SÉANCE DU 12 FRIMAIRE AN III (2 DÉCEMBRE 1794) - N° 26 395 voir; ne craignez pas les hurlements des bêtes féroces, le peuple les a muselés. Mention honorable, insertion au bulletin (81). [La section de la République à la Convention nationale, Paris, le 10 frimaire an III] (82) Citoyens représentons, La section de la République en masse vient vous parler de la reconnoissance : vous avez bien mérité de la Patrie, le 9 thermidor, mais le décret du 22 brumaire qui a fermé la caverne de Gilblas n’est pas un devoir moindre et bien fait. Quelques scélérats, complices des crimes de Robespierre, trompoient de bons citoyens, ils les entrainoient donc à leur suitte dans les progets les plus contre-révolutionnaires, avec une audace qui n’appartient qu’à des brigands. Ils parloient de vertu et proposoient encore des Bastilles et des échaffauds ; ils disoient que les fusillades et les noyades et tous ces actes aussi atroces qu’arbitraires étoient louables ; ils juroient de faire une rempart de leurs corps à l’homme accusé d’avoir imaginé une barbarie inconnue jusqu’à nos jours. La masse du peuple toujours bonne vous a fait entendre son indignation contre ces grands criminels et vous avez pensé que c’étoit obéir à son vœu que de disperser ces audacieux, grâces vous en soient rendues. Achevez ce que vous avez si bien commencé.... Si la majorité des Jacobins n’est coupable que d’erreur, les meneurs qui, jadis usurpateurs d’une puissance sans borne, déchirent le sein de leur patrie, partout les crimes doivent enfin fixer votre justice. Vous venez de donner un grand exemple de votre amour pour l’humanité, vous avez décrété Carrier d’accusation. Continuez, faites vous rendre compte de la conduite de ces dépositaires d’un grand pouvoir. Ne craignez pas les hurle-mens de ces bêtes féroces, les tigres et les lions ne sont plus dangereux, le peuple ne les a pas apprivoisé, mais il les a muselés. Voila, citoyens représentans, ce que la section de la République devoit vous dire. Elle sait que le bonheur du peuple vous occupe uniquement et elle s’en rapporte à vous pour obtenir justice. Comptez aussi sur elle, son amour de la République, son respect pour les loix, sa confiance dans la représentation nationale vous sont les garans de son dévouement. Vive la République, vive la Convention nationale. Rédigé en assemblée générale de la section de la République le décadi 10 frimaire 3ème année de la République française une et indivisible. Signé, Gabet fils aîné. (81) P.-V., L, 264-265. (82) Bull., 11 Mm. (suppl.). Rép., n° 73. Ann. Patr., n° 701 ; C. Eg., n° 836 ; F. delà Républ., n° 73 ; J. Perlet, n° 800 ; J. Fr., n° 798 ; Gazette Fr., n° 1065 ; Mess. Soir, n° 836. LE PRÉSIDENT (83) : La Convention envoyée pour donner une nouvelle Constitution à la France, ne s’est pas dissimulé la difficulté de cette tâche, ni les obstacles qu’y mettoient les malveillans; mais, soutenue par l’énergie et le courage du peuple, elle a du tout surmonter. Les tyrans de l’Europe voient avec effroi notre République naissante s’élever majestueusement, comme l’astre du jour sortant du sein de [illisible]. Quelques enfans dénaturés, que la patrie a vomis, allèrent de cour en cour mendier des ser-mens, pour donner à leurs vieux parchemins la valeur insensée que notre égalité détruis. Des généraux perfides voulurent entraîner dans des trahisons nos braves et incorruptibles défenseurs. Une société, utile dans le principe, des villes, des départemens furent mis en révolte, de nombreuses armées, combattant pour le despotisme contre la liberté, se sont montrées : tout a disparu, comme les vapeurs de la mer au lever de l’aurore. Rien n’arrêtera donc plus la marche rapide et sage de la Convention. L’achèvement de l’instruction publique et le code sont présentés à sa décision. Des lois sages, bienfaisantes de la propriété, vont raviver l’agriculture, le commerce et les arts. 26 La section du Temple [Paris] applaudit au décret relatif à la société des Jacobins. Elle félicite la Convention d’avoir éteint les torches déjà fumantes de la guerre civile que les conspirateurs travaiUoient à allumer. Elle appelle la surveillance la plus active sur des manœuvres des malveillans, sur les tigres complices de Robespierre; elle demande le maintien du gouvernement révolutionnaire, aujourd’hui l’effroi de ceux qui en abusaient pour faire des victimes, jusqu’à ce que la massue nationale ait atteint les brigands de toute espèce, et qu’elle ait frappé ceux de ces monstres qui, en se permettant des actes arbitraires et sanguinaires outrageoient encore la nature, les mœurs et l’humanité. Elle finit par demander que la Convention s’occupe du complément de l’Instruction publique, qu’elle porte un regard attentif sur les finances, sur les commissions exécutives et administratives, et qu’on fixe un terme à l’épuration des autorités constituées. La mention honorable, l’insertion au bulletin, de cette adresse ainsi que de la réponse du président, et le renvoi au comité de Législation sont décrétés (84). La section du Temple est admise à la barre. (83) Bull., 11 Mm. (suppl.). (84) P.-V., L, 265. C 327 (1), pi. 1433, p. 36. Taveau rapporteur selon C*II, 21. 