SÉANCE DU 29 FLORÉAL AN II (18 MAI 1794) - Nos 8 ET 9 435 Gardez le poste qui vous est confié jusqu’à ce que les tyrans soient exterminés. Vive la République, vivent les représentants du peuple français. Vidalot (maire), Galy (agent nat.), Amiel, Vidalot, Vidalot, Vidalot. 8 Un autre membre fait lecture d’une adresse des habitans de la commune de Tauriac, département du Bec-d’Ambès, qui annonce le plus parfait dévouement à la chose publique. Ces habitans agriculteurs, au nombre de 240 seulement, ont déposé à leur maison commune, pour leurs frères qui défendent la République, 120 chemises de toile de leur crû, 5 paires de bas, 12 mouchoirs, 2 bonnets de coton, 25 liv. de charpie, plusieurs bandes à compresses, 2 fusils de calibre, 3 paires de pistolets d’arçon, un cheval estimé 700 liv., et 50 liv. en assignats. Ces braves habitans de la campagne disent qu’un d’entre eux, chirurgien, a pris sous sa bienveillance la mère d’un défenseur de la patrie, infortunée et d’un grand âge, pour lui administrer tous les secours que l’humanité peut prodiguer dans un pays de républicains. La Convention décrète la mention honorable et l’insertion au bulletin de cette généreuse commune (1). [Tauriac, 2 flor. II] (2). «La commune de Tauriac, district de Bourg, département du Bec-d’Ambez croyait avoir laissé dans l’oubli le plus profond le trait d’héroisme et de patriotisme de leurs concitoyens. Mais cédant aux invitations qui sont faites par les Sociétés populaires de ne laisser rien ignorer à la sainte Montagne, s’empressent, Citoyens, de vous faire part de ce qui s’est passé dans sa commune. Le citoyen Bellaumeau, officier de santé, n’ayant aucun bien connu, s’empressa d’exciter un jeune homme à voler au secours de la patrie lors de l’enrôlement volontaire, qui seul cultivait un petit bien appartenant à l’épouse dudit officier de santé; il partit soudain et laissa sa mère âgée de 70 ans sans secours ni moyens d’existence. Elle conçut un tel chagrin en l’absence de ce fils unique, seul espoir qu’elle avait en ce monde, qu’elle en tomba malade. Cet officier de santé lui prodigua non seulement les secours que son état lui permettait mais encore tous ceux que la nature réclame en pareille matière. Il lui a prodigué bouillon, viande, pain, vin. Il a plus fait, il faut le dire; étant devenue tout-à-fait infirme et faisant tout sous elle, il a pris soin de la nettoyer 2 fois par jour, de fournir son linge pour l’entretenir propre. Enfin elle a succombé aux maux qui la dévoraient; il lui a rendu les derniers services que l’amour de la patrie exige. Tels sont, Citoyens représentants, les traits d’humanité du citoyen Bellomeau qui n’a jamais démenti le serment qu’il a fait d’exécuter les lois et d’être utile à ses concitoyens. (1) P.V., XXXVII, 285; Bin, 2 prair. (suppl‘); Audit, nat., n° 608. (2) C 302, pl. 1089, p. 18. Cet exemple n’a pas laissé que de produire un bon effet dans cette commune qui n’est composée que de 240 foyers occupés par des citoyens agriculteurs, qui, ayant su par un décret que nos défenseurs manquaient de linge, se sont empressés de porter sur le bureau municipal 120 chemises de bonne toile de ménage, 5 paires de bas neufs, 12 mouchoirs de poche, 2 bonnets de coton blanc, 20 livres de charpie, plusieurs grandes bandes et compresses, 2 fusils de calibre et 50 livres en assignats, 3 paires de pistolets d’arçon, un cheval estimé 700 liv., donné par le citoyen Balode (ci-devant) qui a eu le malheur de naître ainsi sans jamais en avoir suivi les principes et exemples. Tels sont les citoyens de la commune de Tauriac qui ne démentiront pas le serment qu’ils ont fait de vivre libres ou mourir ». Cathelineau (off. mun.), Chapeau (notable), Audoin, Rulleau, Gombaud, Bardin, Bara-teau, Rousseau [et 2 signatures illisibles]. 