[Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [31 mars 1791.] deux juges et de quatre suppléants pour compléter le tribunal de ladite ville d’Uzès, décrète, « Qu’attendu les circonstances et les troubles qui venaient d’agiter et qui menaçaient encore la ville d’Uzès à l’époque de l'élection, ladite élection est valable, et que les sujets élus peuvent remplir les fonctions qui leur sont déférées, si d’ailleurs ils ont les qualités requises par les décrets. » (Ce décret est adopté.) M. i»e Chapelier au nom du comité de Constitution. Je vais maintenant, au nom du comité de Constitution, vous proposer un projet de décret général sur une matière très importante. Vous savez que jadis, lorsque des villes voulaient établir des foires et marchés, elles ne pouvaient te faire qu’avec des lettres patentes enregistrées; cette forme-là ne peut plus subsister maintenant; et même il n’est plus possible de refuser à aucune commune, en vertu de la liberté qui existe désormais et pour toujours, la faculté d’établir des marchés et des foires. Cependant des administrations de département ont refusé des permissions pareilles, et ce qu’il y a de pis, quelques-unes ont interdit la faculté de tenir des foires et marchés. 11 y a beaucoup de départements où des plaintes se sont élevées à cet égard; et nous ne pouvons pa-ser sous silence une disposition aussi essentielle et qui tient de si près à la liberté publique. Voilà le projet de décret que votre comité vous propose : « 11 est libre à toute commune d’établir dans son territoire des foires et marchés et de faire annoncer et publier les jours où ils se tiendront, à la charge seulement de faire au directoire de district sa déclaration, et de ne prendre aucun droit d’étalage que ceux qui pourront êire nécessaires pour la tenue des foires et marchés. » M. le Président. Que ceux qui veulent adopter... M. Prieur. Monsieur le Président, je demande la parole. M. de Folleviïle. Vous voyez, Monsieur le Président, Pinconvénient qu’il y a à décréter sur-le-champ des articles aussi importants. Je demande donc l'ajournement et l’impression de ce décret. M. Prieur. Ce n’est pas pour mettre des entraves à la liberté qui est reconnue par le comité, que je demande la parole ; mais c’est pour dégager la liberté des espèces d’entraves que le comité y appose par une des dispositions de son décret. Que sont les foires et marchés? Pas autre chose que des rassemblements volontaires et spontanés de marchands de toute espèce. Suivant le projet de décret du comité, il semblerait que les communes auraient le droit d’empêcher les marchands de venir dans leur sein, ou de leur donner des permissions qui supposeraient ce droit, et ressembleraient à des privilèges. Je prétends qu’ils ont le droit de se rassembler où ils veulent, moyennant qu’ils aient payé le droit de patentes; je prétends qu’il ne doit plus y avoir de privilèges pour les foires et marchés. Plusieurs membres : Ce n’est pas cela. M. Prieur. Je demande que le décret se borne 479 à dire. « Il est libre aux marchands de se réunir, et de vendre où bon leur semble. » M. de Delley. Les restrictions apportées par le comité ne sont que des lois de police et non des entraves à la liberté. M. Martineau. J’adopte le principe de la liberté que pose M. Prieur, et la conséquence qu’il en tire que tout marchand patenté a le droit d’aller veudre partout sa marchandise; mais, Messieurs, cette faculté que vous accordez aux marchands est bien différente de celle que vous propose votre comité. La conséquence qui résulterait de cette permission, serait qu’il n’y aurait nulle foire ni nul marché; car il n’y a pas de petite commune qui, demain usant ou plutôt abusant de votre décret, ne fît publier qu’elle aura 3, 4, 5 et 6 marchés par semaine, et 2 ou 3 foires par mois. Je demande comment on ferait pour élablir la police dans ces endroits-là. Tout le monde sait que la gendarmerie nationale doit fournir des détachements