’asile des co nmerçants éclairés, le rendez-vous de tous les artistes, le point central de tous les commerces. Les ports français situés sur la Méditerranée lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]2i juillet 1791. j 493 participent peu au commerce du Levant, quoiqu’ils en aient le droit tout comme les autres ports dn royaume, parce que la sûreté du port de Marseille, l’étendue de son marché et son lazaret repoussent toute concurrence (1). Dans la vue de favoriser notre commerce direct et notre navigation du Levant, les anciennes lois ont soumis les marchandises de Turquie, qui arrivent en France par la voie de la navigation et du commerce étrangers, à un droit additionnel de 30 0/0 de la va'eur, perceptible en sus de ceux fixés par les tarifs sur les marchandises étrangères. Ces lois forment une espèce d’acte de navigation, auquel nous devons la conservation de la plus grande portion de notrenavigation dans la Méditerranée. Nous ne devons pas cependant nous dissimuler que ces lois utiles, que votre comité vous proposera de maintenir, avec quelque modification, auraient produit un plus grand bien au commerce national, si, par un abus singulier, dirigé par l’intérêt particulier, on ne leur eût donné une extension et une application diamétralement opposées à l’esprit qui les avait dictées. Jusqu’à présent, les marchandises pour le compte des étrangers, quoique importées directement duLevant à Marseille parnavires français, ont été assujetties au même droit de 30 0/0 ; ce qui a éloigné et repoussé de nos ports les riches propriétaires qui y seraient venus échanger leurs denrées contre les productions de notre sol et de notre industrie. Guidés par l’intérêt national, éclairés par l’exemple des nations les plus commerçantes et les plus habiles, nous vous proposerons de remédier à cet abus, en assimilantles marchandises importées ou exportées par nos vaisseaux, pour le compte des étrangers, à celles qui léseront pour le compte des Français. Vous ne sauriez, Messieurs, trop encourager, exciter même l’étranger, non seulement à venir faire les échanges en France, mais encore à y établir des maisons de commerce. Vous apercevez déjà, par l’esquisse que je viens de tracer, de quelle importance est pour la France le commerce du Levant; j’ajouterai que, ce commerce étant national dans tous les mouvements, vous ne devez négliger aucuns moyens pour lui donner toute l’extension dont il est susceptible. J’observerai, à cet égard, que tous les avantages que notre position nous donne dans nos transactions commerciales avec la Turquie, sont renforcés par nos traités avec la Porte, par une administration particulière adaptée à ce commerce, (1) C’est cette concurrence, jusqu’à présent insurmontable, qui avait engagé la ci-devant province de Languedoc, et qui porte aujourd’hui les commerçants de Cette et le département de l’Hérault, à réclamer la liberté du commerce du Levant pour tous les Français, et la construction d’un lazaret au port de Cette, pour y faire la quarantaine aux vaisseaux qui y viendront directement du Levant. La liberté du commerce du Levant pour tous les ports du royaume ayant été accordée par deux arrêts du conseil, et n’ayant jamais était contestée par la ville de Marseille, la réclamation se réduit à la construction du lazaret au port de Cette ; et cette question, Est-il plus utile, est-il plus dangereux d'avoir un ou plusieurs lazarets en France ? sera l’objet d’un rapport particulier; ainsi cette note n’est que pour assurer MM. les fabricants du Languedoc, la chambre du commerce de Montpellier, les négociants de Cette et le département de l’Hérault, que leurs réclamations ne sont point oubliées par la comité d’agriculture et de commerce. qui peut être améliorée, et par l’excellence du lazaret de Marseille, qui est, de tous les lazarets qui existent, le plus sur et le plus commode. Nos traités avec la Porte nous donnent des privilèges; ils nous autorisent à vivre dans les Echelles, sous la bannière et sous les lois françaises. L’administration est dirigée pour veiller à la sûreté des individus et à la conservation de leur fortune, pour empêcher les effets de la concurrence étrangère, et pour imposer sur le commerce du Levant lui-même les dépenses auxquelles il donne lieu. Le lazaret nous garantit du fléau le plus terrible qui puisse attaquer l’humanité. Tous les détails d’objets d’une si haute importance doivent être mis sous vos yeux; ils doivent être approfondis et soumis à votre examen. Votre comité est occupé à ramasser tous les éléments qui lui sont nécessaires pour vous faire un rapport à cet égard, pour présenter à votre discussion les questions importantes qui en sont susceptibles, et pour vous proposer d’organiser les établissements que cette partie de l’administration publique exige, de la manière la plus utile à l’intérêt général, et la plus conforme à votre Constitution. 