SÉANCE DU 19 FRUCTIDOR AN II (5 SEPTEMBRE 1794) - N“ 72-75 283 72 Barère, député, au nom de Barreau de Toulouse, dépose 300 L, et la société populaire de Morlaix [département du Finistère], celle de 1 000 L, à titre d’offrande. Mention honorable, insertion au bulletin (120). 73 Le citoyen Chapts demande l’exécution du décret du 27 germinal dernier, article XXIV, concernant les avances à faire aux artistes. Renvoyé au comité de Commerce (121). 74 Sur l’observation d’un membre, qu’il n’avoit été nommé que trois membres pour la formation du comité des Transports, Poste et Messageries, au lieu de douze, la Convention nationale décrète qu’il sera imprimé un nouvelle liste de ceux de ses membres qui se seront fait inscrire pour ce comité, et qu’il sera procédé, dans le jour de demain, à l’élection de neuf membres pour le compléter. La séance est levée à quatre heures (122). Signé, Bernard (de Saintes), président; Borie, L. Louchet, Guffroy, Bentabole, Rey-naud, Cordier, secrétaires. AFFAIRES NON MENTIONNÉS AU PROCÈS-VERBAL 75 LOUCHET, secrétaire, donne lecture d’une adresse de la société populaire de Dijon (123) : « Vous avez ordonné l’élargissement des agriculteurs; cette mesure était sage, mais des ci-devant messieurs, qui cultivent par défaut d’occupation quelques journaux de terre, en ont profité pour sortir des maisons d’arrêt. Sur un patriote qui a obtenu sa liberté, cent aristocrates ont été élargis. Vous aviez encore sagement ordonné l’impression de la liste des détenus qui ont été rendus à la liberté, et l’on vous a arraché depuis le rapport de ce décret salutaire. (120) P.-V., XLV, 95. Bull. 19 fruct. (suppl.). (121) P.-V., XLV, 95. (122) P.-V., XLV, 95-96. Le décret concernant le comité des Transports porte le n° 10 768. (123) Moniteur, XXI, 691; Débats, n» 715, 332; J. Univ., n® 1 747, 1 749; Rép., no 262, 263; Ann. R. F., n° 278; Ann. Patr., n« 617; F. de la Républ., no 427; J. Perlet, n» 713; J. Fr., n» 711; Rép., n» 260; J. Paris, no 614; C. Eg„ no 748; Gazette Fr., n® 979; M.U., XLIII, 320; J. S.-Culottes, no 568. Les comités révolutionnaires sont circonvenus par la horde des parents ou des amis des gens suspects; ne devons-nous pas craindre que ces comités ne cèdent aux menaces de la fureur ou aux larmes de l’hypocrisie ? Le modérantisme invoque la justice comme Robespierre invoquait la vertu; nous voulons aussi la justice, mais non pas celle dont la règle de plomb se courbe au gré des gouvernants; nous voulons cette justice dont la règle d’airain est inflexible comme la loi. On dit qu’il n’y a plus deux classes de citoyens, les bons et les mauvais; quoique la noblesse et le clergé soient abolis depuis longtemps, les individus de ces castes privilégiées n’en existent pas moins parmi nous. Oui, leur esprit régnera toujours au milieu de nous tant que nous ne verrons pas ceux d’entre eux qui ont nui à la patrie voguer vers la Guyane. On a demandé la liberté illimitée de la presse; mais a-t-on examiné si elle était compatible avec le gouvernement révolutionnaire ? Quoi ! nous verrions reparaître L’Ami du Roi, Les Actes des Apôtres, le Journal à deux liards, etc. ! Non, ce n’est qu’à la paix qu’il sera possible de ne point mettre de bornes à la liberté de la presse. Ne souffrons point que Pitt ou un nouveau Roland empoisonne encore l’esprit public. N’obligez pas l’ombre de Marat à sortir de sa tombe pour vous rappeler à votre énergie, à ces grandes mesures qui ont jusqu’ici sauvé la chose publique. Nous vous demandons, Législateurs : 1) d’organiser sur-le-champ les comités révolutionnaires de districts, dont vous avez dernièrement décrété l’établissement; 2) De les autoriser à recommencer les arrestations des personnes suspectes selon la loi du 17 septembre, sans avoir égard aux élargissements accordés depuis; 3) Que tous les citoyens soient invités à leur communiquer les motifs de suspicion qu’ils peuvent avoir contre tel ou tel individu; 4) Que vous rendiez exécutoires dans toute la République les mandats d’arrêt décernés par les comités révolutionnaires contre les personnes qui ont été domiciliées dans leur arrondissement; 5) Que vous examiniez si la loi qui ordonne de juger sur la question intentionnelle ne serait pas susceptible de modification. (Murmures). (On crie que c’est le style de Robespierre (124). GUYOMAR : Il faut ajouter à ce projet que les accusés n’auront plus de défenseurs, et alors nous rentrerons dans le système d’oppression établi par la loi du 22 prairial. Plusieurs voix : Les signatures ! Quelques membres : L’ordre du jour ! D’autres : La lecture ! Louchet relit l’article V. « 5) Que vous examiniez si la loi qui ordonne de juger sur la question intentionnelle ne serait pas susceptible de modification ». Il n’y a là rien de répréhensible. (124) F. de la République, n° 427; J. de la Montagne, n° 129. 