9 Un secrétaire donne lecture d’une lettre écrite par la Société populaire du Havre-Marat (1) à la Convention nationale, pour lui annoncer plusieurs traits de bravoure et d’humanité dont le républicanisme seul peut s’honorer. Les faits sont sortis du courage de plusieurs ouvriers de la marine, qui ont sauvé la vie à dix personnes qui alloient être engloutis dans les eaux, en sortant d’une frégate pour aller au port : les noms de ces citoyens ouvriers sont Cottin fils, Cambrière, Désenips, Morel et Val-marin. La Convention nationale décrète la mention honorable de cette action généreuse, et renvoie la lettre au Comité d’instruction publique (2). [Le Havre-Marat, 22 flor. II] (3). « Citoyens représentans, Tous les traits qui honorent l’humanité et qui caractérisent la générosité d’âme doivent être mis en évidence dans une République qui veut que les mœurs de ses habitans soient régénérées. Il est doux pour les enfans d’une grande famille d’apprendre qu’un de leurs frères s’est signalé par quelque vertu civique. L’envie du bien et l’abandon de soi-même pour le bien général ne peuvent se perpétuer que par de bons exemples. C’est d’après ces principes que la Société populaire et républicaine du Havre-Marat s’empresse de vous transmettre ce qui s’est passé sous ses yeux le 12 floréal; ces faits en couvrant de gloire les individus qui en sont les auteurs ne manqueront pas de trouver des imitateurs partout où il y aura des âmes sensibles et généreuses. Le 12 floréal, jour du départ de la frégate « La Seine », le pont qui sert de communication (1) Seine-Inférieure. (2) P.V., XXXVII, 286; Bin, 29 flor.; Rép., n° 151; Mess, soir, n° 639; Mon., XX, 510; J. Lois, n° 598; Audit, nat., n° 604; J. Mont., n° 23; J. Paris, n° 505; Batave, n° 458; J. Perlet, n° 604; J. Sablier, n° 1326; J. Fr., n° 602; M.U., XL, 13; Rép., n° 151; J. XJniv., n° 1639. (3) F17 1022, doss. 16. SÉANCE DU 29 FLORÉAL AN II (18 MAI 1794) - Nos 8 ET 9 435 Gardez le poste qui vous est confié jusqu’à ce que les tyrans soient exterminés. Vive la République, vivent les représentants du peuple français. Vidalot (maire), Galy (agent nat.), Amiel, Vidalot, Vidalot, Vidalot. 8 Un autre membre fait lecture d’une adresse des habitans de la commune de Tauriac, département du Bec-d’Ambès, qui annonce le plus parfait dévouement à la chose publique. Ces habitans agriculteurs, au nombre de 240 seulement, ont déposé à leur maison commune, pour leurs frères qui défendent la République, 120 chemises de toile de leur crû, 5 paires de bas, 12 mouchoirs, 2 bonnets de coton, 25 liv. de charpie, plusieurs bandes à compresses, 2 fusils de calibre, 3 paires de pistolets d’arçon, un cheval estimé 700 liv., et 50 liv. en assignats. Ces braves habitans de la campagne disent qu’un d’entre eux, chirurgien, a pris sous sa bienveillance la mère d’un défenseur de la patrie, infortunée et d’un grand âge, pour lui administrer tous les secours que l’humanité peut prodiguer dans un pays de républicains. La Convention décrète la mention honorable et l’insertion au bulletin de cette généreuse commune (1). [Tauriac, 2 flor. II] (2). «La commune de Tauriac, district de Bourg, département du Bec-d’Ambez croyait avoir laissé dans l’oubli le plus profond le trait d’héroisme et de patriotisme de leurs concitoyens. Mais cédant aux invitations qui sont faites par les Sociétés populaires de ne laisser rien ignorer à la sainte Montagne, s’empressent, Citoyens, de vous faire part de ce qui s’est passé dans sa commune. Le citoyen Bellaumeau, officier de santé, n’ayant aucun bien connu, s’empressa d’exciter un jeune homme à voler au secours de la patrie lors de l’enrôlement volontaire, qui seul cultivait un petit bien appartenant à l’épouse dudit officier de santé; il partit soudain et laissa sa mère âgée de 70 ans sans secours ni moyens d’existence. Elle conçut un tel chagrin en l’absence de ce fils unique, seul espoir qu’elle avait en ce monde, qu’elle en tomba malade. Cet officier de santé lui prodigua non seulement les