316 [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [24 juillet 1790.] ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TREILHARD. Séance du samedi 24 juillet 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Coster, secrétaire , lit le procès-verbal de la séance d’hier, qui est adopté sans réclamation. M. le Président fait part à l’Assemblée d’une lettre de M. Regnard, député du département de l’Àllier, qui, de l’avis de sa députation, et pour raisons à elle communiquées, demande un congé de trois semaines ; le congé est accordé. M. Bouche. Il y a déjà huit jours que vous avez rendu un décret portant que le roi sera supplié d’envoyer des troupes à Orange. Ce décret n’est point encore mis à exécution, et cependant les troubles augmentent dans le comtat d’Avignon. Il est même à craindre qu’il n’en résulte les plus grands malheurs. Je demande que M. le président soit chargé d’écrire au ministre de la guerre, pour qu’il envoie sur-le-champ des troupes dans la ville d’Orange et lieux circon voisins, pour assurer la tranquillité de ce pays. M. Rewbell. C’est au roi que M. le président doit s’adresser; je demande qu’il se retire pur-devers lui, pour le supplier de prendre les précautions nécessaires pour que les propriétés que la nation possède à Avignon soient en sûreté. M. Bouche. J’appuie la motion de M. Rewbell, pour demander à Sa Majesté de veiller à la conservation des propriétés de la nation à Avignon. Nous avons dans cette ville des archives, des greniers à sel, des magasins de tabac : il est donc instant d’aviser. Plusieurs membres font remarquer que l’Assemblée n’est pas assez nombreuse sur la motion importante relative à Avignon. (La motion relative à l’envoi des troupes à Orange est adoptée.) M. le Président annonce qu’il a présenté hier à la sanction du roi les décrets suivants : « 1° Décret portant que les délits de chasse, commis dans les plaisirs du roi, doivent être poursuivis par-devant les juges ordinaires. » « 2° Décret qui fait défense aux trésoriers et autres de la ci-devant province de Languedoc de payer aux personnes à qui la commission provi-visoiro l’avait destiné, sur les impositions, la somme de 70,645 livres 10 sous 7 deniers, et charge le trésorier de ladite somme pour la représenter au commissariat des départements de cette province. » M. Rabaud $aint-Etienne.(jVous avez rendu un décret sur l’uniforme que doivent porter toutes les gardes nationales du royaume : vous n’êtes entrés dans aucun détail et chacun les règle à sa fantaisie; il en peut naître des inconvénients; en conséquence, votre comité de Constitution vous propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale renvoie à son comité militaire, pour lui présenter dans huit jours un règlement de détail concernant l’entier uniforme des gardes nationales, décrété le 19 du courant, quant à la forme du bouton, et son exécution. *■> (Ce décret est adopté.) M. l’abbé Gouttes, au nom du comité de li-quida'ion, propose un décret relatif à la solde de six premiers mois , due aux officiers et sous-officiers au ci-devant régiment des gardes-françaises. Ce projet de décret est adopté, sans discussion, dans les termes suivants : « Le ministre de la guerre fera payer les appointements des six premiers moK de la présente année dus aux officiers et sous-officiers du régiment des ci-devants gardes-françaises; et, à compter du premier de ce mois, lesdits appointements ne seront plus à la charge du Trésor public. » M. Chasset, rapporteur du comité ecclésiastique. Il se présente plusieurs personnes pour l’acquisition des biens nationaux, situés, soit dans Paris, soit dans les environs. Je ne sais pourquoi ceux qui en jouissent actuellement ne permettent à personne de les examiner. Le département de Paris n’étant point organisé, il est nécessaire de donner à la municipalité actuelle les pouvoirs d’exercer les fonctions de directoire de district, relativement à l’aliénation de ces biens. Voici, en conséquence, le projet de décret que votre comité ecclésiastique vous propose: « L’Assemblée nationale, en expliquant son décret du 8 juin dernier, décrète