SÉANCE DU 26 PRAIRIAL AN II (14 JUIN 1794) - N° 60 615 je ne tardai pas cependant à m’apercevoir que mon voisin n’était rien moins que patriote; cette circonstance et les preuves d’immoralité que donnait chaque jour et à toute heure l’homme dont il s’agit me déterminèrent, ainsi que ma femme, à ne faire aucun acte de voisinage avec lui. Nous quittâmes notre logement dans les mêmes dispositions; j’eus soin seulement de faire part de mes doutes à Mothrée, alors président du comité révolutionnaire de cette section, en lui laissant entrevoir le danger de laisser des jeunes gens dans de pareilles mains, et l’opinion dans laquelle j’étais que l’individu était un aristocrate peut-être dangereux, etc. Je n’en ai plus entendu parler, ni n’ai aperçu Cardinal jusqu’à avant-hier, 23 prairial environ 6 heures du soir, qu’il m’aborde (venant à moi) sur le boulevard Poissonnière, vis à vis le café faisant encoignure avec la rue de ce nom, du côté de la commune. Il eut d’abord l’air d’incertitude ou de crainte de se tromper; ma froideur ne l’empêcha pas de lier conversation. (Il avait bu certainement). Je ne répondis que par quelques monosyllabes bien insignifiants, mais je faisais fortement attention aux mouvements qui paraissaient l’agiter; il me dit .entre autres choses , qu’il «fallait que nous fussions bien lâches, bien c... pour nous laisser vexer, tyraniser par un scélérat, un gueux, tel que R..., un coquin qui osait invoquer la Divinité, et qui l’outrageait à chaque instant, qu’il s’en f...; qu’il n’en demandait qu’un comme lui..., qu’il était tout prêt... comment, avec de l’esprit, de l’âme et de l’énergie, je pouvais suivre ou avoir confiance en de pareils (les mêmes épithètes) ; qu’il tuerait tous ceux qui se présenteraient chez lui pour l’arrêter; que celui qui le dénoncerait, il l’assassinerait, etc. Enfin, la seule phrase suivie que j’employai fut pour lui dire que je ne pouvais pas causer avec lui sur des individus, ne m’occupant que de la chose publique pour elle-même... A ces mots, et avec un accent presque furieux, il reprit littéralement « La chose publique, mais il faut l’exterminer, la chose publique ! » «Alors je n’y tins plus, je lui tournai le dos en disant: «Je vois que votre tête à besoin du grand air » et, commandant à mon indignation, je ne l’arrêtai point, sûr qu’on ne pourrait le manquer dès qu’on le voudrait, et par des motifs de prudence que j’ai déduits ce matin au citoyen Dumas. « Tel est le récit fidèle des faits; ma mémoire pourra me faciliter une rédaction peut-être plus complète et qui peindra mieux le scélérat que mon civisme et mon véritable amour pour ma patrie m’obligent à dévoiler; mais la vérité est une, et voilà l’historique du peu de minutes pendant lesquelles j’ai entendu et bien examiné le nommé Cardinal » (1) . Voici le projet de décret [ adopté ] : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Elie LACOSTE, au nom de] ses comités de salut public et de sûreté générale, décrète : « Art. I. - Le tribunal révolutionnaire jugera sans délai, conjointement avec l’Admiral et la (1) Mon., XX, 722-727; C. Eg., n° 665; J. S.- Culottes, n°* 485, 486; Ann. patr., DXXX. fille Renaud, assassins des représentans du peuple, Roussel, Cardinal, Cortey, épicier, Devaux, secrétaire de Batz et commissaire de la section de Bonnes-Nouvelles; la femme Grandmaison, la femme Grimoire, Pottier-de-Lille, Sombreuil père et fils, Rohan-Rochefort, Laval-Montmorency, le ci-devant comte de Pons, Jardin, ci-devant page du tyran; Sartine fils, la femme Sainte Amarante, sa fille et son fils; Constand, gendarme; Lafosse, préposé à la police; Burlan-deux, Ozanne, ces deux derniers ex-officiers de paix; le ci-devant prince de Rohan-Saint-Maurice, Egré, Karadee, Paumier, l’Ecuyer, ci-devant maître de musique