SÉANCE DU 3 MESSIDOR AN H (21 JUIN 1794) - Nos 72-74 83 72 [Le distr. de Mirecourt à la Conv.; s.d.] (1). « Citoyens-représentans, écrivent les administrateurs du district de Mirecourt, département des Vosges, nous nous réjouissons avec tous les amis de la liberté, de voir deux des plus chauds défenseurs des intérêts du peuple, deux de nos représentans, échappés au fer des assassins. L’instant où ce crime devoit être consommé, étoit précisément celui où vous consacriez par un décret les véritables maximes de la philosophie et les plus utiles au genre humain et à son bonheur. Les mangeurs d’hommes couronnés, dans leur rage insensée, ne voient-ils pas que leurs crimes affermissent encore davantage la liberté, en augmentant l’horreur qu’ils inspirent ? Etres vils et atroces, dont la création est une erreur de la nature, dont l’existence la couvre de crêpes lugubres et ensanglantés; qui vous abreuvez sans cesse du sang et des larmes de vos semblables, dont la conduite et les actions souillent chaque page de l’histoire des hommes, ne croyez pas que vos forfaits exécrables puissent nuire à la vertu protégée par la divinité qui vous a déjà jugés dans sa justice éternelle : vous et vos trônes, couverts des dépouilles des infortunés, allez bientôt disparoître du globe comme une vile poussière qu’un vent impétueux du midi disperse dans les abîmes. Le genre humain, alors débarassé de ses plus cruels ennemis, libre et jouissant des avantages d’une parfaite égalité, ne verra plus son bonheur troublé par le crime couronné et mitré. En attendant ce terme qui ne sera pas long, continuez, sages législateurs, à écraser sans distinction les conspirateurs, et laissez aux scélérats leurs poignards impuissans, que votre courage, votre énergie, l’amour et la confiance du peuple rendent bien peu redoutables; car nos cœurs et ceux de tous les républicains vous serviront d’égide.» 73 [La Comm. de Maubeuge à la Conv.; s.d.] (2). «Citoyens représentants, de tous temps nous nous sommes montrés les ennemis des rois, des tyrans, de tous les ennemis de notre sublime révolution. Par notre lettre du 5 de ce mois, nous vous avons promis de vous servir de rempart et de bouclier; nous vous avons dit que la plus belle fête pour nous serait de sacrifier notre sang pour le salut de la république. L’occasion s’est présentée 5 jours après; nous ayons tenu parole. (1) Bin, 3 mess.; J. Univ., n° 1673. C2) Mon., XXI, 27; Bin, 3 mess.; F.S.P., n° 352; Débats, n° 639; J. univ., n° 1673; J. -S. Culottes, n° 493; C. univ., n° 874; Audit, nat., n° 636; J. Lois, n°631; Rép., n°184; J. Sablier, n°1391; J. Fr., n° 635; Ann. RJ?., n° 203; J. Perïet, n» 638; MJJ., XLI, 55; Ann. patr., n° DXXXVII; C. Eg., n° 673; Mess. Soir, n° 672. «Maubeuge, du premier instant de la révolution, a levé la tête, brisé ses fers et signalé sans relâche son attachement à la constitution et à ses représentants; il s’est montré dans les affaires les plus périlleuses avec cette franchise délibérée du républicanisme. Décadi 10, les satellites des tyrans ont été attaqués sous ses murs sur 3 points différents par un feu nourri depuis 3 heures jusqu’à 11 heures du matin. La canonnade et la fusillade se faisaient entendre à l’envi; c’était à celle qui ferait plus de fracas. « Les citoyens animés du feu patriotique, pères, fils, enfants de 8 à 9 ans, se jettent dans le combat; les mères, les filles y volent, pour porter des secours à nos braves frères d’armes, blessés glorieusement pour la défense commune. Les enfants portaient les cartouches jusqu’aux avant-postes des tirailleurs; les hommes enlevaient les blessés sous le canon ennemi et dans leurs retranchements; les autres les remplissaient, malgré une grêle de boulets, obus et balles. Personne ne pensait à soi, mais tous au salut de la patrie. Les pères disputaient le pas à leurs fils : Fabien