[6 octobre 1790.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ils ont prononcé le serment fédératif du Cliarnp-de-Mars. Les habitants de Longeville ont fait le don patriotique de la somme de 799 liv. 3 sols, dont 778 livres proviennent des impositions des six derniers mois de 1789 sur les ci-devant privilégiés. Adresse de M. de Chamborand, commandant depuis treize années le régiment des hussards, qui porte son nom, par laquelle il fait part à l’Assemblée de la lettre qu’il a envoyée à son régiment, à l’effet de déposer dans son sein les sentiments de respect et de dévouement dont il est pénétré pour l’Assemblée nationale. Adresse de la société des vrais amis de la Révolution de 1789, de la ville de Saint-Geniez : elle fait une pétition d’armes, et porte plainte contre les ofliciers municipaux. Adresses des administrateurs du district de Pon-trieux, du district de Saint-Paul du Var, du district de Sauveterre, du district de Doulens, du district de Gaillacet du district de Cret, qui consacrent les premiers moments de leur réunion à présenter à l’Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement. Les administrateurs du district de Pontrieux sollicitent la surveillance de l’Assemblée contre les accaparements de grains. Adresse des gardes nationales du district de Villefort, département de la Lozère, contenant le procès-verbal de leur fédération au camp de Belle-Coste, lors de la cérémonie du 14 juillet. Ad resse des ofliciers municipaux de Sain t-Amand en Puisaie, qui remercient l’Assemblée d’avoir placé dans la ville de Gosne le tribunal du district. Adresse des gardes nationales de Grépy en Valois et de Quimperlé, qui annoncent qu’elles ont fait célébrer un service solennel pour le repos de l’âme de leurs braves frères d’armes tués dans la fatale journée du 31 août à Nancy. Adresse et délibération, tant de la municipalité que des ofliciers de la garde nationale de Lisieux. par laquelle ils annoncent que depuis les nouvelles de l’armement d’une flotte de 45 vaisseaux de ligne, les ennemis de la Constitution, imbus de l’espoir qu’elle sera anéantie par une guerre étrangère, semblent en triompher. Ils invitent les bons Français à une coalition, et protestent qu’ils sont disposés à verser jusqu’à la dernière goutte de leur sang pour faire maintenir les lois. M. Bouche, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance du mardi soir 5 du courant* Ce procès-verbal est adopté. M. Voidel présente, au nom du comité des recherches, un rapport sur des dégâts faits au canal du Languedoc, et propose un projet de décret qui est adopté en ces termes : « L'Aèsemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des recherches sur les événements passés dans le département de l’Aude, les 25, 26 et 27 septembre dernier, ajoutant aux dispositions de ses précédents décrets sur la libre circulation intérieure des grains, et notamment à celui du 3 de ce mois, décrète : 1° Que les tribunaux de Carcassonne, Béziers, Toulouse et Gastelnaudary sont provisoirement autorisés à juger en dernier ressort, et au nombre de sept juges, soit sur lés procédures qu'ils pourront commencer, soit sur les derniers errements de celles qui auraient été faites devant les premiers juges, les auteurs, instigateurs et complices des 487 séditions et attroupements déjà formés, ou qui pourraient l’être, pour empêcher la libre circulation intérieure des grains, de tous autres délits et attentats contre l’ordre public, et à prononcer et faire exécuter contre les coupables les peines exprimées dans le décret du 21 octobre 1789. « 2° Que l’indemnité des dégâts et dommages sera prise d’abord sur les biens des coupables, et subsidiairement supportée par les communes qui ne les auraient pas empêchés lorsqu’elles l’auraient pu, et qu’elles en auraient été requises par les officiers municipaux, qui sont responsables de leur négligence à cet égard. « L’Assemblée se réserve de décréter, dans ce dernier cas, le mode d’indemnité à accorder à ceux qui, par l’effet de la violence, auront éprouvé des pertes dans leurs possessions ». M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les biens nationaux à vendre ou à conserver et sur leur administration en général . M. Chasset, rapporteur, propose l’article 15 en ces termes : Art. 15. « Il en sera de même desdits établissements qui étaient administrés par des bénéficiers ou des officiers supprimés, sans le concours des officiers municipaux, ou d’autres citoyens élus ou appelés à cette administration. A l’égard de ceux dans l’administration desquels les municipalités ou d’autres citoyens concourraient, elle sefa continuée par les municipalités et les autres citoyens qui seront élus ou appelés par le conseil général de la commune, sous la surveillance des administrations de district et de département, et à la charge de rendre compte ainsi qu’il est ci-devant prescrit : le tout pareillement, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné. » (Cet article est mis aux voix et décrété.) M. Chasset, rapporteur. Maintenant vous allez entrer dans l’examen des articles du projet imprimé (Voy.ei-dessus la séance du soir du 4 octobre) qui sont les 12, 14, 15, 16 et 17. Pour discuter convenablement, il faut laisser de côté l’article 13 dont nous vous proposons l’ajournement. L’article 12 deviendra le 168 du décfet et ainsi de suite. L’Assemblée adopte cet ordre de délibération. Après une discussion assez confuse, les articles 12, 14, 15, 16 et 17 devenus les articles 16, 17, 18, 19 et 20 sont décrétés en ces termes : Art. 16. « Ne sont point Compris dans les biens nationaux ceux possédés�! France par les puissances étrangères, soit qu’elles les aient affermés, soit qu’elles les fassent régir, soit qu’ils aient été mis en séquestré. Il leur sera rendu compte, à la première réquisition des produits de ces derniers; et les assemblées administratives, ni les municipalités n’exerceront aucun acte d’admi-ministration Sur lesditS biens. » Art. 17. « En attendant qu’il ait été fait un règlement 488 |Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 octobre 1790.) entre les puissances étrangères et la nation française, sur les objets dont il va être parlé dans le présent article, et dans les articles 18, 19 et 20 ci-après, les maisons, corps, communautés bénéficiers, et établissements français, auxquels l’administration de leurs biens a été laissée provisoirement, continueront de jouir de ceux situés sur le territoire de ces mêmes puissances. » Art. 18. « A l’égard des biens situés sur le territoire de ces puissances, que possédaient les maisons, corps, communautés, bénéficiers et établissements français qui ont été supprimés, ou des mains desquels l’administration en a été retirée, ils seront administrés par les assemblées administratives de département et de district, dans l’arrondissement desquels se trouveront les manoirs des bénéfices, ou les chefs-lieux d’établissements, et par leurs directoires, ou par tels préposés que ces derniers pourront commettre où ils jugeront à propos. » Art. 19. «• Pourront, au surplus, les évêques et les curés français, quoique l’administration des biens dont ils jouissaient en France, ait été retirée de leurs mains, continuer de jouir provisoirement de ceux qu’ils possèdent dans l’étranger, sans diminution du traitement à eux assigné par les décrets de l’Assemblée, sauf à rendre compte desdits biens, s’il y a lieu. <> Art. 20. « Les maisons, communautés, corps, bénéficiers et établissements étrangers, continueront de jouir des biens qu’ils possèdent en France, aussi longtemps que les puissances dont ils dépendent, permettront sur leur territoire l’exécution entière des articles 17, 18, et 19 ci-dessus. En conséquence, les assemblées administratives, ainsi que les municipalités, n’exerceront aucun acte d’administration sur ces mêmes biens. • M. Chasset, rapporteur , lit l’article 18 ancien, devenu l’article 21; il éprouve un changement de quelques termes et est adopté ainsi qu’il suit : Art. 21. * Les municipalités ne pourront, à peine de dommages et intérêts, s’immiscer dans l’administration ou gestion d’aucuns des biens nationaux, sans délégation de la part des assemblées administratives de département et de district, ou de leurs directoires. » M. Chasset. Les articles 19, 20, 21, 22, 23, 24 et 25, vont devenir les articles 22, 23, 24, 25, 26, 27 et 28. Ces articles sont séparément mis aux voix et adoptés dans les termes ci-dessous : Art. 22. « Celles qui auraient, en vertu du décret du 18 juin dernier, régi des biens nationaux