28ÏÏ [Assemblée nationale.] ARCHIVES’ PARLEMENTAIRES. [2*j aimer 1790.] qir’il faut un singulier oubli de là naturë des départements pour vouloir que tous les comptes soient remis dans un mois. Comment pourra-t-on se procurer, dans ce délai, les comptes de l’Inde, des Antilles, etc.? M. Anson. Le projet de décret a été imprimé et distribué il y a huit jours. Son objet principal est de demander aux ordonnateurs le détail de l’arriéré, détail qu’ils doivent toujours avoir sur leur bureau, et d’empêcher les ministres d’employer à ces dépendes arriérées les fonds destinés pour l’année 1790. M. Camus. Il faut sans doute que les ordonnateurs fournissent l’état des dépenses de leur département, mais il faut aussi exiger que ces dépenses ne soient déterminées que conformément au taux fixé pour chaque département par le rapport du comité des finances et par le décret du 6 octobre. M. l’abbé Maury. Nous devons prendre une route opposée à celle qui a été suivie. On a toujours, jusqu’ici, porté la recette au niveau de la dépense ; mais c’est la dépense qu’il faut ramener au niveau de la recette ; c’est donc la dépense qu’il faut déterminer avant tout. Pour cet effet, il faut se livrer à la discussion. M; de Cazalès. Je demande que le comité s’applique principalement à découvrir les causes de l’augmeDtation de la dette, qui depuis deux ans s’est accrue de près de 2 milliards ; on serait probablement obligé d’augmenter les impôts; je demande que le comité soit chargé de rechercher toutes les dettes de l’Etat, et d’en constater la légitimité, et que le voile soit à la fin déchiré. M. Charles de Cametb. J’observe que la motion de M. de Cazalès serait impolitique dans ce moment-ci ; qu’elle entraînerait des longueurs dans un temps où tout nécessite une prompte détermination. M. le comte de Mihabeau; La motion de M. de Cazalès tend à faire envisager le comité proposé comme une espèce de chambre ardente. Nous devions scruter la dette, non pas dans le sens que nous devions en constater la légitimité, mais pour en connaître l’état; où est, par exemple, l’extension de l’emprunt de 80 millions ? comment pourra-t-on Ja constater ? c’est ce qu’il nous est impossible de découvrir. On demande que la discussion soit fermée. M. le Président' annonce la question préalable contre l’amendement de M. de Cazalès; Les plus vifs débats s’élèvent. Les injures succèdent aux raisons. Plusieurs membres, taxés d’aristocrates, menacent d’en appeler au peuple. Un autre se plaint que tout se décide aux Jacobins. M. l’abbé Maury, ne pouvant obtenir la parole, demande si M. le président veut paralyser le côté droit. Enfin, à la seconde lecture du projet il obtient la parole. M. l’abbé Ilaury. L’arriéré des' départements ne forme pas la troisième partie de la dette publique ; mais c’est Ja dette entière que nous devons constater. Il n’appartient1 pas aux représentants de Ja nation de couvrir d’un voile la1 dette qu’ils sont chargés de vérifier. On s’opposera sans doute à ce qu’un comité soit nommé pour' la révéler à la France tout entière. Je demande à ceux de cette Assemblée à qui la nature a refusé tout autre courage que celui de la honte, ce qu’ils pourront répondre... (De violents murmures s’élèvent de toutes parts.) Oh demande que l’opinant soit rappelé à l’ordre ; d’autres veulent qu’il soit censuré. Un membre propose de le bannir de l’Assem-blée et de le faire rappeler par ses commettants. M. le comte de Mirabeau. L’incident fâcheux qui trouble la séance nous e3t un grand exemple que la colère est un mauvais conseiller. Le préopinant a eu le malheur de provoquer votre censure ; il a été contre son but par son propre emportement : pour vous, Messieurs, qui devez être au-de8sus de toutes les offenses, sûu& tous les rapports, permetiez-moi d’établir le principe ; mais auparavant* je demande que M. le président pose la question nettement, afin que je puisse donner mon opinion. M. le Président répond qu’il a été fait une: motion dont il va donner