Delechaux, officier municipal, travaillant à la démolition d’un fort scé-lératisé, près la Maison-Rouge, poste avancé, eut la jambe cassée par un boulet. Ce brave républicain, âgé de 62 ans, s’écria : Vive la république! vive la Convention! Ce n’est rien ; travaillez, mes enfants, dit-il à ses concitoyens. «Jean-Joseph Bailly, Albert Claire et Hippo-lyte Sauvage furent blessés; les deux premiers sont morts de leurs glorieuses blessures; il y a lieu de croire que les 2 autres se rétabliront au moyen des secours qui leur sont donnés. «L’affaire fut chaude de part et d’autre: nous leur avons détruit 5 forts et brûlé leurs repaires; le représentant du peuple Laurent, les généraux et nos frères d’armes se sont montrés vigoureusement, de sorte que l’attaque a eu tout l’effet qu’on en attendait. «Rentrés dans la place, chacun s’est occupé du soin des blessés, à couper des bandes et faire de la charpie. Les femmes et les filles sont encore actuellement aux hôpitaux à les secourir. « Le représentant Laurent et les généraux sont venus auprès de nous, nous témoigner leur satisfaction du zèle et du républicalisme des citoyens de notre commune, dont ils allaient faire le rapport à la Convention; mais nous, représentants, il nous sera toujours glorieux que la république connaisse qu’elle peut se tranquilliser sur ce poste qui nous est confié, nous le lui jurons. «Et vous, fidèles représentants, restez à votre poste; nous vous le répétons, dans toutes les circonstances nous resterons fermes au nôtre. S. et F. [Mention honorable]. L’insertion au Bulletin est décrétée. [applaudissements] . 74 Le tableau de la situation, affiché dans la salle des séances de la convention, présente les résultats suivans pour le 29 prairial au soir : SÉANCE DU 3 MESSIDOR AN H (21 JUIN 1794) - Nos 72-74 83 72 [Le distr. de Mirecourt à la Conv.; s.d.] (1). « Citoyens-représentans, écrivent les administrateurs du district de Mirecourt, département des Vosges, nous nous réjouissons avec tous les amis de la liberté, de voir deux des plus chauds défenseurs des intérêts du peuple, deux de nos représentans, échappés au fer des assassins. L’instant où ce crime devoit être consommé, étoit précisément celui où vous consacriez par un décret les véritables maximes de la philosophie et les plus utiles au genre humain et à son bonheur. Les mangeurs d’hommes couronnés, dans leur rage insensée, ne voient-ils pas que leurs crimes affermissent encore davantage la liberté, en augmentant l’horreur qu’ils inspirent ? Etres vils et atroces, dont la création est une erreur de la nature, dont l’existence la couvre de crêpes lugubres et ensanglantés; qui vous abreuvez sans cesse du sang et des larmes de vos semblables, dont la conduite et les actions souillent chaque page de l’histoire des hommes, ne croyez pas que vos forfaits exécrables puissent nuire à la vertu protégée par la divinité qui vous a déjà jugés dans sa justice éternelle : vous et vos trônes, couverts des dépouilles des infortunés, allez bientôt disparoître du globe comme une vile poussière qu’un vent impétueux du midi disperse dans les abîmes. Le genre humain, alors débarassé de ses plus cruels ennemis, libre et jouissant des avantages d’une parfaite égalité, ne verra plus son bonheur troublé par le crime couronné et mitré. En attendant ce terme qui ne sera pas long, continuez, sages législateurs, à écraser sans distinction les conspirateurs, et laissez aux scélérats leurs poignards impuissans, que votre courage, votre énergie, l’amour et la confiance du peuple rendent bien peu redoutables; car nos cœurs et ceux de tous les républicains vous serviront d’égide.» 