600 [Assemblée nationale.] ce serment civique. Ah ! ne prononçons pas contre eux d’anathèmes ; ils sont assez punis de ne pas assisterà cette solennité, de ne pas partager notre bonheur. Que dis-je? si j’en crois mon cœur, et si c’est l’esprit divin qui m’anime, ils le partageront bientôt ; ils reviendront tous soumis à la loi, et jureront de lui être fidèles. Réunis à nous sons l'empire d’un roi qui régnera par la loi, iis ne formeront plus qu’un seul troupeau sous un même pasteur, unum ovile , unus pastor ; et notre royaume, régénéré par la loi, vivifié par l’amour de la patrie, conduit par la sagesse de notre monarque, n’offrira plus aux autres uations que l’image de la cité sainte où Dieu règne au milieu de ses élus. Ainsi-soit-il. M. l’abbé Mulot, à la fin de ce discours, a invité les représentants de la commune, les gardes nationales, et tous les citoyens, à jurer, en présence de l’Etre Suprême et des représentants de la nation : « D’être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale, et acceptée par le roi. » M. Bailly, maire , s'est avancé auprès de l’autel, s’est tourné vers l’ Assemblée nationale, et, après l’avoir saluée, il a prononcé à haute voix la formule de ce serment civique. Dans le même instant, toutes les mains ont été levées, les drapeaux ont été inclinés, les épées balancées en l’air, tous les spectateurs ont juré de maintenir la Constitution; le roulement des tambours, le son des cloches, le bruit du canon, ajoutaient encore au spectacle imposant et majestueux de ce serment solennel. La cérémonie a été terminée par un Te Deum, et par le Domine , salvum fac regem; ensuite l’Assemblée nationale s’est retirée, et a reçu les mêmes honneurs qu’à son arrivée. Signé : Bureaux de PüSY, président ; le baron de Marguerittes, le vicomte DE jNoailles, l’abbé EXPILLY, Laborde Du Meréville, le marquis de la Coste, CuiLLOTiN, secrétaires. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY. Séance du lundi 15 février 1790 (1). M. de Marguerittes, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance du 13 février. M. Martineau dit que l’article 2 du décret concernant les ordres religieux porte : « 11 sera pareillement indiqué des maisons où pourront se retirer ceux ou celles qui ne voudront pas profiter de la disposition du présent décret. » M. Martineau fait remarquer que le mot celles ne doit pas se trouver dans l’article. M. le vicomte de IVoailles propose de (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. [15 février 1790.] rédiger le paragraphe en ces termes : € Il sera indiqué des maisons où pourront se retirer les religieux qui ne voudront pas proliter de la disposition du présent décret. » M. Renaud député d'Agen , reconnaît que le mot celles qui se trouve dans l’article 2 est en contradiction avec l’article 3. 11 ajoute, en même temps, que l’Assemblée nationale, en laissant aux religieuses la faculté de rester dans leurs cloîtres, n’a pas entendu leur ôter la liberté de changer de retraite, si elles le jugent à propos. M. Bouche. Ce n’est pas l’article 2, mais bien l’article 3 qui doit être changé. M. Démeunier. J’adopte la rédaction proposée par M. le vicomte de Noailles, mais je crois qu’il faudrait ajouter un nouveau paragraphe pour décréter que, lorsque les religieuses se trouveront en trop petit nombre pour former une communauté, elles se retireront dans les communautés qui leur seront indiquées à leur réquisition. M. Le Chapelier. Quand nous avons porté notre décret, nous avons voulu témoigner des égards pour les religieuses et nous sommes aujourd’hui encore tout disposés à les leur accorder ; nous sommes donc réellement d’accord, il ne s’agit que de nous entendre pour faire finir tout ce débat; je propose de mettre après les mots : et celles, cette clause : pourront néanmoins