BAILLIAGES DE PROVINS ET MONTEREAU. CAHIER De Vordre du clergé des bailliages réunis de Provins et de Monter eau (1). M. l’abbé de La Rochefoucault de Breuil, nommé député du clergé. M. Pouget,curé de Coutevroult, nommé en survivance. Appelés par un monarque juste et bienfaisant à présenter nos cahiers à l’assemblée des bailliages de Provins et de Montereau réunis; par religion et le devoir pressant de l’exemple, le député demandera tout ce qui peut contribuer au bonheur public; 6e bonheur même, aux yeux d’une juste et véritable politique, ne peut être puisé que dans le code sacré de la religion catholique, seule capable d’assurer l’avantage de l’autorité et de l’obéissance. RELIGION. 1° Persuadés que la religion est le plus ferme appui du trône, comme la source la plus féconde du bonheur des peuples, nous entendons conserver dans son intégrité le précieux dépôt de la foi qui nous est confié en qualité de ses ministres, et rejeter tout ce qui pourrait y porter atteinte ainsi qu’à la solennité et la décence du culte public, qui doit être exclusivement réservé dans toute l’étendue du royaume à la religion catholique, apostolique et romaine. .2° D’après ces principes, nous supplions le Roi de vouloir bien donner une loi qui fixe invariablement et qui explique l’étendue des effets civils accordés aux non catholiques, par l’édit du mois de novembre 1787 rendu en leur faveur, et notamment quant à leur mariage et au patronage des bénéfices ecclésiastiques. 3° Le rétablissement des synodes diocésains et des conciles provinciaux, afin que l’évêque, de concert avec son clergé, puisse assurer le plus grand bien possible pour les fidèles, et apporter dans la discipline ce que les temps, les lieux et les usages pourraient exiger de changement. 4° La licence de la presse, qui enfante chaque jour une multitude d’ouvrages scandaleux, où régnent l’esprit de libertinage et d’incrédulité, une audace sacrilège contre la foi, la pudeur, la raison, le trône et l’autel : la licence de la presse pénètre le clergé de la plus profonde douleur. Il demande en conséquence que cette licence, à laquelle on ne saurait opposer trop promptement les digues les plus fortes, soit enfin resserrée dans de justes bornes; elle sera réprimée en obligeant les auteurs à se nommer, afin de répondre devant les tribunaux de ce que les ouvrages auraient de dangereux et de répréhensible; et les libraires et imprimeurs à faire la déclaration des livres et des auteurs. 5° Les maux dont nous sommes les témoins, ...... — ■ — — ■ — — ■ (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. et qui menacent encore plus' les générations futures, nous portent à demander avec instance à Sa Majesté de restaurer l’éducation publique; que cette source des bonnes mœurs, des vertus civiles, sociales et domestiques, subisse enfin la réforme la plus prompte et la plus étendue ; qu’un code d’éducation nationale établisse des lois qui, en fixant les objets de l’enseignement public et la discipline à y maintenir, puisse assurer une instruction catholique. Que les universités, les collèges, les séminaires, les maisons religieuses des deux sexes, les maîtres des villes et des campagnes y soient également assujettis. 6° Nous osons solliciter de la bonté et de la piété du Roi une protection particulière pour les ordres religieux de l’un et de l’autre sexe, qui subsistent légalement dans le royaume, sous les heureux auspices de sa faveur et de son autorité; nous espérons voir fleurir et vivifier de plus en plus ces saints instituts utiles à la religion, au bien de l’Etat, aux familles indigentes, à la subsistance des pauvres des villes et des campagnes. 7° La réintégration des curés dans leurs droits primitifs, dont il ne reste plus que de faibles vestiges; non qu’ils veuillent se soustraire à l’autorité légitime qu’ils respectent, mais ils sont convaincus qu’elle n’en sera que plus vénérable lorsqu’elle se renfermera dans les bornes posées dans les saints canons. 8° et 9° Nous supplions très-humblement le Roi d’ordonner que toutes les cures des campagnes seront portées à la somme de 2,000 livres, les vicariats et succursales à 1,000, les cures des villes à la somme de 2,400 livres; que nosseigneurs les évêques seront chargés de pourvoir à l'exécution prochaine de cette supplique par réunion de bénéfices, afin d’établir cette masse nécessaire, et d’une voix unanime, le clergé a renoncé au casuel. 