73 [La Comm. de Maubeuge à la Conv.; s.d.] (2). «Citoyens représentants, de tous temps nous nous sommes montrés les ennemis des rois, des tyrans, de tous les ennemis de notre sublime révolution. Par notre lettre du 5 de ce mois, nous vous avons promis de vous servir de rempart et de bouclier; nous vous avons dit que la plus belle fête pour nous serait de sacrifier notre sang pour le salut de la république. L’occasion s’est présentée 5 jours après; nous ayons tenu parole. (1) Bin, 3 mess.; J. Univ., n° 1673. C2) Mon., XXI, 27; Bin, 3 mess.; F.S.P., n° 352; Débats, n° 639; J. univ., n° 1673; J. -S. Culottes, n° 493; C. univ., n° 874; Audit, nat., n° 636; J. Lois, n°631; Rép., n°184; J. Sablier, n°1391; J. Fr., n° 635; Ann. RJ?., n° 203; J. Perïet, n» 638; MJJ., XLI, 55; Ann. patr., n° DXXXVII; C. Eg., n° 673; Mess. Soir, n° 672. «Maubeuge, du premier instant de la révolution, a levé la tête, brisé ses fers et signalé sans relâche son attachement à la constitution et à ses représentants; il s’est montré dans les affaires les plus périlleuses avec cette franchise délibérée du républicanisme. Décadi 10, les satellites des tyrans ont été attaqués sous ses murs sur 3 points différents par un feu nourri depuis 3 heures jusqu’à 11 heures du matin. La canonnade et la fusillade se faisaient entendre à l’envi; c’était à celle qui ferait plus de fracas. « Les citoyens animés du feu patriotique, pères, fils, enfants de 8 à 9 ans, se jettent dans le combat; les mères, les filles y volent, pour porter des secours à nos braves frères d’armes, blessés glorieusement pour la défense commune. Les enfants portaient les cartouches jusqu’aux avant-postes des tirailleurs; les hommes enlevaient les blessés sous le canon ennemi et dans leurs retranchements; les autres les remplissaient, malgré une grêle de boulets, obus et balles. Personne ne pensait à soi, mais tous au salut de la patrie. Les pères disputaient le pas à leurs fils : Fabien Delechaux, officier municipal, travaillant à la démolition d’un fort scé-lératisé, près la Maison-Rouge, poste avancé, eut la jambe cassée par un boulet. Ce brave républicain, âgé de 62 ans, s’écria : Vive la république! vive la Convention! Ce n’est rien ; travaillez, mes enfants, dit-il à ses concitoyens. «Jean-Joseph Bailly, Albert Claire et Hippo-lyte Sauvage furent blessés; les deux premiers sont morts de leurs glorieuses blessures; il y a lieu de croire que les 2 autres se rétabliront au moyen des secours qui leur sont donnés. «L’affaire fut chaude de part et d’autre: nous leur avons détruit 5 forts et brûlé leurs repaires; le représentant du peuple Laurent, les généraux et nos frères d’armes se sont montrés vigoureusement, de sorte que l’attaque a eu tout l’effet qu’on en attendait. «Rentrés dans la place, chacun s’est occupé du soin des blessés, à couper des bandes et faire de la charpie. Les femmes et les filles sont encore actuellement aux hôpitaux à les secourir. « Le représentant Laurent et les généraux sont venus auprès de nous, nous témoigner leur satisfaction du zèle et du républicalisme des citoyens de notre commune, dont ils allaient faire le rapport à la Convention; mais nous, représentants, il nous sera toujours glorieux que la république connaisse qu’elle peut se tranquilliser sur ce poste qui nous est confié, nous le lui jurons. «Et vous, fidèles représentants, restez à votre poste; nous vous le répétons, dans toutes les circonstances nous resterons fermes au nôtre. S. et F. [Mention honorable]. L’insertion au Bulletin est décrétée. [applaudissements] . 