de d’Orléans; le ci-devant vicomte de Boissancourt, la femme d’Eprémesoil, Viart, Marsan, d’Hauteville, ci-devant page du tyran; le nommé Comte, Menil-Simon, Deshayes, de la section du Finistère; Jauge, banquier; la nommée Nicole, fille de compagnie de la femme Grandmaison; Tissot, dit Biret, valet de chambre de Batz, Michonis; tous prévenus d’être complices de Batz ou de la conjuration de l’étranger, et d’avoir voulu par l’assassinat, la famine, l’introduction des faux assignats, la dépravation de la morale et de l’esprit public, le soulèvement des prisons, faire éclater la guerre civile, dissoudre la représentation nationale, rétablir la royauté ou autre domination tyrannique. « II. - La Convention nationale charge l’accusateur public près le tribunal révolutionnaire de rechercher tous les complices de la conspiration de Batz ou de l’étranger, qui pourront être disséminés dans les maisons d’arrêt de Paris ou sur les différens points de la République » (1) . VADIER ajoute quelques détails sur l’un de ces conspirateurs, nommé Lecomte, et apprend que c’est lui principalement qui étoit la cheville ouvrière de ces complots liberticides; que depuis la révolution, il a fait plusieurs voyages à Turin; qu’à son retour il a été très lié avec Hérault et Fabre d’Eglantine, qui le produisoient sans cesse, l’un au comité de salut public, l’autre au comité de sûreté générale; qu’en un mot il étoit le lieutenant de Pitt, et que sans doute un procès donnera de nouvelles lumières sur les trames ourdies contre la liberté (2). 60 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [BÉZARD, au nom de] son comité de législation, sur un arrêté du tribunal du district de Gournay, présentant la question de savoir si les citoyens Ribart et Lecuyer, qui (1) P.V., XXXIX, 285. Minute de la main de Lacoste. Décret n° 9493. Reproduit dans Bln, 1er mess. (1er et 2e supplts) ; Débats, n° 633, p. 389-402 et 415; M.U., XL, 409-410 et 425; J. Lois, n° 624; J. Fr., nos 628 et 629; Rép., nos 177 et 180. Mention dans Mess, soir, n° 665; J. Sablier, n0’ 1378 et 1385; Ann. R.F., nos 196 et 197; J. Mont., n° 49; J. Univ., nos 1664, 1665, 1666; J. Perlet, n°‘ 630 et 631; C. Eg., n° 666. (2) Audit, nat., n° 629. SÉANCE DU 26 PRAIRIAL AN II (14 JUIN 1794) - N° 60 615 je ne tardai pas cependant à m’apercevoir que mon voisin n’était rien moins que patriote; cette circonstance et les preuves d’immoralité que donnait chaque jour et à toute heure l’homme dont il s’agit me déterminèrent, ainsi que ma femme, à ne faire aucun acte de voisinage avec lui. Nous quittâmes notre logement dans les mêmes dispositions; j’eus soin seulement de faire part de mes doutes à Mothrée, alors président du comité révolutionnaire de cette section, en lui laissant entrevoir le danger de laisser des jeunes gens dans de pareilles mains, et l’opinion dans laquelle j’étais que l’individu était un aristocrate peut-être dangereux, etc. Je n’en ai plus entendu parler, ni n’ai aperçu Cardinal jusqu’à avant-hier, 23 prairial environ 6 heures du soir, qu’il m’aborde (venant à moi) sur le boulevard Poissonnière, vis à vis le café faisant encoignure avec la rue de ce nom, du côté de la commune. Il eut d’abord l’air d’incertitude ou de crainte de se tromper; ma froideur ne l’empêcha pas de lier conversation. (Il avait bu certainement). Je ne répondis que par quelques monosyllabes bien insignifiants, mais je faisais fortement attention aux mouvements qui paraissaient l’agiter; il me dit .entre autres choses , qu’il «fallait que nous fussions bien lâches, bien c... pour nous laisser vexer, tyraniser par un scélérat, un gueux, tel que R..., un coquin qui osait invoquer la Divinité, et qui l’outrageait à chaque instant, qu’il s’en f...; qu’il n’en demandait qu’un comme lui..., qu’il était