[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 mars 1791.] 485 deux délibérations. Je demande que l’on passe sur-le-champ à l’ordre du jour. M. Prieur. La proposition du préopinant est une insulte faite à la justice et à l’humanité de l’Assemblée. M. Charles de Cametli. Je demande la parole. Plusieurs membres : L’ordre du jour! Un membre : Passer à l’ordre du jour serait une injustice. (Murmures.) M. Ce Chapelier. Ne pas passer à l’ordre du jour, ce serait favoriser l'intrigue. ( Murmures à gauche.) M. Charles de Carnelh. Je demande à prouver que l’Assemblée ne peut, sans se déshonorer, rejeter la pétition qui lui est faite. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angêly). Lorsque la question des invalides fut discutée, M. Em-mery, d’accord avec le rapporteur du comité militaire, adopta une pension de 227 1. 10. M. Dubois-Crancé. Jamais je n’ai été d’accord avec M. Emmery. Plusieurs membres ; L’ordre du jour ! M. d’André. Je demande la parole ; je sais d’où tout ceci vient et comment tout cela se mène. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angêly). La proposition d’une gratification extraordinaire a été rejetée sur les observations faites par M. Emmery que ces gratifications seraient un appât dangereux qui ferait imprudemment déserter l’hôtel par ceux qui ont le plus besoin de ses secours. L’Assemblée ne finira jamais si, lorsque certaines personnes auront vu écarter leurs opinions favorites, il leur est permis de la reproduire sous de nouvelles formes pour faire revenir sur une détermination déjà adoptée. Il est certain que la pension de 227 livres a été adoptée par l’Assemblée avec une telle connaissance de cause que deux fois on a reproduit l’amendement qu’on vous propose et qui a été rejeté. Je demande qu’on ne revienne pas sur une détermination déjà prise et qu’on passe à l’instant à l’ordre du jour. (Applaudissements.) M. Charles de Lameth. J’ai l’honneur d’observer à l’Assemblée... (Murmures prolongés.) Plusieurs membres / L’ordre du jour I l’ordre du jour ! M. Charles de JLameth. Au nom de la justice et de l’humanité, écoutez-moi donc ! (Murmures prolongés .) Tout le monde a-t-il donc le droit de parler, excepté celui qui a la parole ? M. Rabaud de Saiut-Etieime. La chaleur que l’on met à demander l’ordre du jour fuit désirer que M. Charles de Lamethsoit entendu. Plusieurs membres : L’ordre du jour ! M. d’Aremberg de La llarek. Monsieur le Président, nous allons lever la séance, si vous ne voulez pas mettre aux voix l’ordre du jour. (Bruit prolongé.) M. Rrieur (s'adressant au côté droit.) Gela fait voir que vous avez tort, puisque vous ne vouiez pas entendre M. de Lameth. M . Dubois-Crancé. Je demande à répondre à M. Regnaud. M. de Marinais. Je demande qu’on rappelle à l’ordre ceux qui nous font perdre un temps précieux. M. Millet de Marcaa. Je demande l’ordre du jour, Monsieur le Président, ou la parole contre vous. M. d'Audré. Vous vous raidissez, Monsieur le Président, contre le vœu de l’Assemblée ; con-sultez-ia pour savoir si elle veut passer à l’ordre du jour. M. de Folle vil le. 11 n’y a ici qu’une pétition et le sort ordinaire de toutes les pétitions n’est pas que l’on demande un decret, mais que l’on renvoie au comité. Plusieurs membres : Non ! non ! M. Charles de Carneth. Je consens, si l’on veut, au renvoi au comité militaire. Plusieurs membres : Non ! non ! l’ordre du jour! (L’Assemblée, consultée, décrète l’ordre du jour.) Une députation des préposés à la perception des droits de Bretagne est admise à la barre. L'orateur de la députation. Messieurs, les institutions vicieuses qui avaient pris naissance sous un gouvernement arbitraire, devaient nécessairement disparaître devant les grands principes que vous avez établis; et la France libre devait payer les contributions sous une forme plus si ni pie. Vous avez donné les premiers