@30 [Assemblée nationale. J ARCHIVÉS JlAfUjElfENT AIRES. [2i2 novembre 1790. J PROJET DE DÉCRET RÉGLEMENTAIRE. « L’Assemblée nationale ordonne qu’il «oit re-« mis au comité de liquidation un .double, tant « des décisions qui sont intervenues, que de « celles qui pourront intervenir, au rapport de rêt du 23 novembre 1763. Mais sous -une administration irrésolue -et toujours vacillante, cette liquidation ne pouvait être et ne fut véritablement qu’un essai informe. Néanmoins, elie est 632 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. précieuse, en ce qu’elle assigne légalement un point de départ : se jeter au delà, serait, incontestablement, franchir toutes les bornes de la prudence et de la justice. Si l’Assemblée nationale l’approuve, cette époque sera donc le point de départ de tout examen de liquidation ; et il vous propose, Messieurs, le décret suivant : PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale ayant entendu le rapport de son comité de liquidation sur la dette non liquidée, a décrété : « Que nulle portion de dette ancienne, qui, aux « termes de l’édit de décembre 1764, n’aurait « point été soumise à la commission précédem-« ment nommée le 23 novembre 1763, ne pourra « être présentée en liquidation ; à l’égard de « toutes les portions de dette ancienne non li-« quidées, qui ayant été produites à ladite com-« mission du 23 novembre 1763, n’y auraient pas « été jugées, elles seront vérifiées conformément « aux principes établis dans le rapport du comité « de liquidation. En conséquence, l’Assemblée « nationale maintient toutes les déchéances an-« térieures à l’année 1764. » M. Jean de Batz passe immédiatement à un troisième rapport qui est relatif à la compagnie des eaux de Paris (1). Messieurs, les objets sur lesquels le comité de liquidation (2) appelle dans ce moment votre attention, la méritent tout entière. Il s’agit d’un traité, d’un accord fait, en quelque sorte, au nom du Trésor public, entre des personnes sans mission à cet égard, et qui cependant ont disposé d’une caisse où avaient été déposés plu9 de 2,400,000 livres; somme dont les quatre cinquièmes étaient une propriété de la nation. Si c’est là une dilapidation, Messieurs, et c’est ce que vous avez à juger, on en aurait vu peu d’aussi hardies, et dans les circonstances de cet événement une prompte décision paraît nécessaire. Déjà, Messieurs, les recherches patriotiques et les travaux infatigables d’un membre de cette Assemblée (M. Camus) vous ont préparés à entendre parler des affaires de la compagnie des eaux, malheureusement devenues celles du Trésor public. Le compte qu’aux termes de vos décrets nous sommes tenus de vous rendre, exige des développements dont votre comité aurait voulu vous épargner l’ennui; mais comme ces détails sont indispensables pour fixer l’opinion de l’Assemblée nationale, nous n’avons pu que les abréger. (1) Ce rapport est très incomplet au Moniteur. (2) Le public doit être instruit que le comité de li-liquidation s’est fait une loi de ne jamais présenter à l’Assemblée nationale aucun rapport qui puisse motiver un refus ou une condamnation sans avoir préalablement entendu les parties intéressées ou leurs représentants. Les faits contenus dans le rapport qui suit, ne sont, que les extraits d’actes authentiques déposés au Trésor public. Les faits qui regardent les administrateurs des eaux de Paris et MM.Périer, leur ont été communiqués avant le rapport, et le rapport ne contient que des faits avoués par eux dans ce qui les intéresse. M. Périer a plus particulièrement encore été entendu en pleine séance du comité de liquidation, et contradictoirement avec l’agent du Trésor public. Les faits rapportés ne sont que ceux dont il est pleinement convenu. (Note de M. de Batz.) 122 novembre 1790.J Deux mécaniciens d’un talent reconnu (MM. Périer) obtinrent du roi, le 7 février 1777, la permission de faire construire à leurs dépens des pompes à feu sur les bords de la Seine : ils annonçaient qu’ils élèveraieut l’eau du fleuve, qu’ils la distribueraient dans les diverses rues de la capitale, et que les citoyens qui en désireraient pour leurs maisons, pourraient s'en procurer à des prix très modiques et toujours fixés de gré à gré. Pour fonder cet établissement, il fallait des fonds considérables, et MM. Périer n’étaient encore riches que des calculs qu’ils avaient faits ; mais fermement convaincus que leur entreprise serait très lucrative, ils surent inspirer la confiance dont ils étaient pénétrés, et plusieurs citoyens se réunirent pour former avec eux une société en commandite. La base fondamentale de celte société fut la création de douze cents actions à 1,200 livres chacune , ce qui produisit une somme de 1,400,000 livres (1). MM. Périer avaient pensé que cette somme serait suffisan te; elle ne le fut point : on créa successivement deux mille huit cents actions nouvelles au prix de 1,200 livres comme les premières : toutes ces actions réunies devaient former un capital de 4,800,000 livres. Je vous prie, Messieurs, de remarquer cette époque; c’est celle où, pour le malheur du Trésor public, l'agiotage s’est emparé de cet établissement. Pour réaliser les nouvelles actions, c’est-à-dire pour trouver des spéculateurs qui voulussent les acheter et associer leur fortune à celle de l’entreprise, les intéressés s’étudièrent à la présenter sous le point de vue le plus séduisant. Ils annoncèrent des avantages aussi brillants que solides; d’une part, la protection la plus signalée du roi et celle de son ministre des tinances; d’autre part, les bénéfices les plus étendus et les moins équivoques : déjà, disait-on, les bureaux ne pouvaient suffire à recevoir les demandes de tous ceux qui désiraient des fournitures d’eaux; c’était pour satisfaire à l’impatience publique que la compagnie faisait de tous côtés ouvrir les rues, qu’on y plaçait des conduits; à chaque pas tout annonçait des succès, tout invitait le public à y prendre part. Ces exagérations (car c’étaient des exagérations) mirent en effervescence la cupidité des spéculateurs; à tel point, que les actions des eaux s’élevèrent presque soudainement du prix créatif de 1,200 livres, au prix imaginaire de 4,000 livres. Mais ce succès lui-même allait devenir un écueil : pour soutenir de merveilleuses promesses, il fallait des succès d’un autre genre, et malheureusement le public se refusait à les réaliser; en un mot, il ne mollirait aucun empressement à se procurer à grands frais de l’eau que même on disait être malsaine. Aussi, pour rappeler l’opinion publique qui leur échappait, les actionnaires imaginèrent de réunir à leur entreprise une spéculation de plus. Protégés par le ministre des finances, ils obtinrent du roi, le 20 août 1786, la permission d’offrir au public des assurances contre les incendies; c’est-à-dire qu’en payant un abonnement convenu, tout propriétaire d’hôtel ou de maison dans Paris pouvait faire assurer sa propriété contre l’accident du feu; de sorte que, si un in-(1) Voy. aux Annexes de la séance, le mémoire des porteurs de quittances de la compagnie des eaux.