[Convention-nationales] ARCHIVES, PARLEMENTAIRES. \ 29 brumaire an II 509 1 19 novembre 1 /33 la Conciergerie de Paris. Je m’empresse d’en informer la Convention nationale (1). « Le ministre de la justice, « Gohier. » La Convention ordonne la mention honorable et l’insertion au « Bulletin » d’une lettre des enfants de l’infortuné Calas, qui remercient la Convention de la justice qu’elle a rendue à la mémoire de leur malheureux père. Cette lettre donne lieu à mie discussion digne des représentants d’un grand peuple, et dont il résulte le décret suivant : (2) « La Convention nationale décrète qu’il sera élevé, aux frais de la République, sur la place où le fanatisme a fait périr Calas, une colonne en marbre, sur laquelle sera gravée l’inscription suivante : La Convention nationale A la Nature, A V amour paternel, ( A Calas, victime du fanatisme. Art. 2. « Le conseil exécutif, chargé de l’exécution du présent décret, fera construire cette colonne du marbre arraché au fanatisme par la raison, dans les églises supprimées du département. - « La Convention nationale renvoie au comité de législation la proposition d’indemniser la famille Calas de la ruine que son procès lui a occasionnée, aux dépens de qui il appartien¬ dra (3). » Compte rendu du Moniteur universel (4). Merlin fait lecture de la rédaction du décret sur Calas; elle est adoptée en ces termes. (Suit le texte du décret que nous avons inséré ci-dessus d'après le procès-verbal. ) Suit la lettre des enfants de l’infortuné Calas (5): Les enfants de V infortuné Calas, au citoyen Président de la Convention nationale. « Paris, le 28e jour de brumaire de l’an II de la République, une et indivisible. « Citoyen Président, « Les enfants de l’infortuné Calas, vivement pénétrés de la justice que la Convention natio-(1) Applaudissements, d’après V Auditeur national Ün° 424 du 30 brumaire an II (mercredi 20 no¬ vembre 1793), p. 4]. (2) Le rapporteur est Merlin (de Thionville), d’après les divers journaux de l’époque. (3) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 330. (4) Moniteur universel [n° 61 du 1er frimaire an II (jeudi 21 novembre 1793), p. 248, col. 3]. . (5) Archives nationales, carton C 281, dossier 773. Journal de la Montagne [n° 7 du 30e jour du 2e mois de l’an II (mercredi 20 novembre 1793), p. 54, col. 2] ; Bulletin de la Convention du Ie. jour de lre décade du�3« mois de l’an II (jeudi 21 novembre 1793). nale vient de rendre à la mémoire de leur mal¬ heureux père, viennent déposer à tes pieds le tribut de leur immortelle gratitude, et te prier, citoyen Président, de vouloir être leur organe pour en faire passer l’expression à l’auguste Assemblée. Nos âmes, ulcérées par le malheur, n’ont que la faculté de sentir ce bienfait, sans pouvoir dépeindre l’étendue de leur reconnais¬ sance. Ah ! daigne lire dans la nature tous les sentiments de l’amour filial, et tu seras le fidèle interprète de nos cœurs. « Il était réservé à des législateurs éclairés par la philosophie, d’anéantir le fanatisme et d’élever un monument pour rétablir les droits de la nature si cruellement outragée. Pères de la patrie, restaurateurs des opprimés, agréez les vœux de vos enfants, et particulièrement l’hom¬ mage d’une famille qui a reçu spécialement vos bienfaits. «Salut et fraternité. « Louis Calas; Anne-Rose Calas; Anne Ca¬ las, veuve Düvoisin. » Laplanche, représentant du peuple dans le dé¬ partement du Calvados et près l’armée des côtes de Cherbourg, écrit de Coutances que les bri¬ gands ont attaqué trois fois Granville et trois fois ont été repoussés aux cris de : Vive la Répu¬ blique! Le siège a duré 28 heures; ils ont perdu 5 à 6,000 hommes, sans compter ceux que la mer a engloutis. Cette lettre sera insérée au « Bulletin » et ren¬ voyée au comité de Salut public, attendu quelques autres détails qu’elle contient (1). Suit la lettre de Laplanche (2) : Le représentant du peuple dans le département du Calvados et près l’armée des Côtes de Cher¬ bourg, à la Convention nationale. « Coutances, le 27 brumaire de l’an II de l’ère républicaine. « Citoyens collègues, « J’avais eu raison de vous dire, dans ma der¬ nière dépêche, que les brigands de la Vendée, qui n’ont fait que changer de place sans être entièrement détruits, avaient principalement en vue de se rendre maîtres d’un port de mer. C’était pour m’opposer à leurs progrès destruc¬ teurs que l’armée aux ordres du général Sépher avait dirigé sa marche pour protéger Granville et couvrir tout le département de la Manche. Nos combinaisons militaires n’ont pas été sans réalité. En effet, le 24 brumaire, 10 heures du soir, l’ennemi s’est présenté avec une force for¬ midable et toute la férocité du fanatisme sacer¬ dotal et royal, au pied des murs de Granville. Après la plus vive canonnade de part et d’autre, ils ont tenté trois fois l’assaut aux cris impuis¬ sants de : Vive Louis XVII! Mais, aux cris ré¬ pétés et victorieux de : Vive la République ! trois fois ils ont été vigoureusement repoussés. Le siège a duré vingt-huit heures. Rien n’égale la bravoure de la garnison de Granville, que (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 330. (2) Archives du ministère de la auerre, armée des côtes de Cherbourg, carton 5/17. 510 [Convention nalioua!e.