594 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [I-mars 1791.] M. de Marinais trouble l’Assemblée nationale et je le rappelle à l’ordre. M. de Faucigny-Liuclnge. Et moi, je vous dénonce à la nation. (Un violent tumulte s’élève à droite.) M. le Président se couvre. ( Rires à droite.) Un membre à droite : A bas le chapeau ! M. Duval d’Eprémesnil {s adressant au Président). Je demande la parole contre vous. M. le Président, se découvrant. Eh bien, vous avez la parole contre moi. M. Duval d’Eprémesnil. C’est moins une accusation qu’une question. Plusieurs membres : Ce n’est pas là l’ordre du jour. M. le Président. Rappelez-vous, Monsieur d’E-prémesnil, que vous avez demandé la parole contre moi et je vous prie de la prendre. M. Duval d’Epréinesnil. Ce que vient de dire M. le Président me paraît d’un fort mauvais exemple. Il a dit : « Je déclare à la nation que M. de Murinais trouble l’Assemblée nationale. » Je demande ce que signifie de faire une déclaration à la nation; je prie M. le Président de dire ce qu’il entend par ces paroles et quel en doit être l’effet. Cela me paraît un cri séditieux, qui ne doit jamais sortir de la bouche d’un président de l’Assemblée nationale. Plusieurs membres à gauche : A l’ordre ! A l’Abbaye! M. le Président. Je réponds à Monsieur le préopinant que, comme la nation ne peut jamais être assemblée que dans la personne de ses représentants, lorsque j’ai interpellé la nation, c’est l’Assemblée nationale entière que j’ai interpellée. (Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.) M. de llurinais veut parler. M. de Cazalès l’en empêche. M. le Président. Maintenant, je déclare que j’userai de toute la sévérité de la loi, de tout le pouvoir qui m’est confié, pour réprimer ceux qui excitent un désordre aussi scandaleux. ( Tumulte à droite; vifs applaudissements il gauche et dans les tribunes.) M. l’abbé Maury. Monsieur le Président, les tribunes ne doivent pas applaudir; je vous prie de les rappeler à l’ordre. M. de Rois-Rouvray. Si fait, elles sont payées pour cela. Plusieurs membres à droite quittent la salle. (Le calme se rétablit peu à peu.) M. le Président. Monsieur Roussillon, continuez votre rapport. M. Roussillon, rapporteur ( continuant son rapport). Cette forme rendra très difficiles les soustractions, soit à bord des bâtimenfs, soit à l’entrée des magasins, ou à leur sortie, elfe facilitera à ces emmagasinements la réexportation et les recensements. Une autre précaution qui n’est pas moins essentielle consiste à n’admettre les tabacs que par certains ports ou bureaux ; les effets de cette restriction sont sensibles. Vous avez encore à prévenir l’abus qui pourrait être fait de la faveur que vous avez voulu accorder à votre navigation, et il est du devoir de vos comités de vous proposer une mesure à cet égard. Cette mesure fait partie des dispositions que je vais vous soumettre si vous les adoptez. Les articles du nouveau tarif relatif au tabac seront rédigés en conformité. Voici le projet de décret que nous vous proposons : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu les comités des contributions publiques, d’agriculture et de commerce, décrète ce qui suit : « Art. 1er. L’entrée dans le royaume du tabac fabriqué sera prohibée, et il ne pourra être importé du tabac en feuilles autrement qu’en bou-cauts, et par les ports et bureaux qui seront ci-après désignés. « Art. 2. L’importation par mer des tabacs en feuilles n’aura lieu que pour les tabacs des Etats-Unis d’Amérique, des colonies espagnoles, de la Russie et du Levant. « Lesdits tabacs devront être importés directement, savoir : ceux des Etats-Unis d’Amérique par navires desdits Etats ou par vaisseaux français; ceux des colonies espagnoles, par bâtiments espagnols ou français; ceux de l’Ukraine, par vaisseaux russes ou français, et ceux du Levant par navires français seulement. « L'importation desdits tabacs par les bâtiments des autres nations est défendue. « Art. 3. L’entrée des tabacs des Etats-Unis, des colonies espagnoles, de l’Ukraine et du Levant ne pourra avoir lieu que par Ba\onne, Bordeaux, Rochefort, La Rochelle, Nantes, Lorient, Morlaix, Saint-Malo, Granville, Ronfleur, Cherbourg, Rouen, Le Havre, Dieppe, Saint-Valery-sur-Somme, Boulogne, Calais, Dunkerque, Marseille, Toulon, Cette et Port-Vendres. « Art. 4. Il sera encore permis d’importer des tabacs étrangers en feuille et en boucauts, quelle que soit leur origine, par les douanes de Strasbourg et Valenciennes, en acquittant un droit de 25 livres par quintal. « Art. 5. Le même droit de 25 livres par quintal sera perçu sur les tabacs qui seront importés par les bâtiments des Etats-Unis d’Amérique, espagnols ou russes. « Art. 6. Il ne sera perçu que 18 1. 