tout prêt... comment, avec de l’esprit, de l’âme et de l’énergie, je pouvais suivre ou avoir confiance en de pareils (les mêmes épithètes) ; qu’il tuerait tous ceux qui se présenteraient chez lui pour l’arrêter; que celui qui le dénoncerait, il l’assassinerait, etc. Enfin, la seule phrase suivie que j’employai fut pour lui dire que je ne pouvais pas causer avec lui sur des individus, ne m’occupant que de la chose publique pour elle-même... A ces mots, et avec un accent presque furieux, il reprit littéralement « La chose publique, mais il faut l’exterminer, la chose publique ! » «Alors je n’y tins plus, je lui tournai le dos en disant: «Je vois que votre tête à besoin du grand air » et, commandant à mon indignation, je ne l’arrêtai point, sûr qu’on ne pourrait le manquer dès qu’on le voudrait, et par des motifs de prudence que j’ai déduits ce matin au citoyen Dumas. « Tel est le récit fidèle des faits; ma mémoire pourra me faciliter une rédaction peut-être plus complète et qui peindra mieux le scélérat que mon civisme et mon véritable amour pour ma patrie m’obligent à dévoiler; mais la vérité est une, et voilà l’historique du peu de minutes pendant lesquelles j’ai entendu et bien examiné le nommé Cardinal » (1) . Voici le projet de décret [ adopté ] : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Elie LACOSTE, au nom de] ses comités de salut public et de sûreté générale, décrète : « Art. I. - Le tribunal révolutionnaire jugera sans délai, conjointement avec l’Admiral et la (1) Mon., XX, 722-727; C. Eg., n° 665; J. S.- Culottes, n°* 485, 486; Ann. patr., DXXX. fille Renaud, assassins des représentans du peuple, Roussel, Cardinal, Cortey, épicier, Devaux, secrétaire de Batz et commissaire de la section de Bonnes-Nouvelles; la femme Grandmaison, la femme Grimoire, Pottier-de-Lille, Sombreuil père et fils, Rohan-Rochefort, Laval-Montmorency, le ci-devant comte de Pons, Jardin, ci-devant page du tyran; Sartine fils, la femme Sainte Amarante, sa fille et son fils; Constand, gendarme; Lafosse, préposé à la police; Burlan-deux, Ozanne, ces deux derniers ex-officiers de paix; le ci-devant prince de Rohan-Saint-Maurice, Egré, Karadee, Paumier, l’Ecuyer, ci-devant maître de musique de d’Orléans; le ci-devant vicomte de Boissancourt, la femme d’Eprémesoil, Viart, Marsan, d’Hauteville, ci-devant page du tyran; le nommé Comte, Menil-Simon, Deshayes, de la section du Finistère; Jauge, banquier; la nommée Nicole, fille de compagnie de la femme Grandmaison; Tissot, dit Biret, valet de chambre de Batz, Michonis; tous prévenus d’être complices de Batz ou de la conjuration de l’étranger, et d’avoir voulu par l’assassinat, la famine, l’introduction des faux assignats, la dépravation de la morale et de l’esprit public, le soulèvement des prisons, faire éclater la guerre civile, dissoudre la représentation nationale, rétablir la royauté ou autre domination tyrannique. « II. - La Convention nationale charge l’accusateur public près le tribunal révolutionnaire de rechercher tous les complices de la conspiration de Batz ou de l’étranger, qui pourront être disséminés dans les maisons d’arrêt de Paris ou sur les différens points de la République » (1) . VADIER ajoute quelques détails sur l’un de ces conspirateurs, nommé Lecomte, et apprend que c’est lui principalement qui étoit la cheville ouvrière de ces complots liberticides; que depuis la révolution, il a fait plusieurs voyages à Turin; qu’à son retour il a été très lié avec Hérault et Fabre d’Eglantine, qui le produisoient sans cesse, l’un au comité de salut public, l’autre au comité de sûreté générale; qu’en un mot il étoit le lieutenant de Pitt, et que sans doute un procès donnera de nouvelles lumières sur les trames ourdies contre la liberté (2). 