703 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 juillet 1791.] M. Ea Poule. Je demande qu’au lieu de ces mots : « qui n’auront pas jugé à propos de se faire inscrire » on dise simplement : « qui ne se seront pas fait inscrire ». M. Rabamt - Saint - Etienne , rapporteur. J’adopte. Votci, avec les amendements, la rédaction de l’article : Art. 14. « A l’égard de ceux qui, ayant d’ailleurs toutes les qualités requises ne se "seront pas fait inscrire et qui aurontainsi perdu le droit de citoyens actifs, ils seront soumis, comme les autres, à un tour de service à la décharge des citoyens inscrits ; mais ils ne feront jamais leur service en personne, et ils seront, sur mandement du directoire de district, taxés par chaque municipalité j pour le payement de ceux des citoyens inscrits j qui les remplaceront dans le service qu’ils auraient dû faire. Cette taxe sera égale à deux journées de travail. » (Adopté.) M. Rabaud -Saint - Etienne , rapporteur , donne lecture de l’article 15 ainsi conçu : » Ceux des citoyens inscrits qui ne serviront pas volontairement, ou ne fourniront pas volontairement leur remplacement au jour indiqué pour leur service, seront pareillement taxés par la municipalité; et, à la troisième fois qu’ils auront été contraints à payer cette taxe, ils seront suspendus pendant un au de l’honneur de servir en personne, et de l’exercice du droit de citoyens actifs ou éligibles. « Les femmes et les filles seront exemptes de toute contribution. » M. Eanjninais. Je demande que vous ôtiez la peine de l'amende pour tes enfants qui ne feront pas de service, ou au moins que le père ne pourra être taxé pour ses enfants. M. Prieur. M. le rapporteur dit que, lorsqu’un citoyen aura manqué trois fois à monter sa garde, il sera rayé. Je demande que l’on ajoute: « dans le cours d’une année ». M. Rabaud - Saint - Etienne , rapporteur. J’observe, sur l’amendement de M. Prieur, qu’en effet, si on ne fixe pas un terme précis, il pourrait se faire qu’un jeune homme qui aurait manqué trois fois à son service dans l’espace de 2 ou 3 ans, fût privé de ses droits de citoyen actif, ce qui ne serait assurément pas juste. J’adopte donc l’amendement. Un membre propose de comprendre les veuves dans la dernière disposition de l’article. (Cet amendement est adopté.) En conséquence, l’article modifié est mis aux voix dans les termes suivants : Art. 15. « Ceux des citoyens inscrits qui ne serviront pas volontairement, on ne fourniront pas volontairement leur remplacement au jour indiqué pour leur service, seront pareillement taxés par la municipalité; et, à la troisième fois qu’ils auront été contraints à payer cetie taxe dans la même année, ils seront suspendus, pendant un an, de l’honneur de servir en personne, et de l’exercice du droit de citoyens actifs ou éligibles. » <■ Les femmes, les veuves et les filles seront exemptes de toute contribution. » (Adopté.) M. Carat. Messieurs, vous devez encourager les pères à devenir pères, et à le devenir autant qu’ils le pourront. (Rires.) On a déjà accusé les hommes de se négliger à cet égard. (Rires.) Je désire que les heureuses influences de la liberté augmentent à cet égard la force morale et physique. Messieurs, je demande que tout père qui aura 3 enfants inscrits pour le service de la garde nationale soit dispensé du même service. Plusieurs membres : Aux voix l’amendement ! M. Prieur. Je demande à parler. (Murmures.) Oui ! oui! je veux parler. Je demande le renvoi au comité de tous les amendements et de toutes les observations. Je crois que les opinions des préopinants s’écartent absolument de nos principes. M. Garat veut faire considérer la fonction de la garde nationale comme une charge pour les citoyens, comme la collecte, comme i’impôt , et moi je dis que c’est un honneur qu’on doit briguer. Je dis que, si l’on parvenait à égarer l’Assemblée et l’opinion publique, au point de faire considérer la garde nationale comme une charge, et non comme un honneur, comme un devoir sacré, ce qu’il est en effet, alors vous changeriez tout à coup les opinions; et cette garde nationale, qui a fait la gloire de l’Empire, deviendrait dans la bouche de ceux qui déclament contre votre Constitution un impôt à l’aide duquel on détruirait notre gouvernement. Je demande, d’après cela, la question préalable sur tous les amendements tendant à faire perdre à la garde nationale l’honneur du