15 s. par quintal sur les tabacs importés par bâtiments français venant directement des Etats-Unis d’Amérique, des colonies espagnoles, de Russie et du Levant. « Et ne seront réputés bâtiments français que ceux construits en France, commandés par des Français et dont au moins les deux tiers de l’équipage seront Français. » (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) M. l’abbé Dillon. Monsieur le rapporteur, je vous demande si vous regardez et si vous traitez les tabacs venant des colonies comme étrangers. M. Roussillon, rapporteur. Non, Monsieur, [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er mars 1791.] g05 parce que ce serait déclarer les colonies étrangères. M. de Folleville. Je demande que les tabacs des colonies soient traités comme ceux des étrangers. M. Eavie. J’appuie la motion de M. de Folle-ville, parce que si vous admettiez les tabacs de nos colonies comme tabacs français, vous anéantiriez le commerce français. M. Roussillon, rapporteur . J’adopte la proposition; mais la députation des colonies s’y refusera. M. tavie. Si MM. les députés des colonies s’y refusent, ils préféreront leur intérêt particulier à l’intérêt général delà patrie. Or, je demande si l’intérêt particulier doit l’emporter sur l’intérêt général. Un membre : Je crois que c’est prématurément que nous traitons, puisqu’on va faire un tarif pour les denrées venant des colonies. M. Favie. Je demande l’ajournement sur les tabacs des colonies. (L’Assemblée décrète l’ajournement.) M. Cochon de l’Apparent. Je demande que le port des Sables-d’Olonne soit compris au nombre des ports ouverts à l’importation des tabacs étrangers. M. Roussillon, rapporteur. Gela est impossible; ce port ne possède pas d’entrepôt. (L’amendement de M. Cochon de l’Apparent est rejeté.) M. d’Estourmel. Je demande que la douane pour l’importation des tabacs soit accordée à Lille au lieu de Valenciennes. M. Herwin. Je ne vois pas pourquoi on priverait cette dernière ville de sa douane, tandis que les deux villes placées aux deux extrémités du département peuvent avoir chacune une douane. (L’Assemblée décrète qu’il y aura une douane à Lille et une à Valenciennes.) M. Rarat, l'aîné. L’article 6 porte : « Ne seront réputés bâtiments français que ceux construits en France, commandés par des Français et dont au moins les deux tiers de l’équipage seront Français. » Il me semble qu’un navire étranger devient français, lorsqu’il a été acquis par un Français. M. Castellanet. Je demande le renvoi de cette partie de l’article au comité, ou tout au moins qu’il soit ajouté à l’article ; « En attendant l’acte de navigation, seront censés navires français ceux qui seront en l’état des ordonnances actuelles de la marine. » M. Eavic. C’est-à-dire, Monsieur, que, par cette disposition, vous nous privez de la construction navale. M. Roussillon, rapporteur. On peut ajouter à la rédaction du comité : « Sauf les règlements qui seront adoptés par l’Assemblée nationale. » Un membre demande l’ajournement de cette question jusqu’au moment où l’Assemblée s’occupera de l’acte de navigation. (Get ajournement est décrété.) Le projet de décret est adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu les comités des contributions publiques, d’agriculture et de commerce, décrète ce qui suit ; Art. 1er. « L’entrée, dans le royaume, du tabac fabriqué sera prohibée et il ne pourra être importé du tabac en feuille autrement qu’en boucauts, et par les ports et bureaux qui seront ci-après désignés. Art, 2. « L’importation par mer des tabacs en feuille n’aura lieu que pour les tabacs des Etats-Unis d’Amérique, des colonies espagnoles, de la Russie et du Levant. « Lesdits tabacs devront être importés directement, savoir : ceux des Etats-Unis d’Amérique, par navires desdits Etats, ou par vaisseaux français ; ceux des colonies espagnoles par bâtiments espagnols ou français ; ceux de l’Ukraine , par vaisseaux russes ou français -, et ceux du Levant, par navires français seulement. « L’importation desdits tabacs par. les bâtiments des autres nations est défendue. Art. 3. « L’entrée des tabacs des Etats-Unis d’Amérique , des colonies espagnoles , de l’Ukraine et du Levant, ne pourra avoir lieu que par Bayonne , Bordeaux , Rochefort , la Rochelle , Nantes, Lorient, Morlaix, Saint-Malo, Granville, Honlleur, Cherbourg, Rouen, le Havre, Dieppe, Saint-Valery-sur-Somme , Boulogne, Calais, Dunkerque, Marseille, Toulon, Cette et Port-Vendres. Art. 4. « Il sera encore permis d’importer des tabacs étrangers en feuille et en boucauts, quelle que soit leur origine, par les douanes de Strasbourg, Valenciennes et Lille, en acquittant un droit de 25 livres par quintal. Art. 5. « Le même droit de 25 livres par quintal sera perçu sur les tabacs qui seront importés par les bâtiments des Etats-Unis d’Amérique, espagnols ou russes. Art. 6. « Il ne sera perçu que 18 l. 15 s. par quintal sur les tabacs importés par bâtiments français, venant directement des Etats-Unis d’Amérique, des colonies espagnoles, de Russie et du Levant. » M. le Président lève la séance à dix heures.