10° Suppression des économats, et soumettre leur administration à la surveillance des Etats provinciaux, afin d’assurer les réparations des bénéfices à moindre frais et pour la sûreté des familles. 11° Hospices ou maisons de retraite pour les curés infirmes, à moins qu’ils ne préfèrent une pension de 600 livres, soit un canonicat dans les chapitres des églises cathédrales ou collégiales ; auxquels avantages pourront concourir seulement ceux qui auront passé trente années dans l’exercice constant et suivi du saint ministère dans le même diocèse. 12° Nous réclamons pour les curés de l’ordre de Malte les mêmes privilèges et immunités dont jouissent les autres curés du royaume. 13° Une meilleure et plus sage administration pour tous les hôpitaux, qui sera surveillée par les Etats provinciaux, ainsi que tout ce qui regarde les établissements de charité, publies et particuliers, dans les villes et les campagnes, et fixer un sort plus certain pour les maîtres et maîtresses d’école, sous la surveillance spéciale des curés, sauf les droits des écolâtres. 446 [États gén. 4789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bail, de Provins et Montereau.] 14° Une plus juste interprétation de la loi qui concerne les privilèges des curés primitifs à l’égard des curés des paroisses, dont les droits sont trop circonscrits. 15° Un modèle imprimé et uniforme dans toute l’étendue de la France, pour la rédaction des actes de baptême, mariage et sépulture, afin de constater plus certainement l’existence civile de tous les citoyens. 16° Que Sa Majesté soit suppliée de vouloir bien dorénavant ne plus employer, pour le service de la chapelle, auprès de sa personne et celles des princes de la famille royale, aucuns bénéficiers dont le bénéfice demande résidence. CONSTITUTION. — ■ PRINCIPES GÉNÉRAUX. 1° Les Etats généraux sont l’organe de la volonté de la nation. 2° La volonté nationale est manifestée par la réunion des cahiers des trois ordres. 3° Les cahiers doivent donc comprendre l’exposition des abus contre lesquels la nation réclame, et l’expression de la volonté générale sur la réforme de ces abus. Les abus contre lesquels la nation réclame ont une source commune, le pouvoir arbitraire; ce n’est qu’en le resserrant dans de justes bornes, qu’on peut espérpr de rétablir l’ordre dans les différentes parties de l’administration ; mais pour y parvenir, la nation a besoin de réunir toutes ses forces contre un ennemi commun ; il est donc nécessaire avant tout d’établir la confiance qui doit régner entre les trois ordres. En conséquence, le clergé des bailliages réunis de Provins et de Montereau déclare : 1° Que les trois ordres de l’Etat sont également libres, également fondés en droit, de ne payer que les subsides qu’ils ont consentis par un vœu unanime. 2° Que le clergé renonce à toutes exemptions pécuniaires. 3° Qu’il renonce au privilège de consentir son impôt en particulier, hors des Etats généraux, et qu’il consent à supporter dans une égalité rigoureuse, avec les autres ordres de citoyens, les subsides consentis dans les Etats généraux, par le vœu réuni des trois ordres. 4° Qu’il renonce pareillement au privilège de répartir et percevoir spécialement ces subsides; qu’il consent à ce qu’il n’y ait pour les trois ordres qu’un seul rôle d’imposition, où seront spécifiés les objets sur lesquels porteront les taxes, selon le régime qui sera établi par les Etats généraux. Ges principes posés, le clergé demande : 1® Que l’autorité royale soit conservée et maintenue dans toute la plénitude selon la loi. 2° Il demande que, pour ne pas altérer la force nationale des trois Etats du royaume, sagement combinée par nos pères, ou délibère par ordre et non par tête. 3° 11 entend conserver comme un précieux dépôt qui lui a été transmis par quatorze siècles de possession non interrompue, ses immunités, rangs, séances, ordres et prééminences, qui n’ont jamais reçu la moindre altération et ont été formellement reconnus par une déclaration d’Henri III de 1580. Laisser entamer ces droits constitutionnels, ce serait se rendre coupable aux yeux de la religion et de la postérité. 4° Il demande que qui que ce soit ne puisse à l’avenir être privé de la liberté par aucun ordre ministériel, ni par aucun acte arbitraire. Et si dans les cas graves, la sûreté de l’Etat exigeait un emprisonnement provisoire, que le prisonnier soit remis sur-le-champ dans les prisons ordinaires pour être jugé par ses juges naturels , sous la réserve spéciale de l’exercice légitime de l’autorité paternelle. 5° La prompte réformation du code civil et criminel. 