11 importe, en attendant, que vous donniez quelques décisions provisoires, qui sont les suites nécessaires des principes de liberté et d’égalité que vous avez, consacrés, et des dispositions que vous avez faites, en reculant les barrières, pour défendre le commerce national de l’invasion du commerce étranger. La position de Marseille et son lazaret fixent dans celte ville presque tout le commerce du Levant qui se fait en France. On a conclu que Marseille était en possession du privilège exclusif de faire ce commerce. Cependant un arrêt du 15 janvier 1759 a déclaré que tous les ports du royaume pouvaient participer à ce commerce, en envoyant directement dans toutes les Echelles leurs vaisseaux et leurs marchandises; un arrêt du 14 octobre 1762 a seulement voulu que toutes les marchandises qui viendraient du Levant et de Barbarie fissent leur quarantaine à Marseille. Ces dispositions, qui puisent leurs principes dans la liberté dont chaque citoyen de l’empire doit jouir, et dans les précautions que le salut public prescrit impérieusement, doivent être adoptéeset manifestées par l’Assemblée nationale. Elle doit annoncer que le commerce du Levant est libre pour tous les Français ; que, de tous les ports du royaume, on peut envoyer les bâtiments et des marchandises dans toutes les Echelles; que tous les Français ont le droit d’y faire des établissements de commerce, en se soumettant au cautionnement que chaque établissement doit fournir pour garantir les autres des avanies auxquelles ils seraient exposés, s’il arrivait qu’il ne fût pas en état d’acquitter les engagements qu’il aurait contractés sur le pays, ou de payer les sommes auxquelles la justice ou le gouvernement turcs peuvent le condamner, à tort ou justement (1). Mais elle doit ajouter qu’étant indispensable de prendre les précautions les plus exactes pour (1) Dans tout le Levant, la puissance territoriale exige la solidarité de tous les membres d’une même nation; ainsi les cautionnements pour les établissements de commerce seront nécessaires jusqu’à ce qu’une nouvelle administration et une nouvelle politique aient établi un meilleur ordre de choses. 494 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juillet 1791.] se garantir des maux terribles que répandrait l’invasion de la peste, et tout ce qui vient du Levant pouvant la communiquer, il est de son devoir de ne permettre l’introduction dans le royaume d’aucunes marchandises suspectes, qu’après s’être assuré bien scrupuleusement, par des épreuves sûres, qu’il n’y a point de danger. Ces épreuves ne peuvent être faites que dans un lazaret bien ordunné. 11 n’existe dans tout le royaume que celui de Marseille. Toutes les marchandises qui viennent du Levant doivent donc être soumises à aborder à Marseille pour y faire quarantaine, jusqu’à ce qu’il soit établi des lazarets dans d’autres ports du royaume. Les représentants de la nation auront à examiner si l’intérêt général exige la multiplication des lazarets, et si le salut public peut le permettre. A présent, les navires de tous les ports, après avoir fait à Marseille la quarantaine, et après l’avoir fait faire à leurs cargaisons, doivent jouir de la faculté de faire leur retour et de transporter leurs marchandises partout où la spéculation de leurs armateurs peut les appeler; et ils ne doivent être assujettis qu’à acquitter les frais de quarantaine et l’imposition qui est établie sur les marchandises du Levant, dont le produit est appliqué aux dépenses relatives à l’administration des Echelles. Le reculement des barrières et le nouveau tarif exigent que vous ne différiez pas de prononcer sur le traitement qui doit être fait aux marchandises du Levant qui proviennent du commerce national, et sur celles qui sont introduites par le commerce étranger. Marchandises du Levant qui proviennent du COMMERCE NATIONAL. Leur introduction à Marseille. Si, par des considérations politiques, la franchise du port de Marseille n’existait pas, il faudrait peut-être l’établir pour les retours du commerce du Levant. En effet, tous les ports étrangers qui sont sur la Méditerranée, et qui font le commerce du Levant en concurrence avec nous, étant francs, s’il y avait des prohibitions ou des droits à payer sur les marchandises du Levant à leur introduction à Marseille, nous serions obligés de renoncer à une réexportation par mer tort importante, et à une grande partie des avantages que ce commerce nous procure; nous le verrions diminuer en raison des obstacles qu’il éprouverait; et nos rivaux s’enrichiraient de nos dépouilles. Cette vérité n’a pas besoin d’être développée; elle a été sentie dan3 tous les temps; aussi, toutes les fois qu’on a cru devoir restreindre la franchise de Marseille en faveur de l’industrie et des productions nationales, on a laissé jouir les marchandises du Levant d’une introduction et d’une consommation libres et franches dans ce port, parce qu’on a été convaincu qu’il était indispensable, pour conserver ce commerce, de procurer à ses retours tous les débouchés possibles. Leur introduction par Marseille dans le royaume. Les marchandises du Levant expédiées de Marseille payent, en général, les mêmes droits, et sont soumises aux mêmes prohibitions que celles qui viennent des autres pays étrangers. 