401 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 juillet 1791.] « La garde nationale, ne pouvant retenir son indignation, a fait feu, mais elle a eu la modération de diriger les coups en l’air, 1 1 personne n’a été blessé à cette première décharge. « L’audace des séditieux était telle quo quelques-uns sont revenus sur le haut du glacis braver la loi et la force. « Cependant le corps municipal employait tous ses efforts pour faire cesser le feu; et M. le commandant général, qui était plus avancé dans le champ de la fédération, était accouru pour rétablir l’ordre et seconder les efforts de la municipalité. « Le corps municipal et les troupes sont entrés dans le champ de la fédération; et comme l’autel de la pairie paraissait alors presque entièrement évacué, ils ont dirigé leur marche vers l’Ecole militaire, à distance à peu près égale de l’autel de la patrie, et du glacis qui se trouve du côté du Gros-Caillou. « Cette partie du glacis, et celle du même côté qui prolonge vers la rivière, étaient couvertes de séditieux qui ont insulté la garde nationale� qui lui ont lancé des pierres, et qui même ont tiré des coups de fusils et de pistolets. « Le corps municipal n’ayant pu exécuter l’article 6 de là loi martiale, la garde nationale a usé du pouvoir que donne l’article 7 : elle a déployé la force, parce que les violences les plus criminelles ont rendu les sommations impossibles ; et c’est à cet endroit qu’a été fait le p'us grand feu (1). « Au moment où le corps municipal rédige le présent procès-verbal, on évalue le nombre des morts à 11 o .i 12, et le nombre des blessés à 10 ou 12. Les ordres ont été donnés à l’instant pour l'enlèvement des morts, et pour le transport des blessés à l’hôpital militaire, où il a été recommandé d’en avoir le plus grand soin. Plusieurs officiers ou soldats de la garde nationale ont reçu des coups de pierre; l’un d’eux a été frappé si rudement, qu’il a été renversé de son cheval et grièvement blessé. « Le corps municipal a appris, avec la plus vive douleur, que deux chasseurs volontaires de la garde nationale ont été assassinés, l’un revenant seul du champ de 1; félération, l’autre étant à son poste. On ajoute même qu’un canonnier volontaire l’a été à coups de couteau. « 5 ou 6 personnes, prévenues d’avoir insuhé ou maltraité la garde nationale, ont été arrêtées et conduites à l’hôtel de la Force. « Le champ de Mars ayant été entièrement évacué, le commandant général a rallié les troupes, et le corps municipal s’est mis en marche pour retourner à l’Hôtel de Ville, où il est arrivé sur les 10 heures du soir. 3 membres s’étaient détachés pour aller rendre compte au directoire de tout ce qui s’étaù passé, et concerter avec lui les mesures à prendre pour assurer la tranquillité publique. « Le corps municipal, ayant repris sur les dix heures et demie le cours de ses délibérations, a entendu les différentes déclarations qui lui ont été faites, a pourvu, par des ordres qui ont été (1) Dans le cas où, soit avant, soit pendant le prononcé des sommations, l’attroupement commettrait quelques violences, et pareillement dans le cas où, après les sommations faites, les personnes attroupées ne se retireraient pas paisiblement, la force des armes sera à l’instant déployée contre les séditieux, sans que personne soit responsable des événements qui pourront en résulter. ( Article 7 de la loi martiale.) lre Série. T. XXVIII. transmis à l’instant aux dépositaires de l’autorité, au maintien du repos et de la tian|uillité publique. Il a de plus arrêté que 4 de ses membres passeraient la nuit à l’Hôtel de Yill >, et que les officiers municipa ix se succéderaient, sans interruption, pour continuer ce service, jusqu'à ce que l’ordre fut parfaitement rétabli. « Le corps municipal a encore arrêté que M. le maire et 4 officiers municipaux, MM. Oudet, Borie JJ. Le Roulx et Charron, se prés -nieraient demain à l’ouverture de l’Assemblée nationale, pour lui faire lecture du procès-verbal de ce jour; et gu’expédition en serait égal ment adressée au di ectoiredu département. « Dans la nécessité de pourvoir au renouvellement des excès que les malintentionnés pourraient se p rmettre, et de faire punir ceux qui ont été commis dans cette journée, la municipalité a terminé sa séance par les dispositions consignées dans l’arrêt qui suit : « Le corps