secours que son état lui permettait mais encore tous ceux que la nature réclame en pareille matière. Il lui a prodigué bouillon, viande, pain, vin. Il a plus fait, il faut le dire; étant devenue tout-à-fait infirme et faisant tout sous elle, il a pris soin de la nettoyer 2 fois par jour, de fournir son linge pour l’entretenir propre. Enfin elle a succombé aux maux qui la dévoraient; il lui a rendu les derniers services que l’amour de la patrie exige. Tels sont, Citoyens représentants, les traits d’humanité du citoyen Bellomeau qui n’a jamais démenti le serment qu’il a fait d’exécuter les lois et d’être utile à ses concitoyens. (1) P.V., XXXVII, 285; Bin, 2 prair. (suppl‘); Audit, nat., n° 608. (2) C 302, pl. 1089, p. 18. Cet exemple n’a pas laissé que de produire un bon effet dans cette commune qui n’est composée que de 240 foyers occupés par des citoyens agriculteurs, qui, ayant su par un décret que nos défenseurs manquaient de linge, se sont empressés de porter sur le bureau municipal 120 chemises de bonne toile de ménage, 5 paires de bas neufs, 12 mouchoirs de poche, 2 bonnets de coton blanc, 20 livres de charpie, plusieurs grandes bandes et compresses, 2 fusils de calibre et 50 livres en assignats, 3 paires de pistolets d’arçon, un cheval estimé 700 liv., donné par le citoyen Balode (ci-devant) qui a eu le malheur de naître ainsi sans jamais en avoir suivi les principes et exemples. Tels sont les citoyens de la commune de Tauriac qui ne démentiront pas le serment qu’ils ont fait de vivre libres ou mourir ». Cathelineau (off. mun.), Chapeau (notable), Audoin, Rulleau, Gombaud, Bardin, Bara-teau, Rousseau [et 2 signatures illisibles]. 9 Un secrétaire donne lecture d’une lettre écrite par la Société populaire du Havre-Marat (1) à la Convention nationale, pour lui annoncer plusieurs traits de bravoure et d’humanité dont le républicanisme seul peut s’honorer. Les faits sont sortis du courage de plusieurs ouvriers de la marine, qui ont sauvé la vie à dix personnes qui alloient être engloutis dans les eaux, en sortant d’une frégate pour aller au port : les noms de ces citoyens ouvriers sont Cottin fils, Cambrière, Désenips, Morel et Val-marin. La Convention nationale décrète la mention honorable de cette action généreuse, et renvoie la lettre au Comité d’instruction publique (2). [Le Havre-Marat, 22 flor. II] (3). « Citoyens représentans, Tous les traits qui honorent l’humanité et qui caractérisent la générosité d’âme doivent être mis en évidence dans une République qui veut que les mœurs de ses habitans soient régénérées. Il est doux pour les enfans d’une grande famille d’apprendre qu’un de leurs frères s’est signalé par quelque vertu civique. L’envie du bien et l’abandon de soi-même pour le bien général ne peuvent se perpétuer que par de bons exemples. C’est d’après ces principes que la Société populaire et républicaine du Havre-Marat s’empresse de vous transmettre ce qui s’est passé sous ses yeux le 12 floréal; ces faits en couvrant de gloire les individus qui en sont les auteurs ne manqueront pas de trouver des imitateurs partout où il y aura des âmes sensibles et généreuses. Le 12 floréal, jour du départ de la frégate « La Seine », le pont qui sert de communication (1) Seine-Inférieure. (2) P.V., XXXVII, 286; Bin, 29 flor.; Rép., n° 151; Mess, soir, n° 639; Mon., XX, 510; J. Lois, n° 598; Audit, nat., n° 604; J. Mont., n° 23; J. Paris, n° 505; Batave, n° 458; J. Perlet, n° 604; J. Sablier, n° 1326; J. Fr., n° 602; M.U., XL, 13; Rép., n° 151; J. XJniv., n° 1639. (3) F17 1022, doss. 16. 