que la municipalité de Paris est autorisée à remplir les fonctions du directoire de district, par rapport aux biens ecclésiastiques, non seulement dans ladite ville, mais encore dans toute l’étendue du département de Paris; et ce provisoirement jusqu’à ce que l’administration dudit département et de ses districts, ainsi que leurs directoires, soient en activité. » (Ce projet de décret est adopté sans discussion.) M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion sur le projet de décret relatif au traitement du clergé actuel. M. Chasset, rapporteur. Je vais vous faire lecture de tous les articles décrétés sur le traitement du clergé actuel. Votre comité vous prévient qu’il a fait des changements et des additions aux articles conformément aux divers amendements qui ont été proposés et ajournés pendant la discussion. Je lis l’article premier et le deuxième : Art. 1er. « A compter du premier janvier 1790, le traitement de tous les évêques en fonctions est fixé ainsi qu’il suit : « Ceux dont tous les revenus ecclésiastiques ne voni pas à 12,000 livres, auront cette somme. « Ceux dont les revenus excèdent cette somme, auront 12,000 livres, plus la moitié de l’excédent, sans que le tout puisse aller au delà de 30,000 livres. « Celui de Paris aura 75,000 livres; tous continueront à jouir des bâtiments et des jardins à leur usage, qui sont dans la ville épiscopale. Art. 2. « Les évêques qui, par la suppression effective de leurs sièges, resteront sans fonctions, auront pour pension de retraite les deux tiers du traitement ci-dessus . » (Les articles 1 et 2 sont adoptés.) M. Chasset, rapporteur. Le comité vous pro-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur. (Assemblée nationale.] pose maintenant un article additionnel pour fixer le traitement des évêques actuels qui donneraient leur démission. Il s’est él vé à ce sujet une difficulté entre le comité ecclésiastique et celui drs pensions, sur le traitement à faire aux démissionnaires. Le comité ecclésiastique a pensé que ces évêques devaient être traités comme ceux qui seront supprimés. Sur huit membres qui se trouvaient au comité des pensions, lors de la discussion, quatre ont pensé que ces évêques devaient être réduits à dix mille livres; c’est à vous de trancher la difficulté. Voici l’addition que je vous propose de faire à l’article 2, portant: « que les évêques supprimés jouiront des deux tiers du traitement qu’ils auraient eu, s'ils fussent restés en fonctions, pourvu que le tout n’excédât pas 30,0U0 livres. » II en sera de même à l'égard des évêques conservés qui se démettront. M. Camus. Vous avez déterminé que les pensions n’excédcront pas 10,000 livres ; ce n’était pas la peine d’en faire une loi, si vous accordez aujourd'hui une somme plus forte. M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély). Le décret relatif au traitement uu clergé actuel a précédé la loi sur les pensions. Le traitement à faire aux évêques qui donneront leur démission ne peut être déterminé par les principes de cette loi; il faut dite tout haut la grande vérité: il y aura dans la démission des évêques, ou des motifs puisés dans une délicatesse de conscience, sur laquelle l’homme ne peut avoir d’inspection, ou bien dans une opposition formelle au vœu national. Dans le premier cas, vous ne pouvez forcer les évêques à exercer leurs fonctions; dans le second, vous serez trop heureux d’être débarrassés, même en les payant un peu plus cher, de gens qui, en restant en place, ne feraient que contrarier votre Constitution. M. Rouche. Le traitement proposé par le comité des pensions me paraît trop favorable pour des gens ou malintentionnés, je n’attaque personne, ou qui préféreraient au travail une vie molle et oisive. Je demande qu’il ne soit rien donné à ceux qui ne prouveront pas que leur retraite est nécessitée par des infirmités ou par toute autre cause légitime. M. Gaultier de Riauzat. La majorité des évêques s’est constamment montrée opposée à votre Constitution; s’ils trouvaient le mêmeavan-tage en quittant leurs fonctions qu’en les remplissant, il serait à craindre qu’ils