dont la surveillance leur avait été confiée pour la présente année, continueront cette régie jusqu'à ce qu’ils aient été donnés à bail ; en conséquence, elles feront donner aux terres les façons nécessaires, et faire les semailles, dont les frais leur seront remboursés par les fermiers entrant, sur le pied de l’estimation qui en sera faite par le directoire de département, sur l’avis de celui du district. » Art. 23. « Lesdites municipalités rendront leur compte de ladite régie dans le courant du mois de janvier 1791, au directoire du district, pour, sur son avis, être arrêté par celui du département; et même pour éviter des circuits inutiles, aussitôt la publication du présent décret, elles remettront au directoire du district les baux ou adjudications qu’elles auront passés, pour le prix en être versé directement dans la caisse du receveur du district. » Art. 24. « Les ecclésiastiques qui ont été autorisés à administrer pendant la présente année les biens qu’ils faisaient valoir, et dont ils auront continué l’exploitation, seront tenus, à peine de dommages et intérêts, de faire donner aux terres les façons d’usage, et de faire faire les semailles; et les dépenses qu’ils auront faites leur seront remboursées ainsi qu’il est expliqué à l’article 22 ci-dessus. » Art. 25. « Les baux qui auraient été passés par des particuliers à aucuns des bénéficiers, corps, maisons et communautés supprimés, et des mains desquels l’administration de leurs biens a été retirée, seront et demeureront résiliés, à compter du 1er janvier 1791, sauf aux propriétaires leur indemnité, s’il y a lieu. » Art. 26. « Les assemblées administratives ou leurs directoires, n’entreront en exercice de leur administration, qu’à compter du 1er janvier 1791, pour les biens régis par l’économe général du clergé, et par tous les autres régisseurs, séquestres ou administrateurs particuliers, tant des biens ecclésiastiques, que des autres biens nationaux, même de ceux des Jésuites, de la régie desquels lesdites administrations ne seraient pas en possession ; tous lesquels continueront de les régir jusqu’à cette époque seulement. » Art. 27. « A la même époque, l’économe général, ainsi que les susdits régisseurs, séquestres ou administrateurs particuliers, même ceux des biens des Jésuites, excepté la régie des domaines et bois, sur laquelle il sera statué incessamment, déjà exceptée par l’article 5 ci-dessus, rendront leurs comptes, savoir : « L’économe général, au Corps législatif; (Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |6 octobre 1790.] 489 « Les autres régisseurs, séquestres ou administrateurs dont la gestion s’étendait sur des établissements situés dans l’arrondissement des différents départements, également au Corps législatif; « Et ceux de ces derniers dont la gestion ne s’étendait que sur des établissements situés dans un seul et même département, au directoire de ce département, qui les arrêtera sur l’avis de ceux des districts. « Tous seront tenus, dans la huitaine après l’arrêté do leurs comptes, d’en payer le reliquat, si aucuns il y a, au receveur de la caisse de l’extraordinaire, à peine d’y être contraints, même par corps, à la requête de ce dernier, sauf à leur être fait raison de ce dont ils se trouveront en avance. » Art. 28. « Les assemblées administratives et leurs directoires exerceront leur administration sur tous les biens nationaux non exceptés par les articles précédents, suivant les règles particulières ci-après. » M. Chasset, rapporteur. Nous avons épuisé le titre Ier. Je vais donner lecture des articles du titre qui suit : TITRE DEUXIÈME. De l'administration des biens nationaux. Article premier. « Les assemblées administratives et leurs directoires ne pourront régir par eux-mêmes, ou par des préposés quelconques, aucun des biens nationaux; ils seront tenus de les affermer tous, même les droits incorporels, excepté les rentes constituées, et celles foncières créées en argent, de 20 livres et au-dessus, lesquelles seront perçues par les receveurs des districts, chacun dans leur arrondissement, ainsi qu’il est prescrit par le décret des 6 et 11 août dernier. » M. le Président. Le comité des domaines demande à faire connaître son opinion sur cet article. Je donne la parole à un de ses membres. M. de