436 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE des deux quartiers de la commune, étant ouvert pour la sortie de la frégate, plusieurs personnes dont les affaires les appelaient du côté, de la rive opposée, s’embarquèrent dans différentes chaloupes pour traverser le canal qui fournit l’eau au bassin du port. Une de ces chaloupes chargée d’environ quatorze ou quinze personnes, eut le malheur de chavirer sur le champ; plusieurs marins accoururent avec des chaloupes pour secourir les quinze personnes tombées à l’eau; au nombre de ces braves citoyens se trouva le citoyen Colin fils, pilote lamaneur, Joseph Cambrière, tourneur de pont, affligé d’une jambe de bois, Desenips, cabaretier, Morel, épicier, Val, marin travaillant à la garniture de la marine, qui parvinrent à retirer neuf ou dix personnes qui allaient être englouties. Dans ce même instant arrive le citoyen Bade-nier, vitrier, membre du Comité de surveillance et de la Société populaire; ce citoyen ne voyant que le danger de ces malheureux qui se débattent et font leurs derniers efforts pour se soustraire à une mort qu’ils croient inévitable, oubliant le danger auquel s’expose un homme habillé, s’élance dans le canal avec un courage inexprimable; partout où il voit bouillonner cet élément terrible, il s’y transporte et parvient à arracher des bras de la mort cinq ou six personnes qui peu de minutes encore auraient été infailliblement englouties; Badenier reste encore dans ces eaux, incertain d’avoir tout sauvé, et n’en sort qu’après être assuré par les spectateurs qu’il a parfaitement réussi; alors, content de lui-même, il n’est en peine que des secours à apporter à ceux à qui il a rendu la vie. Tel est, Citoyens représentans, le tableau fidèle de cet acte humain et civique d’un de nos frères. La Société l’a consigné dans ses registres et nous a chargés de vous le faire connaître; elle nous charge en outre de vous représenter que le 2 germinal, une citoyenne de cette commune étant malheureusement tombée dans ce même canal, elle en a été retirée par le citoyen Delamare, tourneur de pont, Fréchon, lieutenant de bord et Girault, employé à la manufacture de tabac. Puisent ces exemples éveiller dans toutes les âmes les sentimens d’humanité qu’ils inspirent et contribuer à propager l’esprit de bienfaisance si nécessaire au peuple de frères. Vive la République, vive la Montagne ». Alexandre, Donovan, Dusaux, Deval, Le Tellien, Denier. ( Applaudissements ) . 10 Le même donne lecture d’une autre lettre écrite à la Convention, en forme d’adresse et de pétition, par la commune de Saint-Paul, district de Perpignan (1). Cette commune félicite la Convention sur la punition de ceux qui for-geoient des fers au peuple, et demande une loi sur le défrichement de différentes terres plantées en vignes. La Convention passe à l’ordre du jour sur la pétition, et décrète la mention honorable des expressions relatives aux conspirations (2). (1) Pyrénées-Orientales. (2) P.V., XXXVII, 286; B,n, 29 flor. [ Saint-Paul , 18 germ. II] (1). « Citoyens représentans, Il nous est impossible de vous exprimer quelle a été notre indignation quand, de l’extrémité de la République, nous avons appris que de nouveaux Catilinas voulaient nous redonner des fers. Vengeance, vengeance, Législateurs, l’écho de nos montagnes le répète après nous. Eh quoi ! vous souffririez que de pareils attentats à la souveraineté du peuple restassent oubliés ! Non, sans doute. Ceux-ci ne seront pas plus épargnés que les Brissotins; il nous suffit de savoir que leur conspiration est découverte pour être bien convaincus que leur perfidie ne restera pas impunie. Que de soins et de fatigues ne vous faut-il pas donner pour parvenir à nous donner cette liberté que vous ne craignez pas, au milieu de tant d’orages, d’arracher des mains des traîtres qui voudraient nous la ravir. Continuez, hommes chéris du peuple, et ne cherchez à rentrer dans vos foyers pour vous délasser, qu’après que vous aurez parfait l’ouvrage que vous avez si bien ébauché, pour lequel, Législateurs, grâces vous soient à jamais rendues. Pour ne pas vous déranger une seconde fois de vos pénibles travaux, et étant bien assurés du désir que vous avez de faire le bonheur des français, nous profitons