dans les lieux où so tiennent les foires ; et comme ces foires se tiennent alternativement tantôt dans une ville tantôt dans une autre, alors la gendarmerie a un temps suffisant pour s’y rendre. Au contraire, si dans un petit district il allait se trouver une vingtaine ou une trentaine de foires par jour, la gendarmerie nationale ne pourrait pas y suffire. Que l’on fasse un réglement sur cette affaire , que l’on soumette à une police, j’y consens (Applaudissements.)', niais auparavant, je demande que le projet de décret soit renvoyé tant au comité de Constitution qu’au comité d’agriculture et de commerce, pour nous présenter sur cela un décret qui concilie tous les intérêts. M. Goupil - Préfeln. Messieurs, le droit de foire et de marché n’est autre chose qu’un droit de justice féodale. M. Fe Chapelier, rapporteur. Je réponds que s’il y a un decret qui favorise le commerce, c’est celui-ci. Jadis il ne s’agissait que de faire un petit sacrifice d’urgent pour obtenir la permission d’établir des foires. Beaucoup de demandes pareilles sont en ce moment portées au conseil, qui ne les a pas octroyées, parce qu’il doutât avec raison qu’il fallut des lettres patentes pour qu’une commune pût avoir le droit de désirer que des marchands vinssent s’établir chez elle. L’établissement d’une foire n’est en effet autre chose que la manifestation que fait une commune du désir que, tel jour, des marchands viennent lui apporter ce dont elle a besoin. Ne voit-on pas ensuite que les inconvénients qu’on suppose sont des chimères ? Si toutes les communes d’un pays annonçaient des foires pour le même jour, n’est-il pas évident qu’il n’y aurait pas de foire, puisque les marchands et les acheteurs resteraient chacun chez eux. En général, en matière de commerce, l’intérêt des commerçants est le meilleur régulateur ; et la meilleure loi de police du commerce, est la liberté. M. Chabroud. Il me semble que le decret mérite d’être réfléchi et qu’il n’est pas du nombre de ceux qui doivent être décrétés légèrement. De ce que, dans l’ancien régime, sous un gouvernement corrompu, il fallait de l’argent et des in- ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 mars 1791.J 4g () [Assemblée nationale.] trigues pour obtenir le droit d’établir des foires, il ne s’ensuit pas que la liberté à cet égard doive être absolue. Les foires sont un objet de la haute police, et c’est pour cela qu’autrefois elles ne pouvaient exister qu elles ne fussent avouées par le gouvernement. On me dira que chaque commune peut prendre des précautions pour le bon ordre, mais ne sait-on pas que les foires occasionnent un si grand rassemblement, que les forces ordinaires d’une commune seraient insuffisantes. Partout où il se fait de grands rassemblements d’hommes, il faut une grande force publique pour arrêter les mouvements dangereux, les rixes qui peuvent en résulter surtout parmi les geDS de la campagne; et, je le demande, si vous abandonnez aux communes le droit de disposer des foires et des marchés, quels désordres pourra-t-il en résulter ? Si, par imprévoyance, plusieurs foires viennent s’établir dans un même district, la gendarmerie nationale pourra-t-elle ainsi se disperser et exercer une surveillance efficace. D’ailleurs les foires sont-elles un objet si utile qu’il soit aussi pressant de s’en occuper. Il est notoire que tous ces rassemblement multipliés sont le fléau des campagnes, de l’agriculture e; des mœurs. Lorsqu’une foire est convoquée, l’agriculteur quitte sa charrue, le soin de son champ, tout est abandonné ; les paysans de tous les villages environnants s’y rendent et y consomment les ressources de leur famille. Je le sais par expérience. Ce n’est pas tout, vous avez établi un droit de patentes qui doit être supporté par tous ceux qui exercent quelque état et quelque commerce; les murchandsforains y sont assujettis comme les autres. Je demande si le système d’abandonner les foires au caprice des