[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j ™°si°ra?79Î t*87 Code des Français. Elle assure à tous les ci¬ toyens leurs droits dans les successions; elle consacre un droit naturel, elle fera époque dans les fastes de la République. Mais vous avez senti qu’elle devait avoir une exception : cette exception a été en faveur des sans-culottes dont la fortune en capital n’excède pas 10,000 li¬ vres. J’ai à vous proposer une nouvelle excep¬ tion, que vous accueillerez, je n’en doute pas, puisqu’elle tend à favoriser des sans-culottes. Je demande que les citoyens dont la fortune excédera 200,000 livres en capital ne puissent point jouir des bienfaits de la loi qui établit l’égalité des partages, lorsqu’ils se trouveront en concurrence avec des citoyens pauvres. En adoptant ma proposition, la Convention donnera une nouvelle preuve de la justice qui la guide dans toutes les opérations; elle fera une loi révolutionnaire qui sera un nouveau motif d’aimer la Révolution et la République. Si vous ne voulez pas décréter à l’instant la pro¬ position que je vous soumets, j’en demande le renvoi au comité de législation. Après quelques débats, le renvoi est décrété. Un membre [ Rewbell (1)] a proposé l’article additionnel suivant, sur la loi des successions, du 14 nivôse : « Que les citoyens appelés par la loi du 14 ni¬ vôse à revendiquer des successions ouvertes depuis le 14 juillet 1789, ne seront admis à exer¬ cer cette faculté contre ceux qu’ils veulent dé¬ posséder, qu’autant qu’ils étaient moins fortunés que ces derniers, et seulement jusqu’à concur¬ rence de l’égalité de fortune à l’époque de l’ou¬ verture de la sccession. Renvoyé au comité de législation (2). en faveur des, citoyens dont la fortune en capital n’excède point 10,000 livres Je viens vous proposer une nouvelle exception en faveur des sans-culottes; je ne doute pas que le principe n’en soit adopté sur-le-champ. Il s’agit de décréter que les citoyens dont la fortune excédera 200,000 livres en capital. ne participeront point à la faveur de la loi qui fixe l’égalité des partages, lorsqu’ils se trouveront en concurrence avec des sans-culottes. C’est un acte de justice qu’une pareille disposition; c’est une loi révolutionnaire. Si vous ne voulez pas la décréter, je demande au moins le renvoi de ma proposition au comité de législation pour l’examiner. Plusieurs membres appuient ce renvoi. Il est décrété. II. Compte rendu du Journal de la Montagne. Cambon. Vous terminâtes hier la discussion d’une loi qui fera époque dans les fastes de la République. Vous avez jeté les fondements les plus durables de l’égalité sociale; mais en n’admettant aucune dis¬ tinction entre les cohéritiers, n’est-il pas à craindre que vous ne grossissiez la fortune déjà trop considé¬ rable de quelques individus. Je demande que ceux qui auront plus de 200,000 livres de bien ne soient point compris dans la disposition qui rend aux autres des droits qu’ils n’avaient point en 1789. La proposition est renvoyée au comité de légis¬ lation. (1) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 287, dossier 853. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 304. « La Convention nationale, sur la motion d’un membre [Merlin (de Thionville) (1)],- décrète que tous les comités révolutionnaires, agents se disant délégués ou délégués par les représen¬ tants du peuple ou des ministres de la Répu¬ blique, qui ont perçu ou fait percevoir des taxes révolutionnaires, militaires ou autres, sous quel¬ que dénomination que ce soit, qui n’étaient point exigées comme impositions par la Républiques seront tenus de rendre leur compte dans le délai fixé par la loi et que ces comptes seront imprimés, et affichés en placard : le nom des imposés et la quotité des sommes payées, des effets donnés, le Ûeu du domicile des personnes, seront compris dans l’affiche, afin que chacun puisse se con¬ vaincre que les sommes payées ont réellement été versées