de ce moment pour mettre sous vos yeux un abus très préjudiciable qui prive l’homme indigent et même l’artisan aisé de pouvoir manger du pain. Cela provient que grand nombre de propriétaires peu apitoyés sur le sort de ceux là même qui travaillent leurs terres et par conséquent de ceux qui font venir toutes les subsistances, sont assez cupides pour complanter en vignes toutes leurs terres propres à produire du froment pour y faire plus de profit, sous prétexte que la loi leur permet de cultiver leurs terres à leur gré, sans se mettre en peine s’ils nuisent à autrui. Par cet abus nous sommes privés non seulement de l’abondance du bled ce qui cause que beaucoup de familles après avoir employé la journée pour travailler les vignes de ces avares propriétaires, sont réduits le plus souvent à se coucher sans souper faute de trouver du pain, mais encore cela nous prive de beaucoup de toutes les autres qualités de grains, légumes et fourrages qui nous donneraient la faculté de pouvoir nourrir toutes sortes de bestiaux propres à alimenter l’homme; de même à l’habiller par le moyen de la laine que nous aurions de plus. Autre avantage non moins considérable, c’est qu’un seul homme avec une paire de bœufs travaillerait plus de terrain en champ que n’en peuvent travailler douze hommes à un terrain complanté en vignes. Un décret qui ferait remettre en champs toutes les plus excellentes terres qui sont com-plantées en vignes dans toute la République, propres à donner du froment, nous amènerait l’abondance; par ce moyen les hommes qui sont occupés à travailler les vignes de la plaine, travailleraient à faire valoir en vignes les terres de médiocre valeur actuellement vacantes, et alors nous aurions beaucoup plus de terrain en cul-(1) C 302, pl. 1098, p. 25. 436 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE des deux quartiers de la commune, étant ouvert pour la sortie de la frégate, plusieurs personnes dont les affaires les appelaient du côté, de la rive opposée, s’embarquèrent dans différentes chaloupes pour traverser le canal qui fournit l’eau au bassin du port. Une de ces chaloupes chargée d’environ quatorze ou quinze personnes, eut le malheur de chavirer sur le champ; plusieurs marins accoururent avec des chaloupes pour secourir les quinze personnes tombées à l’eau; au nombre de ces braves citoyens se trouva le citoyen Colin fils, pilote lamaneur, Joseph Cambrière, tourneur de pont, affligé d’une jambe de bois, Desenips, cabaretier, Morel, épicier, Val, marin travaillant à la garniture de la marine, qui parvinrent à retirer neuf ou dix personnes qui allaient être englouties. Dans ce même instant arrive le citoyen Bade-nier, vitrier, membre du Comité de surveillance et de la Société populaire; ce citoyen ne voyant que le danger de ces malheureux qui se débattent et font leurs derniers efforts pour se soustraire à une mort qu’ils croient inévitable, oubliant le danger auquel s’expose un homme habillé, s’élance dans le canal avec un courage inexprimable; partout où il voit bouillonner cet élément terrible, il s’y transporte et parvient à arracher des bras de la mort cinq ou six personnes qui peu de minutes encore auraient été infailliblement englouties; Badenier reste encore dans ces eaux, incertain d’avoir tout sauvé, et n’en sort qu’après être assuré par les spectateurs qu’il a parfaitement réussi; alors, content de lui-même, il n’est en peine que des secours à apporter à ceux à qui il a rendu la vie. Tel est, Citoyens représentans, le tableau fidèle de cet acte humain et civique d’un de nos frères. La Société l’a consigné dans ses registres et nous a chargés de vous le faire connaître; elle nous charge en outre de vous représenter que le 2 germinal, une citoyenne de cette commune étant malheureusement tombée dans ce même canal, elle en a été retirée par le citoyen Delamare, tourneur de pont, Fréchon, lieutenant de bord et Girault, employé à la manufacture de tabac. Puisent ces exemples éveiller dans toutes les âmes les sentimens d’humanité qu’ils inspirent et contribuer à propager l’esprit de bienfaisance si nécessaire au peuple de frères. Vive la République, vive la Montagne ». Alexandre, Donovan, Dusaux, Deval, Le Tellien, Denier. ( Applaudissements ) . 