municipal, après avoir entendu le « premier substitut adjoint du procureur de la « commune, charge le procureur de lacommune « de dénoncer à l’accusateur public de Larron . « dissement, l’assassinat commis ce mutin sur les « personnes de deux particuliers, et de lui re-« mettre les renseignement.', pièces et indications « pouvant servir à la découverte de ses auteurs, « complices et adhérents; « Arrêie que Ja. loi martiale restera en vigueur « jusqu’au parfait rélablissement de la tranquil-« lité publique; et qu’en conséquence, le drapeau « rouge restera expjsé à la principale fenêtre « de la mai on commune, jusqu’à ce que, le « calme étant rétabli, il soit, conformément à la « lu, remplacé par un drapeau blanc. « Le corps municipal déclare que, tant que « la loi martiale sera ea vigueur, tous attroupe-« méats, avec ou sans armes, deviendront crimi-« nels, et devront être dissipés par la force, aux « termes de l’article 3 de ladite loi. « Manie au commandant général de la garde « nationale de veiller spécialement à l’exécution « de la loi et du présent arrêté, qui sera mis à « l’ordre, envoyé aux 48 sections, publié, ainsi <- que la loi martiale et toutes les délibérations (. de ce jour. « « Signé : Bailly, maire; Dejoly, secrétaire-greffier. M. le Président répond : L’Assemblée nationale a appris avec douleur que des ennemis du bonheur et de la liberté des Français, u-u pant le masque, le langage du patriotisme, avaient égaré quelques homm-s, les avaient rendus séditieux, rebelles à la loi, et vous avaient forcés de substituer les moyens rte rigueur aux moyens ds persuasion, dont jusqu’ici vous avez fait usage avec tant de sucés. L’Assemblée nationale approuve votre conduite et toutes les mesures que vous avez prises : elle voit avec sa'isfactioo que la garde nation île parisienne, que les soldats de la liberté et de la loi, que les citoyens mômes à qui leurs occupations ne permettent pas de faire un service constant, et dont on s’était efforcé de calomnier les intentions, ont, dans ces circonstances, donné des preuves éclatantes de leur attachement à la Constitution et à la ld, et ont continué de justifier la haute estime et la reconnaissance de Ja nation par leur zèle, leur modération et l ur iidélité. ( Vifs applaudissements.) M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angêly). Je de-26 402 [Assemblée nationale.] mande, Monsieur le Président, que M. le maire vous remette et son discours et le procès-verbal de la municipalité et qu'ils soient imprimés sur-le-champ. M. Barnave. Gomme je pense que la réponse de M. le Président a été dans ce moment l’expression du sentiment véritable et universel de l’Assemblée, je demande qu’elle reçoive la plus grande publicité. La conduite de la municipalité de Paris, qui a montré tout à la fois le sentiment qui doit animer les pères du peuple et la fermeté qui doit caractériser les exécuteurs de la loi, le courage et la lidélilé delà garde nationale, d’autant plus estimable qu’il est connu que, depuis les premiers jours du trouble qui nous agite, on n’a cessé de la tromper ou de la séduire, doivi nt obtenir l’approbation de l’Assemblée nationale de la manière la plus éclatante et la plus publique. Il est temps que, par une volonté ferme, claire et indubitable, l’autorité de la loi exerce sou pouvoir absolu, il est temps que chacun sache que le véritable moyen de défendre la Constitution est d’assurer la liberté de tous, que le caractère distinctif de l’homme libre est essentiellement dans le culte religieux de la loi; le moment est venu où e s hommes qui ont été pendant quelque temps le tourment de leur patrie doivent éprouver enfin un éternel mépris, et où, après avoir exercé tant de haines individuelles, lorsque la loi énervée pouvait mettre entre leurs mains les instruments d’un peuple trompé, ils deviennent à leur tour les victimes de cette même loi, qui découvre leurs manœuvres et qui reprend toute sa force pour les punir. Je demande donc que le discours de M. le Président, qui énonce les sentiments de l’Assemblée nationale relativement à la conduite de la garde nationale et de la municipalité, suit imprimé et affiché dans toutes les rues, et que les accusateurs publics des tribunaux de Paris poursuivent avec ia plus grande promptitude et les auteurs des meurtres qui ont été commis et les chefs des émeutes