284 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE « 6) D’éloigner les ci-devant nobles et les ci-devant prêtres de toutes fonctions publiques ( applaudissements); « 7) Et enfin de contenir la liberté de la presse dans de justes bornes, tant que durera le gouvernement révolutionnaire. Voilà, Représentants, les objets que nous vous invitons à prendre en considération; nous les croyons propres à fortifier la marche révolutionnaire, à donner une nouvelle vie à l’esprit public, et porter le coup de la mort à tous les ennemis de la patrie. Signé les membres de la Société populaire de Dijon (125). GUYOMAR : Je demande à jouir de la liberté des opinions. Puisque la Révolution est faite, je veux en profiter pour ma part. La Convention ne rend pas aujourd’hui un décret pour le rapporter demain; il faut que les sociétés populaires et toutes les autorités apprennent à respecter vos lois. LOZEAU : Il y a dans cette pétition divers objets dignes d’être mûris par un comité. Je demande l’insertion de l’adresse au Bulletin (Non, non ! s’écrie-t-on vivement), et le renvoi aux deux comités de Salut public et de Sûreté générale. DUHEM : Je ne crois pas que ce soit ici le cas d’ordonner l’insertion au Bulletin. Il y a dans cette adresse des points de la plus haute importance pour le gouvernement révolutionnaire, et qui méritent d’être examinés; c’est pour cela que je pense que l’on ne doit pas passer à l’ordre du jour. Ce sont des citoyens français qui vous soumettent leurs réflexions avec respect, avec décence. Je demande que cette adresse soit renvoyée à celui de vos comités qui est chargé de la préparation des lois, et qui examinera si elle est l’ouvrage d’hommes égarés, ou si elle présente quelques vues dignes d’être comprises dans les lois. Le renvoi au comité de Législation est décrété (126). 76 La Société des Défenseurs de la République se présente à la barre, et manifeste quelques inquiétudes à la Convention nationale de ce que beaucoup de pièces de canon, même des pièces de siège, des obus et des mortiers existent dans le camp des élèves de l’Ecole de Mars. Remplie de confiance et de respect pour la Convention nationale, elle a cru devoir fixer son attention sur cet objet qui, par sa nature, semble prêter des armes à l’intrigue et à la malveillance. Elle proteste de son dévouement aux représentants du peuple; elle assure qu’elle est debout pour terrasser les intrigants et comprimer la malveillance. (125) Moniteur, XXI, 691. Le J. Mont, signale des cris pendant la lecture : « Vous demandiez où était la queue de Robespierre. Voilà un échantillon ». (126) Moniteur, XXI, 691-692. Mention de la discussion dans Débats, n° 715, 332. La mention honorable et le renvoi au comité de Salut public sont décrétés (127). 77 La société populaire de Perreux s’exprime ainsi : Grâces vous soient rendues : à votre tour vous avez par votre énergie sauvé la patrie; à votre tour vous avez courageusement reconquis votre liberté : pour la conserver, soyez toujours unis, vigilans, et vous écraserez avec la promptitude de la foudre les conspirateurs ennemis de l’égalité et les faux amis du peuple républicain qui veut vivre libre ou mourir. La société populaire de Perreux, district de Roanne, département de la Loire, s’empresse de vous émettre son vœu et de jurer un attachement inviolable à l’unité, l’indivisibilité de la République, ainsi qu’à la représentation nationale. Suivent les signatures (128). 78 ROBERJOT : Citoyens, le citoyen Grandmai-son, commandant de la gendarmerie nationale à Commune-Affranchie, avait été inculpé, le 7 fructidor, à la barre de la Convention nationale, comme complice de l’agent national de Commune-Affranchie; envoyé au tribunal révolutionnaire, il a été accusé d’avoir dépouillé les vieillards détenus de leurs assignats, de leurs vêtements; d’avoir inhumainement traité une femme nouvellement accouchée dans son trajet de cette commune à Paris. Le citoyen Grandmaison vous adresse, pour détruire les inculpations qui lui ont été faites, copie des déclarations des détenus qu’il a accompagnés; elles constatent qu’ils ont éprouvé de sa part les plus grands égards. Il joint aussi à sa réclamation des certificats des représentants du peuple qui démentent les atroces calomnies dirigées contre lui. Ils attestent qu’il a toujours rempli avec décence et soumission les ordres rigoureux de sa place; qu’il a toujours manifesté des principes d’humanité et des sentiments contraires à la faction liberticide qui vient d’être renversée. Renvoyé au comité de Sûreté générale (129). (127) Moniteur, XXI, 685. J. Mont., n° 129; Gazette Fr., n° 979; J. Fr., n° 711; M.U., XLIII, 318; J. Paris, n° 614; Ann. R.F., n° 278; F. de la Républ., n° 429; Rép., n° 260. (128) Bull. 19 fruct. (129) Moniteur, XXI, 690.