SÉANCE DU 14 FRUCTIDOR AN II (31 AOÛT 1794) - N°* 4-11 143 Cependant la loi n’avait encore rien statué sur la question de savoir comment on se pourvoirait par appel contre les jugements des tribunaux de commerce et des armateurs. Le 24 mars, l’Assemblée constituante décréta, sur la pétition de Dourlen, « que, jusqu’à ce qu’il en fût autrement ordonné, les appels des jugements des tribunaux de commerce seraient portés suivant les formes prescrites par les décrets sur l’ordre judiciaire, et de la même manière que les appels des jugements des tribunaux de district dans l’un des sept tribunaux d’arrondissement ». Le citoyen Dourlen se pourvut, après ce décret, au tribunal du district de Bergues; mais les parties étant convenues de porter l’affaire au tribunal de Saint-Omer, conformément à la loi que nous venons de citer, Gonthier prétendit là, comme il l’avait fait d’abord au tribunal du district de Bergues, que Dourlen était déchu de son appel, parce qu’il n’avait point attendu, pour l’interjeter, la huitaine exigée par l’article XIV du titre V de la loi du 24 août 1790. Cette prétention ne fut point accueillie; le 15 avril 1791, Gonthier fut déclaré non recevable, et il lui fut ordonné de se défendre au fond. Le 4 juillet suivant, Dourlen obtint un jugement contre Gonthier, qui ne voulut pas se défendre au fond. Le jugement rendu par défaut contre Gonthier déchargea Dourlen des condamnations prononcées par le jugement de l’amirauté de Dunkerque, et condamna Gonthier au payement des marchandises avariées dans son navire. Opposition à ce jugement de la part de Gonthier. Enfin, le 19 août, Gonthier fut débouté de son opposition avec dépens. C’est dans ces circonstances que ce citoyen s’est pourvu au tribunal de cassation. Ce tribunal a cassé les trois jugements rendus en faveur de Dourlen par le tribunal du district de Saint-Omer. Le motif de cette décision a été la signification de l’appel du jugement du 16 mars de l’amirauté de Dunkerque, qui a eu lieu le 21 mars, et qui par conséquent a été notifié avant l’expiration du délai de huitaine, pendant lequel la loi rejette l’appel. Le tribunal de cassation s’est donc prévalu de l’article XIV du titre V de la loi du 24 août 1790. Il s’est prévalu aussi du décret du 24 mars 1791. Ainsi le tribunal de cassation a reconnu que la loi du 24 août 1790 n’était applicable aux appels des tribunaux de commerce qu’en vertu de la loi du 24 mars 1791; mais cette loi du 24 mars est postérieure à l’appel de Dourlen, qui est du 21 mars 1791. Votre comité, après avoir examiné cette affaire, a pensé que le titre V de la loi du 24 août n’était relatif qu’aux appels des jugements des tribunaux de district. Que l’Assemblée constituante a reconnu elle-même cette vérité lorsqu’elle a jugé qu’il était nécessaire de rendre un décret pour décider comment et par-devant qui on se pourvoirait contre les jugements des tribunaux de commerce. Il y avait aussi des raisons très fortes de le présumer ainsi; car on pouvait penser que la célérité que les matières de commerce exigent pour leur expédition devait empêcher d’adopter une mesure semblable à celle qui ôte le pouvoir d’interjeter appel pendant huit jours d’un jugement rendu en cette matière; on pouvait donc croire, avec juste raison, avant la loi du 24 mars, qu’on pouvait interjeter appel sur-le-champ d’un jugement d’un tribunal de commerce, et l’Assemblée constituante l’a reconnu elle-même. D’après cela, il a paru à votre comité qu’on avait mal à propos cassé les jugements du tribunal du district de Saint-Omer, et que le jugement du tribunal de cassation devait être réformé. Voici le projet de décret (51). Il est adopté ainsi qu’il suit : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Législation sur la pétition du citoyen Dourlen, de Dunkerque, tendante à obtenir l’annulation d’un jugement du tribunal de cassation. Déclare nul et comme non-avenu le jugement du tribunal de cassation, du 6 frimaire dernier, qui casse des jugements des 15 avril, premier juillet et 19 août 1791, rendus par le tribunal de district de Saint-Omer [Pas-de-Calais]. Le présent décret ne sera point imprimé; il en fera envoyé une expédition manuscrite au tribunal de cassation (52). 12 Les différons commissaires envoyés dans les sections rendent un compte avantageux; la surveillance est active, le plus grand calme règne; les secours ont été donnés avec tant de promptitude et d’abondance, qu’on a été obligé de retenir cette affluence qui n’aurait pu que gêner; enfin les arrêtés du comité de Salut public sont exécutés (53). LAKANAL: Le danger est passé; les malheureuses victimes ont reçu tous les secours qui leur sont dus par des frères. Plusieurs milliers de poudre sont sauvés. On a mis des barrières aux avenues, pour empêcher la confusion et la malveillance. Nous ne pouvons répondre que du feu apparent; car si, par un art perfide, des mèches phosphoriques étaient disposées... {Murmures d’indignation). C’est pourtant comme cela, par les détails donnés, que le feu a commencé. BOUYGUES : Je m’étais transporté au feu, je n’ai pu y pénétrer. Je me suis rendu à l’hôpital des Invalides pour y voir les blessés. J’ai requis les matelas du voisinage, les draps, le linge, les voitures; l’hôpital est rempli d’officiers de santé; les citoyens prodiguent leurs secours à ces infortunés; tous les blessés sont bien soignés. (bl) Moniteur, XXI, 643-644; Débats, n° 712, 263; C 318, pl. 1281, p. 47, rapport signé Oudot; décret n° 10 661. (52) P.V., XLIV, 247-248. (53) P.