10 Le même donne lecture d’une autre lettre écrite à la Convention, en forme d’adresse et de pétition, par la commune de Saint-Paul, district de Perpignan (1). Cette commune félicite la Convention sur la punition de ceux qui for-geoient des fers au peuple, et demande une loi sur le défrichement de différentes terres plantées en vignes. La Convention passe à l’ordre du jour sur la pétition, et décrète la mention honorable des expressions relatives aux conspirations (2). (1) Pyrénées-Orientales. (2) P.V., XXXVII, 286; B,n, 29 flor. [ Saint-Paul , 18 germ. II] (1). « Citoyens représentans, Il nous est impossible de vous exprimer quelle a été notre indignation quand, de l’extrémité de la République, nous avons appris que de nouveaux Catilinas voulaient nous redonner des fers. Vengeance, vengeance, Législateurs, l’écho de nos montagnes le répète après nous. Eh quoi ! vous souffririez que de pareils attentats à la souveraineté du peuple restassent oubliés ! Non, sans doute. Ceux-ci ne seront pas plus épargnés que les Brissotins; il nous suffit de savoir que leur conspiration est découverte pour être bien convaincus que leur perfidie ne restera pas impunie. Que de soins et de fatigues ne vous faut-il pas donner pour parvenir à nous donner cette liberté que vous ne craignez pas, au milieu de tant d’orages, d’arracher des mains des traîtres qui voudraient nous la ravir. Continuez, hommes chéris du peuple, et ne cherchez à rentrer dans vos foyers pour vous délasser, qu’après que vous aurez parfait l’ouvrage que vous avez si bien ébauché, pour lequel, Législateurs, grâces vous soient à jamais rendues. Pour ne pas vous déranger une seconde fois de vos pénibles travaux, et étant bien assurés du désir que vous avez de faire le bonheur des français, nous profitons de ce moment pour mettre sous vos yeux un abus très préjudiciable qui prive l’homme indigent et même l’artisan aisé de pouvoir manger du pain. Cela provient que grand nombre de propriétaires peu apitoyés sur le sort de ceux là même qui travaillent leurs terres et par conséquent de ceux qui font venir toutes les subsistances, sont assez cupides pour complanter en vignes toutes leurs terres propres à produire du froment pour y faire plus de profit, sous prétexte que la loi leur permet de cultiver leurs terres à leur gré, sans se mettre en peine s’ils nuisent à autrui. Par cet abus nous sommes privés non seulement de l’abondance du bled ce qui cause que beaucoup de familles après avoir employé la journée pour travailler les vignes de ces avares propriétaires, sont réduits le plus souvent à se coucher sans souper faute de trouver du pain, mais encore cela nous prive de beaucoup de toutes les autres qualités de grains, légumes et fourrages qui nous donneraient la faculté de pouvoir nourrir toutes sortes de bestiaux propres à alimenter l’homme; de même à l’habiller par le moyen de la laine que nous aurions de plus. Autre avantage non moins considérable, c’est qu’un seul homme avec une paire de bœufs travaillerait plus de terrain en champ que n’en peuvent travailler douze hommes à un terrain complanté en vignes. Un décret qui ferait remettre en champs toutes les plus excellentes terres qui sont com-plantées en vignes dans toute la République, propres à donner du froment, nous amènerait l’abondance; par ce moyen les hommes qui sont occupés à travailler les vignes de la plaine, travailleraient à faire valoir en vignes les terres de médiocre valeur actuellement vacantes, et alors nous aurions beaucoup plus de terrain en cul-(1) C 302, pl. 1098, p. 25.