[21 mai 1791. j [Assemblée natioaale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. municipaux, électeurs, et en général de toutes fonctions établies par les lois constitutionnelles. En conséquence, décrète : a Que les électeurs du département de la Lozère, qui ont refusé le serment civique lors de l’élection de l’évêque dudit département, et qui OQt fait signifier à l’assemblée électorale l’acte du 21 mars 1791, seront déchus de leur qualité d’électeurs, et que ceux d’entre eux qui remplissent une fonction publique de juge de district, de juge de paix, d’administrateur ou de membre des directoires du département et des districts, ainsi que d’officiers municipaux, sont pareillement déchus desdites fonctions, et ne pourront les exercer, à peine d’être poursuivis par les accusateurs publics auprès des tribunaux; qu’en conséquence, il sera procédé, par les ordres du directoire du département, aux nouvelles élections à faire, tant de maires et officiers municipaux, que des juges de paix déclarés déchus, et que le remplacement des membres des directoires et des juges de district qui sont dans le même cas, sera fait par les suppléants et membres des conseils, aux termes des décrets.» (Ce décret est adopté.) M. de Châteanneuf-Randon. Je profite de l’occasion qui m’est fournie pour faire une déclaration à l’Assemblée. Des ennemis de la chose publique répandent le bruit, et font insérer dans les journaux, que les habitants du département de la Lozère s’opposent à l’exécution des lois, et doivent se réunir et camper dans les plaines de Montbel, à l’instar du dernier rassemblement de Jalès. Je certifie à l’Assemblée nationale, comme je l’ai fait plusieurs fois, que tous les habitants de ce département sont et seront toujours les premiers à exécuter les lois bienfaisantes des représentants de la nation, et que le fanatisme et la rébellion excités, dans ce département, par quelques individus, dont il faut plaindre l’erreur, ne trouveront ni moyens, ni partisans. M. Dupont (de Nemours), au nom des comités de Constitution , des colonies, de commerce et de marine. Messieurs, vous avez chargé vos comités réunis de Constitution, des colonies, de commerce et de marine de rédiger un projet d'instruction pour les colonies , relativement aux décrets des 12 et 15 mai courant. En voici un que j’ai rédigé moi-même et que je vous demande la permission de vous lire : (Oui! oui!) « L’Assemblée nationale, occupée de tous les moyens d’assurer la prospérité des colonies, de faire participer les citoyens qui les habitent aux avantages de la Constitution, de consolider la fortune des planteurs, de leur donner les marques d’affection qui dépendent d’elle, et d’unir d’intérêt avec eux tous les hommes dont les forces et l’attachement peuvent concourir au maintien de l’ordre, s’est fait représenter ce qui avait déjà été décrété à leur sujet. « Elle a reconnu que les hommes chargés du travail de la culture dans les colonies sont, par leur défaut de lumières et par leur expatriation, dans un état de minorité prolongée qui paraît exiger que la protection de la Joi soit modifiée vis-à-vis d’eux, comme avec les enfants, par l’autorité immédiate du gouvernement de famille, et qui semble nécessiter d’admettre dansla Constitution coloniale quelques exceptions aux principes généraux. 263 « Il lui a paru que le Corps législatif ne peut être mieux éclairé sur ces exceptions que par le vœu des colonies elles-mêmes. Elle a en conséquence jugé convenable d’opposer une entière loyauté aux insinuations perfides qu’elle n’ignore pas qu’on cherche à répandre dans les colonies, et d’expliquer nettement ses intentions sur la faveur de Yinitiative qu’elle a cru devoir accorder aux diverses assemblées coloniales, par son décret du 28 mars, relativement aux lois à faire sur l’état des personnes. « Le point fondamental et le seul véritablement important, celui par rapport auquel les gens mal intentionnés voulaient inspirer de l’inquiétude aux colonies, était la conservation des moyens que les propriétaires ont de les mettre en valeur. — L’Assemblée nationale a déclaré qu’elle ne prononcerait sur l’état des personnes non libres que d’après les propositions spontanées que pourraient lui faire les assemblées coloniales. « C’est ce qu’avaient souhaité les colonies ; c’est à cet égard que l’initiative leur avait été donnée. L’Assemblée nationale a cru devoir la leur confirmer avec les expressions les plus