249 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 janvier 1791.] légué à cet effet par le directoire de département, en présence de deux officiers au moins, du nombre de ceux qui auront fait les opérations préparatoires, ou eux dûment appelés. « Et, en ce qui concerne les approvisionnements des arsenaux de marine en bois de construction, l'Assemblée décrète qu’avant l’ouverture des adjudications, les préposés de la marine seront admis, comme par le passé, à marquer dans les forêts nationales, et à réclamer, pour le service de l’Etat, les bois reconnus propres à la construction des vaisseaux de guerre, et ce, aux prix convenus de gré à gré, ou à dire d’experts. « Se réserve enfin, l’Assemblée nationale, de régler les salaires et vacations des officiers des eaux et forêts, d’après le tarif qu’elle arrêtera, et qui lui sera proposé par son comité des domaines. » (Adopté.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur V organisation de la marine militaire. M. de La Galissonnlère. Messieurs, l’esprit de la marine militaire est plus éloigné qu’on ne pense de l’esprit de la marine marchande : dans celle-ci tous les moyens d’encouragement sont fondés sur des vues de commerce; l’officier de la marine militaire ne doit écouter que la voix de l’honneur et du patriotisme. L’esprit de pacotille doit être absolument défendu dans la marine militaire; s’il en était autrement, les vaisseaux encombrés de marchandises seraient retardés dans leur marche, ne pourraient combattre et deviendraient aisément la proie de l’ennemi. Si vous admettiez le plan du comité, vous n’auriez point de marine militaire, vous n’auriez que des militaires marchands. L’esprit d’intérêt n’inspire pas de courage et l’homme qui calcule n’est pas celui qui se Pat. Une voix:ku. contraire! M. tle La Galissonnière. Il faut que l’honneur soit le seul agent du service de la marine, il faut que l’ambition des grades augmente l’amour de la gloire, et c’est sur ces bases que l’organisation de la marine doit être décrétée. Le système de confondre et d’unir la marine militaire et la marine marchande est un système inventé par cet esprit novateur qui a créé une partie de nos maux, et qui peut-être prépare les chaînes de notre servitude. Ce système, proscrit par la raison des siècles, et par l’expérience des nations maritimes, ne peut soutenir le jour de la contradiction. En effet, peut-on espérer que le même homme sera tout à la fois un commerçant habile, un navigateur hardi, un tacticien consommé? Toutes les professions utiles sont honorables ; toutes doivent être honorées1, tant qu’elles ne s’écartent pas de leur institution. Le négociant, citoyen de l’univers, est l’ami de tous les peuples; le navigateur paisible s’unit à ses travaux, et son heureuse audace a rapproché les continents; le navigateur guerrier les couvre de son égide : toujours attentif aux entreprises de la jalousie, il balance l’intérêt des nations. Les uns ont enrichi leur patrie, l’autre l’a défendue; tel est leur but réeiproqrue; et par des moyens différents, ils ont mérité restime publique. Mais lorsqu’on abandonne les principes, lorsque l’on confond des professions étrangères ou mixtes, on en affaiblit l'esprit, et dès lors elles tendent à leur avilissement. Craignez donc d’avilir, par un mélange incohérent, une profession dont le seul esprit tient l’homme dans le dévouement absolu, dans l’obéissance la plus passive. Le sacrifice de la fortune, de tontes les commodités delà vie et souvent de l’existence n’en sont communément que des résultats très certains. La profession des armes est la moins lucrative. Un petit nombre d’individus, après avoir semé pendant de longues années, ne récoltent à la fin de leur carrière, que quelques traitements pécuniaires, que quelques décorations; le plus grand nombre est moissonné avant l’époque de la maturité. L’opinion publique est la plus flatteuse récompense des militaires, et si tous les dangers disparaissent à la voix de la patrie, au sentiment de l’honneur, conservez précieusement cette monnaie d’opinion qu’aucun avantage ne peut remplacer. Si l’Etat n’avait d’autres officiers de marine que ceux de la marine marchande, il serait sans armée-navale. L’oflicier marchand, de retour dans le port, ne s’occupe que d’opérations mercantiles, il ne commande (dus que dans ses magasins. Il faut donc un corps distinct, puisqu’il faut des commandants