241 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. née de l’arrivée, en observant les formalités prescrites pour les entrepôts, et sous les peines déterminées par l’article 5 ci-après. Art. 2. « Il pourra être établi dans lesdits ports, aux frais du commerce, et dans les lieux qui seront convenus avec la régie nationale des douanes, des dépôts où les tafias des colonies françaises, reçus en entrepôt, pourront être convertis en rhum, en exemption de droits, à la charge d’être également réexportés dans l’année à l’étranger. Art. 3. « Les cours et bâtiments destinés auxdites fabriques n’auront de communication extérieure que par une seule porte placée du côté du port, laquelle fermera à deux ciels différentes, dont une sera remise à un préposé de la régie nationale des douanes, et l’autre aux propriétaires. Lesdits tafias et rhum ne pourront être extraits desdits bâtiments, que pour être transportés dans les magasins de l’entrepôt, ou pour être embarqués à la destination de l’étranger. Art. 4. « Les habitants des ports dénommés dans l’article 1er pourront également recevoir en entrepôt, et réexporter à l’étranger, en exemption de droits, les raisins de Corinthe. Art. 5. « Toute soustraction et tout versement auxquels les entrepôts, transvasements et conversions permis par le présent décret pourraient donner lieu, seront punis par la confiscation de la marchandise ou de sa valeur, et d’une amende de 300 livres pour la première fois; en cas de récidive, l’amende sera du double, et celui qui aura fait, ou contribué à la fraude, sera déchu de la faculté d’entrepôt ou de fabrication. Les propriétaires des marchandises seront garants, à cet égard, des faits de leurs agents. » (Ce décret est adopté.) M. le Président. Voici, Messieurs, une lettre des gens de couleur actuellement à Paris : « Monsieur le Président, « L’Assemblée nationale a rendu le 15 mai dernier un décret en faveur des gens de couleur nés de pères et mères libres; ce décret fut suivi d’une instruction et des commissaires furent nommés pour les porter à Saint-Domingue et pour y faire exécuter le décret. Aucune de ces mesures n’a été exécutée et nous sommes instruits que ie comité colonial travaille pour faire retirer ce décret. « Dans l’état de perplexité où nous met cette nouvelle, nous vous supplions de vouloir bien obtenir de l’Assemblée que nous soyons entendus à la barre avant la discussion de cet objet. « Nous sommes, etc. » M. Dupont. J’observerai, Messieurs, que l’attention de l’Assemblée est particulièrement attirée par deux objets importants pour lesquels le temps que la session a encore à tenir n'est pas même assez long peut-être, car vous n’aurez plus que sept séances avant votre séparation : ces deux objets sont, d’m e part, les bases de l’éducation publique, et, de l’autre, l’institution de l’assistance publique, pour les secours à accorder aux pauvres, afin qu’on ne vous accuse pas de vous lre SÉmii. T. XXXI. [23 septembre 1791.] être emparésdes biens ecclésiastiques sans remplacer la source des bienfaits auxquels ils étaient en partie destinés. Or, je disque, dans le doute où vous êtes de faire actuellement une loi sage sur les colonies, vous ne pouvez qu’ajourner cette question à la prochaine législature pour vous consacrer entièrement à l’étude des deux objets que je viens d’indiquer. M. Briois-Beaumetz. Le sort des colonies dépend essentiellement du décret que vous rendrez; le sort du commerce, celui de la France en dépendent également; il ne faut donc pas négliger de le rendre. Nous aurions l’air de ne pas oser le bien ( Mouvements divers) ; nous aurions l’air d’appréhender cette question que nous avons à résoudre, si nous nous déchargions de ce devoir sur la prochaine législature. M. Dupont. Je m’intéresse autant qu’un autre aux colonies ; mais je m’intéresse encore plus au bien de la France et au salut des individus de la métropole. M. d’André. Je demande tout simplement d’attendre que l’Assemblée soit plus nombreuse pour traiter ce point-là; car si nous allons maintenant discuter l’ajournement d’une question que nous avons mise à l’ordre du jour pour aujourd’hui, on fera révoquer dans un autre moment cet ajournement tout de même qu’à présent vous révoqueriez le décret qui a mis cette question à l’ordre du jour. Si donc vous voulez examiner la demande d’ajournement qui est faite, je n’ai pas à m’y opposer et je n’ai rien à dire; mais je demande que ce soit au moment où l’Assemblée sera assez complète pour que, demain matin, on ne vienne pas nous dire de révoquer l’ajournement, si vous l’avez prononcé. Plusieurs membres : L’ordre du jour ! (L’A-semblée, consultée, décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) L’ordre