les religieuses rester dans les maisons où elles restent aujourd'hui. M.le comte de Choiseul-Praslin. Je pense qu’il suffit de supprimer du décret le mot: celles, qui y a été introduit par suite d’une erreur. M. Leleu de La-VilIe-aux-Bois. Le parti le plus sage c’est d’adopter le procès-verbal sans changement. M. Fréteau. Je me rallie à l’opinion du préopinant, par ce motif, que le décret rendu samedi est déjà connu dans beaucoup de maisons religieuses et qu’il l’est dans les termes qui figurent au procès-verbal. M. le marquis d’Fstourmel. Le décret est positif pour les religieux; il est facultatif pour les religieuses; on peut donc laisser la rédaction telle qu’elle est. M. Target. Vos décrets ne peuvent laisser de place au doute; ils doivent être positifs et je pense que l'article 2 doit être modifié dans sa rédaction. M. le vicomte de IVoailles fait quelques changements à son projet primitif. M. le Président consulte l’Assemblée. Elle décide d’abord que l’article 2 sera rectifié. Elle adopte ensuite la dernière rédaction proposée par M. de Noailles et qui est ainsi conçue : « Il sera indiqué des maisons où seront tenus de se retirer les religieux qui ne voudront pas profiter de la disposition du présent décret. » M. Duport. L’Assemblée s’est fait une loi qu’elle n’a jamais méconnue , elle a décidé qu’aucune protestation ou réclamation ne serait mentionnée ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 601 f Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 février 1790.) dans le procès-verbal. Nous ne devons pas aujourd’hui nous écarter de cette loi. M. l'abbé d'Eymar. J’ai l’honneur d’observer à l’Assemblée qu’il faut faire une distinction entre des protestations, des réclamations et des demandes. Lorsque, samedi dernier, je me suis présenté à la tribune, je n’ai point fait une protestation, je n’ai point fait de réclamation ; j’ai énoncé le vœu particulier d’une partie de la Basse-Alsace ; ce vœu a pour objet la conservation des maisons religieuses ; je demande aujourd’hui que l’expression de ce vœu soit insérée dans le procès-verbal. M. de Virieu. Comme M. l’abbé d’Eymar, un député du Dauphiné a fait une demande particulière à la ville de Grenoble, qui désire la conservation de quelques-unes des maisons religieuses qu’elle renferme. M. Kauffmann, député de la Basse-Alsace. J’observe que la réclamation de M. l’abbé d'Eymar doit d’autant moins être insérée dans le procès-verbal qu’elle n’est ni exacte ni juste ; je suis aussi député de la Basse-Alsace; je trouve en effet dans mon cahier le désir de la conservation des ordres religieux ; mais il faut connaître les motifs de ce désir. On venait de supprimer une maison religieuse pour réunir les biens à un chapitre noble. Voilà la seule espèce de suppression redoutée par la Basse-Alsace. M. Grobel, évêque de Lyda. Je crois important de ne laisser aucun louche sur la question dont M. l'abbé d’Eymar occupe l’Assemblée. Dans mon cahier, émané de la même province, je trouve un article qui m’ordonne de demander que les maisons religieuses ne soient pas supprimées. Les motifs qui ont dicté cet article, les voici : c’est que plusieurs fois, et notamment en dernier lieu, une maison religieuse ouverte aux enfants de roture a été supprimée, et ses biens ont passé dans les mains d’un chapitre noble. Or, je prie l’Assemblée de voir si l’article de mon cahier peut justifier la réclamation contre le décret. M. le prince de Broglie. J’avais demandé la parole samedi dernier, pour répondre à M. l’abbé d’Eymar à l’instant où il a prononcé sa réclamation ; je voulais lui dire nominativement ce que je dis aujourd’hui, qu’il a présenté sa réclamation au nom des vingt-quatre députés de la Basse-Alsace, tandis qu’il est vrai qu’il n’a communiqué à aucun d’eux son projet. Je