service. (Applaudissements.) (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la proposition de M. Garat.) M. Rabaud -Saint -Etienne, rapporteur, donne leciure des articles 16 et 17 du projet de décret qui sont ainsi conçus : « Art. 16. Les citoyens* qui exercent les fonctions déjugés ou de commbsaires du roi près les tribunaux, les présidents des administrations, vice-pi ésidents et membres des directoires, les procureurs syndiesde département oude district, les officiers municipaux, les procureurs de la commune et leurs substituts, ne pourront, nonobstant leur inscription et leur distribution par compagnies, faire aucun service personnel dans lag.irde nationale, et ne seront soumis, à raison de ce service, ni à aucun remplacement, nia aucune taxe. « Art. 17. Les évêques, curés et vicaires, les officiers, sous-officiers, cavaliers et soldats des troupes de ligne et de la marine étant actuellement en activité de service, les officiers, sous-officiers et cavaliers tie la gendarmerie nationale et les sexagénaires, seront dispensés, nonobstant ieur inscnptiou et distribution par compagnies, de tout service dans la garde nationale et de toute taxe. » M. Thévenot de Maroise. Je demande que l’on exemple les greffiers et les secrétaires aes tribunaux et des corps administratifs. Un membre : Je demande que les juges des tribunaux de commerce soient également dispensés. M. Rewbell. J’ai l’honneur d’observer à l’Assemblée que nous avons décrété que les juges de commerce ne seraient élus que par les négo- 704 ciants. Pourquoi ? Parce que nous ne les avons pas mis dans l’état des fonctionnaires publics de la Constitution. Ce sont des juges d’exception, des arbitres que les négociants se chois ssent eux-mêmes; au moyen de quoi on ne doit jamais les mettre dans un article constitutionnel. M. Moreau. Il serait inconcevable que des juges de commerce qui remplissent des fonctions judiciaires fussent soumis au service de la garde nationale. M. JLanjuinais.Si vous donnez des exceptions à tous ces gens-là, vous serez obligés d’en donner à tous les professeurs du royaume; personne ne serait garce national. Je demande particulièrement que les juges gardes du commerce ne soient point exceptés. M. Prieur. Personne n’est plus que moi l’ennemi des exceptions, et cependant je ne partage pas l’avis des préopinants. Pourquoi avez-vous demandé que les juges ne fussent pas de la garde nationale ? C’est parce que vous œavez pas voulu que le juge descendît de son siège et pût aller prendre son fusil pour faire exécuter sa sentence. M. Roussillon. Je déclare que les négociants ne demandent aucun privilège, et les juges de de commerce regarderont comme un honneur de faire le service dans la garde nationale. Je demande donc la question préalable sur l’amendement. ( Applaudissements .) M. Eeleu de Ea Ville-aux-Bois. Jedemande qu’il n’y ait aucune exemption pour aucun juge, car vous feriez revivre les anciens privilèges. (. Applaudissements .) Les privilèges les plus odieux ont commencé ainsi par de légères exemptions. Sous l’ancien régime même, tout ce qui était charge locale était supporté indistinctement par les nobles, les prêtres et les privilégiés. Aujourd’hui, le service de la garde nationale devient un service local dont personne ne peut se dispenser sous aucun prétexte. Vous voulez exempter les juges, et pourtant ces fonctionnaires publics sont payés, tandis que le service de la garde nationale est gratuit. (Applaudissements) . Il paraîtrait bien étrange que les juges salariés fissent garder leurs propriétés par des gardes nationales qui ne le sont pas. Je pense que l’on doit dispenser du service personnel tout fonctionnaire public à son poste (Applaudissements.), et je soutiens en même temps que le fonctionnaire public qui est payé doit lui-même contribuer au remplacement du service qu’il doit en sa qualité de citoyen pour le service de la garde nationale. Je demande la question préalable sur la fin de l’article. ( Applaudissements .) M. Rabaud - Saint - Etienne , rapporteur. J’entre beaucoup dans la pensée du préopinant. J’observe cependant deux choses ; l’Assemblée adopte pour premier principe qu’il y a incompatibilité à l’égard d’un citoyen qui, par sa place, peut être à la fois et requérant et requis comme garde national. Cela s’applique à tous les juges et à tous les corps administratifs. Vous adoptez pour second principe