| ARCHIVES PARLEMENTAIRES, i 29 brumaire anll ( 19 novembre 1793 l’audace et la rage de ces brigands fanatiques, aussi ont-ils reçu le sort qu’ils méritaient ; plus de 500 à 600 de ces scélérats ont mordu la pous-sière, sans compter les morts qu’ils ont eu soin d’emporter successivement ou que la mer a engloutis, ou qui ont été dévorés par les flammes mises par les patriotes de Granville aux fau¬ bourgs de leur ville, devenus le repaire des bri¬ gands. « Un de leurs principaux chefs, Talmond ou La Rochcjaquelin a été tué, un évêque et plu¬ sieurs prêtres infâmes ont aussi augmenté le nombre des morts, le nombre de leurs ble sés est considérable. « Appelés par la canonnade de Granville, le général Sépher et moi volions au secours de nos frères assiégés, nous allions achever d’extermi¬ ner cette horde sanguinaire, lorsque instruits de notre arrivée, ils ont pris lâchement la fuite et se sont repliés sur Avranches et sur Villedieu. Notre désir et celui de notre armée qui brûlait d’envie de se mesurer avec eux était de nous mettre à leur poursuite sans relâche. Mais, d’après un conseil de guerre tenu entre les géné¬ raux Le Carpentier et moi, il a été arrêté qu’il était plus prudent d’attendre des nouvelles de l’armée de l’Ouest et de Brest pour frapper un coup comme (sic) et mieux assuré; nous avons cru surtout qu’il fallait spécialement mettre à l’abri de toute invasion les côtes maritimes de la Manche et Cherbourg en particulier. « En conséquence, citoyens collègues, nous allons prendre toutes les mesures de précaution nécessaires. Désespérant de faire de plus grandes irruptions dans le département de la Manche, l’ennemi peut-être va se rejeter sur le Calvados : .nous allons aussi nous mettre en mesure de ce côté-là. Dans tous les cas, citoyens collègues, soyez persuadés que les généraux, que l’armée et que le représentant du peuple feront bien leur devoir. Notre sang n’est rien puisqu’il s’agit de cimenter par lui le triomphe de la République et de la liberté. « Le représentant du peuple, « Laplanche. « P. 8. Hier, il nous est arrivé un espion bri¬ gand couvert de reliques, de chapelets et de croix, il a été arrêté par nos avant-postes. Je l’ai livré au tribunal militaire, qui lui a fait subir la peine de mort, conformément à la loi. Un second espion a été surpris en faisant des vœux impies pour les brigands et pour le roi. Les soldats républicains n’ont pu se contenir, ils l’ont sur-le-champ sacrifié à leur juste fureur. En mourant, il disait qu’il était bien sûr de res¬ susciter dans trois jours (1). Un membre [Bezakd (2)], an nom du comité de législation, propose et fait rendre les décrets suivants : « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport de son comité de législation [Bezakd, rapporteur (3)], décrète ce qui suit : (1) Éclats de rire, d’après le Journal de Perlel [n° 424 du 30 brumaire an II (mercredi 20 no¬ vembre 1793), p. 404]. (2) D’après la minute des décrets qui se trouve aux Archives nationales, carton G 277, dossier 732. (3) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 277, dossier 732. Voy. ci-dessus, séance du 23 brumaire an II, p. 159, le rapport de Bezard. Art. 1er. ® « Les ministres du culte catholique qui se trouvent actuellement mariés, ceux qui, anté¬ rieurement au présent décret, auront réglé les conditions de leur mariage par acte authentique, ou seront en état de justifier de la publication de leurs bans, ne sont point sujets à la déporta¬ tion ni à la réclusion, quoiqu’ils n’aient pas prêté le serment prescrit par les lois des 24 juillet et 27 novembre 1790. Art. 2. « Néanmoins, en cas d’incivisme, ils peuvent être dénoncés et punis conformément à la loi du 30 vendémiaire dernier. Art. 3. « La dénonciation ne pourra être jugée valable, si elle n’est faite par trois citoyens d’un civisme reconnu par la Société populaire ou les autorités constituées (1). « Sur la proposition faite de décréter que les prêtres du culte catholique qui abdiquent les fonctions de ce culte ne peuvent être regardés comme ayant déserté leur poste, la Convention nationale passe à l’ordre du jour, motivé sur ce que les prêtres n’ont jamais été considérés comme fonctionnaires publics, et que le décret qui ordonne aux fonctionnaires publics de rester à leur poste, ne les concerne pas (2). » « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport [Bezakjd, rapporteur (3)] de son comité de législation, sur la question présentée par la commune de Campan, de savoir si une demande en relief de laps de temps, formée par cette commune, de se pourvoir en requête civile contre un arrêt du ci-devant parlement de Tou¬ louse, qui a dépouillé les habitants de Campan de leurs propriétés communales dans les Pyré¬ nées, en les attribuant à la commune de Quatre-Vaisiaux de la Vallée-d’Aure, doit être jugée, d’après la loi du 2 octobre dernier (vieux style), par la voie de l’arbitrage; « Considérant que le pouvoir de relever du laps de temps n’appartient qu’à la puissance législa¬ tive, .et ne peut être exercé que par elle ou par l’autorité constituée à q.ui elle l’a expressément conféré; que c’est au tribunal de cassation seul que le pouvoir a été attribué par les lois des 19 août et 10 décembre 1792, dont les dispositions en relief de laps de temps ne sont point rapportées par le décret du 2 octobre dernier, « Décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer (4). » « La Convention nationale, sur la demande de l’administration municipale des contributions di¬ rectes de Paris, convertie en motion par un (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 331. (2) Ibid. (3) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton G 277, dossier 732. (4) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 332.