60 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [BÉZARD, au nom de] son comité de législation, sur un arrêté du tribunal du district de Gournay, présentant la question de savoir si les citoyens Ribart et Lecuyer, qui (1) P.V., XXXIX, 285. Minute de la main de Lacoste. Décret n° 9493. Reproduit dans Bln, 1er mess. (1er et 2e supplts) ; Débats, n° 633, p. 389-402 et 415; M.U., XL, 409-410 et 425; J. Lois, n° 624; J. Fr., nos 628 et 629; Rép., nos 177 et 180. Mention dans Mess, soir, n° 665; J. Sablier, n0’ 1378 et 1385; Ann. R.F., nos 196 et 197; J. Mont., n° 49; J. Univ., nos 1664, 1665, 1666; J. Perlet, n°‘ 630 et 631; C. Eg., n° 666. (2) Audit, nat., n° 629. 616 ARCHIVES PARLEMENTAIRES CONVENTION NATIONALE se sont pourvus devant ce tribunal contre une sentence rendue par défaut au ci-devant siège de la Ferté-en-Brai, adjudicative d’un retrait féodal exercé par Poret, dit Blosville, sont fondés, ou s’il y a lieu de dire que la contestation est éteinte, dépens compensés, ou de rejeter la demande comme tardivement faite, et de donner à la sentence par défaut, du 5 octobre 1781, force de chose jugée : » Considérant qu’il résulte des faits énoncés en l’arrêté du tribunal que le retrayant n’a pas garni à suffire lors de la sentence; » Que les consentemens donnés par Ribart et Lecuyer contiennent des réserves, et qu’ils n’ont pas accepté les offres; » Considérant que, par le décret du 26 mai dernier, la Convention, en interprétant le décret du 17 mai 1790, sur l’abolition du retrait féodal ou censuel, a déclaré que ce décret a eu pour objet d’éteindre toutes les demandes en retrait féodal ou censuel qui n’auroient pas été consommées par un jugement définitif et que par jugement en dernier ressort, il devoit être entendu que toutes poursuites de retrait qui n’auroient pas été entièrement terminées, ou sur lesquelles il existoit encore, à l’époque du 3 novembre 1793, quelque contestation, soit à la régularité de la demande, soit à la forme et à l’effet des offres, seroient déclarées comme non-avenues; » Qu’ainsi on ne peut opposer aux citoyens Ribard et Lécuyer, ni le jugement du 5 octobre 1781, ni leurs consentemens postérieurs, puisqu’ils contiennent des réserves; » Décrète qu’il n’y a lieu à délibérer. » Le présent décret ne sera pas imprimé, il sera inséré au bulletin de correspondance » (1) . 61 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [BÉZARD, au nom de] son comité de législation sur la pétition de Nicolas Dufresne, citoyen de Montbrisé; » Considérant que le tribunal du district de Montbrisé, par son jugement rendu le 22 décembre 1792, entre le pétitionnaire et les frères Neyrand, négocians, a maintenu ces derniers dans la propriété des immeubles y énoncés; attendu, y est-il dit, leur possession de plus de dix ans avec bonne foi depuis la majorité de Nicolas Dufresne, tandis qu’il résulte de l’extrait de naissance produit, que Dufresne est né le 26 janvier 1750; qu’il a par conséquent acquis sa majorité le 26 janvier 1775, et que sa demande introductive d’instance qui a interrompu la prescription est du 30 janvier 1784, 11 mois avant l’expiration des dix années de possession nécessaires aux frères Neyrand; « Considérant que cette erreur de fait n’a été réparée par aucun jugement postérieur, décrète : « Art. I. - Les jugemens rendus par le tribunal du district de Montbrisé, le 22 décembre .1792, ensemble celui du tribunal de cassation, (1) P.V., XXXIX, 286. Minute de la main de Bézard. Décret n° 9494. Reproduit dans Bin, 28 prair., (2e suppl1). du 9 brumaire dernier, sont déclarés nuis et comme non avenus. « II. - Nicolas Dufresne est renvoyé parde-vant les juges qui en doivent connoître conformément aux lois sur l’organisation judiciaire. « III. - Le présent décret ne sera pas imprimé. Il sera envoyé au tribunal qui doit connoître de la contestation » (1) . 