du jour est un rapport des comités de Constitution , diplomatique et d'Avignon sur l'établissement des pouvoirs constitués et leur organisation provisoire dans les ci-devant Etats d'Avignon et du Comtat Venaissin. M. de llenou, rapporteur. Messieurs, l’Assemblée nationale, par son décret du 14 septembre dernier, qui ordonne la réunion d’Avignon et du Comtat Venaissin à l’Empire français, a en même temps ordonné aux comités réunis de Constitution, diplomatique et d’Avignon, de lui présenter un projet de décret sur l’organisation provisoire de ces deux pays, jusqu’à leur organisation définitive. Voici le projet de décret que vos comités m’ont chargé de vous présenter à cet égard : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités de Constitution, diplomatique et d’Avignon, décrète ce qui suit ; « Les trois commissaires qui, en vertu du décret du 14 sepmmbre dernier, portant réunion d’Avignon et du Comtat Venaissin à la France, doivent être envoyés par le roi dans ces deux pays, dirigeront provisoirement l’organisation du territoire et l’établissement des pouvoirs publics dans les ci-devant Etats réunis d’Avignon et du Comtat Venaissin, conformément aux articles ci-après : 16 242 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1791.] « Art. 1er. L’assemblée électorale des deux Etats réunis d’Avignon et du Comtat Venaissin, séant à Bédarides, ainsi que toutes les municipalités de ces deux pays et les autr s corps, soit civils, soit judiciaires, soit administratifs, qui avaient pu y être établis depuis le mois de septembre 178$ jusqu’à ce jour, sont et demeurent suppiimés; et il sera formé une nouvelle organisation provisoire, conformément aux articles suivants : « Art. 2. Les Etats réunis d’Avignon et du Comtat Venaissin, séparés enrquatre districts par les arrêtés de la ci-devant assemblée électorale des 29 et 30 mars dernier, seront provisoirement divisés en deux districts dont les chefs-lieux seront Avignon et Carpentras. « Art. 3. Le district d’Avignon comprendra toutes les communes qui lui avaient été attribuées ainsi que celles qui l’avaieut été à Cavaillon : celui de Carpentras comprendra toutes celles qui lui avaien tété pareillement attribuées, en y joignant Vaisan et les communes qui y avaient été réunies. « Art. 4. Les deux nouveaux districts resteront provisoirement divisés en cantons, suivant la division qui en avait été faite par les mêmes arrêtés de l’assemblée électorale des 29 et 30 mars dernier. « Art. 5. Il sera provisoirement, établi un juge de paix dans chaque canton. « Art. 6. Il sera créé provisoirement dans chacun des deux nouveaux districts, une administration de district et un tribunal de district dont la composition sera conforme à ce qui est prescrit par les décrets de l’Assemblée nationale. Art. 7. Dans chaque commune, il sera formé une nouvelle municipalité, d’après les règles prescrites par les différents décrets de l’Assemblée nationale. « Art. 8. Il sera provisoirement procédé à l’inscription des citoyens actifs sur le rôle des gardes nationales, aux termes de la loi. « Art. 9. Les conditions qui avaient été prescrites par les deux Etats réunis, pour être citoyen actif, seront provisoirement exécutées, jusqu’à ce que le moue d’imposition, décrété par l’Assemblée nationale, soit établi à Avignon et dans le Comtat Venaissin. « Art. 10. Les citoyens actifs se réuniront dans chaque commune, pour nommer les officiers municipaux, aux termes des décrets. « Art. 11. Les citoyens actifs de chaque canton se réuniront pour nommer les juges de paix; ils se réuniront en assemblée primaire pour nommer les électeurs. « Art. 12. Les électeurs des deux districts se rassembleront provisoirement à Bédarides pour procéder : 1° à la nomination de 3 députés au Corps législatif, dont uo sera nécessairement pris dans le district d’Avignon, un autre dans celui de Carpentras, le troisième indifféremment dans l’un ou l’autre district; 2° à la nomination d’un membre au tribunal de cassation, sans que des dispositions mentionnées au présent article ou puisse tirer aucune conséquence pour l’uve-nir. « Art. 13. Les électeurs, après ces nominations faites, se réuniront dans leurs districts pour procéder : 1° à la nominatiou des 12 membres devant composer le conseil et le directoire de chaque district; 2° à la nomination de 5 juges qui composeront le tribunal de chaque district. Il sera commis provisoirement à l’exercice des fonctions de commissaire du roi auprès des deux tribunaux. « Art. 14. Il sera choisi, parmi les membres du conseil de chaque district, 3 commissaires qui, de concert avec les commissaires du roi, vérifieront la dette des deux pays et en dresseront les états. « Art. 15. Les