74 Le tableau de la situation, affiché dans la salle des séances de la convention, présente les résultats suivans pour le 29 prairial au soir : 84 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE total des fonds restans dans les diverses caisses de la trésorerie nationale, 700.181.243 liv.; masse réelle des assignats en circulation, 5.760.110.144 liv. (1) 75 [La Sté popul. d’Amiens au repr. Délecloy; Amiens, 29 prair. II] (2). «Frere et Ami, Nous te remettons cy joint 2 exemplaires du discours que le président a prononcé du haut de la montagne le 20 prairial, jour de la fete a l’Etre Suprême, avec 2 couplets chantés par le président dans le temple consacré a la divinité, dans la seance du décadi ou le rapport sublime de Robespierre a été lu. S. et F. ». Barbier Jenty (secret.). Renvoyé au comité d’instruction publique (3). [Discours prononcé par le présid. de la Sté popul., le 20 prair. II]. Qu’aperçois-je du haut de cette Montagne ! Quel spectacle enchanteur et sublime s’offre, dans cet instant, à mes regards surpris! Je puis m’exprimer à peine, tant mes sens sont vivement émus. Je vois flotter par-tout ces couleurs nationales, dont la vue réjouit l’homme libre, parce qu’elle est l’effroi des Tyrans. Les accens mille et mille fois répétés d’une joie pure et simple comme la nature, retentissent au loin dans les airs : l’écho les multiplie, et leur donne un charme nouveau. Le roulement des tambours, le son bruyant de l’airin, le font entendre par intervalles — Des chants harmonieux leur succèdent : ils frappent agréablement mon oreille attentive, et les accords d’une musique guerrière les accompagnent. La gaieté éclate dans tous les mouvemens : la sérénité brille sur tous les fronts : la fraternité est dans tous les cœurs : je la vois dans ces douces étreintes qui se renouvellent sans cesse : je la vois par ces embrassemens qui enlacent le frère avec le frère, dans l’épanchement naïf et vrai d’une ame affectueuse et sensible. Pour qui brûle cet encens dont la fumée odoriférante s’élève jusqu’aux cieux, en légers nuages ? A qui destinez-vous ces bouquets qui parent modestement votre sein, ces roses qui, dans vos mains, exhalent le plus suave des parfums, intéressantes mères de familles ? Pour qui sont les fleurs que la beauté naissante a amoncelées dans des corbeilles, les fleurs que ces jeunes filles font voler au gré des vents, avec les grâces de la candeur et de l’innocence, en élevant vers la voûte céleste leurs regards ingénus ? Pourquoi ce rassemblement immense de citoyens, de femmes, d’enfans, de vieillards ? A qui dois-je ces émotions délicieuses, ces (1) Ann. R.F., n° 204; Mess. Soir, n° 672; J. Lois, n° 632. (2) F17 A1010D, pl. 1, p. 3604. Discours imprimé à Amiens, par Caron-Berquier, impr. des Autorités cônstituëes du départ* de la Somme. (3) Mention marginale datée du 3 mess, et signée Bordas. jouissances inexprimables qui pénètrent mon âme attendrie ? Ah ! je le sens aux transports qui m’animent, et que fit naître en moi cette réunion majestueuse et touchante d’amis, de frères, de républicains; c’est à DIEU, c’est au créateur du monde, c’est à la Nature, que le Peuple Français rend aujourd’hui un hommage universel. Viens voir cette fête, ô athée contre-révolutionnaire, partisan insensé du matérialisme : et garde-toi bien de penser, dans ton délire persévérant, que la Nation, qui, sur tous les points de la République, adresse à Dieu ses vœux ardents, dans ce jour-auguste et solemnel, prétende apposer, par-là, une sanction nécessaire au Décret qui proclame que le Peuple Français reconnoît l’Etre Suprême et l’Immortalité de l’Ame. Non, non ! Cette sanction sainte est innée dans le cœur de chaque individu. Elle est gravée, en caractères indélébiles, sur tous les objets dont l’homme est environné. Quel est le mortel incrédule qui oseroit élever un doute ? Ne lui suffit-il pas d’admirer les merveilles de la Nature, de lever les yeux vers cet astre respendissant dont la lumière éclaire ce vaste univers, vers ce beau Soleil dont les rayons vivifians fertilisent la terre ? Ne lui suffit-il pas de se demander à lui-même à qui il doit la construction physique de son être, et le principe inconnu qui lui donne la vie et le mouvement, pour rester intimement convaincu que Dieu existe ? Périsse le sophiste-effronté, dont les argu-mens impies tendent