qui auront pu être saisis. Le moment viendra bientôt où, les détails étant connus, nous pourrons montrer aux familles de ceux qui ont été les malheureuses victimes de cet événement, qui, combattant pour la loi, avtc les habits de la loi, sont tombés sous le fer des scélérats, où, dis-je, nous pourrons montrer que la nation les adopte, que leurs enfants sont nos enfants, que leurs veuves, que tout ce qu’ils ont laissé sur la terre nous appartient par le sentiment de la reconnaissance; et, après nous être livrés aux mesures de sévérité que les circonstances et la loi nous imposent, nous nous livrerons avec douceur aux sentiments de reconnaissance qu’ils ont droit d’obtenir de nous! » (Vifs applaudissement ts.) (La motion de M. Barnave est mise aux voix et adoptée.) Hn conséquence, le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale ordonne l’impression du procès-verbal de la municipalité de Paris, qui a été lu à la barre par le maire, décrète que le discours adressé par son président à la municipalité, et qui renferme l’expression de ses sentiments, sera pareillement imprimé et affiché dans toutes les rues de la capitale; ordonne aux accusateurs publics auprès des tribunaux de Paris, de poursuivre, avec la plus grande promptitude, la punition des auteurs des délits et des chefs L18 juillet 1791.] des émeutes qui ont eu lieu dans la journée d’hier. » (La municipalité de Paris et le commandant général de la garde nationale se retirent.) M. Legrand. Je demande, Messieurs, à présenter une observation à l’Assemblée et à appeler tout particulièrement son attention sur un des passages du procès-verbal qu’elle vient d’entendre. M. de La Fayette, y est-il relaté, a ordonné l’élargissement d’un homme qui l’avait attaqué et qui avait tiré sur lui un coup de fusil à bout portant. M’est-il permis de reprocher, en ce moment, au commandant de la garde nationale, son action généreuse? Sa valeur lui a fait oublier ses devoirs. Uu délit a été commis contre sa personne, ce n’est point à lui qu’il appartenait d’absoudre. Je demande qu’il soit fait défense à M. le commandant général delà garde nationale parisienne de lâcher à l’avenir de pareils criminels et que le coupable soit poursuivi. M. Treïlhard. Il n’est personne qui ne respecte et qui n’admire le mouvement de générosité qui a engagé M. de La Fayette à faire relâcher l’homme qui a tiré sur lui ; et je déclare, en mon particulier, que je m’honorerais d’en avoir été capable : cette action montre la grandeur d’âme du commandant général. Néanmoins l’Assemblée ne doit pas permettre qu’un délit aussi grave reste impuni et si la loi pouvait avoir des égards, c’est surtout dans cette circonstance qu’elle devrait sévir. Je demande donc que l’Assemblée prenne tous les moyens qui peuvent assurer l’effet de la vindicte publique et que le coupable, s’il est connu, soit décrété et arreté sur-le-champ. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angély) . La mesure que l’on propose à l’Assemblée est hors de sa compétence; l’Assemblée nationale ne doit pas ordonner l’arrestation d’un citoyen quand il existe des autorités instituées pour cela. C’est aux tribunaux à poursuivre les délits. Je demande donc, en partageant le sentiment de M. Treilhard, qu’on passe à l’ordre du jour. Plusieurs membres : Non! non! M. Fréteau-Saint-Just. Vous ne pouvez contester à l’Assemblée le droit d’ordonner une arrestation. Dans les décrets que l’Assemblée a rendus la semaine dernière, elle en a prononcé plusieurs. Il u’est pas possible que l’Assemblée diffère un moment de marquer cette juste sollicitude pour l’homme sur lequel elle a fait reposer la contiance et la tranquillité publiques. (Vifs applaudissements.) (L’Assemblée adopte la motion de M. Legrand.) En conséquence, le projet de décret suivant est rendu. « L’Assemblée nationale décrète que la municipalité de Paris fera mettre, sur-le-champ, eu état d’arrestation, le particulier qui a tiré hier un coup de fusil sur M. de La Fayette. » M. Begnaud (de Saint-Jean d' Angély), au nom des comités de Constitution et de jurisprudence criminelle. Messieurs, vous avez renvoyé à vos comités de Constitution et de jurisprudence criminelle les dispositions que je vous ai proposées hier relativement à la désignation et à la punition des délits commis dans la vue de provoquer ARCHIVES PARLEMENTAIRES.