administrations provisoires des deux districts de Carpentras et d’Avignon ne seront soumises à aucune administration de département; mais leurs actes, jusqu’à l'organisation définitive, devront être revêtus de l’approbation des commissaires du roi; et le pouvoir exécutif aura le droit d’annuler leurs actes et de suspendre les administrateurs de leurs fonctions, conformément à ce qui est prescrit par la Constitution ou par les lois. « Art. 16. Les commissaires du roi sont autorisés à désigner provisoirement ceux des tribunaux voisins auxquels seront portés les appels des jugements rendus par les tribunaux de district de Carpentras et d’Avignon. « Art. 17. Si, par l’organisation définitive, les districts de Carpentras et d’Avignon n’éprouvent pas une diminution du quart de leur population actuelle, en plus ou en moins, les administrations et tribunaux resteront composés dans leur entier, tels qu’ils l’auront été par cette organisation provisoire. S’ils éprouvent un changement du quart de leur population, le Corps légistatif statuera sur l’existence ou le mode d’organisation des corps administratifs et des tribunaux. Il en sera de même des juges de paix. « Art. 18. Le traitement des citoyens élus par le peuple ou nommés par le roi sera le même que celui fixé par les décrets de l’Assemblée nationale. « Art. 19. Les tribunaux de district, outre les causes qui leur sont de droit attribuées, connaîtront encore de toutes les causes criminelles et de commerce en observant les formes décrétées par l’Assemblée nationale. « Art. 20. La police municipale et correctionnelle sera exercée aux termes et en la forme des décrets. « Art. 21. Les officiers publics qui remplissaient les fonctions d’huissiers et d’appariteurs auprès des anciens tribunaux rempliront provisoirement les mêmes fonctions auprès des nouveaux tribunaux en prêtant le serment prescrit; ii en sera de même des notaires jusqu’à l’organisation définitive. « Art. 22. Il sera pourvu provisoirement aux frais nécessaires pour les établissements ci-dessus mentionnés, et pour l’exécution du présent décret. Le Trésor public en fera les avances. « Art. 23. La première législature statuera sur la quotité et la perception des contributions foncière et mobilière et toutes autres que devront supporter par la suite les deux Etats réunis. « Art. 24. Il ne sera rien statué sur le clergé des ci-devant Etats d’Avignon et du Comtat Venaissin, que par l'organisation définitive ; mais il restera provisoirement en l’état fixé par l’assemblée électorale. Les commissaires du roi, de concert avec les administrations de districts, feront dresser un état exact des biens nationaux qui existent dans les deux Etats, et pourvoiront à ce qu’il n’y soit commis aucune déprédation. « Art. 25. Les commissaires du roi, ue con ert avec les commissaires de dis tri-1 chargés de vérifier la dette et d’en faire dresser l’état, seront également cha gés de vérifier le nombre des offices ayant finances, supprimés par le fait de la réunion des deux Etats à la France, et d’en faire dresser l’état. A cet effet, les titulaires de 243 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1791.] charges et offices remettront leurs titres aux commissaires ci-dessus dénommés. « Art. 26. Les commissaires du roi resteront dans les deux Etats réunis, jusqu’à l’époque où l’organisation définitive sera terminée. Ils aurout droit de requérir la force publique; et, conformément à ce qui leur sera prescrit par le roi, ils feront exécuter dès à présent celles des lois françaises que comporte l’état actuel des deux pays réunis. « Art. 27. Le pouvoir exécutif, sur la demande des commissaires du roi, fera rassembler et marcher les troupes de ligne et les gardes nationales, tant des deux nouveaux districts que des départements voisins, pour l'exécution des décrets et le maintien de l’ordre public. <• Art. 28. L’amnistie décrétée le 13 septembre par l’Assemblée nationale aura son effet dans les territoires d’Avignon et du Gomiat Venaissin. La rent ée des émigrants sera protégée par tous les moyens que détermine la loi. La sûreté de leurs personnes et de leurs propriétés est spécial ment sous la responsabilité des municipalités et des corps administratifs. » (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) M. d’André. J’ai diverses observations à présenter mr ce projet de décret ; elles portent sur l’article 12. Je ne p nse pas qu’il soit possible d’accorder à deux districts la nomination d’un membre au tribunal de cassation; ce serait accorder un avantage que 43 départements n’ont pas. Ainsi je demande la question préalable sur cet objet-là. Je demande ensuite la question préalable sur l’envoi de trois députés au Corps