604 [Convention nationale. | ARCHIVES PARLEMENTAIRES. II. Merlin (de Thion ville) fait une motion d’ordre sur la meilleure manière d’uti¬ liser LE TERRITOIRE DE LA VENDÉE ÉVACUÉ PAR LES REBELLES (1). N° 1. Compte rendu du Moniteur universel (2). Merlin (de Thionville). C’est dans le choix des moyens et la prompte exécution des mesures sanitaires, que résident les succès, et la pru¬ dence en conserve le fruit. Le plan du comité de Salut public relatif à la guerre de la Vendée a été exécuté, et la Vendée n’est plus dans la Vendée. Il faut se bâter d’em¬ pêcher qu’elle ne renaisse de sa cendre : je crois en avoir trouvé les moyens; mais ils ne réussi¬ ront qu’ autant qu’on s’en servira promptement. C’est la raison qui m’oblige à demander de les proposer sur l’heure. La Vendée et les parties des départements environnants qui y sont attachés par la proxi¬ mité, la conformité du sol et l’opinion, forment l’antique domaine de la rébellion. Sous les sires de Clisson et de Montaigu, le fanatisme l’avait dévastée, et le régime le plus féodal l’avait façonnée à l’ esclavage,; je pense, après l’avoir parcourue, que c’est le sol lui-même qu’il faut y combattre aujourd’hui, si l’on veut y ense¬ velir pour jamais le monstre des discordes ci¬ viles. Les prêtres et les nobles en sont chassés, l’égoïsme y reste attaché à la terre; je dis plus le sol y engendre cet ennemi des républiques. Dans la Vendée, chaque cultivateur trouve dans son quart de terre, son pain, son vin, son bois, ses pâturages ; partout il se passe de son voisin ; des retranchements, des abattis, des chemins détestables ferment l’héritage, et l’isolent de l’héritage; point de communications établies entre les habitants par la nécessité, par le simple besoin même : c’est ce vice antisocial qu’il faut extirper. Il faudra désormais que dans le dépar¬ tement de la Vendée, le citoyen manque ici de vin et aille en chercher ailleurs, que là il aille chercher du grain en échange de son vin, qu’il donne enfin du vin et du blé pour avoir du bois ; il faut que les besoins réciproques qui enfan¬ tèrent la société, chassent, dans la Vendée, l’égoïsme sombre des chaumières, et y fassent naître la nécessité de se communiquer; que la crainte de voir troubler son apathie ne serve plus de prétexte à des scélérats pour armer des hommes, d’autant plus dangereux, lorsqu’ils sortent de leurs repaires, que leur fureur con¬ centrée ne connaît d’autre principe social que la propriété exclusive qu’ils croient conserver (1) La motion d’ordre de Merlin (de Thionville) et le projet de décret qui en est la conséquence ne sont pas mentionnés au procès-verbal de la séance du 18 brumaire an II; mais il y est fait allusion dans le compte rendu de cette séance publié par les divers journaux de l’époque. (2) Moniteur universel [n° 50 du 20 brumaire an II (dimanche 10 novembre 1793), p. 202, col. 2]. ( 18 brumaire an II ( 8 novembre 1793 en se faisant déchirer; de manière que, réunis pour combattre, ce ne sont cependant que des tigres ameutés pour se défendre, qui s’isolent et s’abandonnent sans pitié après l’action; ainsi, partout leurs blessés restent sur le champ de bataille, ou dans les villes et villages qu’ils sont obligés d’abandonner aux vainqueurs. La première mesure à prendre par la Con¬ vention nationale sera de rendre ce pays à la société, en attaquant le sol, en rompant les bar¬ rières, en forçant l’habitant à commercer avec l’habitant, en lui donnant des besoins. Mais il reste peu de citoyens dans ces con¬ trées si belles et si fertiles; un des plus beaux pays de la République est presque totalement abandonné, sans culture, et n’ offre à la vue du voyageur, qui les parcourt en tremblant, que des cendres et des cadavres. Il faut empêcher cependant que les semences confiées à la terre, dans quelques petites por¬ tions, ne soient abandonnées, et travailler en¬ core cette année à tirer le meilleur parti des terres incultes. J’ai lu que la commune de Paris se proposait de demander à la Convention la faculté d’en¬ voyer une colonie dans la Vendée, je pense aussi qu’il faut hanter sur le tronc dont on a haché et brûlé les branches nuisibles des greffes de l’arbre de la liberté. Il faut se hâter d’adopter cette mesure et d’accorder des terres à ceux qui savent les fructifier. Que la Convention natio¬ nale appelle dans la Vendée une famille de culti¬ vateurs infortunés, de chaque canton de la République; elles iront habiter les superbes rives de la Loire, et seront intéressées à les dé¬ fendre contre une nouvelle invasion; la ville et le département de Paris en fourniront à raison de leur population et de leur civisme, on don¬ nera encore de ces terres aux patriotes réfugiés de l’Allemagne, et je vois le département qui fut la Vendée, bientôt l’un des plus riches et des plus paisibles sols de la République et de l’Europe. Le mode d’exécution est simple comme mes idées, et facile à exécuter. Voici le projet de décret que je propose : « 1° La Convention nationale décrète que le département ci-devant appelé de la Vendée se nommera désormais le département Vengé; « 2° Toutes les séparations d’héritages, soit fossés ou haies, seront détruites par les anciens ou nouveaux propriétaires, dans l’espace de six mois, et seront remplacées par de simples bornes « 3° Deux représentants du peuple se trans¬ porteront à Nantes et dans toutes les villes de la Vendée, y prendront l’état des héritages -pos¬ sédés ci-devant par les rebelles, et tous ceux qui, ayant pris part à la guerre de la Vendée, n’ont point abjuré leur erreur; « 4° Ces héritages seront distribués à des culti¬ vateurs restés fidèles dans le pays, et qui ont droit à des indemnités ; « 5° Aux réfugiés de l’Allemagne, qui ont abandonné leurs propriétés pour cause de patrio¬ tisme ; « 6° Les départements enverront dans la Ven¬ dée, près des représentants du peuple, une famille de cultivateurs infortunés par cantons, pour y recevoir une portion de terre à cultiver en propriété. Les départements leur fourniront les moyens de se rendre dans le pays, et les frais avancés par eux leur seront remboursés par le Trésor national; « 7° La Convention nationale charge les repré¬ sentants qu’elle nommera, des mesures de dé-