661 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 avril 1790.] Troisième question. — Je ne conçois pas comment le comité a pu proposer de faire porter intérêt aux assignats, puisqu’au lieu d’être des effets de commerce, ils sont un véritable papier-monnaie. Vous grevez la nation de 18 millions d’intérêts pour 400 millions d’assignats. Un intérêt excite la cupidité, ne ranime pas la confiance, et donne lieu à l’agiotage. M. Prieur. Vous vous trouvez dans un des moments les plus intéressants pour la chose publique. Le royaume est dans un état pénible. Si vous faites une opération bien calculée, demain il se trouvera dans l’état le plus florissan t. La France, en un jour, va changer de face. Vous devez donc prendre toutes les précautions possibles pour opérer cet heureux changement. Quelles sont ces précautions? Les voici : Vous vous proposez de décréter pour 400 millions d’assignats portant intérêt. Si l’hypothèque est certaine, chacun se les disputera. Je n’ai que deux questions fort simples à faire. Avec quoi voulez-vous payer les intérêts et le remboursement? Avec les revenus des biens du clergé, avec les biens du clergé. Mais ne manquera-t-on pas de contiance en cette hypothèque, tant que ces biens ne seront point entièrement à votre disposition? M. Chasset vous a fait un rapport qui a mérité vos applaudissements, et vous a tracé la marche que vous devez suivre. Il faut décréter, sans déplacer, les trois premiersjarticles du projet de décret présenté au nom du comité des dîmes. Ges articles ne doivent éprouver aucune difficulté. S’il s’élevait une voix pour les attaquer, mille s’élèveraient pour les défendre. Ils contiennent les bases fondamentales de la confiance. De ces articles dépend le salut de l’Etat. l)écrétez-les; ils donneront la vie à tous, ils assureront votre liberté, ils rappelleront le numéraire. Ces trois articles peuvent vous sauver ; et vous balanceriez à les décréter! Votre patriotisme m’est garant que vous ne vous séparerez pas sans cela. (La proposition de M. Prieur est appuyée par un assez grand nombre de membres.) M. de Boisgelin, archevêque d’Aix, demande qu’on revienne à l’ordre du jour. La priorité est réclamée pour la motion de M. Prieur. M. de Cazalès. Continuer l’ordre du jour, voilà la règle; l’interrompre par une motion incidente, voilà l’exception ; la règle doit obtenir la priorité. Je ne prétends pas préjuger l’opinion de l’Assemblée sur la très importante question de savoir si le clergé doit rester usufruitier. C’est encore une plus grande question de décider si, à l’avenir, le clergé sera salarié en argent. Certainement il n’est pas un bon esprit qui ne trouve inconcevable qu’on veuille nous faire décréter de semblables questions à l’heure qu’il est, sur un rapport non autorisé par le comité ecclésiastique, et que d’ailleurs l’Assemblée n’a pas encore eu le temps de méditer. Je demande donc qu’on revienne à l’ordre du jour, sauf à ajourner la question. M. Barnave. La proposition de M. Prieur est certainement de nature à précéder, soit dans la discussion, soit dans la délibération de l’objet des assignats. Plus une opération est importante, plus elle est hardie, plus il est nécessaire de la faire prendre par tout ce qui doit contribuer à son succès. Lorsqu’on s’oppose à ce que nous délibérions, sans désemparer, sur la proposition de M. Prieur, on oublie que les questions qu’elle renferme ne sont qu’une suite de vos décrets, et qu’il s’agit d’en déduire une conséquence immédiate et nécessaire. M. Fréteau. Je crois qu’il faut pourvoir sur-le-champ au paiement de la dette publique, et qu’il faut assurer solennellement l’hypothèque des assignats, leur paiement et leur privilège. C’est pour cela que je vous supplie de' ne pas commencer à trois heures une discussion de cette importance, de la renvoyer à demain, et d’arrêter que les jours suivants y seront employés si cela est nécessaire. M. Charles de Lameth demande la priorité pour M. Prieur, et l’ajournement à demain, en arrêtant que le décret sera porté dans la séance de demain. M. de E*a Rochefoucauld. Je ne combats pas la priorité demandée pour la motion de M. Prieur : il est raisonnable de prendre un parti sur les biens du clergé avant de les assigner comme hypothèque. Je demande donc cette priorité, et que demain on commence la discussion de cette motion. (La demande deM. de La Rochefoucauld est décrétée.) M. le Président invite l’Assemblée à se retirer dans ses bureaux pour la nomination du président et des secrétaires. La séance est levée à trois heures un quart. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE BARON DE MENOU. Séance du samedi 10 avril 1790, au soir(l). La séance est ouverte à 6 heures du soir. Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes : Adresse de félicitation, adhésion et dévouement de la ville de Saint-Affrique en Haute-Guyenne; elle demande que le couvent des Cordeliers, établi dans son sein, soit érigé en collège national. Adresse de la nouvelle municipalité de la communauté de Grancey-sur-Ourse, remise au bureau des dons patriotiques. Quoiqu’il n’y ait aucun habitant qui jouisse de 400 livres de revenu, elle fait le don patriotique de la somme de 300 livres. Adresse des nouvelles municipalités des communautés de Poet-Laval en Dauphiné, de Saint-Hilaire de Soussac, de Saint-Glément en Saintonge, de Puy-Guillaume en Auvergne, de la ville de Gortez en Corse, et de Mencival ; De la ville de Langeais ; elle demande avec instance que l’option de l’administration ou du tribunal de district lui soit déférée ; De la communauté de Panissière en Forez. Indépendamment de la contribution patriotique, elle faitdon du produit des impositions sur les ci-devant privilégiés ; (1) Cette séance est incomplète au Moniteur, 66? [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [40 avril 1790.] De la communauté de Mont-Gaillard en Bigarre; elle a délibéré que, pour conserver à jamais la mémoire de-la régénération qui vient de s’opérer en France, il sera fait lecture tous les ans, dans une assemblée générale d’habitants, le dimanche avant la Saint-Martin, de tous les décrets rendus par l’Assemblée nationale, afin que par une tradition fidèle et constante, ils passent des pères aux enfants, et que tous bénissent les auteurs d’une si heureuse révolution ; Des villes de Lambeye en Béarn et de Saint-Clair-de-Lomagne ; elles demandent un tribunal de district. De la communauté de Brus en Poitou ; elle demande avec instance d’être autorisée à imposer une somme de 600 livres pour subvenir aux besoins urgents des pauvres dont le nombre augmente tous les jours. Adresse de la milice nationale de Saint-Malo ; elle supplie l’Assemblée de s’occuper au plus tôt de l’organisation des milices nationales. Adresse de la milice nationale de la ville de Langres ; elle soumet son règlement provisoire et sa conduite à l’Assemblée nationale, dont elle attend la loi commune à tout le royaume pour s’y conformer. Adresse de la nouvelle municipalité de la communauté de Montigny-sur-Aube ; elle supplie l’Assemblée de lui faire connaître ses devoirs et ses droits, afin qu’elle puisse faire jouir les habitants des avantages de la Constitution, et maintenir l’ordre et la tranquillité. Adresse de la nouvelle municipalité de la ville de Bois-Commun en Gatinois ; elle demande d’être autorisée à appliquera des ateliers de charité une somme de 173 livres et neuf marcs sept onces d’argenterie provenant de dons patriotiques faits par plusieurs habitants. Adresse de félicitation et d’adhésion des officiers municipaux d’Enassefort en Agenois.lls annoncent à l’Assemblée que pour préserver les citoyens de cette ville de la séduction des malintentionnés, ils leuront annoncéquetouslesdimanches ils feraient, avec le curé de cette ville, une conférence dans l’église, pour leur expliquer l’esprit et le sens des décrets de l’Assemblée nationale, qu’ils n’ont pas l’intelligence de saisir à une simple et rapide lecture. M. Maugins de Roquefort, député de la ville de Grasse en Provence, présente, au nom des fabricants de cuirs de celte ville, une adr« s-e où ils expriment