lecture. M. de Foucaud, De qui est-elle? qu’il se présente... Plus de cent membres se lèvent à la fois, en disant : C’est, nous, ce sont tous les bons citoyens !... MM.Ie vicomte de Foucault et de Mirabeau, quelques autres, réclamen t alors qu’au lieu de ces. voix confuses, il y en ait une seule qui se présente et qui formule nettement l’accusation contre M. l’abbé Maury. M. Guillaume. Ne cherchez pas un dénonciateur à M. l’abbé Maury. Il se présente de lui-même ce dénonciateur; c’est moi, et vous allez connaître mes motifs et mes conclusions. S'il est des hommes assez flétris dans1 l’opinion publique pour que leurs injures tiennent souvent lieu d’éloges, il n’appartient qu'aux particuliers, maîtres de leurs actions, de mépriser les outrages de ces individus ; mais les corps, et surtout les corps représentatifs, comptables de leur dignité envers leurs mandataires, leur doivent de repousser les offenses qui leur deviennent personnelles. Le corps législatif, ayant l’honneur de représenter la Dation tout entière, ne peut donc pas, lorsqu’il est offensé, borner sa vengeance au mépris, quel que soit l’agresseur, et il le doit d’autant moins que le respect qu’on a pour ses membres dépend du respect dû à ses décrets, et le succès de ses opérations si importantes au bonheur de t’empire. Je propose que M. le président écrive au bailliage de Péronne, afin qu’il retire les pouvoirs donnés à M. l’abbé Maury et qu’il envoie un suppléant à sa place. Un membre donne plus d’étendue à la motion de M. Guillaume, en l’appliquant à tous les membres de l’Assemblée ; il faut écrire, dit-il, à tous nos commettants pour qu’ils nous changent tous, vu la division qui règne dans i’Assemblce. M. Corollër fait une motion plus sévère encore ; elle tend à exclure M. l’abbé Maury de (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 janvier 1790.] 287v l’Assemblée, et à écrire ensuite à Péroune pour qu’il soit nommé un autre député. M. le . comte de Mirabeau, qui est toujours demeuré à la tribune, et que l’on a interrompu * plusieurs fois, reprend la parole : Si l’un des préopinants n’avait pas cru deviner mon intention, il se serait épargné la peine de m’interrompre ; il est chanceux de vouloir être prophète. Dans la chaleur des expressions, le mot d’exclusion a frappé mon oreille ; mais je pense que l’on ne peut pas exclure un membre de cette Assemblée, et qu’il ne faut pas juger dans camoment cette question de droit public ; mais on peut écrire aux commettants de retirer leur confiance de celui à qui l’Àssembléea retiré son estime. La., sagesse de M. Guillaume m’a prévenu sur ce point... Le tort du préopinant est grave* sans doute. Si cette injure avait été attachée à quelque nom particulier, elle eût été une démence si lamentable qu’il aurait fallu en envoyer l’auteur aux Petites-Maisons; mais c’est parce que. l’injure a le caractère de l’emportement que je me borne à demander que M. l’abbé Maury soit censuré, et. que la censure soit portée sur le procès-verbal. Mi l’abbé Maury. Jamais, une maxime générale de morale n’a été une injure ; je n’ai accusé nidésigné personne, et personne dans l’Assemblée ne.se croit offensé par moi. M. l’abbé Maury répète ensuite Je 'raisonnement qu’il avait fait et la phrase qui étaitleeorps du délit ; mais, quelques membres observent qu’il supprimait ces mots, ceux de l’Assemblée , etc. M. l’abbé Maury nie les avoir proférés. Il ne faut point, dit-il, de commentaire à ma phrase ; on ajoute un mot qui la rend une impudence absurde, et qui me ferait mériter le supplice des fous, comme on l'a dit. Je suis sûr dema mémoire ; je n'ai pas oublié les paroles que j’ai dites, par-ceque j’avais prévu qu’on me mettrait dans la nécessité de les répéter. J’ajoute qu’il est difficile à un homme qui improvise de mesurer ses paroles ; il est impossible surtout d’y parvenir lorsqu’à chaque parole il est interrompu par les hurlements de la rage. . Ce moyen de défense paraissant à l’Assemblée une nouvelle injure, elle