404 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 octobre 1790.] homme qui fut plutôt leur père que leur chef, et qui les commanda pendant 40 ans, me choisirent pour les commander. Les larmes aux yeux je remerciai mes camarades de leur choix, et il ne fut plus parlé de celui-là. ( Une très grande partie de l’Assemblée applaudit.) Permettez-moi une seule observation sur cette étonnante procédure. Voit-on parmi les témoins, membres de cette Assemblée, le nom d’un défenseur de la liberté? Peut-on supposer que tous eussent gardé le silence s’ils avaient connu les coupables? Au nom de M. d’Orléans, je m’engage à vous faire connaître des détails qui attestent sa pureté et mettront fin aux calomnies. ( Les applaudissements les plus nombreux se font entendre et suivent M. de Gon-taut de la tribune à sa place.) (La tribune reste vacante. Personne ne demande la parole. L’Assemblée attend en silence. — Un temps assez long s’écoule. — M. de Montlosier, se lève. — On entend des murmures. M. de montlosier. Les murmures qui m’accompagnent à cette tribune sont une infamie indigne de cette Assemblée. Je commence par une observation préliminaire. Je crois qu’en ce moment la délibération est prématurée; car, pour porter un jugement sur uüe procédure aussi compliquée , qui importe également à l’honneur del’Assemblée et à celui de quelques-uns de ses membres, il faut se livrer à l’examen des charges. Il faut comparer, concilier les dépositions, en faire une concordance, rassembler les rayons des lumières, les converger à leur lieu et à leur place. Il est bien étonnant qu’on nous fasse entrer dans cette discussion, après la délibération sur les assignats, qui nous a obligés de lire cent mémoires, et qui a occupé nos nuits, nos jours et tout notre temps. {On demande à aller aux voix.) Ceux qui demandent à aller aux voix sont de bien mauvais et de bien perfides conseillers. 11 est important d’examiner, de juger ce rapport, ce mémoire, ce plaidoyer. Si nous ne le jugeons pas, la France et la postérité le jugeront. Je ne crois personne assez ennemi des accusés, pour nous entraîner dans une précipitation aussi contraire à la dignité de cette Assemblée. M. le président, si la discussion s’ouvre j’ai un travail tout prêt. {Il s’élève des murmures.) Oui, j’ai examiné toutes les pièces, c’était mon devoir; mais le rapport n’est pas imprimé : on ne nous l’a pas distribué. 11 nous faut au moins trois jours pour examiner le travail de trois mois. M. Rœderer. Quand on a mis à l’ordre du jour cette affaire, M. de Montlosier devait dire que le délai était trop court ; mais il ne l’a pas trouvé tel, puisqu’en paraissant se défier des lumières et de la sagacité des membres de l’Assemblée, il nous annonce qu’il a un travail tout prêt. Puisque personne ne croit possible de monter à cette tribune pour parler contre les accusés; puisque personne, et ceci est plus honorable pour eux, ne croit nécessaire de les défendre, il ne reste avant de délibérer qu’à entendre les détails annoncés de la part de M. d’Orléans, dont l’innocence n’est plus un problème. Je demande que M. de Biron dise si M. d’Orléans veut parler, ou s’il croit plus digne de lui d’attendre que vous ayez prononcé. M. Armand de Gontant-Biron . M. d’Orléans, sûr de son innocence, plein de confiance dans la justice de l’Assemblée nationale, n’a rien à ajouter en ce moment. {On applaudit.) Plusieurs membres du côté droit demandent qu’on délibère sur la proposition de M. de Montlosier, et qu’on attende la distribution du rapport. M. Barnave. La procédure est dans nos mains; du moment où elle a été connue elle a été jugée : notre opinion est assurée par les rapprochements lumineux que nous a présentés le rapporteur. Le projet de décret qui vous a été soumis est le résultat de l’avis unanime du comité. Tout le monde a vu que, pour qu’il y eût des. coupables, il fallait qu’il y eût une conjuration. Personne n’a vu d’autre conjuration que la procédure même. Je demande que le plus profond mépris pour cette procédure, pour ceux qui l’ont instruite, pour ceux qui n’ont pas craint d’y déposer leurs conjectures, leurs malicieuses et perfides intentions, soit le seul effet de votre justice et de votre bonté, que vous ne donniez pas de la gravité à ce qui n’en demande aucune, et que' vous n’enleviez pas à la chose publique un temps précieux qu’elle réclame de vous ; M. d’Orléans ubliera, imprimera tout ce qu’il croira convena-le de publier, d’imprimer, il ne fera que confirmer l’estime de la nation pour son patriotisme ; mais nous ne pouvons lui accorder le temps de présenter une justification rendue inutile par ses propres accusateurs; je demande donc qu’on aille sur-le-champ aux voix, et que le projet de décret, présenté par le comité des rapports, soit adopté. M. l’abbé maury. Nous ne pouvons participer à la délibération. (Il reste; quelques membres du côté droit se retirent.) M. de montlosier. Je demande la priorité pour la motion de M. l’abbé Maury, bien que dans ce moment je ne sois pas en état de rassembler les raisonnements et les arguments invincibles queje trouve contre MM. d’Orléans et de Mirabeau. Pénétré de l’injustice que vous faites, je déclare que je ne suis pas muni de toute la force que je puis avoir, que je n’apporte pas mes lumières et mes conseils : il faudrait un cœur calme pour les dire, et des hommes sages pour les entendre. M. de Hurinais demande la division du projet de décret, en ce qui concerne M. de Mirabeau. M. le Président. Cette motion est la même que celle de M. l’abbé Maury. M. de montlosier. Je demande que, quant à M. de Mirabeau, l’affaire demeure en état. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’amendement de M. de Montlosier et sur la division proposée. Le projet de décret, proposé par le comité, est adopté aune très grande majorité, et aux applaudissements d’une partie de l’Assemblée et des spectateurs. Il est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, après avoir ouï le compte que lui a fait rendre son comité des rapports, de l’information faite à la requête du procureur du roi au Châtelet les 11 décembre 1789 et jours suivants, et des charges concernant M. de Mirabeau l’aîné etM. Louis-Phiiippe-Joseph d’Orléans, déclare qu’il n’y a pas lieu contre eux à accusation. »