62 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [BÉZARD, au nom de] son Comité de législation sur un arrêté du tribunal du district de la Châtre, département de l’Indre, présentant la question de savoir si le propriétaire est autorisé à réclamer contre son fermier le paiement des dimes et rentes dont ses biens étoient grevés avant leur abolition, ou si l’abolition étant générale et absolue doit profiter au fermier comme au propriétaire; » Considérant, 1°. que la loi du 1er brumaire dernier n’a défendu à tous propriétaires ou fermiers non cultivateurs, d’exiger ni de recevoir, soit en nature, soit en équivalent, aucun droit de dîmes et rentes supprimées, que dans le cas où les métayers, colons et fermiers cultivateurs exploitent sans baux ou en vertu de baux postérieurs aux décrets de suppression, nonobstant toutes stipulations, qui demeurent nulles, comme tendant à faire revivre un régime exécré de tous les Français; 2°. Qu’en maintenant les lois du 10 avril 1791 et 25 août 1792, la Convention a conservé au propriétaire le droit de percevoir du fermier ou colon les droits supprimés auxquels il s’étoit tassujéti par son bail, lorsque la passation en est antérieure à la suppression; » Décrète qu’il n’y a lieu à délibérer. » Le présent décret ne sera pas imprimé; il sera inséré au bulletin de correspondance » (2) . 63 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics sur la pétition de la citoyenne Marie-Anne Suppli, veuve d’Etienne Desruels, requis pour travailler à l’atelier des armes établi à la maison des ci-devant Cordeliers à Paris, qui a eu ses propriétés dévastées et incendiées à Maubeuge par les ennemis de la République, fet qui a été trouvé noyé dans la Seine le 15 germinal, décrète ce qui suit : » La trésorerie nationale paiera, à la présentation du présent décret, à la dite Suppli, veuve Desruels, tant pour elle que pour ses (1) P.V., XXXIX, 287. Minute de la main de Bézard. Décret n° 9495. J. Univ., n° 1665. (2) P.V., XXXIX, 288. Minute de la main de Bézard. Décret n° 9496. Reproduit dans Btn, 28 prair. (2e suppl1); Débats, n° 632, p. 404; Mon., XX, 735. Mention dans J. Fr., n° 629; Ann. R.F., n° 198. 616 ARCHIVES PARLEMENTAIRES CONVENTION NATIONALE se sont pourvus devant ce tribunal contre une sentence rendue par défaut au ci-devant siège de la Ferté-en-Brai, adjudicative d’un retrait féodal exercé par Poret, dit Blosville, sont fondés, ou s’il y a lieu de dire que la contestation est éteinte, dépens compensés, ou de rejeter la demande comme tardivement faite, et de donner à la sentence par défaut, du 5 octobre 1781, force de chose jugée : » Considérant qu’il résulte des faits énoncés en l’arrêté du tribunal que le retrayant n’a pas garni à suffire lors de la sentence; » Que les consentemens donnés par Ribart et Lecuyer contiennent des réserves, et qu’ils n’ont pas accepté les offres; » Considérant que, par le décret du 26 mai dernier, la Convention, en interprétant le décret du 17 mai 1790, sur l’abolition du retrait féodal ou censuel, a déclaré que ce décret a eu pour objet d’éteindre toutes les demandes en retrait féodal ou censuel qui n’auroient pas été consommées par un jugement définitif et que par jugement en dernier ressort, il devoit être entendu que toutes poursuites de retrait qui n’auroient pas été entièrement terminées, ou sur lesquelles il existoit encore, à l’époque du 3 novembre 1793, quelque contestation, soit à la régularité de la demande, soit à la forme et à l’effet des offres, seroient déclarées comme non-avenues; » Qu’ainsi on ne peut opposer aux citoyens Ribard et Lécuyer, ni le jugement du 5 octobre 1781, ni leurs consentemens postérieurs, puisqu’ils contiennent des réserves; » Décrète qu’il n’y a lieu à délibérer. » Le présent décret ne sera pas imprimé, il sera inséré au bulletin de correspondance » (1) . 