en témoigne son indignation. Enfin M. l’abbé Manry termine sa défense en disant : Je n'ai insulté aucun individu, puisque je n’en ai nommé aucun ; je n’ai pas manqué à l’Assemblée , puisque ma maxime est générale, et ces . mots, ceux de V Assemblée, ne s’y trouvent pas. Ma phrase est une forme oratoire, et une de ces tournures par lesquelles l’orateur s’adresse aux choses animées et inanimées. Quelques voix réclament l’ordre du jour; la plus grande partie réclame justice, lorsque M. d’Eprémesnil croit trouver un moyen justificatif, en disant qu’il y avait des faits convenus et des faits contestés ; que les premiers n'étaient point injurieux ; qu’à l’égard des autres> il fallait dans ce. doute, juger en faveur de l’accusé ; que d’ailleurs les juges ne pouvaient pas être accusateurs et témoins, suivant la maxime des tribunaux. M1. Rœderer. Dans tous les tribunaux, il ne faut que deux témoins pour prouver un délit : ici les versions sont différentes; mais j’ai recueilli la phrase : qu’il se lève un autre témoin et la preuve est faite. Quant à< l’impossibilité prétendue d’être juge et témoin, je demande comment, dans les parlements, les fautes de discipline peuvent être jugées et prouvées ? Autrement, il faudrait poser en principe que l’on peut impunément* troubler l’ordre dé l’Assemblée. Quand j’ài demandé la parole, je voulais proposer une peine grave ; mais lorsque j’ai vu que M. l'abbé Maury aggravait ses torts en voulant les justifier, j’ai cru que l’emportement jetait un si grand désordre dans ses pensées qu’il ne devait plus être comptable de ses actions. Je crois qu’il y a lieu à user d’indulgence. La priorité étant demandée pour la motion de M. de Mirabeau, elle1 lui est accordée. La motion, mise aux voix, est adoptée, et l’Assemblée décrète que M. l’abbé Maury sera . censuré, et que la censure sera portée au procès-verbal. M. le Président. Il reste à statuer sur les articles du projet de décret qui vous est proposé par le comité des finances. Le projet de décret est mis aux voix et adopté sous modification. M'. le Président annonce que le comité de* vérification a examiné les pouvoirs de Ml le baron de Nédonchelle, député du bailliage du Quesnoy, suppléant de M. le duc de Groy, qui a donné sa démission et qu’il a trouvé ces pouvoirs parfaitement en règle. M. lë baron de Nédonchelle est admis. M. le Président annonce qu’une députation du district des Cordeliers est; venu@î'apporter dés pièces intéressantes sur lesquelles, ilo s’agit de; prendre une délibération. Il fait lecture d’une adresse et d’un procès-verbal de ce district. L’adresse expose que le 8 octobre, le Châtelet de Paris rendît un décret de prise de corps contre M. Marat, auteur de l 'Ami du peuple ; qu’aujour-d’hui les huissiers s’étant transportés rue de l’An-eienne-Comédie-Française, pour mettre le décret à exécution, M. Marat avait fait parvenir au district des Cordeliers sa réclamation contre ce décret qui, antérieur à la loi portant réformation de la jurisprudence criminelle, ne pouvait être mis à exécution. Le district des Cordeliers a cru voir dans la nouvelle loi une abolition des anciennes lois criminelles dans cette partie, et pour donner une preuve de son zèle pour le maintien et l’exécur tion des décrets de l’Assemblée nationale, il dit avoir mis bon ordre à ce que le décret de prise de corps contre le sieur Marat ne fût pas exécuté. Ce district fait part à l’Assemblée nationale de la nomination qu’il a faite, le 19 de ce mois, de cinq commissaires pour viser les décrets de prise de corps qui seront dans le cas d’être mis à exécution sur son territoire, à l’effet de mettre les citoyens à l’abri des ordres arbitraires et d’assurer l’exécution des décrets de l’Assemblée. M. Rewbell rappelle le décret de l’Assemblée qui surseoit à toutes les procédures prévôtales d’où il infère que le décret contre M. Marat ne doit pas être exécuté. M. de liaclièze lit l’article 27 du décret sur la réformation de quelques points de la jurispru-