prie l’Assemblée de croire que je ne suis pour rien dans la réclamation de M. l’abbé d’Eymar. M. de La Fare, évêque de Nancy. L’Assemblée s’éloigne de l’observation de M. Dupont. D’abord, qu’ est-ce qu’un procès-verbal ? c’est un récit exact et vrai de ce qui s'est passé dans les séances. Or, je demande s’il est exact, s’il est vrai que l’Assemblée ait décrété qu’elle n’écouterait pas les réclamations particulières des provinces ? J’affirme que j’ai si bien cru que l’Assemblée l’avait ainsi décrété, que je me suis présenté au milieu de la salle, où ma voix n’a pu se faire entendre, pour réclamer contre ce décret, comme député de la Lorraine et comme évêque de Nancy. Il serait de la plus grande immoralité, du plus grand danger et du plus mauvais exemple, de ne point insérer dans le procès-verbal les décrets rendus par l’Assemblée, et spécialement celui-ci, que je crois être absolument nécessaire pour absoudre les députés aux yeux de leurs commettants. Je conclus à ce que le décret qui éloigne les réclamations faites au nom des provinces soit consigné dans le procès-verbal. M. de Virieu appuie l’avis de M. l’abbé de La Fare. M. d’Estourmel. J’ai été un des premiers à faire, non pas une protestation, mais une déclaration au nom de mes commettants, qui désirent la conservation de quelques maisons religieuses. Je suis bien loin de m’opposer à aucun décret de l’Assemblée; je suis bien loin de vouloir protester contre aucun de ces décrets; je demande seulement que les dispositions de votre décret contre les maisons religieuses soient confirmées par les départements. M. Le Chapelier. L’opinion de M. l’abbé d’Eymar ne peut pas même être regardée comme une opinion. Je rappelle à l’Assemblée que, lorsque des protestations s’élèvent contre ses décrets, elle doit refuser de les entendre. Elle ne peut pas insérer dans son procès-verbal des articles extraits de différents cahiers. J’observe encore que la déclaration de M. l’abbé d'Eymar porte le caractère d’un acte protestatoire; et c’est de cette déclaration qu’on vous propose de conserver des traces dans le procès-verbal. On veut se réserver la faculté de réunir des moines religieux roturiers à des moines religieux nobles, pour grever les besoins et les intérêts du peuple d’Alsace! Je m’oppose, autant qu’il est en moi, à ce que le souvenir de cette déclaration puisse être conservé, et je demande que rien n’y ait rapport dans le procès-verbal. M. Dubois de Craucé. Lorsque le clergé et la noblesse se réunirent aux communes, il y eut des déclarations de faites: l’Assemblée décida qu’elle ne pouvait les recevoir. Je demande si ce décret a ôté inséré dans le procès-verbal du jour. M. de Marguerittes, secrétaire. J’ai lu ce matin ce procès-verbal. Ce décret y est mentionné. J’offre de le prouver. M. le Président pose les questions : Y a-t-il lieu à délibérer sur la réformation demandée du procès-verbal ? L’Assemblée décide qu’il y a lieu à délibérer. Laissera-t-on dans le procès-verbal la mention du décret rendu sur les déclarations? L’Assemblée décide que cette mention sera supprimée du procès-verbal. MM. l’abbé d’Eymar, l’évêque de Nancy, Du-fraisse-Duchey, etc., témoignent leur opposition à cette décision par des gestes et des clameurs. M. d'Harambure. Il est nécessaire que le comité de liquidation prenne des ordres au sujet de l’article 9 du décret par lequel vous l’avez créé. Les ministres et le conseil croient devoir cesser de juger les contestations qui leur sont soumises par des créanciers de l’Etat. Cet article est ainsi conçu : « Le comité rendra compte à l’Assemblée de chaque partie de la dette à mesure qu’elle sera vérifiée, et lui soumettra le jugement de celles qui seraient contestées. » Le comité pense que le conseil doit juger les affaires de cette nature dont il est saisi.