l’exemple du sacrifice que tout Français doit faire à sa pairie pour arrivi-r, après les orages inséparables d’une grande Révolution, à cet état de prospérité et de gloire, qui vous assure la reconnaissance de nos derniers neveux ; mais vous n’exigerez pas que ces sacrifices excèdent nos forces. Législateurs amis de l’humanité, vous n’abandonnerez pas une classe de citoyens, zélés patriotes-, vous ne nous abandonnerez pas, nous qui chérissons cette Révolution pour laquelle nous avons eu l’honneur d’être armés les premiers et que nous jurons encore, à la face de la nation, de défendre au prix de notre sang; car il faut que vous sachiez, Messieurs, que ce furent les employés de notre régie qui, dans la capitale de l’ancienne p ovince de Bretagne, à l’époque mémorable où l’aristocratie en délire voulut, par des menées criminelles, étouffer les premiers cris de la liberté, s’armèrent les premiers i onr repousser l’oppression et qui annoncèrent au peuple que ses chaînes allaient être brisées. Depuis ce moment, on nous a vus nous porter en urand nombre partout où la tranquillité publique a été menacée et nous avons su allier, dans les circonstances les plus difficiles, les 486 j Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (31 mars 1791.] f ini tions pénibles de percepteurs publiques aux. exercices journaliers de soldats citoyens. Aujourd’hui que les enœ mis du bonheur public, déconcertés de toutes parts, ne peuvent pins songer à se rallier, et que la Constitution repose sur des bases inébranlables, nos bras deviennent moins utiles ; mais notre courage reste le même. Eloignés par vos décrets des places où la confiance publique aurait nu nous appeler, nos ré-clamationsnese sont pas fait eu tendre; mais en ce moment nous perdons nos emplois et tous nos moyens de subsistance. Nous venons d’une des extri mités de l’Empire vous offrir l’hommage de notre soumission, et vous demander des consolations dans notre infortune. Nos premiers regards se fixeraient dans ces premiers moments sur nos vieillards, si votre humanité prévoyante ne les avait pas mis à l’abri de l’indigence, en déclarant pensionnaires de l’Etat ceux qui lui ont fourni 30 années de service. Nousdemandons, pour ceux d’entre nous qui ont servi depuis 10 ans jusqu’à 30, des secours proportionnés à leur ancienneté et au grade qu’ils ont occupé jusqu’au moment heureux où ils pourront exercer des emplois utiles à la patrie. Nous espérons aussi que vous tendrez une main secourable à ceux qui, sans avoir servi pendant 10 ans, ont cependant donné quelques années de leur jeunesse à l’Etat. Nous vous prions, Messieurs, de prendre en considération le mémoire que nous allons vous présenter. 11 renferme des moyens raisonnables de faire disparaître très promptement les dépenses occasionnées par le secours que nous sollicitons et de rendre inc-ssarnment à notre activité l’aliment qu’elle désire. Nous ne serons étrangers à aucun genre de travail auquel vous jugerez convenable de nous appeler. Enfin, nous n’en doutons pas, Messieurs, vous allez essuyer les larmes de nos frères, rem me :a tranquillité à nos familles, et apprendre aux nations que les législatures françaises, en jetant les fondements d’un vaste Empire, se sont fait gloire de se montrer les premiers amis de l’humanité. (Applaudissements .) M. le Président répond aux pétitionnaires que l’Assemblée s'occupera de l’examen de leur demande et les invite à assister à la séance. M. Gillet - «lacqueminière, au nom du comité d’agriculture et de commerce. Je demande que celle pétition et les pièces servant à eu établir la justice soient renvoyées aux 4 comités chargés de l’organisation des compagnies de finances, réunis à celui des pensions. (Ce renvoi est décrété.) Les membres composant la ci-devant assemblée coloniale de Saint -Marc sont admis à la barre. M. le Président. Avant de vous