11 y a cependant 3t espèces de ces marchandises qui méritent des exceptions, par différentes considérations puissantes. Ces espèces sont les toiles de cotou blanches, le coton lilé et le café de Moka. Ces marchandises proviennent des échanges forcésque nous faisons en Egypte et en Syrie. Elles sont toujours les retours des productions de notre sol et de notre industrie. Si la quotité du droit auquel elles seratent imposées en diminuait la consommation, nous ferions une perte relative dans nos transactions. Pour vous mettre à portée de Fixer la quotité du droit sur les toiles de coton blanches du Levant, nous avons dû les comparer, sous tous les rapports, à celles de l’Inde. Nous avons remarqué que les toiles de coton blanches de l’Inde, qui ne sont imposées qu’à 37 L 10 s. le quintal, se payaient avec du numéraire, tandis que celles du Levant étaient toujours l’échange de marchandises nationales; que les toiles de l’Inde sont légères, tines et d’un haut prix, et celles du Levant pesantes, grossières et de peu de valeur; que les toiles de l’Inde forment la totalité des cargaisons que nous importe le commerce que nous faisons au delà du cap de Bonne-Espérance, tandis que celles du Levant ne forment que le vingtième de nos retours des Echelles; que les toiles de l’Inde parent le luxe, et que celles du Levant couvrent la pauvreté. Ce parallèle nous a fait apercevoir que, si des raisons politiques peuvent déterminer à tolérer l’introduction des toiles de l’Inde, des raisons d’intérêt public doivent décider à favoriser celle des toiles du Levant. G’est après avoir bien approfondi cette matière, ue votre comité, convaincu que l’imposition 'un trop fort droit à l’introduction des marchandises du Levant pouvait être, en quelque sorte, considérée comme un impôt mis sur nos marchandises à la sortie du royaume, a pensé qu’il ne devait pas assimiler ces 2 espèces de toiles. Il a estimé que, si on les soumettait au même droit, on sacrifierait le commerce le plus avantageux de la nation, à un commerce dont les convenances même sont problématiques : il a calculé que, dans le temps que certaines espèces de toiles de l’Inde payeraient à peine 3 ou 4 0/0 sur la valeur, la plus grande partie de celles du Levant seraient soumises à un droit de 15 0/0. Ces combinaisons nous ont décidés à vous proposer de n’imposer qu’à 20 livres le quintal les toiles de coton blanches, provenant de notre commerce direct du Levant, à leur introduction dans le royaume. Les mêmes observations se présentent en faveur des cotons filés qui, en général, sont gros et de peu de valeur. Il faut remarquer encore que cette espèce de coton est une sorte de matière première qui est absolument nécessaire à la fabrication de la chandelle et à celle des tissus grossiers. A ces motifs décisifs se joint une circonstance du moment, qui seule devrait déterminer à accorder une faveur particulière à cette marchandise. La plus grande partie des cotons filés que le commerce du Levant importe vient d’Acre et de Seyde. Le gouverneur de cette contrée, üge-zard Pacha, vient de se porter à des excès contre les établissements français qui se trouvaient dans son pachali. Il a obligé les régisseurs de nos comptoirs a fuir; et ils auront bien de la peine à sauver quelques débris de leur fortune. Il faut venir à leur secours, en leur facilitant les moyens de consommer avantageusement les mar- I Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 121 juillet 1791. J 495 chandises qu’ils pourront retirer d’un pays qu’ils ont été forcés d’abandonner. Leur fuite et l’abandon de notre commerce rendront rares les retraits de Syrie. Il nous a paru qu’il était convenable d’en favoriser l’introduction. C’est ce qui nous a portés à vous proposer de n’imposer qu’à 20 livres le quintal les cotons filés du Levant. Quantaux cafés de Moka qui viennenten France par le commerce du Levant, ils méritent certainement la préférence sur ceux qui sont importés par le commerce de l’Inde. Nous avons déjà établi les raisons qui doivent faire pencher la balance en faveur du commerce du Levant; nous nous bornerons à répéter qu’il ne vient pas une balle de café du Levant, qu’elle ne soit la représentation d’un produit de notre sol ou de notre industrie, et que souvent il arrive que les cafés de Moka sont les retours des cafés des îles qu’on vend dans les Echelles. Les Turcs de toutes les classes font un grand usage de café; ceux qui ne sont pas aisés consomment du café de nos colonies, et la vente de cette denrée est une des principales branches de notre commerce en Turquie. Le café de Moka, introduit par le commerce de l’Inde, est tarifé à 20 livres le quintal; il nous a paru juste de n’imposer ce même café qu’à 12 livres le quintal, lorsqu’il sera introduit par le commerce du Levant. Transit des marchandises du Levant. Il importe à une nation commerçante de se procurer