qu’il y a telle position dans la société où il est impossible de servir. Ainsi les infirmes , les sexagénaires sont véritablement incapables de servir. On ne peut pas exiger d’eux 127 juillet 1791.) la taxe, car la taxe est un remplacement de service; or, celui qui ne doit point de service ne doit point de taxe. J’observe ensuite qu’il faut autant que possible rester attaché aux principes. Qu’est-ce que la taxe? La taxe est le remplacement du service. La question se réduit donc à savoir si celui qui ne peut pas faire le service personnel, doit êlre astreint au remplacement et à la taxe. (Oui! oui!) Dans mon opinion, je ne le crois pas. Le remplacement ne peut pas exister où la chose n’existe point. M. Boissy-d’Anglas. Je voudrais que celui qui ne fait pas son service par une impossibilité physique, soit le seul qui ne soit pas sujet à la taxe, car il n’y a pas d’incompatibilité pour payer la taxe. M. Bontteville-Dumetz. L’observation du préopinant est décisive. Dès l’instant que, dans l’organisation de la garde nationale vous souffrez le remplacement, il peut être fait par un officier public comme par d’autres. Il n’y a donc pas de difficulté à dispenser du service un officier public à cause de l’incompatibilité qui se trouve entre le service et sa personne. Mais il n’y a nulle incompatibilité entre ses fonctions et le payement de la taxe, et ce payement doit certainement être fait de grand cœur par tous les citoyens. ("L’Assemblée ferme la discussion.) M. le Président rappelle l’état de la délibération et pose la question en ces termes ; « L’incompatibilité est-elle exclusive delà taxe fixée pour le remplacement du service? » (L’Assemblée, consultée, décrète que les fonctionnaires publics qui, par suite de leurs fonctions, se trouvent hors d’état de faire le service par eux-mêmes, doivent néanmoins se faire remplacer et payer la taxe qui sera fixée pour ce service.) M. Eeleu de Ea Ville-aux-Bois. Voici comme je rédigerais l’article : « Tous fonctionnaires publics salariés par l’Etat ne pourront être assujettis à un service personnel , et dans le cas où ils ne jugeraient pas à propos de le faire, iis se feront remplacer. » Plusieurs membres : Non ! non 1 Ce n’est pas cela. Un membre : Il ne faut pas dire salariés , car Ie3 officiers municipaux ne seraient pas exemptés. M. Rabaud -Saint -Etienne, rapporteur. Si l’Assemblée y consent, je vais passer en revue les diverses catégories de fonctionnaires ; elle voudra bien prononcer quels sont les individus qu’elle voudra bien exempter. A l’article 16, tel que je l’ai présenté, je propose d’ajouter les juges des tribunaux de commerce dont on a demandé tout à l’heure l’exemption, ainsi que les assesseurs des bureaux de paix. M. Eeleu de Ea Ville-au-Boig. Si vous exceptez les. assesseurs, il y a 44,000 municipalités, cela fait 160,000 hommes que vous exemptez du service. En conséquence, je demande que les assesseurs ne soient pas exemptés. M. Rabaud-Saint-Etienne , rapporteur. J’adopte. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 juillet 1791.] 705 M. le Président. On propose de ne pas exempter les assesseurs des bureaux de paix, c’est-à-dire de les obliger au service personnel. M. Perdry. Je demande que l’on ôte aussi l'incompat ibilité pour tous ceux qui font un service public gratuit. Car il est impossible que, payant l’imposition comme citoyen, je la paye encore comme garde national. Le service d’ofii-cier municipal n’empêche pas de faire un service personnel, et si vous m’obligez à me faire remplacer et que je n’aie pas d’argent, avec quoi voulez-vous que je paye? (Rires.) (L’Assemblée consultée décrète qu’il n’y a pas lieu à exempter les assesseurs des bureaux de paix.) M. Raband - Saint - Etienne , rapporteur. On a également proposé d’exempter les greffiers et bjs secrétaires des tribunaux et des corps administratifs. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à exempter ces fonctionnaires.) M. de Sillery. On a oublié les ministres qui ne peuvent pas faire leur service en personne. (L’Assemblée décrète que les ministres seront exemptés.) M. Rabaud - Saint-Etienne’, rapporteur. Vos comités vous proposent d’exempter les personnes âgées de plus de 60 ans, les impotents et les infirmes. (L’Assemblée exempte ces différentes catégories de personnes.) M. Raband -Saint-Etienne , rapporteur. On propose que les accusateurs publics soient regardés comme professant un état d’incompatibilité. M. Ee Rois Oesgnays. Les accusateurs publics ne peuvent jamais être compris dans l’incompatibilité. En effet, quelle est la cause de l’incompatibilité? C’est qu’un officier public peut être dans le cas de requérir et en même temps d’exécuter. M. Prieur. Il est impossible que nous ne sortions pas de cette difficulté. Si vous mettez l’accusateur public dans un peloton de gardes nationales, et que ce peloton commette un excès qui donne beu à une plainte, sera-ce l'accusateur public qui y était lui-même qui sera chargé de poursuivre? Il faut donc le mettre dans les incompatibilités. M. Emmery. J’observerai à l’Assemblée qu’il me semble que nous perdons beaucoup de temps pour faire une nomenclature très inexacte. Vous vous écartez du principe, car, sous le nom d’incompatibilité que vous avez adopté, je vois une foule d’exemptions et de privilèges. Ce sera bientôt une charge au lieu d’un honneur d’être... (Applaudissements. ) Je propose de décréter le principe que le service de garde national est incompatible avec celui de tout fonctionnaire public. Il y a des fonctionnaires publics salarié�, obligez-les à se faire remplacer. Pour les autres, je ne vois pas qu’il soit juste qu’on les oblige à un remplacement. M. Rabaud-Saint-Etienne , rapporteur. Je demande que l’Assemblée prononce sur l’in-1" Série. T. XXVIII. compatibilité des évêques, curés, vicaires et ecclésiastiques qui sont dans les ordres sacrés. M. Prieur. Lorsque vous avez décrété le juré on vous a fait la même observation pour les ecclésiastiques. On n’a pas voulu les exempter, on leur a laissé seulement la faculté de s’en dispenser, et je ne vois pas que l’on pût empêcher un ecclésiastique, qui voudrait marcher avec la garde nationale, de le faire. M. de Ea Fayette. Je n’avais qu’une observation à faire pour appuyer la proposition de M. Emmery qui est d’établir un principe général. Il me semble, s’il m’est permis de le dire, qu'une si longue nomenclature aurait plutôt l’air d’une ordonnance d’un intendant pour exemption de tirage de la milice, que d’un principe constitutionnel sur la garde nationale. J’appuie donc la proposition de M. Emmery. Que le comité apporte une rédaction dans le projet sur la garde nationale, qui établisse un principe concernant les fonc-tionnairespublics. M. Eanjuinais. J’observe que la proposition de M. de La Fayette ne peut pas désormais être admise. Il n’est plus temps de vous proposer un principe que vous avez décrété. En second lieu, il est impossible d’exprimer le principe avec tant dé précision et d’exactitude, qu’il ne soit pas nécessaire d’en venir à une énumération. Votre loi est ici réglementaire -, elle sera absolument incomplète si vous vous bornez à un principe que chacun interprétera à sa manière. Je demande donc que M. le rapporteur continue. M. d’André. Il me semble que les préopinants sont d’accord, car l’Assemblée a décrété le principe que M. Emmery demande. Nous avons décrété cela avec connaissance de cause et nous ne voulons pas revenir sur ce décret. Je demande donc que l’on passe à l’ordre du jour. M. Tronchet. Je crois que les deux préopinants, qui vous ont proposé de décréter un principe général sans nomenclature, n’ont pas fait .assez d’attention au véritable principe que vous avez adopté, et qui exige une nomenclature. Le principe que vous avez décrété n’est pas que tout fonctionnaire public est exempt du service personnel, car il y a des fonctionnaires publics que vous ne dispensez pas du service personnel. Mais votre principe a été que ceux des fonctionnaires publics dont les fonctions se trouvaient incompatibles avec le service personnel devaient être non pas exemptés, mais sujets au remplacement. Or, en adoptant ce principe, il est indispensable de faire une nomenclature, parce que sans cela on serait tous les jours dans le cas de demander si le service de tel fonctionnaire public ou de tel autre est incompatible ou non avec son service personnel. (L’Assemblée consultée décrète que les évêques, curés et vicaires, et ecclésiastiques qui sont dans les ordres sacrés seront exempts de service.) M. Raband -Saint -Etienne, rapporteur. Messieurs, nous vous rapporterons demain la rédaction des articles 16 et 17 avec les dispositions que vous venez d’adopter. (Assentiment.) Voici maintenant l’article 18 : Art. 18. « En cas de changement de domicile, ou de 45