6° Qu’aucun impôt ne soit consentit qu’aprts que la dette nationale et le déficit quront été constatés aux yeux des Etats généraux. 7° Que nul impôt ne puisse être établi, nul emprunt ouvert, sans avoir été préalablement jugé nécessaire et consenti par les Etats généraux. 8° Que l’époque où les Etats généraux se rassembleront soit fixée ; qu’elle ne puisse être reculée au delà de cinq ans, et le lieu de l’assemblée indiqué ; et qu’à l’époque assignée, ils puissent s’assembler en vertu de la loi portée par les Etats généraux, d’après la sanction du Roi. 9° Qu’il soit établi dans toutes les provinces des Etats provinciaux chargés particulièrement de répartir et percevoir l’impôt, attendu que la répartition et la perception importent à la nation autant que le consentir, puisque les droits de la propriété peuvent être violés par la répartition et la perception arbitraire autant que par l’établissement arbitraire de l’impôt même. 10° Que, dans ces Etats provinciaux, le clergé du second ordre y soit appelé eu nombre proportionnel pour y répartir l’impôt, veiller et coopérer au bien public et particulier. 11° Qu’en temps de guerre, trois mois après la publication, les Etats généraux seront de droit convoqués et assemblés pour consentir l’imposition de nouveaux subsides, s’ils sont jugés nécessaires. 12° Que les ministres soient responsables de leur gestion aux Etats généraux, qui pourront les faire juger sur l’exercice de leurs fonctions par leurs juges naturels. , 13° Q’aucune loi ne puisse avoir de force ni de vigueur, qu’elle n’ait été consentie par les Etats généraux. 14° Que les impôts ne soient accordés que jusqu’à l’époque fixée par le retour des Etats généraux, et que ces impôts ne puissent être prorogés sans avoir été de nouveau consentis par lesaits Etats. 15° Après promulgation de la loi, contenant les articles ci-dessus, que la dette royale soit rendue nationale, y compris celle du clergé qui n’a jamais été contractée que pour les besoins de l’Etat. 16° Que les impôts sur les consommations soient saisis de préférence pour gage de la dette publique, sous la réserve des denrées de première nécessité 17° Que la défense nécessaire aux différents départements soit fixée invariablement d’après un mûr examen ; le même clergé, des mêmes bailliages de Provins et Montereau réunis, demande que si tous les articles de cette présente constitution, singulièrement ceux qui regardent rétablissement des Etats provinciaux, seuls chargés de répartir et percevoir l’impôt des trois ordres, n’étaient pas admis ou consentis, 1° Que les chambres ecclésiastiques des diocèses, pour la répartition des décimes, soient composées d’un nombre proportionnel d’abbés, curés, de chanoines, de religieux et autres bénéficiers, tant des villes que des campagnes; 2° Que les assemblées générales du clergé, à Paris, soient moins dispendieuses, moins longues et formées également par le même nombre, et juste et proportionnel des membres du clergé, et [Bail, de Provins et Montereau.j 447 [États gén. 1789. Gabiers.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. particulièrement des curés composant la partie utile et essentielle du clergé de la nation. BIEN PUBLIC. Le Roi sera très-humblement supplié d’ordonner 1° la suppression générale des capitaineries et des abus qu’elles entraînent, afin d’empêcher à l’avenir que les terres ne soient dévastées par un gibier trop abondant, et par là même funeste à l’agriculture et aux propriétaires ; qu’il soit enfin permis à tout particulier quelconque de désherber ses blés, couper ses luzerne et sainfoin, cultiver ses terres et récolter les moissons dans le temps convenable. C’est une atteinte portée à la propriété et à l’avantage des agriculteurs par les ordinaires des capitaineries. Que les seigneurs soient obligés de faire chasser sur leurs terres, afin de détruire le gibier qui, conservé pour leur plaisir, devient le fléau des campagnes. 2° L’abolition de la gabelle, déjà condamnée par le Roi, comme étant un impôt désastreux pour le peuple, et trop onéreux à lui-même pour la perception. 3° La suppression générale des aides. 4° Suppression ou réforme considérable de la juridiction des maîtrises des eaux et forêts. 5° Que l’administration des biens domaniaux soit confiée à la surveillance des Etats provinciaux. 6° Que les contrôles soient réduits à leur première institution, et qu’il plaise au Roi d’ordonner que les commis donneront des quittances finales, afin que les familles ne soient plus exposées à une recherche avide et ultérieure de leur titre de propriété. 