à propager une doctrine erronnée, éversive de toute morale et de toute justice ! Périssent à jamais, périssent l’odieux système de l’athéisme révoltant, qui vouloit anéantir toute idée de l’existence de la divinité, et présenter à l’homme de bien, au lieu de la consolante certitude que son ame est immortelle, l’affreuse perspective du néant; afin de nécessiter, par la corruption par l’immoralité, par les crimes, la destruction du Gouvernement Démocratique, qui n’a, pour base, que les vertus du Peuple ! Oui, l’Ame est immortelle. Malheur à celui qui en doute, ou qui le nie ! Il n’est qu’un homme sans mœurs, abruti par ses vices : il n’est qu’un scélérat, écrasé du poids de ses forfaits; qui puisse avoir le néant pour espoir. Ce n’est plus par des chants monotones ou inintelligibles; par des cérémonies superstitieuses; par des processions, fastueuses et symétriquement ordonnées, dans lesquelles le Prêtre, dominateur par caractère, et imposteur par état, avoit moins pour but d’honorer la Divinité qu’il avoit travestie à sa manière, que d’étaler le despotisme sacerdotal que son orgueil se plai-soit à exercer sur un peuple crédule et trompé; que l’Auteur de la Nature peut recevoir un culte digne de lui : c’est par un concours de citoyens, de tout âge et de tout sexe, qui célèbrent, dans leur langue naturelle, et avec l’expression de l’allégresse et de la reconnoissance, la puissance et la bonté du Dieu qui leur donna la vie : c’est par la réunion paisiblement tumultueuse, et, par cela même, plus fraternelle et plus touchante, d’hommes sensibles et bienfaisans, qui voient dans leur semblable un frère et un ami; qui se donnent réciproquement et avec cette franchise qui part du cœur, des témoignages d’estime, de concorde 84 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE total des fonds restans dans les diverses caisses de la trésorerie nationale, 700.181.243 liv.; masse réelle des assignats en circulation, 5.760.110.144 liv. (1) 75 [La Sté popul. d’Amiens au repr. Délecloy; Amiens, 29 prair. II] (2). «Frere et Ami, Nous te remettons cy joint 2 exemplaires du discours que le président a prononcé du haut de la montagne le 20 prairial, jour de la fete a l’Etre Suprême, avec 2 couplets chantés par le président dans le temple consacré a la divinité, dans la seance du décadi ou le rapport sublime de Robespierre a été lu. S. et F. ». Barbier Jenty (secret.). Renvoyé au comité d’instruction publique (3). [Discours prononcé par le présid. de la Sté popul., le 20 prair. II]. Qu’aperçois-je du haut de cette Montagne ! Quel spectacle enchanteur et sublime s’offre, dans cet instant, à mes regards surpris! Je puis m’exprimer à peine, tant mes sens sont vivement émus. Je vois flotter par-tout ces couleurs nationales, dont la vue réjouit l’homme libre, parce qu’elle est l’effroi des Tyrans. Les accens mille et mille fois répétés d’une joie pure et simple comme la nature, retentissent au loin dans les airs : l’écho les multiplie, et leur donne un charme nouveau. Le roulement des tambours, le son bruyant de l’airin, le font entendre par intervalles — Des chants harmonieux leur succèdent : ils frappent agréablement mon oreille attentive, et les accords d’une musique guerrière les accompagnent. La gaieté éclate dans tous les mouvemens : la sérénité brille sur tous les fronts : la fraternité est dans tous les cœurs : je la vois dans ces douces étreintes qui se renouvellent sans cesse : je la vois par ces embrassemens qui enlacent le frère avec le frère, dans l’épanchement naïf et vrai d’une ame affectueuse et sensible. Pour qui brûle cet encens dont la fumée odoriférante s’élève jusqu’aux cieux, en légers nuages ? A qui destinez-vous ces bouquets qui parent modestement votre sein, ces roses qui, dans vos mains, exhalent le plus suave des parfums, intéressantes mères de familles ? Pour