de ports et d’arsenaux, des inspecteurs des classes et des officiers toujours prêts à s’embarquer; il en faut donc de résidants dans les départements de la marine, qui, livrés entièrement à leurs fonctions et à la méditation de leur métier, n’en soient pas distraits par des vues d’intéiêt et de commerce. Il sera nécessaire de fixer les rapports des grades de la marine avec ceux de l’armée de terre; ce3 rapports sont une conséquence du principe. Us élèveront l’âme des marins, its les accoutumeront à ne se proposer d’autre but que la gloire et le succès des armes de la nation. Ces rapports sont d’ailleurs nécessaires, parce que dans une descente les armes peuvent se mêler. Les privilèges exclusifs sont détruits et telle est l’essence de l’Etat monarchique et le principe de cette Constitution, que toutes les classes sont appelées aux premiers emplois auxquels tout sujet, dans une monarchie, puisse arriver. Le règlement contraire n’est que de ce règne et il offre des preuves multipliées que tous les Français pouvaient parvenir aux grands emplois. Si ce règlement avait existé, les armées de terre et de mer ne nous auraient pas donné des Fabert, des Yauban, des Catinat, des Duguay-Trouin, de ces hommes qui ont le plus mérité de l’humanité, et, de nos jours, nous n’aurions pas vu M. Cornic soutenir avec gloire l’honneur du pavillon français. Un autre vice non moins radical a jusqu’ici ralenti l’énergie de la marine française. En Angleterre, un marin avec des talents parvient de bonne heure au grade d’officier de pavillon. Il n’est pas rare d’y voir des contre-amiraux de l’âge de 30 à 40 ans. En France, la plupart des officiers n’arrivent aux grades importants que lorsque les années commencent à les glacer. II faut toutes la force de l’âge pour supporter les fatigues de la mer. Ces changements si prompts des glaces du Nord aux chaleurs de la zone torride; cette vie livrée à une agitation et à une surveillance continuelles, appellent de bonne heure les infirmités de la vieillesse. Il est donc nécessaire d’assurej au marin un avancement plus rapide et c’est d’après ces vues que je demande à l’Assemblée de me permettre quelques observations sur le plaQ du comité. Je propose donc que le grade d’enseigne de ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 janvier 1791.] 250 [Assemblée nationale.] vaisseau corresponde à celui de capitaine dans les troupes de terre, et ainsi de suite ; qu’il soit entretenu, dans les plus grands ports de Toulon, Brest et Kochefort, une école pour deux cents élèves, qui seront choisis à l’examen et au concours dans les deux dernières classes des aspirants, et j’observe que sansécole vous n’aurez pas de si bons officiers de marine. Quant au fond du projet de décret proposé par le comité, je crois qu’il faudrait l’ajourner; car il demande une grande discussion. J’ai donc l’honneur de proposer à l’Assemblée les dispositions suivantes : « L’Assemblée nationale a décrété et décrète comme articles constitutionnels : 1° Que la nation française aura une marine militaire entretenue aux frais de l’Etat; 2° que la marine militaire sera composée de mousses, de novices, dematelots, de canonniers, d’officiers mariniers, de maîtres entretenus, d’aspirants, ou d’élèves dans la marine, d’enseignes de vai-seau, de lieutenants de vaisseau, de capitaines de vaisseau, de chefs d’escadre ou contre-amiraux, de lieutenants généraux ou vice-amiraux et d’amiraux; 3° que tous les citoyens de l’Empire sont susceptibles des grades, des décorations militaires et des avancements successifs, d’après le mode déterminé par la loi et l’organisation de la marine militaire ; 4° que le roi, comme chef suprême de l’armée navale, aura le choix d’un certain nombre d’emplois, d’après les bases de la nouvelle organisation de la marine; 5° que le roi a la nomination et la destitution des commandants des armées navales, des escadres, des vaisseaux de ligne et de tous les autres bâtiments de guerre faisant partie de la marine militaire de l’Etat; 6° qu’enlin l’Assemblée nationale se réserve d’expliquer, par des décrets ultérieurs, l’organisation de la marine et de statuer sur la manière de l’appliquer à son état actuel. » M. Malouet. Je m’oppose à l’ajournement. Il vous a été présenté, par le comité de la marine, une base de travail sur laquelle vous pouvez entendre la discussion et prononcer sur-le-champ. L’objet essentiel est de