61 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [BÉZARD, au nom de] son comité de législation sur la pétition de Nicolas Dufresne, citoyen de Montbrisé; » Considérant que le tribunal du district de Montbrisé, par son jugement rendu le 22 décembre 1792, entre le pétitionnaire et les frères Neyrand, négocians, a maintenu ces derniers dans la propriété des immeubles y énoncés; attendu, y est-il dit, leur possession de plus de dix ans avec bonne foi depuis la majorité de Nicolas Dufresne, tandis qu’il résulte de l’extrait de naissance produit, que Dufresne est né le 26 janvier 1750; qu’il a par conséquent acquis sa majorité le 26 janvier 1775, et que sa demande introductive d’instance qui a interrompu la prescription est du 30 janvier 1784, 11 mois avant l’expiration des dix années de possession nécessaires aux frères Neyrand; « Considérant que cette erreur de fait n’a été réparée par aucun jugement postérieur, décrète : « Art. I. - Les jugemens rendus par le tribunal du district de Montbrisé, le 22 décembre .1792, ensemble celui du tribunal de cassation, (1) P.V., XXXIX, 286. Minute de la main de Bézard. Décret n° 9494. Reproduit dans Bin, 28 prair., (2e suppl1). du 9 brumaire dernier, sont déclarés nuis et comme non avenus. « II. - Nicolas Dufresne est renvoyé parde-vant les juges qui en doivent connoître conformément aux lois sur l’organisation judiciaire. « III. - Le présent décret ne sera pas imprimé. Il sera envoyé au tribunal qui doit connoître de la contestation » (1) . 62 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [BÉZARD, au nom de] son Comité de législation sur un arrêté du tribunal du district de la Châtre, département de l’Indre, présentant la question de savoir si le propriétaire est autorisé à réclamer contre son fermier le paiement des dimes et rentes dont ses biens étoient grevés avant leur abolition, ou si l’abolition étant générale et absolue doit profiter au fermier comme au propriétaire; » Considérant, 1°. que la loi du 1er brumaire dernier n’a défendu à tous propriétaires ou fermiers non cultivateurs, d’exiger ni de recevoir, soit en nature, soit en équivalent, aucun droit de dîmes et rentes supprimées, que dans le cas où les métayers, colons et fermiers cultivateurs exploitent sans baux ou en vertu de baux postérieurs aux décrets de suppression, nonobstant toutes stipulations, qui demeurent nulles, comme tendant à faire revivre un régime exécré de tous les Français; 2°. Qu’en maintenant les lois du 10 avril 1791 et 25 août 1792, la Convention a conservé au propriétaire le droit de percevoir du fermier ou colon les droits supprimés auxquels il s’étoit tassujéti par son bail, lorsque la passation en est antérieure à la suppression; » Décrète qu’il n’y a lieu à délibérer. » Le présent décret ne sera pas imprimé; il sera inséré au bulletin de correspondance » (2) . 63 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics sur la pétition de la citoyenne Marie-Anne Suppli, veuve d’Etienne Desruels, requis pour travailler à l’atelier des armes établi à la maison des ci-devant Cordeliers à Paris, qui a eu ses propriétés dévastées et incendiées à Maubeuge par les ennemis de la République, fet qui a été trouvé noyé dans la Seine le 15 germinal, décrète ce qui suit : » La trésorerie nationale paiera, à la présentation du présent décret, à la dite Suppli, veuve Desruels, tant pour elle que pour ses (1) P.V., XXXIX, 287. Minute de la main de Bézard. Décret n° 9495. J. Univ., n° 1665. (2) P.V., XXXIX, 288. Minute de la main de Bézard. Décret n° 9496. Reproduit dans Btn, 28 prair. (2e suppl1); Débats, n° 632, p. 404; Mon., XX, 735. Mention dans J. Fr., n° 629; Ann. R.F., n° 198.