directement, par la voie des échanges, non seulement ce qui est nécessaire à ses consommations, mais encore ce qu’elle peut fournir aux besoins des autres nations. Lorsqu’elle peut retirer cet avantage de son commerce, sans nuire à son industrie, elle est assurée d’obtenir une grande balance en sa faveur. Elle doit donc employer tous les moyens pour atteindre à ce but. Le transit, lorsqu’il n’a pas pour objet des marchandises manufacturées dont le versement en route pourrait préjudicier à nos fabriques, est un des principaux moyens de prospérité. En favorisant le commerce qu’il sert, il féconde les lieux qu’il parcourt, et il augmente la richesse publique par les moyens qu’il emploie. Marseille est le plus grand entrepôt du commerce du Levant. Sa position lui donne des communications commodes avec Genève, la Suisse et l’Allemagne. Tous ces pays consomment beaucoup de marchandises du Levant. S’ils n’avaient pas la facilité de les tirer de Marseille par la voie du transit, ils s’approvisionneraient en Italie; et la perte de leurs commissions occasionnerait une diminution sensible dans notre commerce. Il serait impolitique de laisser le transit des marchandisesduLevantgrevéde quelque droit(l). Livourne, Venise et Trieste ont également des communications avec la Suisse et l’Allemagne. Ne nous exposons pas, dans un objet si important, à des concurrences que la moindre combinaison fiscale pourrait favoriser. Votre comité vous propose donc d’affranchir ce transit. (1) Ces marchandises acquittaient les droits de douane de Lyon et de Valence, et les drogueries devaient de plus le droit particulier do droguerie. Le café était sujet à un impôt de 3 livres par quintal, etc. Droit de 20 0/0 sur les marchandises du Levant - qui proviennent du commerce de j V étranger. Indépendamment des droits fixés par les tarifs sur les marchandises du Levant, elles sont encore soumisesà un droit de 20 0/0de la valeur, et aux 10 sous pour livre en sus. Ce droit est dû dans 4 cas : 1° lorsque ces marchandises proviennent du commerce étranger ; 2° lorsqu’elles sont importées par des bâtiments étrangers ; 3° lorsqu’elles ont été entreposées en pays étranger; 4° enlin lorsqu’elles appartiennent à des étrangers. Les marchandises étrangères de même nature sont soumises au même droit de 20 0/0, si elles ne sont point accompagnées d’un certificat qui constate que leur origine est autre que celle du Levant et de la Barbarie. Ces dispositions, qui appartiennent à l’autre siècle et au ministère de Colbert, sont toutes dirigées contre la navigation étrangère, en faveur de la navigation nationale. C’est à leur exécution que nous devons le maintien et l’augmentation de notre commerce dans les Echelles, sans qu’il s’en détourne quelque branche. L’intérêt national nous prescrit de n’en point faciliter la déviation. Mais autant il est nécessaire de conserver l’intégrité de notre commerce direct au Levant, autant il est juste et convenable d’empêcher que, par des combinaisons faites dans les vues d’un intérêt national, on ne nuise à ce même intérêt. Si la perception du droit de 20 0/0 n’était pas tenue dans de justes bornes, il pourrait en résulter du préjudice pour notre industrie. La perception la plus sévère sur les marchandises qui sont particulières au Levant, et qui ont un caractère si déterminé qu’il est impossible de les méconnaître, n’oifre point d’inconvénients. Il n’en est pas de même par rapport aux productions qui sont communes au Levant et à d’autres pays, et qui ne peuvent être distinguées. Relativement à celies-ià, il faut prendre les mesures propres à diminuer les embarras de la perception, et à empêcher qu’une application injuste du droit ne les repousse. On y parviendra en retranchant du tarif tous les articles qui ne sont pas d’une grande considération dans nos échanges et dans nos importations ; en donnant aux propriétaires des marchandises étrangères au Levant des facilités pour constater leur véritable origine. D’après ces considérations, votre comité a l’honneur de vous proposer le décret suivant : « Art. 1er. Le commerce des Echelles du Levant et de Barbarie est libre à tous les Français. « Art. 2. On peut envoyer, de tous les ports du royaume, des vaisseaux et des marchandises dans toutes les Echelles. « Art. 3. Tout négociant français peut faire des établissements dans toutes les parties du Levant et de la Barbarie, en fournissant, dans la forme usitée, et jusqu’au règlement qui sera incessamment présenté à l’Assemblée nationale, sur le mode d’organisation de l’administration du Levant, un cautionnement qui garantisse les autres établissements français, des actions qui pourraient être exercées contre eux, par son fait ou celui de ses agents. « Art. 4. Les cautionnements qui seront fournis par les habitants des autres départements que celui des Bouches-du-Rhône, pourront être reçus par les directoires de leurs départements, qui en feront remettre un extrait à la chambre de commerce de Marseille. « Art. 5. Les retours du commerce du Levant