-V., XLIV, 248. 144 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE SERGENT: Comme il ne faut pas que les gens riches et les fripons abusent du décret que la Convention a rendu dans cette séance, pour se faire indemniser des pertes antérieures au malheureux événement qu’elle déplore, je demande que le comité des Secours publics soit chargé de présenter un projet de loi qui précise bien les motifs et les qualités nécessaires pour recevoir� l’indemnité. BARÈRE : Le comité de Salut public a pris, il y a une demi-heure, un arrêté pour inviter le comité des Secours à s’occuper des secours et des indemnités à accorder. LEQUINIO : Nous arrivons du lieu de l’explosion; nous pouvons vous déclarer qu’il n’y a plus de danger; cinquante ou soixante de nos frères ont péri; il y a eu environ le même nombre de blessés, qui ont reçu les secours dont ils ont besoin. TURREAU : J’ajouterai à ce qu’a dit mon collègue, que la malveillance avait déjà répandu le bruit qu’il était péri mille ou quinze cents victimes. Nous nous sommes convaincus de la vérité qu’il vous a dite. Nous avons partout trouvé les bons citoyens disposés à surveiller les malintentionnés, et nous avons cru devoir transmettre ces détails aux sections de Paris pour les tranquilliser (54). 13 Un membre observe que Le Cointre de Versailles a fait le procès-verbal d’hier; que ce procès-verbal n’a pu l’être par lui. Col-lombel de la Meurthe déclare que c’est lui qui l’a fait. BOURDON (de l’Oise) : Avant que la discussion s’ouvre sur l’instruction publique, il faut éclaircir un bruit qui se répand et que je ne puis croire. On dit que Le Cointre est chargé de rédiger le procès-verbal de la séance d’hier. Cela me paraît trop indécent pour y ajouter foi (55). Un autre demande que Le Cointre quitte le bureau, parce que le décret d’hier l’ayant déclaré calomniateur, il ne peut occuper la place de secrétaire. On réclame l’ordre du jour, motivé sur ce que le décret ayant seulement regardé l’inculpation calomnieuse, il n’y a pas lieu à délibérer. COLLOMBEL : La Convention, en déclarant calomnieuses les accusations de Le Cointre, a rempli son devoir avec dignité. Il me semble qu’elle doit s’en tenir là, laisser Le Cointre au bureau, ou bien il faut qu’il sorte de la Convention. Je réclame l’ordre du jour (56). (54) Moniteur, XXI, 643-644; Débats, n° 712, 263-264; Bull., fruct.; Mess. Soir., n° 743; M.U., XLIII, 235-236; J. Mont., n° 124; C. Eg„ n° 743; Ann. R.F., n° 273; J. Fr., n° 706; J. Perlet, n° 708; Gazette Fr., n° 974; J. Paris, n° 609. (55) Moniteur, XXI, 645; Débats, n° 712, 267. (56) Moniteur, XXI, 645; Débats, n° 712, 267. La Convention passe à l’ordre du jour. Un membre observe qu’au moins il doit recevoir une peine correctionnelle. La proposition n’est pas appuyée (57). 14 Pierre-François Perrier et Pierre-François Mermet offrent aux défenseurs de la patrie; le premier, 25 L.; le deuxième, 60 L. Mention honorable, insertion au bulletin (58). 15 Le citoyen Delhierme, de Lons-le-Saul-nier [Jura], offre une croix dite de Saint-Louis, trouvée dans les effets d’un oncle dont il vient de recueillir la succession (59). 16 Le citoyen Crassous, représentant, dépose, au nom de la société populaire de Mennecy-Marat [Seine-et-Oise], 247 L 3 s. pour l’armement d’un vaisseau (60). 17 On demande le rapport du citoyen Sivry, traducteur de Pline. Le rapporteur n’ayant pu se procurer les pièces, demande la parole au nom du comité d’instruction publique. Après une courte discussion, la Convention décrète qu’il sera entendu (61). Un membre [OUDOT] (62) : Depuis longtemps le vœu de la République entière appelle l’attention de la Convention nationale sur l’instruction publique. Je demande que Grégoire, qui a un rapport à faire sur cet objet, soit à l’instant même entendu. GRÉGOIRE : Il est vrai que j’avais demandé la parole pour faire un rapport sur les dégradations effrayantes qu’ont éprouvées depuis quelque temps les monumens des arts. Mais comme les teintes en sont un peu rembrunies, le comité d’instruction publique a pensé qu’il serait peut-être prudent de suspendre ce rapport d’un jour ou deux, afin d’acquérir encore plus de précision sur la connaissance des causes de ces dégradations. Je dois avouer à la Convention que, chaque jour, je vois des destructions (57) P. V., XLIV 248-249. (58) P. V., XLIV, 249. (59) P. V., XLIV, 249. (60) P. V., XLIV, 249. (61) P. V., XLIV, 249. (62) D’après Ann. R.F., n° 273; J. Fr., n° 706.