dans le Trésor public (2). » Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets (3.). Merlin ( de Thionville ) observe qu’il y a eu des réclamations de différente nature relativement aux taxes révolutionnaires. Des citoyens se sont plaints qu’elles ne fussent point propor¬ tionnées à leur fortune ; d’autres que le produit de : taxes n’était pas versé avec exactitude dans les caisses publiques. Je dem de, dit Merlin, que les comités révolutionnaires soient tenus de faire imprimer et afficher un compte détaillé des sommes qu’ils auront perçues et versées dans les caisses nationales, afin que chaque citoyen puisse vérifier sur ces états si les sommes qu’il a données y sont portées. Ces propositions Bont décrétées en ces termes • (Suit le texte du décret que nous avons inséré ci-dessus d'après le procès-verbal. ) « La Convention nationale décrète que le décret rendu par elle en faveur des patriotes des Deux-Ponts sera commun aux patriotes des pays du Rhin qui désirent retourner dans leurs pays (4), et que les représentants du peuple (1) D’après la minute du décret qui existe aux Archives nationales, carton C 287, dossier n° 853. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 304. (3) Journal des Débats et des Décrets (nivôse an II, n° 472, p. 213). D’autre part, le Journal de la Mon¬ tagne [n° 53 du 16 nivôse an II (dimanche 5 janvier 1794), p. 422, col. 2] rend compte de la motion de Merlin (de Thionville ) dans les termes suivants : Un membre observe que dans le même départe¬ ment (l’Ailier), on a taxé à 15,000 livres un homme qui n’avait pas 1,500 livres de revenu ce qui ne s’ac¬ corde pas trop avec la sage imposition citée par les pétitionnaires. (Voy. ci-dessus, même séance, p. 666, la députation du département de l’Ailier.) Merlin (de Thionville) croit qu’on remédierait à bien des abus de ce genre en assujettissant les comités révolutionnaires à faire imprimer et afficher dans leur arrondissement le nom des personnes taxées avec la quotité de la taxe. Il demande que cette me¬ sure soit consacrée par un décret. (Adopté.) (4) L’auteur delà motion est Merlin (de Thionville) d’après la minute du décret qui existe aux Archives nationales, carton C 287, dossier n° 853. 688 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { � raî sur les lieux les emploieront de la manière qu’il croiront le plus convenable (1). » Compte rendu du Moniteur universel (2). Les patriotes mayençais réfugiés en France, viennent applaudir aux succès des armes de la République, demandent à être autorisés à aller combattre avec l’armée française leurs tyrans. Merlin (de Thionville). Lorsque l’armée française s’empara de Deux-Ponts, la Conven¬ tion décréta que les patriotes de Deux-Ponts seraient rétablis dans leurs foyers, pour jouir des bienfaits de la liberté. Aujourd’hui que nos armées sont à Worms et à Spire, que nos ennemis tremblent sur les rives du Rhin, je demande la même faveur pour les patriotes mayençais; je demande que le ministre de la guerre leur fournisse des secours pour aller joindre l’armée française, et que les repré¬ sentants les emploient suivant leurs talents. Les propositions de Merlin sont adoptées. Suit la pétition des patriotes des pays du Hhin (3). « Citoyens législateurs, « Les succès éclatants de l’armée de la Moselle et du Rhin ouvrent aux sans-culottes mayençais un chemin heureux et si longtemps désiré dans leur département. « Citoyens, l’amour de la patrie, le zèle pour la vérité, les droits de l’homme et du citoyen et la raison nous imposent le désir le plus ardent d’y former l’esprit public, d’éclairer par les principes divins de la liberté et de l'égalité, les esprits de nos compatriotes du département Rhéno-Germanique et d’accélérer les succès des héros républicains par la connais¬ sance du pays et de la langue. « Notre courage, notre zèle éprouvés pour la bonne cause, et notre patriotisme nous rendent capables de cette entreprise