fixer vos idées sur l’existence de l’armée navale. Je pense que, s’il est démontré qu’il ne peut y avoir d’armée navale sans un corps de marine militaire constamment entretenu, vous pourrez sur-le-champ adopter le projet de décret que je vous propose : « Il y aura un corps de marine militaire entretenu aux dépens de l’Etat et composé de canonniers, de matelots, d’officiers mariniers, d’enseignes, de lieutenants, de capitaines, de chefs d’escadre ou contre-amiraux, de vice-amiraux et d’amiraux. » Quand vous aurez décrété ce point, le plan du comité, quelles que soient les imperfections qu’il contienne, sera digne d’être discuté et médité. En général, l’esprit de votre comité a été de déterminer la grande querelle qui subsiste entre les deux marines et de rallier, à l’intérêt général, tous les intérêts particuliers. Si quelques-unes des dispositions qu’il vous présente ont trop d’extension, il vous sera facile de les réduire à ce qu’elles doivent être. Je m’oppose donc à l'ajournement. M. Defermon. Vous avez décrété qu’il y aurait une marine militaire, puisque vous avez décrété que le roi est le chef de l’armée navale. Il ne s’agit plus que de savoir comment cette armée sera composée et comment elle sera augmentée en temps de guerre. On vous a dit que le projet de décret du comité de marine a été fait par une quantité de membres complètement ignorants et dirigés par l’impulsion de l’intérêt personnel. Vous jugerez de la vérité de ces inculpations. On vous a dit que les marins qui étaient dans le comité s’en sont éloignés, et c’est de la part d’un de ces mêmes marins que nous avons reçu ce reproche. Je crois que l’exemple qu’a donné M. le rapporteu r,qui a constam ment suivi nos opérations, est une preuve que les autres ne se sont éloignés que parce que leurs opinions étaient tellement contraires aux r êtres et à celles de l’Assemblée qu’ils étaient sûrs d’avance qu’elles ne seraient point adoptées. On vous a dit que l’esprit des officiers marchands est un esprit mercantile, et que les officiers militaires ne doivent marcher qu’à la gloire, que par conséquent la marine militaire doit être entièrement séparée de la marine marchande. Lorsque nous vous avons proposera circonscription pour la marine, nous avons dit: il est impossible que l’Etat entretienne, en temps de paix, un nombre excessif de gens de guerre; il faut donc qu’en temps de guerre tous les citoyens qui exercent la profession de marins contribuent à la défense de l’Etat. Qu’est-ce qui fera la force de votre marine? sera-ce cette classe à laquelle on voudrait déléguer des fonctions particulières? Non, ce ne sont pas les chefs qui font l’armée. Pour la terre il faut des soldats, et pour la mer il faut des matelots. Il faut, il est vrai, des chefs instruits et dans lesquels la nation puisse placer sa confiance; mais il faut que ces chefs ne soient pas étrangers à ceux qu’ils commandent, et il faut que ces derniers aient l’espérance de parvenir aux grades. C’est d’après ces principes que nous pensons que si la marine marchande doit servir en temps de guerre sur les vaisseaux de l’Etat, elle adroit de prétendre aux grades, sauf les précautions à prendre pour que vous ayez toujours les meilleurs chefs possibles. Il faudra des examens pour parvenir au commandement, il faudra un certain temps de navigation. Celui qui n’aura que 18 mois de navigation ne pourra être que quartier-maître. Youdra-t-on devenir aspirant de la première classe? il faudra se présenter au concours. Si le comité ne nous avait pas proposé toutes ces précautions, on aurait pu lui faire le reproche de placer à la tête de la marine militaire des hommes non instruits. Le comité, vous a-t-on dit, veut établir une classe privilégiée, puisqu'il propose de breveter les officiers marchands, quoiqu’ils ne doivent pas servir habituellement sur les vaisseaux de l’Etat. Je ne vois pas pourquoi l’on voudrait éloigner les officiers marchands des grades qu’ils peuvent acquérir par leur service. En adoptant le principe de la circonscription militaire, vous ne consacrerez par l’injustice de l’ancien régime, où un chef de classes pouvait commander un capitaine de la marine marchande pour faire le service de matelot sur un vaisseau de guerre. Celui qui sera reçu enseigne sera appelé pour faire le service d'enseigne. Le comité vous propose d’avoir 200 enseignes entretenus. Comment a-t-on pu craindre l’abus d’un trop grand nombre d’enseignes, lorsqu’ils ne seront admis qu’en nombre déterminé et au concours? Plus il se présentera de sujets au concours, plus il y aura d’émulation, et mieux les choix seront faits. Ce n’était pas assez de prendre la précaution du concours, le comité a senti qu’il fallait que les officiers de la marine pussent parvenir aux grades avaDt d’avoir atteint uu âge trop avancé. Ils ont besoin, pour affronter les dangers, de toute [13 janvier 1791.