Vismes présente ainsi qu’il suit l’opinion du comité des domaines sur la régie des droits seigneuriaux (1). Messieurs, le parti que l’on vous propose, d’affermer les droits incorporels dépendants des domaines nationaux ne doit-il pas occasionner l’anéantissement d'une partie de ces droits et l’extrême dégradation de leur produit ? N’est-il pas un moyen plus simple et plus avantageux de les faire régir, en attendant leur rachat, pour le compte de la nation? Telle est l’importante question que vous avez à décider; et je dois vous faire observer que le projet du comité central n’a pas, à beaucoup près, réuni les suffrages de tous les commissaires par qui il a été discuté. Quatre seulement sur sept, lui ont donné leur assentiment, tandis que l’opinion que je vais exprimer est le vœu unanime d’un comité nombreux, celui des domaines. On ne peut se dissimuler, Messieurs, une première vérité, c’est que les droits incorporels, et surtout les droits féodaux -dont je m’occupe plus particulièrement, se vendront plus difficilement. Dans l’état actuel des choses, cette propriété a peu d’attraits, puisqu’elle se trouve dépouillée des prérogatives qui, à bien des yeux, en faisaient tout le prix. On n’en verra plus que les désavantages, c’est-à-dire l’extrême division des droits féodaux, la dispersion des héritages qui y sont assujettis, la difficulté de leur perception, la facilité de la prescrire, et la nécessité d’en recevoir le rachat par petites sommes et par parties détachées. Il faut donc peu compter sur leur vente, mais seulement sur leur rachat, que les assignats hâteront sans doute, mais qui néanmoins s’achèvera lentement. D’où il suit que le mode de régie, qui sera adopté, à leur égard ne peut être combiné avec trop de sagesse, puisque les inconvénients en seraient d’autant plus graves, quïls ne seraient pas momentanés. Il est reconnu qu’il est impossible que les districts et leurs receveurs soient chargés de régir immédiatement les droits féodaux. L’expédient de les affermer est-il plus heureux ? Je ne puis croire que vous soyez de cet avis. Et d’abord, Messieurs, pensez-vous que, lors de l’adjudication des baux, il s’établira une concurrence capablede procurer des fermages suffisants? Deux classes d’hommes seulement peuvent se présenter; d’anciens percepteurs instruits delà valeur de la chose, et des spéculateurs hardis qui ne la connaissent pas. Les premiers sont peu nombreux. Souvent il n’existe, pour les droits d’une seigneurie, qu’un seul homme qui en ait la clef. Souvent cet homme sera un ancien procureur de maison religieuse, un ancien receveur de chapitre qui ne se souciera pas de devenir un fermier . Ainsi point, ou du moins très peu de concurrence vraisemblable dans la classe de ceux qui, connaissant la vraie valeur des choses, seraient plus en état de s’en rapprocher par leurs enchères ; et le très petit nombre de ceux qui se présenteront pour enchérir, regardera le plus souvent son expérience comme un moyen sûr de faire un gain énorme. Quant aux spéculateurs qui n’ont point de connaissances personnelles, il est bien évident que vous ne devez fonder sur eux aucunes espérances. On ne fait jamais que de mauvais marchés avec des gens qui ne vivent que de hasards. Je dis plus, Messieurs, a’eussiez-vous que des enchérisseurs honnêtes et instruits, vous ne serez encore que des adjudicataires à vil prix. Car telle est la nature des droits féodaux, tel le est l’extrême attention, telles sont les peines multipliées que leur perception exigera de l’adjudicataire, qu’il doit nécessairement spéculer sur un bénéfice très considérable. Mais la vilité du prix des baux n’est pas le seul inconvénient attaché à ce mode de régie ; il en est d’au très non moins graves, dont quelques-uns frappent sur le capital même des droits. La nouvelle division du royaume n’a nulle analogie avec l’ancien régime féodal. Une mouvance ou une directe importante a d’ordinaire des extensions très éloignées ; et il arrivera souvent, quand surtout elle sera placée à l’angle de quelque district ou département, qu’elle s’étendra à la fois dans plusieurs ressorts administratifs. Je demande quel embarras il ne résultera pas de cette circonstance ; comment surtout on (1) Cette opinion n’a pas été insérée au Moniteur.