importante. « Citoyens représentants, c’est en sans-culottes, c’est en républicains, amis de notre patrie commune, que nous vous invitons de nous mettre en état de donner de nouvelles. preuves de notre dévouement à la République « Ordonnez à vos collègues aux armées victo-(11 Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 304. (2) Moniteur universel [n° 107 du 17 nivôse (lundi 6 janvier 1794), p. 430, col. 3], D’autre part le Mercure universel [16 nivôse an II (dimanche 5 janvier 1794), p. 253, col. 1] rend compte de la pétition des patriotes mayençais dans les termes suivants : « La Convention admet à sa barre des patriotes réfugiés de Mayence. Ils demandent d’être employés dans les armées, où ils prouveront qu’il ne leur manque que le nom de Français. Ils réclament aussi quelques secours. « Merlin (de Thionville) demande en faveur de ces patriotes le même décret rendu en faveur de ceux du pays des Deux-Ponts, lequel accorde des secours et des frais de route. « Cette proposition est décrétée. » (3) Archives nationales, carton C 289, dossier 891, pièce 23. rieuses du Rhin .et de la Moselle de nous em¬ ployer à présent pour le bien de la patrie. Nos pères, nos mères, nos frères, femmes, en¬ fants emprisonnés par les despotes dans des cachots et opprimés par la tyrannie, et la patrie, notre mère commune, nous appelle, et nous volons à leur secours; nous remplissons en même temps les vœux les plus sacrés imprégnés dans nos cœurs depuis longtemps, nous contri¬ buons enfin de toutes nos forces à l’anéantisse¬ ment de la tyrannie, au bonheur du genre humain et à l’affermissement de la liberté et de l’égalité. Nous prouverons que nous sommes dignes du nom de citoyen français, que la loi nous a généreusement accordé, et que nous serons toujours les ennemis implacables de l’esclavage, de l’oppression et du despotisme. « Nous vous remettons, dans le mémoire particulier, les détails de notre pétition et nous espérons de votre sagesse et de votre zèle pour le salut de la patrie que vous nous accorderez notre juste demande. « Bientôt les étendards tricolores de la liberté flotteront sur les remparts de notre ville natale, bientôt nos concitoyens seront délivrés de leurs fers et de leurs oppresseurs. « Victoire à la République, et la mort aux tyrans. » Mémoire particulier joint à la pétition (1). Paris, le 15 nivôse l’an II de la République française, une et indivisible. Citoyens représentants, Après les grands progrès de nos armées victo¬ rieuses du Rhin et de la Moselle nous voyons déjà avec joie s’approcher cet instant heureux où notre département va être délivré des tyrans qui ont absorbé nos états et nos fortunes, qui ont chargé de fers ignominieux, qui ont fait périr, qui ont réduit à la misère extrême et à la mendicité nos épouses, nos enfants et nos confrères. Et ils (sic) soupirent dans l’es¬ clavage ces malheureuses victimes, ils implo¬ rent encore, ainsi que nous, les secours, la dé¬ livrance et la vengeance. Jusqu’à présent nous avons erré comme de pauvres fugitifs, réunis par le décret du 30 mars 1792 (vieux style) à la République française et. remis (sic) au nombre des citoyens français nous avons cherché en cette qualité, chez nos frères les Français, après la malheureuse et inattendue reddition de la ville de Mayence aux ennemis, de la protection, des secours et du soutien. Nous avons trouvé l’un et l’autre, aussi avons-nous tâché dans toutes les occasions de mériter cet amour de nos concitoyens et de nos frères. Déjà plusieurs de nos compatriotes ont perdu la vie à la Vendée pour la République et poul¬ ies principes sacrés de la liberté et de l’ égalité; plusieurs de nous sont encore dans les armées de la Moselle et du Rhin et aussi dans d’autres emplois pour mériter par leur fidélité et leur zèle leur nouvelle patrie, et nous, aussi patriotes mayençais, qui sommes restés ici, nous aurions, (1) Archives nationales, carton C 289, dossier 891, pièce 24.