législatif. La réunion d’Avignon et du Gomiat à la France doit être suivie d’une agrégat on d s territoires de ces deux Etats aux départements voisins, et il est très essentiel que l'Assemblée nationale prononce qu’Avignon et le Comtat ne formeront point un département. Il y a pour cela une foule de raisons : î° c’est que peut-être ce sera un motif d’inquiétude dans le pays que l’idée de pouvoir former un département ; 2° c’est que, le Gomtat et Avignon ne formant qu’une population de 150,000 âmes, ne pouvant supporter au plus que trois districts, en les faisant même bien petits, il est impossible que vous en formiez un département ; 3° c’est qu’il est utile pour le pays, qui a été déchiré par des factions, par un esprit de guerre civile dont l’origine était dans deux villes différentes, Avignon et Garpentras, qu’il soit divisé entre des départements différents, afin que les semences de haine et de division soient absolument arrachées. Je demande donc qu’il soit décrété dès à présent qu’Aviguon et le Gomtat ne feront point un département. M. Bouche. Sur ce qui concerne la députation à l’Assemblée législative, j’ai une simple réflexion à faire : je crois qu’il est important d’abord que l’on prononce... ( Murmures et interruption.) Je sens très bien ce que l’on peut objecter à ce sujet ; je sais qu’il est étonnant que deux districts dans le royaume aient particulièrement des députés à eux, lorsque des départements entiers en ont à peine un très petit nombre; mais il est important que le pays Venaissin et la ville d’Avignon aien t auprès du Corps législatif des membres à eux, qui fassent connaître l’état du pays, qui donnent des instructions, des renseignements nécessaires à cet égard ; et, vu la nécessité, j’appuie le projet du comité qui comporte l’envoi de députés par Avignon et le Gomtat ; mais je demande que le nombre de ces députés soit de deux seulement. M. La vie. Ce n’est pas assez pour 150,000 âmes. M. de Menou, rapporteur. Je répondrai aux observations qui ont été faites par M. d’André que jamais les comités n’ont eu l’intention de faire du Gomtat et d'Avignon un département ; mais ils ont cru qu’on ne pouvait faire la division de ces deux pays entre les départements voisins, sans entendre des députés nommés par ces deux Etats au corps législatif. Quant au membre du tribunal de cassation, le comitéde Constitution a cru particulièrement que les deux Etats qui sont en jeu étant régis par des lois différentes des nôtres, il était intéressant qu’il y eût quelqu’un de ces pays qui pût défendre leurs intérêts. M. d’André. En présence des observations qui viennent d’être présentées tantparM. Bouche que par M. le rapporteur, je ne m’oppose plus à ce que le pays d’Avignon et le Gomtat aient deux députés au Corps législatif, même trois; cela m’est égal, mais je m’oppose de nouveau à ce que ces deux pays fournissent un membre au tribunal de cassation, parce que ce serait une injustice évidente; je m’oppose également à ce que la formation en département soit décrétée, parce que le premier chapitre de votre Constitution dit que la France est divisée en 83 départements et que certainement l’addition d’un pays de 150,000 âmes ne peut pas faire changer cette disposition. M. de Menon, rapporteur. D’après la discussion qui vient d’avoir lieu, \oiciles modifications que je propose d’insérer dans le projet de décret: 1° Ajouter à l’article 2 une disposition portant qu’Avignon et le Gomtat ne pourront former un 84° département, mais qu’ils seront divisés entre les departements environnants; 2° Supprimer de l’article 12 la disposition qui autorise ces deux pays à nommer un membre au tribunal de cassation. (Ges deux modifications sont mises aux voix et adoptées) . M.Gaultier-Biauzat.Je ferai une autre observation sur l’article 12 : il y est dit que Us électeurs s’assembleront provisoirement à Bédarides pour y procéder à la nomination des députés au Corps législatif; je demande la suppression du mot « provisoirement ». Il suffit, à mon avis, de dire que les électeurs s’assembleront à Bédarides pour nommer des députés; plus tard, lorsque les deux Etats seront divisés entre les déparlements environnants, ils procéderont à lanomination des députés comme les départements auxquels ils seront rattachés, suivant le mode prescrit par la Constitution. Je demande également qu’il soit dit dans les mêmes articles que les électeurs nommeront deux suppléants aux députés qu’ils enverront au Corps législatif. Une dernière observation porte enfin sur l’article 17 qui traite des modifications que le Corps législatif pourra apporter à l’organisation créée par le décret actuellement en discussion, au cas où des changements viendraient à survenir dans