[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [n mai 1791.] 133 ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. D’ANDRÉ. Séance du mardi 17 mai 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. Un membre du comité de vérification propose d’accorder à M. Gardon de Sandran, député du département de l’Ain, un congé d’un mois pour le rétablissement de sa santé; Et à M. Lucas, député du département des Côtes-du-Nord, une prorogation de congé pour cause de maladie. (Ces congés sont accordés.) M. BHly (Joachim-Nicolas), député suppléant du ci-devant bailliage de Provins, département de Seine-et-Marne, est admis à remplacer M. de Parov, démissionnaire, après qu’il aura prêté le serment civique. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier, qui est adopté. M. Boudard. Messieurs, à propos des articles que vous avez décrétés hier sur l’organisation de la régie des droits d’enregistrement et autres réunis, je demande que les surnuméraires commissionnés, ayant trois ans d’exercice, puissent concourir pour obtenir des places d’employés. M. Pierre Dedelay ( ci-devant Belley d’A-gier). Je demande que l’amendement du préopinant soit réduit à celui-ci : « Les surnuméraires inscrits pourront concourir. » Plusieurs membres : Depuis deux ans ! M. Gaultier-Biauzat. Il faut dire avec quelle classe ils pourront concourir, car il n’est pas dans l’intention de l’Assemblée qu’ils soient placés de préférence sur d’anciens employés. M. Befermon, rapporteur. On peut mettre l’amendement à la fin de l’article 17 et dire : « Pourront cependant tous surnuméraires commissionnés, ayant plus de deux ans de service, concourir aux places auxquelles leur donnait droit leur surnumérariat. » (Cet amendement, mis aux voix, est adopté.) M. Bérenger réclame contre une erreur qui s’est glissée dansl’état nominatif des directions, à l’article 4 du titre 1er du décret sur l’organisation de la régie des droits d’enregistrement et de timbre, puisque cet état place cette direction à Romans, pour le département de la Drôme, tandis qu’il paraît, par l’esprit qui a dicté le décret, que cette direction doit être placée à Valence, chef-lieu, siège du directoire du département ; et il appuie fortement les motifs de sa réclamation. M. Delacour-d’AmbézIeux répond et développe, à son tour, les motifs puissants qui ont déterminé les comités et l’administration à préférer Romans, où s’est tenue l’assemblée de département, et qui, sous ce point de vue et plusieurs autres, doit conserver cet établissement. Il parle aussi en faveur d’Embrun, qui aura de même le siège de la direction. Après une réplique du premier orateur à laquelle il est encore répondu par le second opinant, l’Assemblée maintient les dispositions de l’état annexé à l’article 4, en décrétant qu’il est passé à l’ordre du jour. M. Regnaud {de Saint-Jean-d' Angêly) . Messieurs, vous avez rendu, avant-hier, un décret sur les hommes libres de couleur et nègres libres, dans vos colonies. Ce décret est déjà en route pour arriver dans vos places de commerce, et peut-être chez les nations étrangères qui spéculent sur les troubles que les ennemis du bien public, de concert avec elles, s’empresseront peut-être d’exciter dans les colonies. Vous avez peut être vu avec étonnement que les comités ne vous aient pas proposé hier de suivre le projet de décret, qui était à l’ordre du jour. Il me semble que, dans l’état actuel des choses, la prudence vous prescrit deux mesures que je vais avoir l’honneur de vous proposer. D’après la manière dont on interprète déjà, et dont on interprétera dans les colonies le décret par lequel vous avez assuré aux hommes de couleur, nés de pères et mères libres, l’exercice de leurs droits politiques, il me parait nécessaire que l’Assemblée fasse connaître ses véritables intentions et les motifs de sagesse qui ont dicté son décret. On empoisonnera, peut-être, les vues que vous avez eues ; et il est important, selon moi, que les colonies apprennent quelles ont été vos intentions ; qu’elles Rapprennent par les instructions que le comité de Constitution s’empressera de faire, et qui détruiront les fâcheuses impressions que beaucoup trop d’individus s’empressent peut-être de donner. Vous devez craindre que les nations voisines n’expédient avant votre instruction, et avant votre décret, quelque avis capable de produire un mauvais effet. Les instructions dont je vous propose la rédaction, envoyées promptement, préviendraient tous les inconvénients que vous pourriez craindre. Je fais la motion expresse qu’il soit rédigé une instruction pour être jointe au décret. La deuxième mesure, c’est de renvoyer au comité de Constitution la suite du projet de décret sur nos colonies, afin qu’il nous propose une détermination positive sur les points que renferme le projet de décret. {Applaudissements.) M. Gaultier-Biauzat. La première partie me paraît excellente; mais la seconde me semble dangereuse, et je substitue, à cette seconde partie, que l’Assemblée décrète que le comité colonial lui propose demain la suite du décret. M. Befermon. Le comité colonial ne pouvait pas vous proposer la suite du décret par lequel vous supprimez le congrès qu’il vous proposait. Il lui faut le temps de préparer une nouvelle rédaction. Et comme une instruction me paraîtrait prématurée, je me borne à demander que l’Assemblée enjoigne aux comités réunis de lui présenter la suite de leur travail sur les colonies. Ce travail est prêt; vous pouvez vous en occuper demain. Ce travail sera plus propre à rétablir le calme dans les colonies que toutes les-instructions. Il ne faut pas craindre le ressentiment d’un jour, et vous devez croire que les députés des colonies seront les premiers à employer tous les moyens qui sont en leur pouvoir pour y amener la paix. - (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 134. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 mai 1791.] M. Dupont. L’instruction me paraît d’autant plus nécessaire qu’il a été soutenu, dans l’Assemblée, que vous n’avez pas rempli l’engagement que vous avez pris envers les colonies. Si des lettres parties de France apportaient aux colons ces nouvelles, elles y jetteraient un grand trouble et un grand désordre. Or, Messieurs, cette opinion est extrêmement fausse; mais puisqu’elle s’est manifestée, il faut écrire aux colonies que vous n’avez pas manqué à vos engagements ; qu’au contraire, par condescendance, vous avez accordé aux colons blancs plus qu’ils ne demandaient; car l’article 4 du décret du 28 mars concernait tous les hommes libres, propriétaires et contribuables, et cependant vous avez établi deux classes intermédiaires : les affranchis et les hommes libres nés de mères non libres. Vous avez donc donné aux colons blancs plus que, d’après vos décrets antérieurs, ils pouvaient espérer. Il est donc bon que cette vérité, manifestée par l’Assemblée nationale, montre à ses provinces qu’ils se sont trompés, ceux qui croient que l’Assemblée nationale a manqué à soa engagement. Je ne suis pas indépendant du soupçon ae l’erreur, si ce n’est du crime. Et comme il est certain que plusieurs membres des colonies ont écrit l’année dernière des lettres qui y ont porté le trouble, lettres dont le rapport doit vous être fait par votre comité des recherches, j’appuie la proposition de M. Regnaud. En conséquence, je propose que M. le Président se retire par devers le roi pour le prier de suspendre de quatre jours le départ des vaisseaux pour les colonies, afin que les mêmes vaisseaux qui porteront les erreurs, y apportent aussi la vérité. ( Applaudissements .) M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Àngély). Si je n’étais pas convaincu de la nécessité de ma première mesure, je n’hésiterais pas, mais je suis si fortement persuadé qu’il peut résulter, de la dénaturation de votre décret, des maux incroyables, que je crois qu’il faut qu’il arrive en même temps un préservatif. Qu’il me soit permis de vous rappeler que les premiers troubles arrivés dans les colonies sont nés de la plus mauvaise interprétation de vos meilleurs décrets, des décrets que les meilleurs colons approuvaient et trouvaient très bons. Il y a eu des hommes assez malveillants pour mal interpréter ceux mêmes de vos décrets qu’ils n’avaient pas osé accuser ni combattre dans cette Assemblée ; comment peut-on croire qu’il ne soit pas nécessaire, surtout dans cette occasion, d’envoyer dans les colonies une instruction qui, étant la manifestation vraie de vos intentions, aura infiniment plus de poids que les lettres particulières, qu’on ne manquera pas d’y faire circuler pour y exciter des troubles? Elle calmera l’effervescence, elle assurera la tranquillité. Je vous conjure de ne pas rejeter cette mesure, que je crois extrêmement importante. (L’Assemblée charge ses comités réunis de préparer et rédiger cette instruction.) M. Martineau. Je propose que ce soit M. Re-guaud qui fasse l’instruction. M. Rewbell. Je propose, moi, que ce soit M. Dupont. Plusieurs membres ; Nous demandons que ce soit M. Martineau. M. le Président. M. Dubois,, employé à la monnaie de Strasbourg, m’a fait passer quelques pièces de monnaie faites avec la matière des cloches. (Ces pièces sont renvoyées au comité des monnaies.) M. Camus, au nom du comité central de liquidation, fait un rapport et propose un projet de décret relatif au remboursement de plusieurs parties de la dette arriérée des départements de la maison du roi, de la guerre et de la marine. MM. Martineau et Defermon s’élèvent contre la partie du projet de décret relative au payement des différentes sommes échues jusqu’à ce jour pour partie du prix des forges et dépendances vendues au roi par M. de La Chaussade, et demandent que les commissaires du roi, près les tribunaux de la situation des biens, pourvoiront à cet égard aux formalités usitées pour tous les particuliers. Le projet de décret est mis aux voix avec cette modification dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité central de liquidation, qui a rendu compte des vérifications et rapports faits par le directeur général delà liquidation, décrète qu’en conformité de ses précédents décrets sur la liquidation des dettes de l’Etat, et sur les fonds destinés à l’acquit de ladite dette, il sera payé aux ci-après nommés, pour les causes qui vont être expliquées, les sommes qui seront pareillement déterminées, savoir : 1° ARRIÉRÉ DU DÉPARTEMENT DE LA MAISON DU ROI, DE L’ANNÉE 1789. Palefreniers, garçons d'attelages et autres employés dans la maison du roi.