266 f Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, f V brum3.ire an U * ? 4 novembre 1793 Seine-Inférieure, ils n’ont pu parvenir à appro¬ visionner la ville de Rouen, et aujourd’hui les habitants de cetc e ville sont réduits à un quarte - au secours de cette ville. Je la prie de se ressouvenir que j’ai fait mon devoir : c’est à elle à faire le sien. Les propositions de Legendre sont adoptées. II. Compte rendu du Journal des Débals et des Décrets. Legendre. Malgré l’activité des soins que se sont donnés vos commissaires dans le département de la Seine-Inférieure, je suis forcé de vous entretenir au¬ jourd’hui de Rouen. Nous avons alimenté cette corn-ipune, autant qu’il a été en notre pouvoir : aujour¬ d’hui, les habitants de Rouen sont réduits à un quar¬ teron de pain pour chacun d’eux. Souvenez-vous qu’il y a plusieurs de nos collègues qui, sans doute, ont de bonnes vues, qui sont très bons patriotes, mais qui, à force de crier que Rouen a des magasins remplis de subsistances, sont la cause qu’aucun des départements ou des districts environnants n’y en veulent pas laisser passer. Je déclare que nous avons fait les recherches les plus exactes et que nous n’avons trouvé à Rouen aucun des magasins annon¬ cés.. Nous avons fait aussi les proclamations les plus énergiques; nous avons invité les citoyens à nous dénoncer les accaparements qu’ils pouvaient con¬ naître; nous avons promis de vendre au taux du maximum le blé que nous y trouverions et d’en dis¬ tribuer le prix aux dénonciateurs. Malgré tout cela, je le répète, nous n’avons rien pu découvrir. Un de nos collègues, cependant, c’est Coupé (de l’Oise), soutient qu’il y a des magasins à Rouen; je demande que la Convention nous l’adjoigne, pour qu’il nous serve de son intelligence, et nous éclaire de ses lumières. On avait dit aussi que les blés amoncelés à Rouen s’en allaient par la rivière. Nous avons établi sur la Seine deux avisos qui font sur tous les bateaux qui passent les perquisitions les plus rigoureuses, et nous n’avons pas trouvé une seule contravention. Je le redis encore, les . départements qui environnent Rouen laissèrent venir è* Paris tout ce dont Paris a eu besoin; mais, à cause de la malheureuse inculpa¬ tion dirigée contre Rouen, ils n’y feraient pas pas¬ ser un seul grain de blé, et si nous voulions les y contraindre, nous établirions la guerre civile. Les riches, dans ce moment, viennent de contri¬ buer à Rouen, pour 5 à 6 millions, que des commis¬ saires sont chargés d’aller employer à acheter des grains dans l’étranger : en attendant, le fait est que la commune de Rouen qui renferme 120,000 âmes manque de pain. Rouên ne s’est peut-être pas montré aussi révolutionnaire qu’il aurait dû le faire; mais le peuple y est bon et patriote, comme dans toute Ja République, y est tranquille; il s’occupe dans les ateliers et voit chaque jour passer sous ses yeux des approvisionnements considérables, sans y toucher aucunement. Je demande que, pro¬ visoirement, la Commission des subsistances et approvisionnements soit tenue de venir au secours du peuple de Rouen. Coupé (de l'Oise). Je rends justice au patriotisme du peuple de Rouen, mais je sais qu’il est victime de la cupidité de quelques accapareurs. Tout le monde connaît la fertilité du pays qui environne Rouen. Nous sommes presque au lendemain de la récolte, ainsi on ne peut parler de disette. Je n’ai pas dit qu’il y eût des grains emmagasinés à Rouen, mais j’ai dit que les grains des pays voisins passaient èi Rouen, et que de là ils allaient à l’étranger, qui les gardait ou nous les revendait ensuite fort cher. Je soutiens donc, comme je l’ai déjà avancé, que l’avantage de Rouen, comme celui de la Répu¬ blique, demande que nous prenions des mesures pour empêcher la sortie des grains, par tous les moyens qui sont en notre pouvoir. Legendre. Je défie qui que ce soit de prouver qu’un seul bateau de grain ait descendu la Seine. ron de pain par jour pour chacun d’eux. Je suis loin de vouloir mGulper personne; mais un de nos collègues, dont je respecte l’intention, en criant sans cesse dans le sein de cette Assem¬ blée que Rouen renfermait des magasins de blé, a empêché tous les départements voisins de lui en apporter. Nous avons fait toutes