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. la force physique et morale... Dans les opinions qu’on vous a présentées, d’une part, plusieurs personnes proposent une séparation formelle et absolue entre !a marine marchande et la marine militaire -, de l’autre part, le comité vous propose une circonscription militaire; il veut qu’en temps de guerre tous les marins soient tenus de servir l’Etat. Le comité vous propose de désigner la marine sous la dénomination générale de marine nationale. D’après son projet de circonscription, tout homme exerçant la profession de marin, sera tenu de servir, en temps de guerre, sur les vaisseaux de l’Etat. On ne peut pas trop réunir des hommes qui sont appelés à partager les mêmes fonctions. Les officiers militaires qui croiraient rebutant pour eux de voir leurs inférieurs et leurs compagnons de travaux admis au même avancement, en raison de leurs talents, ne seraient pas dignes de commander. On a objecté que la profession du commerce est incompatible avec le métier des armes ; cette objection porte à faux ; car ce ne sera qu’en quittant le commerce que les officiers marchands pourront parvenir au commandement militaire. En temps de guerre, il faut qu’ils aillent au service malgré eux ; il est juste que si le goût martial se développe en eux, ils puissent quitter Ja marine marchande pour se présenter au concours de la marine militaire et qu’ils puissent parvenir aux grades, pourvu toutefois qu’ils s’appliquent uniquement à l’étude de la tactique militaire, je ne vois pas pourquoi on s’opposerait à mettre dans l’armée navale ceux que leurs goûts et leurs talents appellent au service militaire, encore qu’ils aient antérieurement servi sur des vaisseaux de commerce. Jamais l’émulation ne sera mieux entretenue que quand le nombre des concurrents sera très grand; cette concurrence ne pourra préjudicier à l’avancement. J’ai toujours entendu dire qu’il serait à désirer qu’il y eût plus de matelots, plus de marins et plus d’officiers. Nous vous proposerions un plus grand nombre d’of-üciers entretenus, si les fonds publics le permettaient; mais puisqu’il est impossible de solder, en temps de paix, une armée navale aussi considérable, pourquoi se refuse-t-on à réunir, en temps de guerre, les deux marines, et pourquoi ne veut-on pas faire partager les avantages du service militaire à ceux qui en partageront les fatigues ? Je demande que l’Assemblée décide que la marine de France sera nommée marine nationale. M. Voidel. Je ne m’oppose pas à la dénomination qu’on vous propose; car elle ne préjuge rien sur l’organisation de la marine, ni sur les difficultés qui se sont élevées. M. Alquier. Il ne s’agit pas de la dénomination de la marine. La difficulté est de savoir en quelle qualité les capitaines marchands serviront sur l’escadre. M. ’Voidel. Sur cette question particulière, j’avoue que je suis d’une parfaite ignorance. Je crois même que l’Assemblée, qui réunit d’ailleurs beaucoup de lumières, n’en a pas assez sur cet objet. Je demande qu’on ajourne pour nous donner le temps de comparer les différents plans doDt vous avez ordonné l’impression. Je propose uu autre objet de délibération plus important et plus pressant; l’Assemblée me paraît trop tranquille sur la situation politique du royaume : il est éton-m nant qu’au milieu de3 mouvements des puissances voisines et surtout des princes allemands, l’Assemblée ne se fasse pas présenter le rapport de son comité militaire sur l’organisation de l’armée auxiliaire, afin qu’au premier moment on puisse mettre sur le pied de guerre une force imposante, dont peut-être nous aurons bientôt besoin. M. de Sillery. Le projet du comité de marine me paraît déplaire également à la marine militaire et à la marine marchande. L’Assemblée ne peut pas, sans de mûres réflexions, prendre un parti sur un plan qui déplaît également aux deux parties intéressées. M. Loynes de La foudroyé. Parmi les