leur reconnaissanceenvers l’Assemblée, pour son décret concernant la suppression du droit désastreux de marque des cuirs. Ils envoient un don patrotique de 15,762 livres, ainsi que l’acte de la prestation de leur serment civique, et de leur adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale. L’Assemblée reçoit avec le plus vif intérêt les hommages et le don patriotique des fabricants de cuirs de la ville de Grasse. L’Assemblée donne les mêmes témoignages de sensibilité à une adresse de la paroisse de Fieurieux, faubourg deChâtillon-les-Dombes en Bresse. Cette communauté adhère de la manière la plus formelle aux décrets de l’Assemblée nationale et fait l’offre du bénéfice qui pourrait lui revenir de l’imposition des ci-devant privilégiés, pour les six derniers mois de 1789. M. Guillaume fait au nom du bourg de Saint-Cloud, dont la municipalité est à la barre, l’offrande patriotique de six marcs quatre onces quatre gros d’argenterie, de quatre gros d’or et de 2,241 livres, tant en argent comptant qu’en billets. MM. de Cassini présentent à l’Assemblée la carte de la France , d'après la nouvelle division en départements. L’un d'eux prononce le discours suivant : « Messieurs, lorsqu’au mois d’octobre dernier nous eûmes l’honneur de vous présenter l'allas de la carte générale de la France , vous reçûtes avec indulgence des citoyens qui osaient à peine se flatter que leur hommage lût digne de vous. Aujourd’hui c’est avec plus de confiance, c'est* j’ose le dire, avec des droits à vos bontés que nous nous présentons devant vous, puisque c’est votre propre ouvrage que nous venons vous offrir. « C’est le résultat de cette honorable opération dont la pensée fut grande, l’entreprise hardie, l’exécution aussi étonnante qu’inespérée. C’est ce tableau de ce nouveau partage du royaume que vous avez redivisé pour le mieux unir, et dont en un instant vous avez dissous toutes les parties pour les recréer et pour mieux les remettre en harmonie. « Jetez, Messieurs, un regard de complaisance sur cetie esquisse de vôtre ouvrage; arrivés au bout d’une carrière longue et pénible, tournez et reposez vos yeux sur l’espace que vous avez parcouru et qu’en ce moment le souvenir de longs débats, de contrariétés renaissantes et d’obstacles sans nombre, soit effacé par la douce espérance d’un succès qui réponde à vos vues, en produisant tout le bien que vous avez voulu faire, en élevant à la perfection le nouvel ordre de choses que vous avez osé créer. » (Cet hommage rendu par les sciences à la Constitution est vivement applaudi.) M. le Président répond : « C’était à l’Assemblée nationale qu’il appartenait de concevoir et d’exécuter le projet de la nouvelle division du royaume; mais c’était à ceux qui comme vous, Messieurs, travaillent héréditairement avec tant de succès à perfectionner les siences, qu’était réservé l’honneur de transmettre à la postérité le monument durable de cette étonnante entreprise. Vos noms étaient déjà justement célèbres dans les fastes du monde savant; mais l’ouvrage que vous présentez à l’Assemblée nationale, va vous acquérir un droit imprescriptible à la reconnaissance publique. Il rappellera sans cesse que toutes les provinces du royaume, oubliant leur intérêt personnel pour le confondre dans l’intérêt général, ont établi pour base fondamentale de la Constitution, l’égalité civile et politique entre toutes les parties de la monarchie ; égalité sans laquelle il ne peut exister de véritable liberté. L’Assemblée vous permet d’assister à sa séance. » La société polysophique est admise à la barre et vient mettre son établissement sous la protection de l’Assemblée nationale. M. Deltufo prononce, au nom de cette société, un discours dont les passages suivants sont fort applaudis : « Un autre monde s’élève sous nos yeux; l’horizon parait s’agrandir pour les Français, c’est une éducation patriotique et nationale qu'il faut à la génération future; c’est dans le livre sacré de la Constitution que vos travaux anront cimentée, qu’elle ira chercher les fraies squrcfft du bpn-*