claires et sans aucune équivoque. « Une autre question s’est élevée sur la manière dont l’initiative coloniale serait exercée, et sur les personnes qui auraient le droit d’y concourir par elles-mêmes ou par leurs représentants qui doivent former les assemblées coloniales. La raison, le bon sens, le texte positif des lois disaient que les colonies sont composées de tous les citoyens libres qui les habitent, et que tous ces citoyens devaient donc prendre part à l’élection des assemblées qui feront usage pour eux de leur droit d’initiative. Sous l’ancien régime même, et sous le plus despotique des régimes, l’édit de 1685 avait donné aux hommes libres de couleur tous les droits dont jouissaient alors les autres citoyens. Il aurait fallu une loi nouvelle pour les exclure des nouveaux droits dans lesquels tous les citoyens sont rentrés par la Révolution. Et s’il y avait eu quelque incertitude, elle aurait été levée par le décret du 28 mars, qui, reçu dans les colonies avec reconnaissance, et y réglant les droits de citoyen actif, d’après les mêmes principes constitutionnels par lesquels ils le sont en France, dit formellement et sans exception, article 4, que TOUTE PERSONNE LIBRE, propriétaire ou domiciliée depuis deux ans, et contribuable , jouira du droit de suffrage qui constitue la qualité de citoyen actif. » « Mais les députés des colonies ont exposé que leurs commettants croyaient utile, et qu’ils désiraient vivement de conserver une gradation marquée dans le passage de l’émancipation des cultivateurs qui deviennent libres à cette espèce de majorité politique, où réside le droit complet de cité, et d’instituer dans cette vue une classe intermédiaire entre les personnes non libres et les citoyens actifs; classe qui, jouissant des droits civils, ne vît encore les droits politiques que comme une expectative honorable et avantageuse assurée à ses descendants. « Cette opinion a été fortement combattue. L’Assemblée nationale pouvait la repousser. Elle pouvait se renfermer dans le sens littéral du décret déjà rendu sur les personnes libres. Elle a préféré de traiter les colons fondateurs et propriétaires de l’Amérique française, comme une mère tendre, qui, non seulement veut le bien de ses enfants, mais qui se plaît encore à le faire selon leur désir. Elle a consenti à former la classe intermédiaire que sollicitaient les colons blancs. 264 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 mai 1791.] Elle y a compris les affranchis, et même les personnes libres nées d’un père qui ne le serait pas. Elle a étendu sur eux l’initiative concédée par la métropole aux colonies. Elle a ainsi augmenté dans les assemblées coloniales le droit éminent qu’elle leur avait déjà conféré relativement aux personnes non libres; ce droit précieux d’être l’origine d’un plus grand bien, qui est un des plus beaux et des plus nobles attributs du Corps constituant. « En attachant les autres hommes libres aux colons de race européenne, par un intérêt commun, en reconnaissant chez eux, comme elle l’avait déjà fait, les droits que leur donnent la nature et la société, elle a créé dans les colonies la puissance la plus propre à y résister et aux troubles intérieurs et aux attaques de l’ennemi. « Elle s’applaudissait d’un ouvrage dans lequel la politique, la condescendance, la raison et l’équité lui paraissaient si heureusement conciliées, lorsqu’elle a vu avec douleur quelques députés des colonies regarder comme une diminution des concessions précédemment faites aux assemblées coloniales l’extension nouvelle donnée à ces mêmes concessions. « Sans doute, ces députés ne tarderont pas à revenir d’une erreur si contraire aux intentions et à la teneur des décrets du Corps législatif et constituant. « Sans doute, ils regretleront de l’avoir manifestée, en déclarant qu’ils s’abstiendraient des séances où leur devoir les appelle. « L’Assemblée nationale les plaint d’une conduite qu’elle pourrait traiter plus sévèrement ; et dans l’affection véritablement maternelle dont elle est animée pour les colonies, elle se borne à empêcher, par la présente instruction, que l’erreur de leurs députés n’y devienne contagieuse. Au-dessus du soupçon et de l’imputation d’avoir manqué à ses engagements, au moment même où elle les excède par égard pour les habitudes des citoyens blancs des colonies, il lui paraît suffisant de leur recommander de comparer et de peser ses décrets. Ils y trouveront son amour pour eux