ne formassent une coalition, de laquelle il pourrait résulter les plus dangereux effets. Qui est-ce qui a déterminé tous les détracteurs de la Constitution? c’est l’intérêt. Eh bien ! prenez-les par là. Ces gens-là savent calculer; sans cela, je ne réponds pas des inconvénients. M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély). Je pense, comme le préopinant, que c’est l’intérêt qui a fait nos ennemis; mais je n’en tire pas les mêmes conclusions. Les évêques qui se trouveraient forcés de conserver l'exercice de leurs fonctions par le refus qu’on ferait de leur accorder une retraite, dans le cas où ils donneraient leur démission, se vengeraient en refusant des dispenses (j’atteste ce fait), ou se serviraient ainsi des pouvoirs qui leur sont laissés, pour arrêter l’action de votre Constitution, dans laquelle vous 317 les avez placés comme des rouages nécessaires. Nous aimons mieux, diraient-ils, vous contrarier, en restant en place, que de nous retirer avec 10,000 livres. Je suis bien persuadé que s’il ne fallait que de l’argent pour faire entrer dans la classe ordinaire des citoyens ceux de vos ennemis qui sont à la tète de la hiérarchie ecclésiastique, pour mettre à leur place des prêtres respectables et éclairés, vous ne balanceriez pas à faire le sacrifice. M. Camus. Nous ne devons avoir aucun embarras sur les dispenses de mariage. Il est évident que le contrat doit être séparé du sacrement. Que l’on ne croie pas quec’estlà un système nouveau. Ceux qui seront chargés d’un rapport à ce sujet, trouveront leurs meilleures raisons dans un ouvrage en deux volumes, publié il y a deux ans par un des hommes les plus pieux et les plus éclairés, M. Mordenau : cet auteur prouve que les dispenses de mariage sont du ressort de la puissance civile. Quand la loi est sage, il ne faut pas de dispense. Lorsque j’ai cherché quelles étaient les causes de l’empêchement du mariage au quatrième degré, j’ai été fort surpris de trouver, dans un des canons du concile de Latran, cette raison: «Comme il y a quatre éléments dans le corps humain, il faut aussi qu’il y ait quatre degrés d’empêchement au mariage. » M. Lanjuinais. Ceci mérite les plus sérieuses réflexions. Ou a porté l’audace jusqu’à sommer un évêque de donner une dispense à un père pour épouser sa fille. Les piètres auront toujours le droit de refuser la bénédiction nuptiale à ceux qui n’auront pas rempli les formalités. M. Martineau présente une rédaction qui est mise aux voix et adoptée en ces termes; Art. 3. « Le traitement desévêques conservés, qui jugeraientà propos de douner leur démission, sera des deux tiers de celui dont ils auraient joui étant en fondions, pourvu toutefois que ces deux tiers n’excèdent pas la somme de dix mille livres. » Les articles suivants, jusques et y compris le 15e, sont lus et admis sans réclamation, ainsi qu’il suit: Art. 4. « Les curés actuels auront le traitement fixé par le décret général sur la nouvelle organisation du clergé; et, s’ils ne voulaient pas s’en contenter, iis auront : 1° 1,200 livres: 2° la moitié de l’excédent de tous leurs revenus ecclésiastiques actuels, pourvu que le tout ne s’élève pas au delà de 6,000 livres; ils continueront tous à jouir des bâtiments à leur usage et des jardins dépendant de leurs cures, qui sont situés dans le chef-lieu de leurs bénéfices. « Art. 5. « Le traitement des vicaires actuels sera le même que celui fait par le décret général sur l’organisation nouvelle du clergé. » Art. 6. « Au moyen des traitements fixés par les précédents articles, tant en faveur des évêques que des curés et vicaires, la suppression du casuel et des prestations qui se perçoivent sous le nom de mesures par feu, ménage, moissons, pension, et sous telle autre dénomination que ce puisse être, aura lieu, à compter du 1er janvier 1791. Jusqu’à cette époque, ils continueront de les percevoir. Les droits attribués aux fabriques continueront d’être payés, même après ladite époque, suivant les tarifs et règlements. ». Art. 7. « Les traitements qui viennent d’être ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (24 juillet 1790.]