présenter à l’Assemblée nationale pour profiter du bénéfice du décret qui vous admet à la barre, vous avez dù vous pénétrer de la lettre et de l’esprit de ce décret et de la loi du 12 octobre dernier. Les actes qui ont été faits sous le nom de l’assemblée générale de Saint-Domingue, son existence politique, sont des points déjà juges par le décret du 12 octobre dernier. Votre caractère personnel et le titre auquel vous avez droit d’êire entenms sont fixés par les décrets du 12 octobre dernier et 30 du présent mois. Le premier de ces décrets, en déclarant nuis les actes de l’assemblée de Saint-Marc, cetle assemblé-déchue de ses pouvoirs et les membres dépouillés du caractère de députés à l’assemblée coloniale de Saint-Marc, vous a réservé la faculté de justifier l’esprit et les motifs de votre conduite personnelle. Vous pouvez être assurés d’être entendus avec intérêt, tant que vos observations n’auront pour but que de mettre l’Assemblée nationale à portée tfe reconnaître que les actes qui ont provoqué la sévérité de la loi n’ont eu pour principe qu’une erreur excusable. Vous pouvez parler. M. Linguet, orateur de la députation. Les longues, les cruelles infortunes ée ceux pour qui j’ai l’honneur de parler en ce moment sont enfin oubliées, Messieurs, puisqu’ils se voient admis dans le sein de l'Assemblée auguste qui pouvait seule les terminer. Ce ne sont ni des murmures, ui des reproches qu’ils vous apportent; ils viennent vous offrir des vérités trop longtemps méconnues, vous soumettre des éclaircissements trop longtemps repoussés; ils viennent présenter leurs têtes pour gages de la droiture de leurs cœurs, je suis certain qu’aucun d’eux ne me désavoué; ils viennent, Messieurs, provoquer une justice exemplaire s’ils sont coupables. Mais que leur devrez-vous, s’ils sont innocents ?... Une indulgence qu’ils étaient bien loin de solliciter a fait imaginer le 12 octobre dernier une disiinoLion singulière à leur égard. On a séparé leurs actes de leurs personnes; on a cassé les actes, on a fait croire que les personnes pouvaient n’ètre pas criminelles et il leur a fallu dévorer b mois, 6 grands mois d’attentes toujours frustré/ s, de prières inutiles, d’humiliations de foutes les espèces, à 1,800 lieues de leur pays, dans un denùment absolu de toutes ressources, pour parvenir à ce point, qui semble être le seul essentiel, à l’examen de leur prévarication ou de leur inculpabilité personnelle. Le moment où vous voulez bien les adrnetlre est d’un heureux pronostic pour eux. C’est te 30 mars 1791 que vous leur avez accordé l’accès de cette barre, jusqu’ici en quelque sorte fugitive devant eux; et c’est à un 31 mars, c’est à pareil jour, il y a un an , qu’en qualité de Président de l’Assemblée nationale, M. l’abbé de Montes-quiou leur écrivait : « L’Empire français a besoin « de toutes ses ressources; mai? il faut qu’elles « soient uniquement fondées sur la justice. C’est « elle qui doit déterminer tocs nos rapports. » Quel mol ! Qu’il est d’un augure flalteur pour ceux dont j’ai l’honneur d’être en ce moment l’organe! Oui, Messieurs, écartons toute autre espèce de rapports que ceux-là. Ce sont des vérités neuves qu* je viens vous offrir ici. Daignez, pour les entendre, pour les apprécier, écarter toute idée antérieure. Evidence, c’est ce que je vous apporte; justice, c’est ce que vous nous rendrez. Dans la discussion pressée à laquelle je vais me livrer, permettez-moi, Messieurs, pour plus de clarté, pour plus de rapidité, en vous rendant compte de ce qui a été fait par l’assemblée de Saint-Marc, de continuer de dénommer par ce nom distinctif les citoyens qui la composaient alors. Ce titre sera sans conséquence jusqu’à ce que vous m’ayez entendu, et, quand vous m’aurez entendu, vous serez toujours les maîtres de décider s’il peut tirer à conséquence. (Murmures.) Plusieurs voix : Gela ne se peut pas.