qui sont les fleurs que la beauté naissante a amoncelées dans des corbeilles, les fleurs que ces jeunes filles font voler au gré des vents, avec les grâces de la candeur et de l’innocence, en élevant vers la voûte céleste leurs regards ingénus ? Pourquoi ce rassemblement immense de citoyens, de femmes, d’enfans, de vieillards ? A qui dois-je ces émotions délicieuses, ces (1) Ann. R.F., n° 204; Mess. Soir, n° 672; J. Lois, n° 632. (2) F17 A1010D, pl. 1, p. 3604. Discours imprimé à Amiens, par Caron-Berquier, impr. des Autorités cônstituëes du départ* de la Somme. (3) Mention marginale datée du 3 mess, et signée Bordas. jouissances inexprimables qui pénètrent mon âme attendrie ? Ah ! je le sens aux transports qui m’animent, et que fit naître en moi cette réunion majestueuse et touchante d’amis, de frères, de républicains; c’est à DIEU, c’est au créateur du monde, c’est à la Nature, que le Peuple Français rend aujourd’hui un hommage universel. Viens voir cette fête, ô athée contre-révolutionnaire, partisan insensé du matérialisme : et garde-toi bien de penser, dans ton délire persévérant, que la Nation, qui, sur tous les points de la République, adresse à Dieu ses vœux ardents, dans ce jour-auguste et solemnel, prétende apposer, par-là, une sanction nécessaire au Décret qui proclame que le Peuple Français reconnoît l’Etre Suprême et l’Immortalité de l’Ame. Non, non ! Cette sanction sainte est innée dans le cœur de chaque individu. Elle est gravée, en caractères indélébiles, sur tous les objets dont l’homme est environné. Quel est le mortel incrédule qui oseroit élever un doute ? Ne lui suffit-il pas d’admirer les merveilles de la Nature, de lever les yeux vers cet astre respendissant dont la lumière éclaire ce vaste univers, vers ce beau Soleil dont les rayons vivifians fertilisent la terre ? Ne lui suffit-il pas de se demander à lui-même à qui il doit la construction physique de son être, et le principe inconnu qui lui donne la vie et le mouvement, pour rester intimement convaincu que Dieu existe ? Périsse le sophiste-effronté, dont les argu-mens impies tendent à propager une doctrine erronnée, éversive de toute morale et de toute justice ! Périssent à jamais, périssent l’odieux système de l’athéisme révoltant, qui vouloit anéantir toute idée de l’existence de la divinité, et présenter à l’homme de bien, au lieu de la consolante certitude que son ame est immortelle, l’affreuse perspective du néant; afin de nécessiter, par la corruption par l’immoralité, par les crimes, la destruction du Gouvernement Démocratique, qui n’a, pour base, que les vertus du Peuple ! Oui, l’Ame est immortelle. Malheur à celui qui en doute, ou qui le nie ! Il n’est qu’un homme sans mœurs, abruti par ses vices : il n’est qu’un scélérat, écrasé du poids de ses forfaits; qui puisse avoir le néant pour espoir. Ce n’est plus par des chants monotones ou inintelligibles; par des cérémonies superstitieuses; par des processions, fastueuses et symétriquement ordonnées, dans lesquelles le Prêtre, dominateur par caractère, et imposteur par état, avoit moins pour but d’honorer la Divinité qu’il avoit travestie à sa manière, que d’étaler le despotisme sacerdotal que son orgueil se plai-soit à exercer sur un peuple crédule et trompé; que l’Auteur de la Nature peut recevoir un culte digne de lui : c’est par un concours de citoyens, de tout âge et de tout sexe, qui célèbrent, dans leur langue naturelle, et avec l’expression de l’allégresse et de la reconnoissance, la puissance et la bonté du Dieu qui leur donna la vie : c’est par la réunion paisiblement tumultueuse, et, par cela même, plus fraternelle et plus touchante, d’hommes sensibles et bienfaisans, qui voient dans leur semblable un frère et un ami; qui se donnent réciproquement et avec cette franchise qui part du cœur, des témoignages d’estime, de concorde