et ses soins pour les intérêts ; elle ne veut point, d’autre préservatif contre tous les efforts que l'on pourrait faire pour égarer leur opinion; elle se fie à leur raison et au patriotisme dont ils ont, dans tous les temps, donné un si grand nombre de preuves. Elle est convaincue que rien au monde ne pourrait les détourner de l’obéissance qu’ils doivent aux décrets du Corps législatif, sanctionnés par le roi et soutenus de toute la puissance nationale; mais cette obéissance, mais la reconnaissance des colons libres de toute couleur, et surtout de ceux qui tiennent de plus près à la mère-patrie, de ceux qui se sont toujours distingués parmi ses enfants, lui paraissent encore plus solidement fondées sur leur intérêt respectif et sur le sentiment inviolable d’attachement et de zèle que mérite, qu’inspire la Constitution, et qu’on ne pourra jamais altérer dans le cœur des bons citoyens. Toute passion chez eux cède à l’amour de la patrie, et toute insinuation qui tendrait à l’affaiblissement de ce lien sacré, sera repoussée par eux avec horreur « L’Assemblée nationale a chargé ses comités réunis de Constitution, des colonies, de commerce et de marine, de lui proposer sans délai les lois les plus propres à concilier tous les intérêts commerciaux des colonies et de la métropole, et à porter la culture et les richesses des îles françaises au plus haut degré dont elles soient susceptibles ». M. Bouche. Je demanderai à M. le rapporteur une explication, sur la définition qu’il donne dans le second alinéa, des hommes livrés au travail de la culture dans les colonies. M. Dupont (de Nemours), rapporteur. C’est pour justifier sous un certain rapport l’article par lequel on yods acuse d’avoir décrété constitutionnellement l’esclavage. Je dis que ces hommes, par leur ignorance, par l’infériorité de leurs moyens, par leur expatriation, ne font pas, pour ainsi dire, partie de la société, mais qu’ils font partie de la famille, qu’ils existent sous la protection d’un gouvernement domestique. C’est ainsi que chez les Romains on appelait pater familias, l’homme qui avait des esclaves, quoiqu’il n’eût pas d’enfants. Il faut regarder ces esclaves comme des enfants mineurs; vous les avez donc confiés au gouvernement domestique de la famille, en disant qu’il ne serait rien statué à leur égard que sur le vœu des assemblées coloniales. C’est un membre très instruit de cette Assemblée qui m’a donné l’idée de définir ainsi la nature de cette espèce d’esclavage que vous ne devez considérer que comme une minorité dont l’émancipation est soumise au gouvernement de famille. M. Martinean. Je demande qu’au lieu de dire ; Les cultivateurs, ou les hommes chargés de la culture dans les colonies, on dise : Ceux dont les bras sont employés à la culture. Je demande ensuite que vous n’entrevoyiez pas dans l’initiative que vous avez donnée aux colonies, une époque à laquelle les nègres deviendront libres. (Murmures.) M. Dnpont (de Nemours ), rapporteur. Il n’est pas impossible que les assemblées coloniales s’occupent de ce grand objet. Vous connaissez la loi bienfaisante qui a été faite pour les colonies espagnoles, par M. le comte de Florida-BIanca. Par cette loi, les nègres ont le dimanche libre, et peuvent ce jour-Jà travailler pour eux. Lçrs-qu’ils parviennent, par le fruit de ce travail, à acquérir 300 livres, c’est-à-dire le sixième de ce qu’ils ont coûté à leurs maîtres, ils achètent le lundi, puis le mardi; et en 15 ou 20 ans de travail, ils parviennent à ache'.er leur liberté, en même temps qu’ils acquièrent l’amour de l’ordre et du travail, et l’habitude des bonnes mœurs. C’est le ministre d’Espagne qui a fait ce présent à l’humanité. Vous ne devez pas désespérer que les assemblées coloniales ne fassent un si bel usage de leur initiative. M. fioupil-Préfeln. Il est bien étonnant que l’horreur de la liberté se manifeste dans cette Assemblée, comme l’on voit Rs hydrophobes malheureusement atteints de l’horreur de l’eau. M. Treilhard. Je demande à M. le rapporteur si le projet d’instruction a été délibéré par les quatre comités chargés des affaires coloniales. M. Dupont (de Nemours), rappoteur. J’ai prévenu l’Assemblée que j’avais moi seul rédigé ce projet. Les comités ont été convoqués plusieurs fois; mais ils ne se sont jamais trouvés en nombre suffisant pour délibérer. Les membres, qui étaient présents, m’ont chargé de vous le présenter tel que je Payais rédigé. (Aux voix! aux voix!)