396 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE L’ORATEUR (85) : Citoyens représentants, la liberté triomphe ! Les tyrans coalisés tremblent ; ceux de l’extérieur à l’aspect des armées révolutionnaires, et ceux de l’intérieur à la lecture de vos lois. En vain, les premiers cherchent-ils à se rassurer sur des trônes déjà chancelants, et les autres à se soustraire à la vengeance publique ; ils seront tous punis de leurs complots. Les Français, partout victorieux, poursuivent les despotes couronnés ; la Convention livre à la justice les véritables conspirateurs. Ils avaient tous juré le déchirement de la République ; leurs projets sont déjoués. Les cris de la guerre civile se faisaient entendre, vous en avez éteint les torches déjà fumantes par votre décret sur les séances de cette Société, qui voulait rivaliser de puissance avec la représentation nationale; le terrorisme, les vexations et les assassinats étaient à l’ordre du jour : le décret d’accusation contre le représentant Carrier vient de prouver à l’univers que l’égalité, la justice et la vertu sont les bases de notre gouvernement républicain. Législateurs, continuez vos immortels travaux ; que votre surveillance soit toujours active sur les manœuvres des malveillants; que vos mesures soient sévères contre ces agitateurs sans aveu, sans foi et sans principes, qui cherchent le désordre parce que le désordre convient à leur plan liberticide ; qu’elles soient vigoureuses contre ces tigres, partisans et complices de Robespierre; contre ces hommes qui regrettent le régime de terreur, parce que lui seul peut convenir à leur immoralité et à tous les crimes dont ils sont capables; que le gouvernement révolutionnaire, aujourd’hui l’effroi de ceux qui en abusaient pour faire des victimes, soit conservé jusqu’à ce que la massue nationale ait atteint les brigands de toute espèce, et qu’elle ait frappé ceux de ces monstres qui, en se permettant des actes arbitraires et sanguinaires, outrageaient encore la nature, les mœurs et l’humanité. La section du Temple avait aussi ses intrigants, ses agitateurs, elle avait ses oppresseurs dans le ci-devant comité révolutionnaire; ce comité, composé par la commune rebelle, dénoncé aux comités de gouvernement avant et depuis le 9 thermidor, avait plongé dans les fers des citoyens amis et défenseurs de la liberté, des patriotes vertueux, que cette section a vu rentrer avec joie dans son sein. Pères de la patrie, faites le bonheur de la grande famille : complétez l’instruction publique ; portez des regards attentifs sur les finances, sur les commissions exécutives et administratives; fixez un terme à l’épuration des autorités constituées ; que les lois assurent la tranquillité et la félicité du peuple français. Tel sera toujours le cri des citoyens de la section du Temple sera toujours: Vive la République ! Vive la Convention nationale ! (85) C 328 (2), pl. 1458, p. 20, avec les signatures de Lair, président et de Simon, secrétaire expéditionnaire. Ann. Patr., n° 701; C. Eg., n° 836 ; F. de la Républ., n° 73; J. Fr., n° 798; Mess. Soir, n° 836. La mention honorable et l’insertion au bulletin sont décrétées (86). LE PRÉSIDENT (87) : Il n’y a pas de perfidie que les ennemis de la liberté n’aient employée pour nous replonger dans l’anarchie et l’esclavage. En dernier lieu, n’ont-ils pas voulu soulever les ouvriers de Paris ? Mais ces bons citoyens ont connu le piège, et ils l’ont évité. Pour diviser les membres de cette Assemblée, n’a-t-on pas répandu dans son sein que les comités de gouvernement étoient dans de très mauvaises dispositions contre trente d’entr’eux, tandis que ces mêmes comités travailloient nuit et jour à déjouer les projets contre-révolutionnaires, ten-dans à la dissolution de la représentation nationale? Enfin, pour irriter une partie de la Convention contre l’autre, n’a-t-on pas débité qu’elle consentiroit à faire la paix dans les anciennes limites ? Qui est-ce qui nous suppose-roit capables d’une telle lâcheté? Quoi! les tyrans coalisés se seroient immiscés dans notre gouvernement intérieur ; il nous en auroit coûté tant de milliards, tant de sacrifices, tant de sang pour les en punir; et ces oppresseurs ne paie-roient pas quelques frais de cette guerre! La nature posa les bornes de notre République; elle nous indique le dédommagement, en nous donnant la rive du Rhin pour confins. Après avoir abattu toutes les factions, arrêté tous les complots de révolte, préparé, consolidé le bonheur commun, forte de l’amour et de la confiance de tous les citoyens, la Convention nationale, renversant tous les obstacles, évitant tous les écueils, conduira dans le port le vaisseau de l’état : et alors le peuple français en confiera la direction à ne nouveaux pilotes. La Convention vous invite aux honneurs de la séance. 27 Un membre [GRÉGOIRE] annonce que le citoyen Bermond, propriétaire à la Nouvelle Tempé, près de Nice [Alpes-Maritimes], y cultive avec succès diverses plantes exotiques, dont l’acclimatement promet de grands avantages à la patrie. Il présente à la Convention nationale une gousse de coton du Levant, récolté en plein champ dans sa propriété. La Convention nationale ordonne qu’il sera fait mention honorable au procès-verbal des efforts civiques du citoyen Bermond, l’insertion au bulletin et le renvoi au comité d’Agriculture (88). (86) Moniteur, XXII, 656. Bull., 12 frim. ; Rép., n° 73. (87) Bull., 12 frim. (88) P. -V., L, 266. C 327 (1), pl. 1433, p. 37. Rép., n° 74. Porcher rapporteur selon C*II, 21.