dix-huit membres composant le comité de la marine, il n’y a que deux officiel de ce corps ; c’est là un très grand inconvénient pour la perfection des travaux de ce comité. Ce ne sont pas seulement des dissertateurs qu’il faut pour traiter une pareille matière, il faut dts juges. Ce n’est pas pour moi que je parle; j’ai quitté depuis dix ans le service de la marine et je n’ai personne de ma famille à y placer. Je demande, Messieurs, qu’il soit adjoint au comité un certain nombre de personnes instruites, qui connaissent les vaisseaux, la mer et la guerre; vous avez dans cette Assemblée MM. de Noailles, de Lameth, de Lafayette qui ont été en Amérique, qui connaissent les opérations maritimes et qui jouissent éminemment de notre confiance. Je propose de les adjoindre au comité. M. Defermon. Pour contenter tout le monde, il ne suffirait pas de renouveler le comité, ou d’augmenter le nombre de ses membres, mais il faudrait établir autant de comités qu’il y a d’opinions. 11 en faudrait un pour la marine militaire et un pour la marine marchande. M. Gaultier-Diauzat. Je demande spécialement que le comité de marine soit invité à admettre dans son sein les personnes étrangères à l’Assemblée, qui voudront lui communiquer des lumières. Plusieurs officiers de marine qui se sont présentés au comité ont été rejetés. M. Kersaint, notamment, a toujours été écarté par une main invisible, sans qu’il ait pu connaître les motifs de cette conduite. Je demande que les hommes reconnus comme bons citoyens par les précautions qu’ils ont déjà prises ponr éclairer l’opinion publique soient invités à faire part de leurs connaissances au comité. M. Hefermon. Je puis assurer à l’Assemblée que M. Kersaint n’a jamais été refusé. Il a même été invité à venir au comité. Nous n’avons pas insisté à le rappeler, depuis qu’il a rendu publiques ses observations. (L’Assemblée ordonne l’ajournement de la discussion sur le projet d’organisation de la marine.) M. Ilarnave. L’Assemblée nationale ne peut pas avoir admis l’ajournement et ne pas le rendre aussi utile qu’il peut l’être. Je pense donc que pourmultiplier au comité le nombre des personnes qui ont fait une étude particulière de cette matière et pour que la discussion puisse être contradictoire, je demande, dis-je : 1° que tous les étrangers qui auraient des notions en ce genre soient admis au comité; 2° qu’il y soit fait une adjonction de six membres. M. Le Chapelier. Je demande la question 252 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 janvier 1791.] préalable sur cette proposition. D’abord la première est inutile; car les comités ne refusent jamais d’entendre ceux qui viennent leur donner des lumières. Pour la seconde, elle est dangereuse. C’est en ajoutant ainsi des membres à des membres qu’on ne parvient à aucun résultat. Il est reconnu que les comités les moins nombreux sont ceux qui travaillent le plus, et d’ailleurs dans une question où il s’agit d'effacer la ligne de démarcation qui séparait les deux marines, il ne faut point donner assez de poids au comité pour que l’on croie devoir s’en rapporter à sa décision. M. Charles de ÜLaineth. Quoiqu’il soit reconnu que les comités réduits à un petit nombre, sont ceux qui travaillent avec leplus d’activité, je pense cependant que dans une matière neuve, où chaque membre peut apporter de nouvelles lumières, il est nécessaire, quand il y a eu une différence d’opinion bien manifestée, d’admettre de nouveaux membres pour changer peut-être totalement les bases déjà adoptées. Les comités, en restant toujours dans le même état, finissent par prendre des habitudes qui pourraient attenter à la liberté de l’Assemblée. Si on entrait dans des détails, il serait facile de prouver que les comités se reposent sur deux ou trois membres qui font le travail à la longue. Je demande que les propositions de M. Barnave soient adoptées. M. le Président met aux voix la question préalable sur la proposition de faire au comité de marine une adjonction de six membres. (La partiedroiteet l’extrémité delà partiegauche se lèvent pour rejeter la question préalable. — Après deux épreuves, M. le Président déclare qu’il y a lieu à délibérer.) M. d’André. Je demande par amendement, afin de donner à cette adjonction tout l’effet qu’elle doit produire, que les six membres qui seront nommés ne soient d’aucun comité. D’abord j’observerai que je crois la motion inutile, et