municipalités n'apportera pas de très grandes difficultés à la juste perception de ce droit. Chaque municipalité qui aura établi dans son enclave une foire ou un marché sera-t-elle autorisée à demander à celui qui viendra s’établir dans ce marché ou cette foire la représentation de sa patente. Je demande pour l’intérêt de l’ordre public, pour l’intérêt des mœurs des campagnes, pour l’intérêt de l’agriculture que ce décret soit mûrement réfléchi, ;et j’en propose le renvoi aux deux comités d’agriculture et de commerce et de Constitution réunis. (Ce renvoi est décrété.) M. l«e Chapelier, au nom du comité de Constitution. Messieurs, lors de la formation de la haute cour nationale, l’article 12 fut ajourné avec quelques autres (1). Nous vous avions proposé d’abord d’établir le haut juré à 24 membres. L’Assemblée crut qu’il fallait faire pour la haute cour nationale comme on avait fait pour le juré ordinaire, c’est-à-dire avoir un nombre en réserve pour les cas imprévus. C’est d’après cela que vous nous avez ordonné de vous représenter les articles ajournés, en décrétant les bases sur lesquelles ils devaient être rédigés. Les voici : Art. 12. « Le haut juré sera composé de 24 membres, et ne pourra juger qu’à ce nombre. » (Adopté.) (1) Voyez ce décret, Archives parlementaires, t. XXII, séance du 8 février 1791, page 48. Art. 13. « Il y aura de plus 6 hauts jurés, tirés au sort sur la liste des 166, pour servir d’adjoints dans le même cas et selon les mêmes formes déterminées par la loi sur les jurés. » (Adopté.) Art. 14. « Les hauts jurés qui seront nommés par chacun des départements pour être inscrits sur la liste générale, ne seront admis à proposer aucune excuse pour se dispenser d’être inscrits sur cette liste. » (Adopté.) Art. 15. « Lorsque le Corps législatif aura fait sa proclamation pour annoncer la formation d’une haute cour nationale, ceux des hauts jurés inscrits sur la liste, qui croiraient avoir des excuses légitimes pour se dispenser de composer le haut juré, dans le cas où le sort les y fît entrer, pourront envoyer lesdites excuses avec les pièces qui en prouveront la légitimité. Ces excuses seront jugées par les grands juges. » (Adopté.) Art. 16. « Si l’empêchement allégué est jugé légitime, les noms des hauts jurés qui se trouveront excusés seront pour cette fois retirés de la liste. » (Adopté.). Art. 17. « Après que le haut juré aura été déterminé, il n’y aura plus, pour ceux qui devront le composer, aucun lieu à proposer d’excuses, si ce n’est pour impossibilité physique, telle qu’une maladie grave, constatée par un rapport de médecins, et certifié par le procureur général, syndic du département, ou le procureur syndic du district, ou le procureur de la commune, suivant que le citoyen appelé habitera dans un chef-lieu de département de district, ou dans une municipalité. » M. de Folleville. J’ai l’honneur d’observer à l’Assemblée qu’on restreint furieusement les cas d’imposibilité. Le grand juré doit être convoqué au moins à 15 lieues de Paris. Un homme des Bouches-du-Rhône, je suppose, ou du département du Gard, qui sera tombé sur la liste, que ses facultés pécuniaires empêcheront absolument de venir, ne peut pas être forcé. M. le Chapelier, rapporteur. La cause d’impossibilité ne peut pas exister : 1° parce qu’il a été décrété que l’on n’élirait que ceux qui pourraient être élus au Corps législatif;... M. de Folleville. Oui, on est censé avoir 250 livres de rente. M. le Chapelier, rapporteur , ..... que déjà ils sont censés avoir des facultés suffisantes; 2° qu’attendu l’éloignement, nous vous proposons de donner une indemnité; qu’ainsi la difficulté sous ces deux rapports n’existe pas, etc., qu’en - tin c’est une fonction dont on ne peut passe dispenser. (L’article 17 est décrété.) M. le Chapelier, rapporteur. Nous passons à l’article 18 ainsi conçu : « Art. 18. Les hauts jurés qui seront convoqués, soit qu’ils n’en aient pas proposé, ne pourront