les recherches et perquisitions possibles. Nous avons fait des proclamations pour engager les habitants à nous découvrir ces magasins; nous leur avons promis de faire vendre le blé au prix du maximum, et d’en remettre la valeur à ceux qui l’auraient indiqué. Tous ces soins ont été inutiles; cependant notre collègue persiste à dire qu’il y a du blé à Rouen; ainsi, je de¬ mande qu’il nous so.fc adjoint, car il en trou¬ vera peut-être. Nous avons établi deux avisos sur les côtes, et aucun bateau ne peut sortir qu’il ne soit scrupuleusement visité. Les départements en¬ vironnants fourniront pour Paris tout ce qu’on voudra; mais rien pour Rouen, à cause de la mauvaise réputation que s’est acquise cette ville. Nous avons pris des mesures révolutionnaires ; nous avons destitué l’administration du dépar¬ tement; 8 à 10 millions ont été imposés sur les riches; ils sont destinés à acheter des subsis¬ tances : mais, en attendant, il faut que le mi¬ nistre fasse passer du blé à Rouen. Cette com¬ mune renferme environ 20 [, 120] mille âmes; voulez-vous qu’ils meurent de faim! Sans doute Rouen ne s’est pas montré aussi révolution� naire qu’il aurait dû, mais le peuple y est bon comme dans toute la République; il travail]© sans cesse dans les ateliers, et il faut qu’il soit bien tranquille, puisqu’il voit passer tous les jours sous ses yeux des approvisionnements considérables sans y l oucher aucunement. je demande donc que le ministre fasse passer des subsistances à Rouen dans le plus bref délai, et que Coupé, de l’Oise, nous soit adjoint pour découvrir les magasins qu’il sait être dans cette ville. Coupé (de VOise). Je crois que le peuple de Rouen est bon ; mais je sais qu’ü est la victime de la cupidité des aristocrates et des accapa¬ reurs. Il n’est aucun de nous qui ne connaisse la fertilité du territoire environnant cette ville. Nous sommes au lendemain de la récolte, et on souffre de la disette. Je n’ai pas dit qu’on emmagasinât les grains à Rouen, mais je sou¬ tiens qu’ils passent par cette ville pour aller à l’ennemi. Nous avons au comité d’agricul¬ tures plusieurs pétitions qui attestent que le blé des campagnes environnantes a été battu et transporté à Rouen, et que cependant dans cette ville on ne mange que de la vieille farine : cela ne peut venir que de ce que nos ennemis tirent des grains par Rouen, comme ils en tiraient ci-devant par la Gironde. Hier un patriote m’a dit que du côté du Jura il se faisait une grande La vérité est que Rouen manque de pain. Je per¬ siste dans mes propositions. Coupé. Il est impossible qu’au moment de la ré¬ colte on manque de blé à Rouen. Legendre. Le fait que j’avance existe. Coupé, en allant à Rouen, le verra comme nous. Mon insis¬ tance a pour but d’éviter de plus grands malheurs. J’ai fait mon devoir, c’est à la Convention de faire le reste. (Applaudissements. ) Les propositions de Legendre sont décrétées. {Convention nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES, 14 brumaire an II 267 ‘ " ) 4 novembre 1 793 exportation. Je demande donc que la Conven¬ tion prenne des mesures pour empêcher la sortie des grains du territoire de la République. Legendre. Sans doute il peut être sorti des grains par la Seine; mais actuellement je défie qui que ce soit de me prouver qu’il sorte un seul sac de farine. Nous avons établi la surveil¬ lance la plus exacte; et, comme je vous l’ai dit, il ne peut pas sortir un bateau sans être visité, et il faut que Coupé ne croie ni à la bonne foi, ni au patriotisme des commissaires, pour persister dans son opinion. Je demande que les propositions que j’ai faites soient adoptées. La vérité est que Rouen manque de pain ; si nous ne trouvons le moyen de lui en donner, craignez les plus grands malheurs. Les propositions de Legendre sont décrétées. Le conseil général de la commune de Paris fait part à la Convention d’un trait digne d’em¬ bellir les annales de la République française. Bignon, caporal fourrier de la compagnie ser¬ vant près la Convention, père de deux enfants, est venu déclarer au conseil qu’il prenait soin d’une jeune fille infortunée, sixième enfant d’un père dont la tête venait de tomber sous le glaive de la loi. La Convention entend avec le plus vif intérêt le récit de cette bonne action; elle en décrète la mention honorable et l’insertion au « Bulle¬ tin » (1). Suit la lettre du conseil général de la commune de Paris (2) : Au citoyen Président de la Convention nationale, « Ce 14e jour du 2e mois de l’an II de la République française, une et indivisible. « Citoyen Président, « Le conseil général de la commune de Paris, jaloux de donner aux belles actions la plus grande publicité, m’a chargé, comme son pré¬ sident, de te faire part d’un trait digne d’em¬ bellir les annales de la République française. « Le citoyen Bignon, caporal-fourrier de la compagnie servant près de la Convention, père de deux enfants, est venu déclarer au con¬ seil général qu’il prenait soin d’une jeune fille infortunée, sixième enfant d’un père dont la tête venait de tomber sous le glaive de la loi. « Je ne veux pas, disait-il, faire jactance d’une action que chacun de vous s’empresse¬ rait de faire, mais vous prier de dissiper mes craintes et m’assurer si, en croyant remplir un acte d’humanité, je ne me rendrais pas cou-(1) Procès-verbaux de la Convention , t. 24, p, 318. (2) Archives nationales, carton C 280, dossier 764; Supplément au Bulletin de la Convention du 4e jour de la 2e décade du 2e mois de l’an II (lundi 4 no¬ vembre 1793); Moniteur universel [n° 46 du 16 bru¬ maire an II (mercredi 6 novembre 1793), p. 187, ‘col. 3] ; Journal des Débats et des Décrets (brumaire an II, n° 412, p. 200). pable envers ma patrie que j’ai juré de servir jusqu’à la mort. » « Un tel acte de générosité, joint à des milliers d’autres semblables dont nous sommes jour-» bellement les témoins, ne contribueront pas peu à illustrer la nation française, et à con¬ vaincre les ennemis même de notre glorieuse révolution qu’il n’appartient qu’à des hommes vraiment libres de montrer autant de grandeur d’âme et de générosité. « Je t’invite à faire part de ma lettre à la Convention nationale. « Ton concitoyen, « Lubin, vice-président du conseil général de la commune de Paris. » *, Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets (1) : Un secrétaire ht : Lettre du vice-président du conseil général de la commune de Paris, datée du 14e jour du 2e mois. ( Suit le texte de la lettre que nous insérons ci-dessus d'après un document des Archives natio¬ nales.) La Convention applaudit. On renvoie aux comités de Salut public et des finances réunis une lettre du représentant du peuple dans la 15e division, qui annonce que les opérations relatives à la levée des chevaux de cavalerie et d’artillerie s’avancent avec rapi¬ dité. La municipalité aristocrate de Blois est (1) Journal des Débats et des Décrets (brumaire an II, n° 412, p. 200). D’autre part, nous avons re¬ trouvé dans le Mercure universel [15 brumaire an II (mardi 5 novembre 1793), p. 74, col. 2] la lettre que le citoyen Bignon avait adressée à la commune de Paris. Nous reproduisons, d’après ce journal, la partie du compte rendu de la séance du 13 bru¬ maire de la commune de Paris, où se trouve cette lettre : Chaumette donne lecture de la lettre suivante i « Grâce à notre heureuse Révolution, les crimes sont personnels, et l’enfant d’un coupable ne voit plus voltiger sur sa tête un préjugé flétrissant. Pé¬ nétré de cette vérité, je viens déclarer au conseil de la commune que je prends soin de cette malheu¬ reuse fille, sixième enfant d’un père dont la tête vient de tomber sous le glaive de la loi. Je crois devoir remplir les vœux et l’engagement que j’ai pris, lors de sa naissance, en lui servant de père. Je ne viens pas ici faire jactance d’une action que chacun de vous s’empresserait de faire, mais vous prier de dissiper mes craintes et m’assurer si, en croyant remplir un acte d’humanité, je ne me ren¬ drais pas coupable envers ma patrie que j’ai juré de servir en répandant jusqu’à la dernière goutte de mon sang: Je vous demande votre avis et acte de ma déclaration. « Signé : Pierre-Denis Bignon, caporal-fourrier des vétérans servant près la Convention. » (Vifs applaudissements. ) Le conseil ordonne la mention civique de cette adoption. Il invite le Président à écrire au Président de la Convention pour lui faire part de ce trait su¬ blime. Il arrête de plus qu’il sera dQnné une mé¬ daille du 10 août au citoyen Bignon.