non dangereuse et que je me suis levé contre. Elle tend à rendre interminables les travaux du comité. Par le conflit qui a eu lieu, je crois avoir aperçu que le comité avait saisi le véritable point de la question ; d’un côté, on a réclamé pour la marine ci-devant royale; de l’autre, pour la marine ci-devaut marchande; c’est-à-dire que ni les uns ni les autres ne sont contents. Il y a longtemps que ceux qui désirent le plus aller en avant, se plaignent de voir la même personne de cinq à six comités ; et si l’on s’informait bien pourquoi un rapport n’est pas toujours prêt à temps, l’on saurait que le rapporteur s’est quelquefois présenté huit jours de suite au comité sans y trouver personne. M. Gaulticr-Bianzat . Je trouve étonnant que, sous prétexte de faire un amendement, le préopinant contrarie la motion. M. de Hoailles. Je demande aussi que les six membres ne soient pris dans aucun comité; cela répond à tout. (L’Assemblée, consultée, ordonne qu’il sera adjoint au comité de la marine six membres, qui seront tenus d’opter, s’ils font partie d’autres comités.) L’ordre du jour est un rapport du comité des domaines sur la donation et l’échange du Cler-montois. M. Geoffroy, rapporteur (1). Messieurs, en prescrivant à votre comité des domaines de vous rendre compte de ce qui regarde le Clermentois, vous avez semblé ne mettre à son travail et à ses recherches d’autres limites que les principes, d’autres bornes que l’utilité publique. 11 ne répondrait donc qu’imparfaitement à vos vues, si, se constituant lui-même juge de l’importance que vous attachez à telle ou telle question, il se permettait d’en élaguer quelques-unes : vous avez désiré tout connaître; tout doit vous être soumis. C’est dans cet esprit qu’a été rédigé ce rapport que je viens vous offrir en son nom ; il se divise en deux parties nécessairement liées l’une à l’autre, mais que la différence des époques et des contrats nous a forcés de distinguer. Dans la première, le comité vous présentera les observations dont lui a paru susceptible la donation faite du Clermontois au Grand-Gondé, en 1648, sous la minorité de Louis XIV. Dans la seconde, nous fixerons vos regards, et nous appellerons plus particulièrement votre attention sur le contrat d’échange passé entre le gouvernement et M. de Condé, en 1784, sous le ministère de M. de Galonné. Pour procéder avec méthode dans une discussion si importante par ses résultats, il est indispensable de vous présenter en avant de l’analyse des deux actes dont il s’agit, quelques détails historiques absolument nécessaires pour l’intelligence des faits et le développement des pricipes qui doivent servir de base à votre décision. Le Clermontois est une petite contrée située entre leVerdunois, le Barrois, la Champagne et la principauté de Sedan ; il a fait longtemps partie du patrimoine des ducs de Lorraine sous la mouvance de nos rois. En 1632, le cardinal de Richelieu conçut le projet de réunir cette petite province à l’Empire français, et de terminer, par des sacrifices pécuniaires, les longues querelles dont cette langue de terre avait été le prétexte ou l’occasion entre les deux puissances. Tel fut l’objet du traité d’Yverdun ; traité éludé presque aussitôt que conclu. Les négociations se reprirent avec plus de succès en 1641. Les armes de la France avaient de nouveau conquis la. Lorraine et toutes les possessions du duc Charles, troisième du nom ; ce prince, devenu plus facile par ses revers, et cédant à l’empire de circonstances dont il est inutile de rendre compte, signa en personne le traité dit de Paris. Par ce traité, en date du 29 mars 1641, on as-sureau duc la restitution de ses duchés de Lorraine et de Bar, à l’exception : « 1° Du comté et de la place de Clermont, et « de toutes leurs appartenances et dépendances, « qui demeureront à l’avenir, pour jamais, unis « à la couronne; « 2° Des places, prévôtés et terres de Stenay « et Jametz, qui demeureront aussi à sadite Ma-« jesté et à ses successeurs rois, pour toujours en « propriété, avec le revenu d’icelles, et tous les « villages et territoires qui en dépendent. » Les diverses places, cédées par cet article, forment la petite province connue aujourd’hui sous le nom de Clermontois. C’est de cette époque que date sa réunion définitive à la France. Les années qui suivirent ce traité jusqu’en 1648, (1) Le Moniteur ne contient qu’une analyse de ce rapport.