7° Abréger la forme des procédures, établir une loi pour la conservation plus sûre des intérêts et des biens de mineurs. Enfin ordonner que l’instruction, soit en première instance, soit par appel, soit terminée dans l’année, et que la justice soit-rapprochée des justiciables. VILLE DE PROVINS. Qu’il plaise au Roi : * 1° D’y rétablir l’imprimerie et les franchises des foires de cette ville, pendant les huit premiers jours ; 2° Rendre à cette ville ses eaux minérales ; 3° Achever promptement le canal de Provins sur un plan approuvé par les Etats provinciaux; 4° Multiplier les évêchés dans le royaume, et notamment en établir un dans cétte ville, et pour cet effet accorder la réunion des menses abbatiales de Jouv et de Pruilly, ordre de Gîteaux, voisines de cette ville. VILLE DE MONTEREAU. Qu’il plaira au Roi d’ordonner la construction d’un port, et de réparer les rues qui y conduisent; faciliter l’écoulement des eaux, et élargir la chaussée, qui menace la ruine la plus prochaine. Que les remontrances et résolutions de la chambre, au nombre de douze articles, ont été lues et. approuvées d’une voix unanime, à l’assemblée générale du clergé desdits bailliages, du 19 mars, et sanctionnées ; que tous les articles du présent cahier ont été lus à haute et intelligible voix, jusqu’à trois fois, et ont été pareillement approuvés et sanctionnés par la chambre, pour n’y plus revenir. A Provins, le 23 mars 1789. Certifié véritable par moi, greffier en chef du bailliage et siège présidial de Provins, et conforme à la minute déposée en notre greffe. A Provins, ce 29 mars 1789. Signé Prevé, avec paraphe. CAHIER De Vordre de la noblesse des bailliages réunis de Provins et Montereau-Faut-Yonne, arrêté dans rassemblée générale dudit ordre , le jeudi 27 mars 1789(1). Député dudit ordre aux Etats généraux : M. le marquis de Paroy, grand bailli d'épée du bailliage de Provins. Adjoint au député dudit ordre, en cas de mort ou maladie : M. le marquis de Clermont d’Am-BOISE . Nota. M. le marquis de Paroy et M. le marquis de Clermont, ayant eu égalité de suffrages au troisième scrutin pour la nomination du député, M. le marquis de Paroy, plus âgé de huit jours que son concurrent, a été déclaré député, conformément au règlement, et M. le marquis de Clermont d’Amboise a été nommé adjoint par un nouveau scrutin. Noms des membres présents à ladite assemblée. M. le marquis de Paroy, grand bailli d’épée, président; M. le baron deGourchamp, secrétaire. Commissaires chargés de la rédaction du cahier de Vordre , conjointement avec le président et le secrétaire : MM. le comte de Turpin ; le marquis de Chaumont ; Douai de la Boullaye ; le marquis de Saint-Phal ; le marquis de Monchal ; Davy de Chavigné ; le comte d’Hervilly ; Picques ; Legier de la Tour ; le chevalier d’Àvrigny ; d’Hasseville; le marquis de Clermont d’Amboise ; de Mezières ; de Beaupré ; Tassin ; de Presle ; le comte du Plessis ; le marquis de Montesquiou-Fezensac ; de Voulgesde Chanteclair ; Brunei de Serbonnes ; de Froly ; de Bellejoyeuse ; le marquis de Guerchy, absent lors du scrutin ; le marquis de Ghevri ; de Blondel ; le comte de Paroy ; le marquis de Culant; le chevalier de Paroy : le chevalier de Flaix; le comte de Saint-Phal ; mEllamarra ; le comte Henri de Turpin ; de La Boullaie. Nota. Les articles ci-après, traités d’abord séparément par chacun de MM. les commissaires, et choisis à fa pluralité des suffrages du comité, ont été discutés, refaits ou adoptés par tous les membres de l’ordre de la noblesse, en quatre séances de six heures chacune, et arrêtés définitivement le 26 mars, et signés par tous les membres de l’assemblée présents. Nous ne pouvons recommander trop fortement à notre député de se pénétrer de l’esprit qui doit animer tout citoyen dans ce grand moment. Ce n’est pas dans l’histoire de France, ni dans l’exemple des Etats généraux précédents qu’il trouvera les principes de la conduite qu’il doit tenir ; il n’y verrait que l’ignorance absolue ou l’oubli des droits de la nation. Ses fonctions ne se borneront pas, comme autrefois, à porter aux Etats généraux les doléances d’un bailliage, à les réunir avec d’autres dans un seul cahier, et à les déposer aux pieds du trône avant de se retirer.il aura de plus nobles devoirs à remplir. Que son âme s’élève au niveau du rôle important qui va lui être confié, et il sentira quelle est la force et la dignité d’une grande na-(1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat.