[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 septembre 1789.] 601 oubliait qu’il ne doit commander qu’au nom de la loi. ne pourrait-il pas dire : « Quel est celui de mes prédécesseurs qui acon-senti et sanctionné des lois si impérieuses? Quel est celui qui a signé l’acte qui borne et fixe mon pouvoir?... Aucun... Je puis donc choisir dans mes aïeux le modèle qui me convient. » S’il est vertueux, il choisira Louis XVI; mais \ si c’est un tyran, il imitera Louis XL La France perdra sa Constitution, et sera plongée dans un déluge de sang. La régénération de l’Etat, Messieurs, dans ce moment de danger et de crise, apprendra à l’univers que la nation française, accablée de malheurs et d’une dette immense, s’est relevée avec la splendeur qui lui convient, par la sagesse et la fermeté de ses représentants ; que le vertueux monarque qui nous gouverne, trompé pendant quelque temps, a fini par écouterles conseils de sa nation fidèle; qu’il lui a confié la rédaction des lois nécessaires à la prospérité de son empire ; qu’il les a sanctionnées, sans soupçonner ses peuples de vouloir attenter à ses prérogatives royales ; mais qu’il s’est regardé comme le père d’une nombreuse famille, dont il a voulu assurer l’existence d’une manière authentique ; et cette sage Constitution, que vous allez établir, honorera les législateurs qui y auront présidé; et le prince auguste qui les a assemblés sera l’objet de l’amour et du respect de ses peuples. Le nom sacré de Louis XVI sera prononcé avec attendrissement par les races futures ; et le contrat social, que Sa Majesté va signer avec sa nation, deviendra le lien indestructible de son pouvoir, et le garant de la liberté de la France. Je conclus à l’arrêté suivant : L’Assemblée nationale, considérant que les questions de la permanence des Assemblées nationales, de l’organisation de l’Assemblée dans uneou deuxChambres, et le consentement de la nation à la sanction royale, sont les bases de. la Constitution et le rempart de la liberté publique, après avoir pesé dans sa sagesse les avantages et les inconvénients des différents projets relatifs à ces trois questions, a décrété l’arrêté suivant : 1° L’Assemblée nationale déclare qu’elle sera permanente ; que chaque année les représentants de la nation s’assembleront pendant quatre mois aux époques qui seront indiquées, et qu’ils y recevront les comptes de tous les agents de l’autorité ; 2° Que l’Assemblée nationale sera composée d'une Chambre unique; que les Assemblées élémentaires se feront tous les trois ans, et que les peuples auront le droit à ces époques de nommer de nouveaux représentants; 3° Que les lois nouvelles n’auront force de lois que lorsqu’elles auront été sanctionnées par le Roi ; 4° Que les lois auxquelles Sa Majesté accordera sa sanction seront exécutées sur-le-champ, et seront lois du royaume; 5° Que les lois que Sa Majesté refusera de sanctionner demeureront sans force ni exécution jusqu’à ce que les peuples, convoqués de nouveau, aient manifesté leur vœu positif sur la loi refusée par le mouarque; 6° Que dans le cas où les peuples demanderaient la sanction d’une loi refusée par le Roi à la session précédente, Sa Majesté, sur le vœu réitéré des peuples, ne pourra, dans aucun cas, refuser sa sanction royale. La lin du discours de M. le marquis de Sillery est fréquemment interrompue. Les deux partis qui existent dans l’Assemblée s’agitent d'une manière très-bruyante. Le président ne parvient pas à se faire entendre malgré l’usage très-fréquent delà sonnette. Plusieurs membres pensent que les questions disculées depuis plusieurs jours sont suffisam-\ ment éclaircies. M. le Président consulte la Chambre qui décide, à la majorité, que la discussion ne sera pas prolongée au delà de la première séance. M. le Président lève la séance après en avoir indiqué une pour ce soir sept heures. Du lundi 7 septembre 1789, au soir. Lecture a été faite delà liste ci-après des membres choisis par chaque généralité pour composer le comité d’agricullure et de commerce (1). GÉNÉ RAL1TÉS. MM . L'un de MM. les secrétaires a lu la notice de différentes adresses de félicitations, d’adhésion et de respect envoyées à l’Assemblée de la part de la noblesse du Labour, du comité national du bailliage de Saint-Sauveur-Lendelin, séant en la ville dePerriers; des officiers municipaux de la paroisse deMatigny, bailliage de héron ne, qui demandent une justice royale; des électeurs du clergé, de la noblesse et des communes du bai 1- (1) Le comité s’assemble tous les luudi, mercredi et vendredi de chaque semaine. 602 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. liage de Montremy en Bourgogne, qui autorisent leurs députés à faire abandon des privilèges particuliers du duché de Bourgogne ; des notaires et procureurs de la communauté de Solliôs en Provence, qui demandent une justice royale ; de tous les ordres de la ville de Saint-Brieuc; des communes de la ville d’Egletons en Limosin; de M. l’archevêque d’Avignon, contenant renonciation aux droits féodaux et aux dîmes dont son siège jouissait en France; de l’université de Toulouse, et des villes et communautés de Mirebeau, de Fayence, de Digne, d’Ollioules, de la Yerdière, de Biôt, d’Auriol, de la Gadière, de Six-Fours, de vSeillans, de Gamps, de Quinson, d’Hyères, ü’En-trecastoaux, de Cannes, de Tavernes, de Salem es, de Mezel, de Roquebrune, de Castellane, de Saint-Tropez, de Mazargues, de Mane, de Gipières et d’Antibes en Provence. 11 a été présenté ensuite un exemplaire d’un ouvrage ayant pour titre : Sur la réforme du clergé et sur une meilleure distribution des biens ecclésiastiques par M. l’abbé Castan de la Courtade, professeur au collège royal de Béziers, qui en fait hommage à l’Assemblée nationale. Le comité des finances ayant fait lecture à l’Assemblée de deux projets de décrets, l’un relatif à la gabelle, l'autre à la manière d’exécuter le décret national par lequel le clergé, la noblesse et les privilégiés se sont engagés à supporter dès à présent, pour les six derniers mois de cette anuée, dans la proportion de leurs propriétés, et sans aucune distinction, les impositions établies, ces projets ont été livrés à une discussion préalable, après laquelle l’Assemblée a délibéré qu’ils seraient renvoyés dans les bureaux pour y être examinés, et là discussion publique en être reprise incessamment. M. le Président a annoncé la prochaine séance pour mercredi huit heures et demie du matin. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE LA LUZERNE, ÉVÊQUE, DUC DE LANGRES. Du mercredi 9 septembre 1789, au matin. Un des secrétaires a fait lecture d’une adresse de félicitations, reiperciements et adhésion aux arrêtés de l’Assemblée, de la part de la ville et paroisse du palais de Belle-lsle-en-Mer; d’uqe semblable adresse de la part de la ville d’Orthez en Béarn ; de la lettre du sieur de Sucy, citoyen de Valence en Dauphiné, par laquelle il fait hommage à l’Assemblée d’un acte de renonciation aux avantages qui résultent, en sa faveur, du testament de son père, et qui pourraient établir la moindre inégalité entre lui et ses trois sœurs ; d’une lettre du sieur J. Martin, qui adresse à l’Assemblée, pour son comité des finances plusieurs exemplaires d’un ouvrage intitulé: Etre unes financières ou Recueil des matières les plus importantes en finance , banque , commerce , etc. Il a été annoncé qu’un citoyen de Valence avait fait remettre une montre d’or pour être jointe aux bijoux dont le sacrifice a été fait, à la séance précédente, en faveur de la dette publique. [9 septembre 1789.] li a été ensuite fait lecture d’une lettre adressée à M. le président par M. Delahaye Delaunay, député d’Orléans, au nom d’une dame, sa parente, qui désire que son nom reste inconnu, et qui a fait remettre sur le bureau un collier et un chiffre de brillants de la valeur de 8,003 livres environ, dont elle a fait le sacrifice à la patrie. L’Assemblée a donné les plus vifs applaudissements à ces généreux sacrifices et au patriotisme qui les a déterminés. On a repris l’ordre du jour sur l'organisation du Corps législatif, la permanence et la sanction royale. M. le Président a développé à l’Assemblée le plan, d’après lequel il désirait soumettre à la délibération les différentes questions qui ont été discutées pendant le cours de la semaine dernière. En voici l’extrait : Trois propositions ont été agitées dans l’Assemblée nationale : la permaneuce ou la périodicité des Etats généraux, leur formation en une ou deux Chambres et la sanction royale. 11 est dans l’ordre de résoudre préalablement la proposition faite par M. l’abbé Sieyès, qui tend à discuter d’abord l’organisation et la formation des assemblées provinciales et municipales. 11 existe deux formes : proposer d’abord les arrêtés, et ensuite les amendements. Il convient de ne poser que des questions simples. Dans le cas où l’Assemblée délibérerait sur la forme des arrêtés, il faudrait discuter quel sera le premier arrêté soumis à la discussion. Ces projets renfermeront-ils à la fois toutes les questions ? Dans le cas où il faudrait les débattre, je vais vous les présenter. La première question est celle de la permanence. Sera-t-elle permanente ou périodique 7 Si l’on décide que l’Assemblée sera permanente, vous avez encore à décider dans quel temps les membres se renouvelleront : le Roi aura-t-il le droit de dissoudre le Corps législatif ? La sanction royale est la seconde question. Le Roi pourra-t-il exercer le veto indéfiniment ou pendant un temps déterminé ? Ne pourra-t-il l’exercer qu'en dissolvant l’Assemblée ? Il faut, dans le dernier cas, distinguer le terme de ce pouvoir. Le Roi ne pourra-t il refuser la sanction que pendant le cours d’une, deux ou trois législatures ? Et quant au pouvoir, le veto sera-t-il décidé dans les Assemblées bailliagères, ou l’Assemblée nationale lèvera-t-elle elle-même le veto ? L’organisation du pouvoir législatif est la troisième question. L’Assemblée nationale sera-telle composée d’une ou de deux Chambres? Seront-elles formées de la même manière ? S’il y a des différences, quelles seront-elles ? D’abord y aura-t-il égalité de membres dans les deux Chambres? Faudra-t-il être d’un âge plus avancé pour être admis dans telle Chambre que dans telle autre ? Exigera-t-on une propriété plus considérable pour l’une des deux Chambres que pour l’autre ? L’élection sera-t-elle la même ? Les membres de l’une seront-ils choisis par le Roi, sur la présentation des Assemblées provinciales ? L’exercice d’une des deux Chambres sera-t-il plus long que celui de l’autre ? Les membres de l’une des deux Chambres seront-ils à vie ou pour un petit nombre d’années ? Comment les deux Chambres seront-elles appelées ? Seront-elles distinguées par leurs fonctions ?